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of •*»*•*
I
(
LE GÉNÉRAL
VANDAMME
ET SA CORRESPONDANCE
A. DU CASSE
I' Mémoire» du rui lop«ph. du |irince
PARIS
LlSRIiniE âCKDEMlQUE
UKIIKR ET C", LIBRAIRES-ÉDITEUliS
3v/
.0-
VANDAMME
ET
SA CORRESPONDANCE
LIVRE VII
De la fin de 1799 au 24 mai 1800.
-o*^>s^^v:>-
Vandainnie est replacé à l'année de Batavie à la lin d'août 1?J9.
— Sa lettre à Beriiadotte, ministre de la guerre (4 septembre).
— Force et emplacement de l'année gallo-batave aux ordres
de Brune. — Commencement des liostilités (lin d'août). —
Combats du 27 août. — Attaque de la ligne du Zyp, le
10 septembre. — Rôle de Vandamme dans celte bataille
offensive. — Rapport de Brune à Bernadette. — Sa lettre
particulière du même jour ( 10 septembre). — Bataille défen-
sive de Bergen, le 19 septembi'e. — Vigueur et talents
rléployés par Vandamme au([uel on doit le succès de cette
journée glorieuse. — Rapi)ort du chef d'état-major général
au ministre. — Lettre de Brune à Vandamme (:20 septembre).
— Le général en chef offre cent fusils, pris sur l'ennemi, à
Vandfimme. — Bataille du 2 octobre. — Rôle de Vandamme.
— Rapport et lettre de Brune. — Bataille de Kastricuni
((» octobre). — Rapport du chef d'état-major. — Le duc d'York
entre en pourparlers. — Convention du 18 octobre pour l'éva-
cuation de la Nord-Hollande, par l'armée anglo-russe. —
Vandamme obtient un congé de convalescence de trois mois.
— Il est chargé de porter la convention au gouvernement
batavc. — Son discours aux Directeurs. — l/cttre du général
II. I
— 2 —
Boudct. — Vaiidamme passe le temps de sou congé à Casscl.
— Lettre de Moreau (8 janvier 1800). — 11 est appelé â
Farmée du Rhin (février 1800). — Composition de celte armée:
Vandamme, placé à l'aile droite, sous Lecourbe. — Plan de
campagne de Moreau. — Ses lettres au Premier Consul. —
Vandamme a la promesse d'un commandement sui)éricui
dans le Nord. — Moreau, Lecourbe et le Premier Consul.
Sujets de disseniimout. — Mémoii*o adressé par Moreau è
Bonaparte. — Commencement des opérations de rarinée du
Rhin (25 avril). — DispDsitions pour le passage du Rhin, pat
Taile droite (du 25 avril au l*"^ mai). — Passage du fleuve,
prise du fort de lla]ient\s'iel ( !«' mai ). — Ratailles de
Stockah, de Kngen, de Moskirch (13 mai). — Vandamme
l'eçoit Tordre de se rendi^e en Belgique (23 mai).
Au commencement d'août 1799, le Directoire fui
informé qu'une expédition anglo-russe, préparée
dans le plus grand secret, allait quitter la Grande-
Bretagne pour opérer une descente sur un poinl
du continent. On présumait généralement que
le pays menacé était la Nord-Hollande. Bien-
tôt le cabinet de Saint-James dissipa tous les
doutes en publiant lui-même le but de rarmcmeni
effectué à Southampton et à Yarmouth. On sul
alors qu'il ne s'agissait de rien moins que dejetei
en Batavie une armée de plus de vingt-cinq mille
Anglais, sous les ordres du duc d'Yorck, et de
vingt mille Russes, pour replacer le prince d'O-
range à la tète du gouvernement hollandais.
En effet, le 13 août, une partie de l'escadre mi
à la voile pour la Baltique, emportant la première
division anglaise, commandée par le général Aber
cromby. La seconde, avec laquelle se trouvait 1(
duc d'Yorck, ne devait partir qu'après lavis reçi
— 3 —
de l'arrivée à destination des premières troupes.
Les deux divisions présentaient un ensemble de
treille bataillons, (dix-huit mille baïonnettes), de
cinq mille sabres, et d'une belle artillerie, servie
par quatre mille canonniers. Total : vingt-sept
mille hommes.
A cette époque, le gouvernement batave avait,
pour la défense du pays : une flotte de neuf vais-
seaux de ligne et de quelques frégates, sous les
ordres de Tamiral Storv, mouillée dans le chenal
inférieur du Texel, près la pointe du Helder, et
environ vingt mille hommes de troupes de terre,
commandés par le général Brune. Sur ces vingt
mille combattants, huit mille seulement étaient
français, attendu que le corps de vingt-quatre
mille hommes qui, aux termes des traités, de-
vait être laissé par la France et payé par le
gouvernement batave, avait été en grande partie
envoyé sur le Rhin et en Suisse.
Brune, chargé par la Hollande de la défense
générale, laissa une division française en Zélande
et donna mission aux généraux bataves Dumon-
ceau et Daendels de pourvoir à la défense des
provinces de Hollande et de l'Est. Le dernier fut
donc le premier à se trouver en face des Anglais,
à leur descente vers la pointe du Helder. Ajoutons
que le gouvernement batave mit dans ses apprêts
de résistance beaucoup de vigueur, de zèle et
d'intelligence.
C est dans ces circonstances que le Directoire
songea sérieusement à aider le général Brune. Ou
pensa, à Paris, que l'envoi à Tarméc gallo-balave
d'un homme comme Vandamme serait fort utile, et
il reçut l'ordre de se rendre sans délai auprès du
général en chef, qui le connaissait et appréciait
ses talents. Disons aussi que Vandamme ayant
fait avec beaucoup de distinction, comme on l'a
vu, la première campagne de Hollande, était plus
apte que qui que ce fût à cette guerre. L'événe-
ment prouva qu'on ne s'était pas trompé, car per-
sonne plus que lui ne contribua à la délivrance de
ce pays.
Vandamme, fort satisfait de la destination nou-
velle qui lui était donnée, s'empressa de se rendre
à son poste. Il écrivit de G and, le 2 septembre,
au ministre de la guerre, alors Bernadette, la
lettre suivante :
« C'est à mon arrivée ici que je reçois votre
lettre du 12 de ce mois, par laquelle j'apprends
que le Directoire a rapporté l'arrêté du 8 iloréal
dernier, qui me traduisait devant un conseil de
guerre. Je reçois en même temps, mon général,
mes lettres de service pour Varmée du
Rhin (1) et l'ordre de m'y rendre de suite.
• Je ne dois pas vous dissimuler combien il me
fait peine de n'avoir pas reçu de vous cette lettre
(1) En effet, Vandamme reçut un premier ordre do se rendre
a Varmée du Rhin, mais il n*avait pas encore quitté Gaud, qu'il
eu recevait un auti*e pour se rendre à rarmce de Bâta vie, ainsi
qu*on le verra.
— 5 —
satisfaisante que vous m'aviez promise à mon
arrivée à Paris. Je ne vous parlerai pas de Tordre
(l'inspecter les côtes, puisque le moment est tel,
que chacun doit être à son poste.
• Mais, mon général, pourquoi m'a-t'on sus-
pendu de mes fonctions avec autant d'éclat cl
d'ignominie sans l'avoir mérité ? Et pourquoi au-
jourd'hui ne daigne-l'on pas me justifier publique-
ment? Est-ce que le crime seul doit recevoir ce
qui est dû à l'innocence ? J'irai à l'armée comme
hussard, — • s'il le faut, — mais comme général
de division, je île puis y alliT qu'après avoir reçu
du Directoire ou de vous des témoignages pu-
blics de l'injustice que les triumvirs ont exercée
contre moi, en m'otant une brave et belle division
dont j'avais la confiance et l'estime, au moment
même des plus sanglants combats qu'elle a été
obligée de recevoir et de livrer en Helvétie.
« C'est à vous, mon général, à qui j'en appelle ;
soyez, je vous prie, mon interprète près du Direc-
toire, et croyez que personne n'est plus que moi
dévoué à la patrie et à ses lois.
* Salut, respect et confiance.
« P. S. — Vous avez eu la bonté de me pro-
mettre le grade de chef d'escadron pour le capi-
taine Gobrecht, mon aide de camp, depuis six ans
passés (il en porte l'uniforme d'après votre parole
d'honneur). Il se désole de ne pas recevoir ses
lettres de service, tandis que les aides de camp
(ses cadets) du général d'Hautpoul et du généra
Decaen ont eu de l'avancement. J'attends tout d
vous, et j'espère qu'une basî-e platitude du généra
Beurnonville n'aura en rien diminué l'estime e
l'amitié que vous m'avez témoignées et que je me
rilerai toujours. »
Après avoir expédié cette lettre, Vandamm
partit pour Cassel; mais là, il trouva de nouvelle
lettres de service et s'empressa d'écrire de noi]
veau à Bernadette :
• J'ai relu cette nuit votre ordre et mes lettres d
service pour me rendre en Batavie, aux ordres d
général en chef Brune. Je pars à l'instant, (
quoique malade, je serai sous quelques heures a
quartier général. La vue de l'Anglais et des Rus
ses me guérira totalement. Les deux lignes écrite
de votre main au bas de mon ordre m'ont fa
oublier une partie des injustices que j'ai déj
souffert depuis près de sept ans que je suis ofB
cier général. Les dangers dont est menacée la re
publique batave, l'alliée de la nôtre, me font ou
blier le reste. Je pars, bien déterminé de vainci
ou de mourir. Puissé-je être assez heureux d'êti
encore utile à ma patrie ; combattre pour se
triomphe et le bonheur du peuple est toute me
ambition.
« Un mot de réponse, je vous prie, à ma letli
d'hier.
f Salut et respect. »
— 7 —
Vandamme arriva en effet le 4 septembre à
Alkmaar et prit aussitôt le commandement de la
I^emière division française, formant Taile gauche
de l'armée gallo-batave. Cette armée, sous leà
ordres de Brune, ayant pour chef d'état-major gé-
néral l'adjudant général d'Ardenne, se composait
de trois divisions françaises,^ dont une seule en
présence de rennemi^ et de deux bataves.
Divisions françaises :
Première : Vandamme; RostoUanI, adjudant
général, chef d'élat-major ; généraux de brigade,
Gouvion, Barbou, Fuzier, Simon David. Dix mille
hommes d'infanterie des 22^ 42^,48^ 49^ 51*, 60^
72^, 90® demi-brigades de lign,e ; 700 chevaux des
10® de dragons et 5^ de chasseurs ; 4 bouches à feu.
Quartier général à Alkmaar. — Deuxième division:
d'Azéraart; adjudant général, chef d'état-major ;
Prévost, général de brigade^ 1,600 hommes d'in-
fanterie des dépôts, 720 de cavalerie, et 178 ca»-
nonniers ; quartier général à La Haye. — Troi-
sième division : Desjardin ; Durutte, adjudant gé-
néral, chef d'état-mgypr ; Rivaud et Osten, généraux
de brigade ; 4,330 fantassins des 15«, 48% 49«
(dépots) ; 620 chevaux du 16^ de chasseurs ; 420
canonniers. Quartier général à Berg-op-Zoom.
Total pour les troupes françaises : environ dix-
huit mille hommes, dont dix mille huit cents seu-
lement pouvant agir contre les Anglo-Russes.
Deux divisions bataves, une au centre sous le
— 8 —
général Dumonccau, une à droite sous le général
Daendels.
Avant l'arrivée de Vandamme à l'armée gallo-
balave, des engagements sérieux avaient eu lieu
déjà avec les Anglais.
Le 26 août 1799, ces derniers parurent sur la
côte. Daendels s'établit avec ses troupes au signal
du télégraphe et à Grote-Keten, en face le village
de Huisduinen, pour tenter de les repousser. Son
plan défensif consistait à refuser son centre et à
menacer les deux ailes de son adversaire.
Le 27, dès la pointe du jour, l'ennemi commença
son débarquement en jetant quelques compa-
gnies sur la plage. Ces premières troupes ne
trouvèrent aucun obstacle sérieux et attaquèrent
aussitôt le télégraphe. Les Bataves se replièrent
en désordre sur le Grote-Keten. Un bataillon
voulut les soutenir. Il repoussa d'abord les An-
glais ; mais, forcé lui-même de plier devant des
forces débarquant successivement, il se retira sur
la plaine de Koëgras. L'ennemi se déploya alors
sur les dunes. Le général-major batave Vangue-
rick, commandant la droite de la division Daen-
dels, craignant de se voir coupé, s'avança pour
combattre, malgré des ordres formels qui lui
prescrivaient de ne pas s'engager sans de nou-
velles instructions. Cependant, la descente conti-
nuait. L'ennemi s'étendait de plus en plus. Le
général Daendels se décida alors à une nouvelle
attaque. Il renforça sa gauche et voulut faire agir
— 9 —
î^a droite. Malheureusement, ses ordres n'arrivè-
rent pas à Vanguerick, déjà dans la plaine. La
gauche eut à soutenir tout l'effort des Anglais.
Elle les repoussa d'abord, mais ne put les
débusquer des hautes dunes, en sorte que cette
gauche se vit contrainte d'opérer sa retraite sur
Grole-Keten, en envoyant aux troupes du Helder
et de Huisduinen Tordre de se replier. Ces der-
nières arrivèrent au Zand, à la pointe du jour, le
28 août 1799.
Les Anglais purent donc, à la suite de ce com-
bat meurtrier, effectuer leur descente. Daendels
avait perdu 1,400 hommes, l'ennemi 450. Un de
ses généraux, sir James Puttency, avait été griè-
vement blessé.
En apprenant ce qui s'était passé, le 27, Brune
se hâta de faire avancer sur la Nord-Hollande
toutes les troupes dont il pouvait disposer.
Lui-même se porta à Alkmaar. La flotte batave
venait d'être livrée à l'ennemi, à la suite d'un refus
des matelots de se défendre. Les Anglais se forti-
fiaient dans l'excellente position du Zyp et se te-
naient sur la défensive, en attendant leurs ren-
forts.
Brune, voulant essayer de les battre avant l'ar-
rivée de ces renforts, et ayant reçu Vandamme et
quelques troupes, résolut une attaque générale.
Vandamme, avec sa division française , eut
Tordre de tenir la gauche de la ligne de bataille,
Dumonceau le centre, Daendels la droite. Le plan
— 40 —
du généra) en chef était de s'emparer des postes
de la digue du Zyp, de Saint-Maerten à Peten.
Le 10 septembre, au point du jour, Tattaque
commença, La droite de Daendels culbuta d'abord
Tennemi à Dirxhornn et à Herenscarpel. Une de
ses colonnes marcha sur Sl-Maerten par Eenin-
genburg. Par\'enu à Tuitgenhornn, le général se
croisa avec une des brigades de la division Du-
monceau, qui s'était jetée trop à droite et gênait
le passage ; il se dirigea alors sur St-Maerten et y
réunit ses troupes, puis il attaqua vigoureusement
et avec succès les batteries ennemies qu'il allait
peut-être enlever, lorsqu'il aperçut sur sa gau-
che un désordre qui le força à s'arrêter et à se
concentrer. Après avoir rallié ses troupes de ce
coté, il allait reprendre son mouvement offensif,
mais il fut informé que toutes les tentatives contre
l'ennemi avaient échoué. Il se mit sur la défen-
sive. Les Anglais, tranquilles sur leur front et sur
leur droite, détachèrent vers leur gauche un corps
considérable qui se présenta devant Daemlels. Ce
dernier opéra alors sa retraite en bon ordre, et re-
prit ses premières positions.
Les attaques sur le centre avaient été difficiles
par suite de différentes circonstances fâcheuses.
D'abord la marche de la colonne qui s'était portée
trop sur la droite, ensuite les tentatives toujours
repoussées sur le Zyp. Deux fois les généraux
Dumonceau et Daendels essayèrent de ramener
l^urs troupes au combat. Ils furent contraints, eux
- H -
aussi, de prendre position et de garder la défen-
sive. Un instant, Dumonceau, qui avait enlevé un
retranchement anglais, était prêt à forcer le Zyp,
lorsqu'un désordre, dont la cause est inconnue,
se déclarant dans les têtes de colonnes, gagna
toutes ses troupes et les fit fuir honteusement. Il
36 borna à se maintenir à Krabbendam.
A l'aile gauche de l'armée franco-batave, le com-
bat fut opiniâtre. Deux bataillons français se di-
rigèrent de bonne heure sur Krabbendam pour
soutenir cette attaque. Ils s'emparèrent du pont.
Vandamme se porta sur la digue de Slaperdick,
détachant un corps sur Peten, s'empara du camp
et atteignit Drommerdick. Partout il avait réussi ;
mais, au miUeu de ses succès, il reçut Tordre du
général en chef, vers trois heures de l'après-midi,
de reprendre ses positions du matin. Le combat
cessa donc sur tous les points de la ligne. Brune,
en face de la démoralisation, de la panique des di-
visioDS bataves, ayant reconnu TinutiUté de ses
efforts.
Cette attaque infructueuse de la ligne du Zyp
coûta à la division Vandamme plus de onze cents
hommes, dont 138 officiers, et aux deux divisions
bataves 38 officiers et 1,087 hommes de troupe.
L'ennemi, couvert par la digue du Zyp, perdit peu
de monde.
La veille. Brune avait écrit de sa propre main
une lettre à Vandamme, lui donnant des instruc-
lions pour l'attaque du lendemain. Dans cette
lettre il lui disait :
« L'heure est venue de vous couvrir de nou-
veaux lauriers. Vous êtes chargé de combattre
encore ces mêmes Anglais que vous avez défaits
tant de fois. Animez de votre esprit officiers et sol-
dats. L'armée batave est bien disposée, nous au-
rons du succès, etc. »
Après avoir prévu la possibilité d'une retraite,
le général en chef terminait ainsi :
« Mais, la victoire et le génie de la République
planent sur nos têtes. Vive la République ! »
Le soir même. Brune rendit compte de la jour-
née du 10 septembre au ministre de la guerre
Bernadette, par la dépêche suivante :
« Bergen, le 10 septembre i799.
« Citoyen Ministre, la division du lieutenan
général Dumonceau étant arrivée hier soir, j'a
pris aussitôt toutes les dispositions pour attaquei
l'ennemi. La division de gauche, composée des
troupes françaises et commandée par le généra
Vandamme, devait prendre le Zyp par Grote-Mole
s'emparer de l'écluse de Peten , et laisser soi
arrière-garde à la hauteur de Camp pour évitei
d'être tournée par les dunes. La division du cen-
tre, aux ordres du lieutenant général Dumonceau
était chargée de forcer la grande digue par Huis-
duinen et Krabbendam. La droite, sous le lieute-
nant général Daendels, devait, en coupant ou for-
— 13 -
ranl les routes et débouchés qui pourraient
exposer son flanc droit, marcher vers Eningeu-
burg et le pont de Grote-Slot. L'ensemble de cette
allaque avait été parfaitement compris, et tout
promettait un concert d'exécution qui garantissait
la victoire. Dans le choix des points à approcher
sur cette longue digue qui ferme le Zyp, j'avais
cru, pour me consener une supériorité de nom-
bre et assurer les communications très-difficiles
dans ce terrain, devoir préférer la ligne qui va de
Sairit-Maerten par Krabbendam à Pelen. C'était
une espèce d'angle de bastion à emporter. J'avais
placé près le lieutenant général Daendels deux
ofliciers généraux français, le général de brigade
Barbou et l'adjudant général Durutte , que lui-
même avait paru désirer.
« A quatre heures et demie, ce matin, l'armée
s'est avancée : les avant-postes de l'ennemi ont
été forcés avec beaucoup de rapidité. Les nom-
breux canaux qu'il fallait traverser n'arrêtaient
point l'impétuosité de nos Français; ils se jetaient
dans l'eau et riaient aux éclats devant les hommes
qui étaient chargés d'élabhr des ponts pour faci-
liter les passages. Arrivé près de la grande digue,
un eu est séparéparuncanal large et profond. C'est
sur la digue que l'ennemi a des batteries bien cou-
vertes et d'où il tirait à mitraille. Pendant que le
feu des Anglais se dirigeait particulièrement sur
notre division française, un bataillon de la division
liumonceau avait occupé le pont de Krabbendam,
— 14 —
Le Zyp allait être forcé sur ce point, quand un
autre bataillon, qui marcliait derrière ces braves,
saisi d'une terreur inspirée par de lâches officiers,
se met à fuir, jette, en se débandant, le désordre
dans le corps qui le précédait, et nous ravit Toc-
casion de la victoire. En général, les deux di-
visions bataves n'ont point répondu à ce que pro-
mettaient de premières apparences de fermeté. Je
livrerai au conseil de guerre plusieurs officiers sur
la conduite desquels j'ai demandé des rapports.
On doit néanmoins des éloges à plusieurs corps et
à une partie de l'artillerie.
« Notre division française, forte de sept mille
hommes seulement, a déployé tout ce qu'on peut
imaginer de valeur, d'héroïsme ; il était impossi-
ble de distinguer les anciens soldats d'avec les
conscrits nombreux qui la composent en grande
partie. Le général Vandamme, si famiher avec
tout ce qui tient au courage, a déclaré n'avoir
jamais vu de plus braves soldats. Cette division
est restée maîtresse du champ de bataille et a oc-
cupé en avant les dunes de Camp et Slapendyk.
Les Anglais n'ont pas osé sortir de leurs retran-
chements, où ils s'étaient réfugiés. L'action a duré
huit heures. Nous avons à regretter la perte de
quelques officiers et soldats : le général de brigade
David est grièvement blessé ; il a montré à l'at-
taque des avant-postes autant de sang-froid que
de valeur. L'ennemi compte un grand nombre de
tués et de blessés.
— 16 —
• Vous jugerez, citoyen Ministre, par nos efforts,
par notre position, par celle qui a été abandonnée
à l'ennemi presque aussitôt après la descente,
qu'une poignée de Français que nous sommes ici,
bien loin de suffire à un système d'attaque, pourrait
difficilement garder la défensive contre des en-
nemis qui, à chaque instant, peuvent recevoir des
renforts, et qui travaillent à exciter un méconten-
tement que bientôt il ne serait plus possible de
maîtriser. Ainsi, il est de la plus extrême urgence
de presser larrivée des demi-brigades que vous
destinez à cette armée. Non-seulement le général
Tilly ne m'envoie rien des troupes dont il dispose,
mais, d'après ce que j'apprends par des avis par-
ticuliers, il ne se presse pas de m'envoyer celles
que vous mettez à ma disposition.
« Des vaisseaux anglais se sont présentés hier
sur la côte, à la hauteur de Leyde et d'Haarlem :
ils voulaient inquiéter nos derrières ; ils ont jeté
à terre quelques hommes qui ont pillé et dévasté
les maisons et propriété de quelques malheureux
paysans.
• Le gouvernement batave m'assure qu'il y a
des subsistances dans les places. Les officiers que
j'ai chargé d'inspecter l'approvisionnement m'ap-
surent qu'il n'y en a point. On me dit aussi que
l'on a armé des bâtiments, des chaloupes canon-
nières, bricks , etc. , pour défendre les eaux de la
Frise et sa partie du Zuydersée qui avoisine Am*-
slerdam. Je n'ose point me fier à toutes ces assu-
rances, tant que nous n'aurons pas dans ce pays
des forces capables de faire cesser les lenteurs et
d'intimider la trahison.
« Salut républicain.
« P. 'S. — J'ai recommandé au général Girod,
qui est à la tête de la colonne mobile pour l'in-
térieur, de bien veiller à ce que, dans la poursuite
des bandes rebelles, on ne viole point le territoire
prussien, où elles paraissent chercher un asile. »
Outre cette dépêche officielle au ministre. Brune
écrivit le même jour, 10 septembre, à Bernadotte
son ami :
« Envoyez-moi des forces, mon cher Berna-
dotte, ou je ne saurai comment me tirer des com-
binaisons de lâcheté et de trahison qui se forment
autour de nous. Je ferai cependant tous mes efforts
pour tenir. D'indignes officiers, des brigands vien-
nent de jeter l'alarme aux avant-postes de Daen-
dels, à Brug, au delà de Saint-Pankras : ils se
sont enfuis avec un drapeau, criant partout que
l'ennemi les poursuivait; ils ont entraîné des gens
de l'artillerie légère, qui se sonl mis à fuir, aban-
donnant leurs pièces. Ces coquins ont traversé
Alkmaar à la hâte; ils se dirigent sur Haarlem,
sans doute, pour exciter une dissolution générale
de la force armée batave. Le fait est que nos po-
sitions sont les mêmes que celles que nous avons
prises dans l'action de ce matin.
« Je viens d'écrire aux généraux Daendels et
Dumonceau, pour leur demander positivemeut
s'ils peuvent me répondre de leurs divisions; je
leur donne Tordre de faire fusiller les lâches au-
teurs de ces perfidies, et de les remplacer par des
6ous-officiers.
« Nous comptons près de six cents blessés. Les
Hollandais, plus nombreux du double, en ont seu-
lement quatre cents environ.
< Je vous embrasse de tout mon cœur.
• Salut et amitié. >
• P. 'S. — On vient d'arrêter celui qui em-
portait le drapeau. •
L'insuccès de Brune dans cette journée était
d'autant plus fâcheux, que trois divisions russes
et une division anglaise allaient rallier l'ennemi.
Le 19 septembre, le duc d'Yorck, se sentant une
grande supériorité, résolut de prendre à son tour
l'offensive. Il déboucha en force, ce jour-là, par
Peten et le Slaperdyck, et, à la faveur d'un épais
brouillard, les coalisés fondirent sur les avant-r
postes de la division Vandamme, qui durent se
replier sur Schorel (1). L'adjudant général Ros-
tollant qui commandait sur ce point forma ses
troupes en avant de ce village et attendit l'ennemi
dans une bonne position , son front couvert par
(i) Vandamme avait fait une chute le 14, et s*était luxé
i'épaulc. Cela ne Tempêcha pas de conduire en personne ses
troupes pendant toute cette bataille de Bergen, dont le succès
lui est presque entièrement dû.
H. i
quelques retranchements de campagne. Il main«-
tint les Russes qui Tattaquaient, pendant plus de
deux heures ; mais, se voyant prêt à être tourné
par une colonne qui filait le long de la mer par les
dunes, et apprenant que la défense du pont de
Schoreldam avait échoué, il se mit en retraite sur
Bergen, où était le gros des troupes de Vandamme.
Le général Gouvion se trouvait dans celte ville. Il
ignorait encore l'affaire de Schorel , lorsqu'il vit
paraître les Russes sur les dunes.
Pendant ce temps, le centre et la droite étaient
aux prises avec les Anglais, depuis six heures du
matin. Dumonceau avait été obligé de céder le
poste de Varmenhuisen, et il avait replié les dé-
fenseurs sur Schoreldam, faisant soutenir la re-
traite des troupes de Rostollant par un mouvement
offensif du général Bonhomme. Une charge à la
baïonnette de ce dernier rejeta l'ennemi jusqu'à
Grote. Dumonceau fut blessé grièvement en fai-
sant les phis courageux efforts pour rester maître
du pont et du village de Schoreldam qui avaient
en effet une grande importance. Ses troupes dé-
concertées se rejetèrent en arrière, tandis que la
colonne envoyée sur Schorel, entourée, mettait
bas les armes.
La colonne anglaise, agissant sur la droite d^
l'armée gallo-batave , attaqua deux fois les retran-
chements défendus par la division Daendels, air
village d'Oudcarspet. Deux fois elle fut repoussée^
Cependant Brune, informé de ce qui se passait
— 19 —
sur sa ligne, et apprenant qu'une forte colonne
anglo-russe se portail sur Hoorn pour couper son
armée en deux, donna Tordre à sa droite de se
tenir sur la défensive, tandis qu'il dirigeait ses for-
ces principales sur son centre et sur sa gauche..
Le général Bonhomme marcha donc sur Scho-
rel et Vandamme sur Bergen.
La colonne russe, cependant, se présenta devant
Bergen, au moment où Tavant-garde de la division
française y arrivait. L'attaque commença immé-
diatement. Soutenus par les troupes qui avaient
marché par les dunes, les Anglo-Russes empor-
tèrent le village. Le général Gouvion se replia,
puis bientôt, il se précipita à son tour sur l'en-
nemi. Grâce à deux bataillons de la 49* demi-bri-
gade que Vandamme conduisait en personne , ou
reprit les premiers postes. Malgré la plus vigou-
reuse résistance, Bergen fut emporté et la colonne
russe taillée en pièces. Ses débris se retirèrent en
désordre sur Schorel et sur les dunes, aban-
donnant l'artillerie, sept drapeaux et beaucoup de
prisonniers, au nombre desquels le général russe
Hermann.
Vandamme, sans perdre de temps, attaqua
Schorel et l'enleva. Une brigade anglaise en ré-
serve , soutenue de deux bataillons , essaya un
mouvement tournant. Vandamme déjoua cette ma-
nœuvre en se portant droit sur elle, en engageant
un combat furieux , et en la forçant à lui céder
Schorel et le terrain.
- ÎO -
Battu au centre et à la gauche, l*ennemi se re-
plia sur Krabbendam ; mais à la droite, une attaque
malheureuse tentée par Daendels/ malgré les or-
dres qui lui prescrivaient de se tenir sur la dé-
fensive, amena les Anglais jusque dans les re-
tranchements dont il avait la défense, sa division
se replia sur le village de Broeck.
Malgré ce succès partiel , les Anglo-Russes
avaient été tellement désorganisés par Van-
damme, au centre et à la gauche, qu'ils se re-
tirèrent et reprirent leurs premières positions. La
colonne qui s'était portée sur Hoorn, et s'en étail
même emparée, l'abandonna également.
La bataille ne finit qu'à l'entrée de la nuit.
Vingt bouches à feu, sept drapeaux, dix-huit
caissons, vingt-quatre voitures d'équipages , deux
cents chevaux, quatre mille fusils restèrent au
pouvoir des troupes de Vandamme. La perte de
l'ennemi fut de quatre mille cinq cents tués el
deux mille cinq cents prisonniers. L'armée fran-
çaise eut douze cent quarante tués ou blessés
et deux mille quatre cent quatre-vingts prison-
niers.
A la suite de cette brillante bataille de Bergen,
l'adjudant général d'Ardenne , chef d etat-majoi
de Brune, fut chargé d'envoyer un rapport au mi-
nistre de la guerre (1).
Il lui écrivit, le 19 septembre au soir :
(1) On avait appris à i*année galto-batave le remplacement
- SI —
« Citoyen Ministre, l'ennemi a attaqué, ce ma-
tin à quatre heures, sur toute notre ligne ; une
colonne russe, forte de 6,000 hommes, s'est diri-
gée sur l'avant-garde de la division de troupes
françaises aux ordres du général Vandamme. Cette
colonne, commandée par le général Hermann, a
repoussé nos troupes jusque dans Bergen, où
toute la division avait ordre de se réunir. Le gé-
néral Vandamme ordonna à l'adjudant général
Rostollant de prendre la gauche vers les dunes. Il
donna au général Gouvion le commandement de
la droite, celui de la cavalerie au général Simon ;
il se chargea du centre, fit attaquer les Russes
dans Bergen, leur enleva le village à la baïon-
nette. Six cents hommes y furent tués, autant de
prisonniers, et leurs canons pris.
« Le général en chef avait, depuis quelques
&u portefeuille de la guerre de Bernadotte; Vandamme, qui
aimait beaucoup ce dernier, lui écrivit :
« Votre renvoi du ministère nous prouve ce que veut le
Directoire. U vous honore et redouble Teslime qu'avaient déjà
pour vous tous les braves de nos ainmées. L*ôtre méprisable
^i vous remplace implique la ruse, et nous dit que la nullité
6st le titre qu'il faut aux ministi*es. Qu'allez-vous aussi vous
mêler d'organiser les armées et les faire payer? etc. On ne le
veut pas. Vous êtes homme, général, et républicain. Vous avesc
prouvé que vous ôtcs digne de ces trois grands titres. I^
triomphe des intrigants ne sera sans doute pas long. Ce n*est,
enfin, pas avec ces sortes d'hommes que Ton pourrait longr
temps tenir tète à l'Europe militaire liguée contre nous. L'in-
justice sera-t-elle donc toigoura le partage des gouvernements,
et les hommes à caractère pur seront-ils toujoui*s victimes de
ees petitesses qui finiront par perdre et les républicains et la
Hépoblique! »
— 22 —
jours, fait établir, sur Iç canal qui conduit an Zyp,
un pont de communication avec la division du cen-
tre, aux ordres du général Dumonceau. Il y fit
passer deux bataillons balaves, de rarlillerie lé-
gère et des hussards de la même nation, pour
renforcer les troupes aux ordres du général Van-
damme. L'attaque redoubla de vigueur, et Tenue -
mi fut culbuté.
• Le résultat, jusqu'à ce moment connu, de celle
mémorable journée, est que l'ennemi a perdu deux
mille hommes tués sur le champ de bataille, huit
cents blessés, dont la moitié le sont mortellement,
quinze cents prisonniers, parmi lesquels se trou-
vent une quarantaine d'officiers de tout grade;
de ce nombre est le général Hermann, comman-
dant en chef les troupes de l'expédition russe, le
colonel Stryk, blessé dangereusement. On leur a
pris en outre cinq drapeaux et vingt pièces d'ar-
tillerie de divers calibres. Nous avons eu trois
cents hommes blessés, peu de tués.
« Les rapports que nous recevrons demain met-
tront le général en chef à môme de donner au Di-
rectoire un résultat plus exact et sans doute plus
satisfaisant encore. Il se loue de la conduite va-
leureuse de nos troupes en général, et en parti-
culier de celles du général de brigade Gouvion et
du chef de brigade Aubrée. Il a nommé le premier
général de division et le second général de bri-
gade sur le champ de bataille.
• Les troupes bataves qui, pendant l'action,
ont passé à la division du général Vandamme, se
sont comportées avec bravoure. Le lieutenant gé-
néral Duiponceau, commandant la colonne dil
centre, a été blessé au commencement de T action.
Sa colonne a conservé sa position. Celle de
droite, aux ordres du général Daendels, a été
obligée d*abandonner ses avant-postes. Le géné-
ral en chef espère qu'elle les reprendra cette nuit.
La perte qu'a faite cette dernière colonne ne
nous est pas encore connue. >
Pendant cette bataille de Bergen, Tadjudant
général d'Ardenne, chef d'état-major général,
ayant reçu à Alkmaar un bataillon de la 90®, l'en-
voya à Vandamme avec celte lettre :
« Bravo, mon général, grâces vous soient ren-
dues et à vos braves. Le deuxième bataillon de la
90^ arrive en ville à trois heures et un quart. Il
en partira pour Bergen armé, ayant soixante car-
louches par homme. Ils témoignent la meilleure
volonté. Le chef a l'air d'un bon bougre, et je me
trompe fort si ce bataillon ne vaut pas plus que le
troisième. »
Le soir, à dix heures, le général Fuzier, un des
brigadiers de Vandamme, lui écrivit également
dAikmaar :
« Vive la République ! Les Anglo-Russes se
souviendront de nous avoir donné à déjeuner le
3* jour complémentaire, et d'avoir reçu, en re-
vanche, un superbe dîner, etc. >
Ëofm, le 20 septembre, le général en chef Brune
— 24-^
adressa à Vandamme la lettre ci-dessous, une des
plus belles récompenses que puisse recevoir un
soldat :
• Les talents, la valeur et l'intrépidité que vous
avez déployés hier, en commandant les troupes
françaises à la bataille de Bergen, la grande part
que vous avez à cette glorieuse journée, les efforts
que vous avez faits pour vaincre les Russes et les
Anglais, tout me dit que c'est à vos efforts re-
doublés que je dois cette brillante victoire ; je ne
saurais comment vous payer mieux qu'en vous
offrant cent fusils russes et anglais ; les dépouilles
ennemies seront pour vous, je pense, une bien
belle récompense ; connaissant votre républica-
nisme et votre amour pour la liberté, je suis per-
suadé que vous n'en armerez jamais d'autres bras
que ceux des amis sincères de la patrie. Agréez,
mon cher général, l'assurance de mon estime et
de mon amitié. »
Vandamme très-fier, et à juste titre, de la
haute distinction dont il était l'objet de la part de
son général en chef, lui demanda l'autorisation,
qui lui fut immédiatement accordée, d'envoyer les
cent fusils russes et anglais au commandant de la
garde nationale de Gassel. Ces armes, par ordre
de Brune, furent emballées dans quatre caisses et
expédiées en France en franchise, les comman-
dants militaires et préposés ayant reçu l'avis de
les laisser passer.
Quelques jours après la glorieuse bataille de
-25 —
Bergen, le général Brune forma une seconde di-
vision française avec les troupes de renfort qu'il
avait reçues, en donna le commandement au gé-
néral Gouvion, et mit Vandamme à la tête des
deux divisions. L'adjudant général RostoUant, qui
avait reçu le premier choc des Russes, dans l'af-
faire du 19, fut nommé chef d'état-major général
de Tarmée, en remplacement de d'Ardenne.
Le 26 septembre, Brune fut prévenu, par un
membre du comité orangiste, que les Anglo-
Russes, manquant de vivres et voyant l'armée
gallo-batave se fortifier dans ses positions, se pré-
paraient à l'attaquer le 27 ou le 28. Il donna en
conséquence Tordre à ses généraux de se tenir sur
leurs gardes. Cette nouvelle paraissait d'autant
plus plausible que, le 25, une nouvelle division
russe de six à sept mille hommes ayant débarqué
le soir, avait été dirigée immédiatement sur l'ar-
mée ennemie. Mais ce que le membre du comité
orangiste avait pris pour un projet d'attaque n'é-
tait qu'un déploiement de forces résultant de l'in-
quiétude occasionnée par une revue du général en
chef français.
Le 1^ octobre, l'ennemi n'avait fait encore au-
cun mouvement. Vandamme dormait fort tranquil-
lement, lorsqu'il fut réveillé par ordre de Brune
qui lui écrivait :
• Je vous éveille pour une bonne nouvelle.
Puissions-nous bientôt en envoyer nous-mêmes !
Nous l'aurions déjà fait, sans doute, si les renforts
ne fussent pas venus et ne continuaient pas de
venir pièce à pièce. La nouvelle des victoires de
Masséna m'arrive par un courrier extraordinaire. »
Il s'agissait de la bataille de Zurich, du 25 sep-
tembre 1799.
Ce même jour, une troisième division française,
formée provisoirement de deux bataillons, d*un
escadron et de trois pièces de quatre, reçut un
C5ommencement d'organisation et fut envoyée, sous
les ordres du général Boudet, à Hoom, pour re-
lier les divisions Dumonceau et Daendels.
Les deux armées ennemies étaient occupées de-
puis plusieurs jours à multiplier, sur leur front
réciproque, les obstacles, les retranchements, les
batteries, lorsque le duc dTork, ne pouvant plus
que fort difficilement trouver à faire subsister ses
troupes, et sachant que Brune commençait à re-
cevoir chaque jour des renforts, se décida à une
attaque générale pour rejeter les gallo-bataves sur
Tintérieur du pays et élargir sa base d'opéra-
tions. Il commença par renforcer sa droite, oppo-
sée aux divisions françaises de Vandamme, et
occupa, sur sa gauche, la ville de Medenblick.
Pendant ce temps, Brune perfectionna ses dé-
fenses, principalement autour de Bergen, dont il
fortifia les alentours, les bois qui les couvrent, les
dunes qui les dominent au nord, dans la direction
de l'avenue de Schoreldam. Cette partie de la
position était devenue d'un abord fort difficile
d'autant que le terrain, entrecoupé de dunes jus-
— 27 ^
qu'à la mer, n'était pas moins favorable à la dé-
feosive. Le centre et la dioite de la ligne étaient
également très-bien couverts par les inondations
qu on pouvait tendre.
Le 2 octobre, Tarmée anglo-russe se mit en
mouvement pour une attaque générale. Le duc
d'York, reconnaissant qu'il y avait danger à se
hasarder dans les passages inondés et difficiles,
3ur la droite et sur le centre de la ligne gallo-ba-
tave, porta, une fois encore, son effort principal
contre les divisions françaises à notre gauche. Les
ivant-postes de ces deux divisions furent d'abord
«rcées d'abandonner Grote, Camp, Schorel et
âchoreldam.
L'ennemi se mit en marche sur quatre colonnes.
Celle de droite (trois brigades d'infanterie, neuf
escadrons de dragons et de l'artillerie), était sous
lc« ordres du général Aberoromby ; elle suivait le
^rd de la mer. Celles du centre, de force à peu
près égale à la colonne de droite, l'une formée de
dusses, l'autre d'Anglais, sous le général Dundas,
DKirchèrent sur Bergen et se déployèrent pour
couronner les hauteurs. La quatrième, conduite
parle général Pulteney, ayant avec elle le prince
i'Orange, se porta contre la division Daeudels,
çi'elle avait mission de tenir en échec.
Au point du jour, Gouvion prévint, de Bergen
^ il était, Vandamme, à Alkmaar, que Ton bat-
tit ta générale aux avant-postes. Ces avant-postes
^ été emportés» le combat s'engagea sérieu-»
sèment en avant de Bergen. Gouvion s'y maintint
contre le général Dundas, tandis que lord Aber-
cromby filait sur Egmond, par les dunes, pour tour-
ner Alkmaar. Vandamme défendit ce poste avec
opiniâtreté et avec sa valeur habituelle. Toutefois, le
soir venu, et après les combats les plus sanglants,
Brune donna ordre d'opérer la retraite et de
prendre une ligne excellente, en arrière de la pre-
mière, de Wyk-op-Zée, à Monikendam, derrière le
Strand et les inondations. Le quartier général
rétrograda jusqu'à Beverwyck, à trois lieues en
avant de Haarlem. Les Anglais entrèrent dans
Alkmaar.
Voici comment, par une lettre du 4, adressée au
nouveau ministre de la guerre, le général en chef
de l'armée gallo-batave explique son mouvement
rétrograde :
« La retraite d' Alkmaar sur Beverwyk s*esl
opérée sans que nous ayons perdu ni hommes,'
ni artillerie, ni équipages.
« La bataille d'avant-hier a duré depuisi cinq
heures du matin jusqu'à huit heures du soir. A
dix heures, il se tirait encore des coups de fusil.
L'ennemi commença l'attaque, présentant devant
*
la division Daendels, à notre droite, des forces qui
n'agirent point ; et sur lé centre , un corps qui,
après avoir emporté Varmenhuisen et Schorel-
dam, avant-postes de la division Dumonceau,
renforça les troupes nombreuses qui attaquaient
notre gauche composée de Français. Le terrain
fut vivement disputé : pendant qu'une forte co-
lonne anglo-russe avançait péniblement de dune
en dune, une autre colonne avait gagné le Strand.
À la nuit, elles avaient coupé la communication
de Bergen à Egmond, et menaçaient de couper
celle d'Alkmaar à Bergen.
« La fatigue du soldat et je ne sais quelles dis-
positions que je n'avais pas encore vues dans
Tesprit des militaires, m*avaient fait connaître
que si Tennemi, qui avait eu la supériorité par le
nombre, nous attaquait le lendemain, la lassitude
pourrait occasionner un revers réel. J'ordonnai
que, dans le cas d'une attaque vigoureuse, la re-
traite s'opérât lentement et en ordre sur Beverwyk.
Hier matin, d'après le rapport des généraux que
Fennemi disposait tout pour une nouvelle attaque,
la retraite commença et s'est achevée aujourd'hui
sans aucune perte. J'ai fait laisser ouvertes les
portes d'Alkmaar, afm de préserver cette ville de
la barbarie des Anglo-Russes. Ils ont brûlé sans
motif le village de Goedyk.
« La perte de l'ennemi en morts et en blessés
est très-considérable ; parmi les prisonniers que
nous lui avons faits , se trouvent des grenadiers
russes, des cosaques du Don et des montagnards
d'Ecosse.
« Nous avons à regretter beaucoup d'officiers
morts. L'adjudant général Maison est blessé. Le
brave chef de brigade Mercier a eu les deux cuisses
percées d'une balle. L'aide de camp du général
-80-
Pacthod et deux officiers d'état-major ont ëté tués.
Notre perte en soldats est peu considérable.
« J'ai reçu deux bataillons du général Tilly,
après l'affaire. Depuis longtemps je les attendais.
On m'assure que les autres suivent. Cette pro-
gression morcelée de secours m'a fait perdre de
grands avantages , peut-être même une victoire
complète; mais il faut agir dans la position où l'on
se trouve, et j'espère que les renforts arrivant,
nous recouvrerons promptement le temps perdu,
Nous saurons trouver Alkmaar au Helder.
« Salut républicain. »
Los journées des 4 et 5 octobre se passèrent
sans combat. Le général Brune reçut des renforts
assez considérables de troupes françaises. Le 6,
au matin , le duc d* York se méprenant sur le mou-
vement en arrière de l'armée gallo-batave, la fit
attaquer de nouveau sur tout son front. Il eut
d'abord quelques succès, ses divisions s'empa-
rèrent d'Ackerslot et arrivèrent jusqu'à Kastricum,
mais alors les choses changèrent d'aspect. Van-
damme, qui stationnait sur ce point, agit vi-
goureusement avec l'infanterie, tandis que le gé-
néral Brune lui-même, saisissant avec habileté le
moment favorable, chargea à la tête de sa cavalerie
et rompit la hgne des Anglo-Russes. Il eut deux
chevaux tués sous lui.
Repoussé jusqu'au delà de Bakkum , ayant
fait des pertes considérables, Tennenii combatti'
-81 -
jusqu'à la nuit , mais ne s'attribua pas le gain de
cette bataille , dont les résultats en faveur de la
cause française eurent des conséquences bien au
delà de ce qu'on en pouvait espérer, puisque cela
détermina le duc d'York à entrer en pourparlers
pour l'évacuation de la Nord-Hollande.
Donnons d'abord deux lettres, une, du 6, de
Brune, et une, du 9, de RostoUant, au ministre, sur
cette journée de Kastricum.
« Citoyen ministre, j'avais bien prévu que notre
position en arrière attirerait l'ennemi et le ferait
croire à de fausses mesures. La bataille de Kas-
tricum vient de le détromper. On s'est battu au-
jourd'hui depuis sept heures du matin jusqu'à huit
heures du soir. L'ennemi a été repoussé et pour-
suivi jusque vers Egmond. Onze pièces de canon
et quinze cents Russes et Anglais prisonniers sont
les fruits de cette journée. Les Russes doivent
compter un grand nombre de tués. Les généraux
Gouvion , RostoUant , Vandamme , Bonhomme ,
Aubrée, Simon , Malher et Durutte ont déployé
des talents militaires qui ont déterminé le gain de
la bataille. Je vous ferai connaître les braves qui
se sont distingués.
« Salut républicain. »
• P.-S. — Lord Chatam, frère de M. Pilt, a été
blessé au cou. Le général ennemi tué à la bataille
de Bergen n'est point M. Knox, c'est le lieutenarif
général russe Gerepsow, commandant l'expédition
sous M. Hermann. »
-3J~
ROSTOLIANT A DUBOIS-GRANG&
« Alkmaar, le 9 octobre 1799.
« Citoyen Ministre, j'ai eu l'honneur de vous
rendre compte de la bataille du 6 octobre à Kas-
tricum, et de la cause qui a décidé la victoire en
notre faveur. Aujourd'hui je m'empresse de vous
informer des événements heureux qui l'ont suivie.
Après avoir battu l'ennemi le 6, les armées ont
néanmoins tenu leurs positions respectives ; mais
le 8, à quatre heures du matin, l'ennemi ayant
calculé ses pertes, se décida à faire sa retraite.
Les routes dégradées et le mauvais temps em-
pêchèrent de le poursuivre d'aussi près qu'on le
désirait. Il effectua sa retraite jusqu'au Zyp , où il
entra dans ses retranchements. Malgré ce, cette
journée n'est pas restée sans succès, puisque six
cents blessés, autant de prisonniers, sont tombés
en notre pouvoir, ainsi que beaucoup de chariots
de bagages, parmi lesquels se trouvaient deux
cent cinquante femmes et enfants, qui ont été
renvoyés sur-le-champ à l'armée ennemie par or-
dre du général en chef. Il paraît, d'après la quan-
tité de femmes à leur suite, que les Anglais se
croyaient prêts à être possesseurs de la Hollande.
On assure que la mauvaise mer leur a fait éprouver
beaucoup de pertes, quoique les pluies conti-
nuelles et les inondations qui s'en sont suivies
nous empêchent de rien entreprendre présen-
— 33—.
f nous n'en sommes pas moins persuadés
le tarderont pas ^ se rembarquer. Dans ce
I vous assure qu'ils ne le feront pas sans
)résence.
ans les divers combats qui ont eu lieu de-
SI descente, l'ennemi a dû perdre au moins
(nille hommes tués, prisonniers ou blessés,
ce nombre, se trouvent tous ses meilleurs
PS. Lord Chatam, frère du ministre Pitt, a
3ssé. Le fils du général Abercromby a été
I, et le colonel d'un des régiments des
s fait prisonnier par Vaugien, brigadier au
;iment de chasseurs. Le tableau des pri-
ers que je vous adresserai vous indiquera
ms et qualités des principaux d'entre eux.
LU moment de l'attaque du 6, le duc d'York
a le général major George Don , avec son
i, au lieutenant général Daendels, qui gar-
vec sa division les positions de Moniken-
Le général Daendels les fit arrêter à ses
-postes, et en prévint le général en chef, qui
donna de les lui faire conduire. Ce général
était porteur d'une proclamation au gouver-
nt batave , portant qu'il fallait chasser les
fais de la Batavie, et que les troupes de cette
;ance devaient se réunir au prince d'Orange
l'aider à les exterminer. La conduite de cet
t a été regardée par le général en chef
ne un espionnage, et il a ordonné que le gé-
l-major Don et son suivant seraient gardés
"• 3
«S4 —
par six gretlâdiers et un ofBoiêr, Jii6(|Ti'à ce que le
duc d'York les ait rappelés, ce qui ne sera pa«
effectué dans conditions avantageuses.
t Le général en chef ayant promis à différents
officiers de nouveaux grades, vous en adressera
l'état sous peu pour faire confirmer leurs nomi*
nations par le Directoire. »
Les pertes éprouvées par Tarmée anglo-Prusse
le 6 octobre, sa retraite dans ses positions du Zyp,
la difficulté de vivre resserré à la pointe extrême da
pays, décidèrent le duc d'York à entrer en arran-
gements.
Dès le 8, les Oallo-bataves marchaient en avant,
réoccupaient le 9, Alkmaar évacué, Schoreldam
et les autres postes. Quelques affaires d'avant
garde sans importance eurent lieu dans les jour-
nées du 11 et du 12 octobre. Le 18 et le 14 ort
côrtimença à fkire des reconnaissance^, indiquant
à Tennemi Tintentlon de T attaquer et de le forcer
dans seà retranchements. Le 16, des propositions
furent faites parle général en chef anglais. Brune
y répondit le jour môme d' Alkmaar, où il avait re-
placé son quartier généml :
« Monsieur le duc d'York, général en chef de l*ar-
méeanglaise, désire qu'il y ait cessation d'hostilités
par la considération dv l'approche de la mauvaise
saison. Il promet de retirer du territoire batave,
d*ici à la fin de novembre prochain, toute Tarmée
qui est sous ses ordres, et consent à ne faire
aucun dégât, à n'ouvrir aucune écluse, à ne roni*
prê aucune digue, pourvu qtié dans sa retraite il
ne soit point inquiété par Tarmée française-ba-
lavé.
• Le motif de Monsieur le duc d' York n'existerait
pas s'il jugeait ses rtioyens assez forts pour iavancer
dans le pays, car dans ce cas, il aurait la faculté
de prendre des quartiers, de se procurer des vivres
et de se mettre enfin à Tabri des inconvénients de
la mauvaise saison. Nous devons par conséquent
espérer de lui des avantages proportionnés à Tin-
suBisance des forces dont il dispose.
« Les conditions proposées par Monsieur le duc
d'York ne sont que les effets nécessaîi^és d'une
Cessation d'hostilités. On ne peut guère imaginer
que Monsieur le duc fasse rompre les digues, in-
cendier le pays, iucendierles villages, dans le seul
but d'exercer des violences : ce serait agir contre
les lois de la guerre, et attirer sur soi la réproba-
tion de toute l'Europe et de sa propre nation. Il est
dotic certain que Monsieur le duc d'York se bor-
nerait à faire les dégâts qui seraient utiles à son
armée ou nuisibles à la nôtre. Mais nous sommes
préparés à tous ces accidents, parce qu'ils sont in-
hérents à l'état de guerre. Ainsi, les propositions
faites n'ont aucun but.
f Cependant, puisque les malheurs de l'hulttà-
Wlé entrent aussi dans les vues dé Monsieur le dUC
d'York, le général Brune accueille bien volontiers
cet honorable sentiment : aussi les clauses qu'il
met à la cessation des hostilités sont-elles si jus-*
— 36-.
les, qu'il déclare à l'avance ne pouvoir s'en dé-
partir :
• 1® La flotte batave rendue à l'amiral Mit-
chell par Tamiral Story sera restituée à la répu-
blique batave avec l'armement et l'équipage. Dans
le cas où Texécution de celte clause excéderait
les pouvoirs de Monsieur le duc d'York, Son Altesse
s'engage à obtenir de sa cour une compensation
équivalente ;
« 2® Quinze mille prisonniers de guerre , fran-
çais et bataves, détenus en Angleterre, seront, au
choix et dans la proportion, réglés par les gou-
vernements dès deux républiques, renvoyés libres
et sans conditions dans leur patrie. L'amiral ba-
tave De Winter sera considéré comme échangé.
Le présent article ne préjudicie en rien au cartel
d'échange qui est en activité et n'en fait point
partie ;
« 3® Les batteries et fort du Helder seront ré-
tablis dans l'état où ils se trouvaient lors de l'in-
vasion faite par l'armée anglo-russe. Un officier
d'artillerie sera envoyé au Helder par le général
Brune pour surveiller l'exécution de cet article ;
• 4® Sous quarante-huit heures, l'armée aux
ordres de Monsieur le duc d'York évacuera la po-
sition du Zyp : ses avant-postes seront retirés à la
hauteur de Gallantsoog. L'armée française-batave
conservera les positions qu'elle occupe actuelle-
ment, et prendra néanmoins avant-poste à Peten,
Krabbendam , Schagerbrug et Colorn : elle aura
-87 -
seulement une vedette à la hauteur de Callantsoog;
• 5® Les troupes composant l'armée anglo-russe
se rembarqueront successivement elle plus promp-
tement possible. Au 30 brumaire de la présente
année (21 novembre 1799), tous bâtiments anglais
devront être sortis du Texel, ainsi que toutes trou-
pes anglaises et russes des mers, côtes et îles de
la république batave, sans que, dans cet inter-
valle, ils puissent troubler les grandes sources de
la navigation, ni pratiquer aucune inondation dans
le pays ;
« 6® Les vaissaux de guerre ou autres bâti-
ments chargés de nouvelles troupes pour Tarmée
combinée anglaise et russe, ne pourront effectuer
de débarquement : ils devront se remettre en mer
le plus tôt possible ;
« 7*^ Pour la garantie de ces clauses, il sera
donné par M. le duc dTork des «otages choisis
parmi les officiers de marque de son armée. »
Le 18 octobre on était d'accord, et Ton traitait
sur les bases indiquées par le document ci-des-
sous :
« Le citoyen Brune, général en chef de Tarmée
française et batave, n'a rien plus à cœur que de
prévenir une nouvelle effusion de sang en faisant
cesser les hostilités, mais il sait ce qu'il doit à la
bravoure et à la supériorité de Tarmée qu'il a l'hon-
neur de commander. Il a examiné les observations
de M. le duc d'York sur les articles proposés avant-
hier, et il a autorisé le général RostoUant à con-
-?8-
clura un accorcl d'après les modiOcaUoii^ qui ré-
siUteut des remarques suivaates :
« Aï^TIÇLÇ l®^ — RESTITUTION DE lA FLOTTE.
t Le général Brune voit avec peine que M. le
duc d'York se déclare sans pouvoirs sur cet ar-
ticle. Il ne veut point prendre trop de confiance
dans l'effet des communications que Son Altesse
Royale promet de donner au gouvernement an-
glais à cet égard. Cependant, il doit observer que
la flotte batave a été livrée par trahison et qu'elle
a été reçue comme dépôt pour être remise au gou-
vernement que la cour de Londres se proposait de
rétablir dans ce pays, selon la volonté présumée
des habitants. Gomme le sort des armes en a au-
trement décidé, et que M. le duc d'York a pu voir
que le peuple batave ne consent en aucune manière
au rétablissentent des formes anciennes de son ad-
ministration, la loyauté semblerait exiger que la
flotte fût restituée, ou du moins que le peuple ba-
tave reçut une indemnité équivalente. Quelque
parti que prenne le gouvernement anglais, il est
présumable que, soit de meilleures maximes, soit
les chances de la guerre générale, amèneront des
circonstances favorables au redressement de ce
grief.
« ARTICLE 2. — ANCIENS PRISONNIERS DE GUERRE.
• M. le duc d'York fixe décidément à ciaq mUle
le nomlvre des prisenniers epii devront être rmidus
par TAngteterre. Le général Brune en a demandé
quinze mille : en réduisant ce nombre à huit mille,
peut-être ne compen$e^t-^on que faiblement les
avantages que promet à l'armée française et ba-
tave la continuation des hostilités.
" ARTICLE 4. — POSITIONS DES DEUX ARMEES.
• Le terrain qui reste en Nord-Hollande à Tai-
mée anglaise et russe suffisant à peine pour la
cantonner en attendant les moyens d'embarque-
ment, le général Brune n'insiste pas pour qu'elle
cède les positions demandées. En conséquence, la
ligne des avant-postes de chacune des deux armées,
telle qu'elle existe en ce moment, pourra servir
respectivement de démarcation.
• ARTICLE 5. — EMBARQUEMENT.
• En accordant jusqu'au 9 frimaire prochain
(30 novembre 1799) pour Tentière évacuation du
territoire batave par l'armée anglo-russe, le géné-
ral Brune entend bien que ce terme sera de ri-
gueur, et qu'à l'expiration du délai fixé, il ne
pourra rester un seul ennemi sur aucunes terres,
côtes, mers et îles de la répubUque batave.
« ARTICLE 7. — OTAGES.
« La Dosiliofi: de l'armée française et batave ne
— 40 —
souffre point la réciprocité d'otages. Cependant,
afin de prévenir sur cet article toute vaine dispute,
Ton peut statuer que, de part el d'autre, il sera
envoyé des officiers chargés de s'assurer de la
cessation des travaux, et en général de Texécution
de tous les articles connus. Néanmoins, un oflîcier
général anglais devra rester dans Tarmée fran-
çaise et batave pour la garantie de la prompte dé-
livrance des huit mille prisonniers qui devront
élre rendus par l'Angleterre. »
Cette campagne de trois mois avait été glorieuse
pour Vandamme, et il y avait acquis de nouveaux
titres à la reconnaissance de sa patrie ; mais sa
santé se trouvait assez fortement ébranlée par
suite de sa chute. Dès que la convention fut signée,
dès que le général vit qu'il n'y avait plus proba-
bilité de combattre, il sollicita un congé pour re-
tourner en France. Il produisit à l'appui de sa de-
mande le certificat ci-dessous :
« Nous soussignés, officiers de santé en chel
de l'armée, certifions que le citoyen Vandamme,
général de division employé à l'armée française
en Hollande, a été atteint, il y a deux décades,
d'une luxation complète du bras gauche, et que.
quoique cette luxation ait été réduite sur le mo-
ment même, cependant comme le général Van-
damme n'a pas discontinué ses fonctions mili-
taires, et qu'au contraire il s'est livré à une ex-
cessive activité, il éprouve dans toute l'extrémitt
supérieure gauche des' douleurs considérables qu
le privent de l'usage de ce bras ; comme d'ailleurs
il a ressenti, depuis une décade, plusieurs atteintes
de fièvre, et qu'en général sa santé est depuis ce
temps fort altérée, nous pensons que le général
Vandamme, pour recouvrer le libre exercice de
son bras gauche et rétablir entièrement sa santé,
doit se retirer quelque temps chez lui et s'y livrer
au repos et aux soins appropriés à son état.
• En conséquence, nous certifions que le ci-
toyen ci-dessus désigné est dans le cas d'obtenir
un congé de convalescence de trois mois. »
Non-seulement Bnme accorda de bonne grâce
à son vigoureux lieutenant le congé demandé, mais
il lui adressa, le 19 octobre, une lettre des plus
flatteuses.
La voici :
« Citoyen général, je vous accorde, suivant vos
désirs, la peimission d'aller rétablir votre santé à
Cassel. Vous ne cesserez pas d'être compris dans
le nombre des généraux attachés à Tarmée que je
commande, à moins que le ministre ne vous donne
une autre destination.
• Pour ce qui concerne vos réflexions relatives
à mes sentiments pour vous , ayez la certitude
que personne n'a plus d'estime que moi pour vos
talents militaires, ni d'inclination à vous rendre
justice (1).
« Salut républicain. »
(1) Une affaire d*argent, ainsi qu*on le verra plus loin, ne
•levait pas tarder A jeter du froid entre Brune et Vandamme.
-42-
« p. iS.-r-P Je vous renvoie vos cef tifioats, voire
parole suffit. »
Bruiie Ut plus pour Vandamme, il le chargea
de porter au Pirectoire batave le tmité conclu, et
écrivit aux membres du gouvernement le 20 oo
tobre :
% Citoyens Directeurs, si Tarmée que j'ai Thon-
neur de commander a fait des prodiges, c'est
qu'elle est composée de républicains et a com-
battu pour la liberté. Enfin, une convention glo-
rieuse met un terme aux calamités de la gueiTe
en Batavie. Le général Vandamme, qui vous re-
nuettra cette convention, a puissamment concouru
par ses talents, sa bravoure et son dévouement à
amener cet heureux résultat de nos travaux mili-
taires. Je l'ai choisi pour vous en offrir l'hom-
çaage.
t Salut républicain. »
Vandamme se rendit auprès du Directoire de la
république batave, lui remit le traité et prononça
le discours, un peu ampoulé et dans le goût de
l'époque que l'on va lire :
<
«^ Citoyens Directeurs, 'envoyé vers voua par le
général en chef des armées combinées, je m'ap-
p^audtis d'un choix qui me procure la première
mission que j'aurai remplie auprès d'une autorité
aussi respectable que la vôtre. Et quelle mission,
citoyens Directeurs ! Je vous apporte la nouvelle
d'uue capitulation qui délivre la Batàvie d'un
mièVi\ piuUsai^t qui âQv^lage vas âmes affaissées
;^s ri^quiétudç Pf^tçrnclle qu'excitait le d9^^e^
le vos oco^citoy ws, qui leur assure le repos, la
il^rté^ rhouueur, Açaour de 1^ patrie, horreur
]» Ve&olavage, septiment d'une glpire ^ soutenir,
iSèctioua générales qui remplissez les coeurs de
Wte Tarmée, saps ^o.^te vous uou$ gair^utissiez
a viotoiye; fE^ais ceUe victoire devait ooûtçir encore
lu sang, d^ ^?iï^6St, et le deuil (^e quelques fa-
pi^es se fût ^lélé ai^, témoignages de Tallégress^e
)iiblique« Quel triomphe glorieux que celui qui
itt^te ^ tous les peuples la valeur invincible dVne
irmée, et sur lequel r^uipaauité iie peut gémir,
d'est donc 1^ que viçuneut aboutir ces puissantes
EX)mbinaiaQns, ces eCforts redoutés,, auxquels la
pteur des uns donnaiit une apparence si mons-
trueuse et que l'espérance coupable des autres
nous vantait avec une ]oie si féroce. Ils ignoraient
donc, les insensés, que les Bataves avaient à leurs
côtés ces alKés généreux, ces amants exaltés de la
liberté, qui souffriront la mort mille fois plutôt que
l'esclavage de leurs amis ! C'est en répandant leur
saog pour \^ dçfeuse dfi ces contrées que le? Fran-
çais ont va\|lu répondra aux insinua,tions calom-
pieases de la perfidie. Ik ont réclamé l'honneur
les postes les plus p^riUeu^c;^ ils les ont défeAd,us
^ prix des plus gr^ucl^ sacrifices j c'est aiusi
i«'^ out diaçipé^ tous çf s br^i^ de refaite sujp;-
« Les p^pWs libres sont géivéroux,. l*aBpÂ(ié pant
— 44 —
les unir ; mais les rois qui calculent tout ne con-
naissent point Tamitié. C'est à l'harmonie qui
règne dans tous les rapports entre les deux répu-
bliques que vous devez l'éclatant succès qui ter-
mine la campagne. Quelle leçon puissante pour
resserrer de nouveau les nœuds d'une alliance qui
nous présage tant de bonheur ! Est-il un con-
seiller perfide qui cherche à vous faire refuser le
bras d'un peuple puissant qui soutient l'édifice de
votre Hberté ? Qu'il se cache maintenant avec la
honte de ses desseins coupables, et qu'il frémisse
à l'aspect des deux peuples formant une union
indissoluble pour le salut de la Batavie. »
Le général RostoUant rendit compte le 19 au
ministre de la guerre, par ordre de Brune, et ce
dernier envoya le texte même de la convention au
gouvernement français par le général Boudet.
Voici ces deux documents :
« Alkmaar, le 19 octobre 1799.
ROSTOLLANT AU MINISTRE DE LA GUERRE.
• Citoyen Ministre, grâce à la brave armée que
commande le brave général Brune, la république
batave se trouve délivrée du terrible fléau de la
guerre ! . . . Quarante mille Anglais et Russes
tremblant devant nos faibles cohortes sont venus
demander capitulation. L'acte en a été signé hier.
Ce traité, la honte du gouvernement britannique,
et le plus rude choc donné à la coalition, a pour
principal article 1 affranchissement de huit mille
prisonniers de guerre français et bataves détenus
maintenant en Angleterre. L'armée britannique
aura jusqu'au 9 frimaire (30 novembre 1799) pour
évacuer. Le général en chef vous fera connaître
toute la négociation et les articles qui ont été
arrêtés.
• Ce traité dicté par Thumanité et par Tinlérét
des deux républiques sera considéré comme une
douce et importante victoire ; il prouvera d'ailleurs
que rien ne peut ébranler les républicains quand
Tamour de la gloire et l'attachement à la patrie les
anime. >
*
« Alkmaar, le 20 octobre 1799.
BRUNE AU MINISTRE DE LA GUERRE.
« Citoyen Ministre, enfin j'ai termine une cam-
pagne heureuse par un traité profitable et glorieux.
Le général Boudet, qui vous le remettra, est l'un
des généraux qui par ses talents et sa bravoure
personnelle ont le plus contribué à nos succès.
C'est lui qui à Kastricum vit le premier Tcnncmi,
et qui le lendemain le poursuivit dans sa retraite,
J'ai ci*u devoir lui donner le plaisir de vous pré-
senter le fruit de nos travaux. »
Voici maintenant une lettre curieuse de Bou-
delà Vandamme, lettre écrite de Paris à la date
du 30 octobre 1799:
« Dans l'intention où j étais, citoyen général,
de vouB donner utl dét&il exact dé ma toiisBloMi
àe Veitei qu^ellô aVait produit, j*ai suspendu
plaisir de vous en informer jusqu'au moment i
l'opinion publique mô serait bien connue. Aujou
d'hui qu'elle est généralement prononcée sur
bien de la capitulation, je puis vous dire qu'elle
fait la plus agréable sensation ; chacun en COU
mente les conséquences et lés avantages ; on rôi
la justice qui est due à Tarmée, et parliculièreme
à vous, déjà connu sous les rapports les pi
avantageux; j'ai du plaisir* à vous répéter ce t
moignage, c'est celui que vous m'avez fait co
nailre.
« Je suis engagé chaque jour chez les dif
renls Directeurs ; tous se font un plaisir de r
parler de l'armée; ils désirent vivement d'à
prendre la fin de rembarquement de l'ennemi. 1
terme accordé est ce qu*îls ont trouvé beàucoi
trop long; je les ai rassurés en leur disant qi)
était presque certain qu'il ne profilerait pas (
délai et qu'il serait parti avant qu'il fut expiré.
• Bonaparte est à la campagne, ce qui m'a ei
péché jusqu'à présent de le voir. Le général Be
nardotte m'a beaucoup parlé de vous ; je l'ai a
sure de votre amitié ; c'est un patriote et ami q
vous et moi regretterons toujours de ne pas v<
au ministère ; c'est à lui à qui nous devons 1
prompts secours envoyés on Hofiande, et, po
mieux dire, tous les triomphes que la Républiq
a sur ses ennemis.
• j'ai eu k plaisir hiét de ki^ COtltiaifiëMflO»
avec le général Moreau ; il est difficile d'allier att*
tant de mérite et de taodestie. Il iîi'a parlé dfe vous ;
il est particulièrement votre ami ; il a apprîà avèé
joie les détails que j*ai pu lui donner ; votre mérite
d'ailleurs lui est parfaitement cohtaU. L'armée
d'Italie vient de remporter un léger avàtttàgêi
Tennemi, faisant sa retraite du levant, a été pour*
suivi, et on lui a fait douze cents prisonniers.
* Croyez, je vous prie, à Testime et à l'Attiitié
de votre èamarade. »
Vandamrtie passa lé temps de son congé à Gâs*
sel, où il rétablit ia santé, et ne tarda pas à se
marier. Il avait alors Vingt -^ neuf ans. Aimatil
beaucoup Bonaparte, il applaudit au 18 brtt*
maire et à ravèneifaenl au pouvoir* du vaîU(|ueUf
de l'Italie.
Au commencement de Tannée 1800, MoreûU, qui
commandait Tarmée du Rhin^ et désirait avoir
Vandamme sous ses ordres, lui écrivit de Bâlè
(8 janvier) :
« Recevez, mon cher général, mes sincères
félicitations sur les brillants succès que vous
avez obtenus en Hollande. Ceux qui vous con-
naissent n'attendaient pas moins de votre courage
èl des talents que vous avez déployés en toute
occasion.
« Lorsque votre santé, bien rétablie, vous per-
mettra de reprendre un service actif et de courir
encore les chatices de la guerre, creye« qUè je
- 48-
serai infiniment flatté que nous les partagions en-
semble.
« Recevez l'assurance du parfait attachement
que je vous ai voué pour la vie. »
Vandamme avait été fort lié avec Moreau, et,
malgré un peu de refroidissement, il rendait jus-
tice à ses brillantes qualités comme général, et ne
demandait pas mieux que de servir sous un pareil
chef.
Il obtint facilement un emploi à l'armée du Rhin,
à laquelle il fut nommé le 26 janvier. En lui fai-
sant connaître sa nouvelle destination, Berthier,
alors ministre de la guerre, le prévint que Tordre
n'étant pas d'urgence, il ne lui serait pas alloué de
frais de poste. Vandamme en écrivit à Moreau,
qui, ayant hâte d'organiser son armée, lui ré-
pondit le 12 février :
« Quoique le ministre de la guerre vous pré-
vienne, mon cher général, qu'il n'est pas urgent
que vous vous rendiez à Tarmée, je vous invite à
hâter votre départ pour Baie. J'espère que vous
voudrez bien faire l'avance des frais de poste, et
quand vous serez arrivé ici, je ferai en sorte que
tout s'arrange à votre entière satisfaction.
« Vous ne doutez pas du plaisir que j'aurai de
vous revoir, et je me flatte que vous ne me lais-
serez pas longtemps dans l'impatience. »
Vandamme était tout disposé à rejoindre l'ar-
mée du Rhin dès la lin de février ; mais une lettre
de Bernadette lui apprit que le grand nombre d'of-
- 49 -
ficiers généraux et d'état major alors à cette ar-
mée, avait fait prendre au ministre de la guerre la
détermination d'en envoyer une partie dans l'Ouest
ou en Italie.
Bernadette ajoutait que si une de ces destina-
tions pouvait lui convenir, il était prêt à faire des
démarches pour cela, ou que s'il voulait un congé
à Toccasion de son mariage, le ministre était dis-
posé à le lui accorder. Vandamme, qui ne croyait
pas à la reprise prochaine des hostilités, et devant
les yeux duquel on avait fait luire le prestige du
commandement supérieur de plusieurs départe-
ments du Nord menaces par les Anglais, demanda
que ce commandement lui fût réservé. Ne sachant
donc pas encore positivement s'il serait ou non
conservé au Rhin, il attendit que son sort fût fixé
pour se rendre à Baie, où il arriva enfin dans les
derniers jours de mars. Il apprit qu'on lui desti-
nait le commandement de l'une des quatre divi-
sions du corps de Tailc droite, corps aux ordres
du lieutenant général Lecourbc.
Ce dernier lui écrivit le 30 mars de Zurich pour
le prier de venir sans délai à Saint-Gall, afin d'y
prendre le commandement des doux premières di-
visions, fondues en une seule avec le n^ 2. Il le
prévint que cette division nouvelle était composée
des trois brigades Jardon, Laval et Molitor.
L'armée du Rhin avait alors l'organisation sui-
vante :
Aile droite, réserve, centre, aile gauche. — Gé-
II. 4
— 80 —
néral en chef, Moreau ; chef d'état major général,
Dessolle. — Aile droite : Lecourbe ; chef d'étal
major général, Gudin. — V^ division, Montchoisy
(six mille huit cents hommes); 2% Vandamme
(douze mille hommes); 3*, Lorge (neuf mille hom-
mes) ; 4*, Montrichard (huit mille huit cents hom-
mes), occupant la rive gauche du Rhin, du con-
fluent L'Aar au Saint-Bernard. — Réserve sous
les ordres directs de Moreau. — Divisions Del-
mas, Leclerc, Richepanse; réserve de cavalerie,
D'Hautpoul. — Centre, général Saint-Gyr; divi-
sions Ney, Baraguey-D'Hilliers et Thurreau; di-
vision de réserve, Dcsbrulys. — Aile gauche,
général Sainte-Suzanne ; divisions actives : Co-
laud, Legrand, Delaborde, Levai; deux divisions
territoriales.
La division Vandamme était formée des bri-
gades de droite, Molitor (quatre mille quatre cents
hommes) ; du centre, Jardon (trois mille hommes),
et de gauche, Laval ( quatre mille quatre cents
hommes).
Moreau avait conçu un plan de campagne fort
habile, mais pour rexéculion duquel il fallait une
grande précision de mouvements, des généraux
capables et d'excellentes troupes. Ce plan consis-
tait à agir par Taile droite, observant le Saint-
Gothard et les principaux passages du Haut- Va-
lais jusqu'aux Grisons, à tromper les Autrichiens,
à les retenir sur leur propre droite, et à les rejeter
sur la rive gauche du Danube, isolant ainsi l'ar-
— 51 —
mée autrichienne de Mêlas, en Italie, de celle de
Kray, en Allemagne.
Le Premier Consul n'approuva pas d'abord ce
plan. Il ne songeait qu'à reconquérir Tltalie, et il
eût voulu que l'armée du Rhin se bornât à para-
lyser les principales forces de l'Autriche, laissant
le rôle principal à Tarmée de réserve sous ses
ordres.
Des letlres assez importantes furent écrites à
cette époque par Moreau à Bonaparte. Nous don-
nerons les Irois suivantes, deu,x du 2 avril et
l'autre du 4 du même mois, parce qu'elles font
connaître parfaitement la situation mihtaire :
« L'ennemi se rassemble, citoyen Consul, aux
débouchés de Schaffouse et de la Vuttach. Cela
rendra le passage du haut Rhin dangereux, même
imprudent. Alors, je déboucherai avec toute Tar-
mée, excepté le corps du général Lecourbe, par
Kehl, Brisach et Baie, et me rendrai à la sortie
des montagnes Noires pour me porter sur ses der-
rières. Il sera forcé de quitter sa position pour
venir me combattre. Lecourbe passe alors, et me
joint facilement par la chaussée de Stulingen et
de Schaffouse.
« S'il prend l'offensive, Lecourboy en lui oppo-
sant la résistance nécessaire pour retarder sa
marche, s'en ira de position en position jusque
derrière la Limath, pendant que je ferai mon mou-
vement sur ses ponts.
« J'ai laissé au corps du général Lecourbe sa
— 62 —
dénomination de droite. Les noms ne font rien à
la chose, et une réserve à droite indiquait à l'en-
nemi qu'on remploierait autrement qu'à la faire
combattre à son rang de bataille.
« Je connais d*autant mieux vos idées pour la
réserve de Dijon, qu'avant de savoir qu*elle dût
exister, j'avais le projet, si nous avions des succès
décisifs, de faire moi-même, avec une partie de
l'armée, la pointe de l'Italie, pour dégager noire
armée, et à confier au lieutenant général Saint-Cyr
la défensive de l'Allemagne pendant cette incur-
sion, que j'estimais devoir être de six semaines
au plus. L'armée qui se rassemble à Dijon rem-
plira le but bien plus facilement et plus sûrement;
mais je pense qu'il faudra toujours passer par
Laudec, Sanders, Botzen et Trente.
« Le général Lecourbe a envoyé une demi-bri-
gade de renfort dans le Valais. Le 3® bataillon de
la 9* légère est en marche pour s'y rendre. 11 as-
sure que le Gothard n'est tenable ni pour nous ni
pour l'ennemi, mais qu'il appartient à celui qui s
le Valais. Il est gardé, mais on ne peut y envoyci
trop de troupes, par la difficulté de les y faire
vivre.
• Il a fallu laisser deux demi-brigades à Mayence
en attendant Tarrivée de la 66*. Je viens même
d'ordonner que la 5* et la 17® ne partiraient poui
leur destination qu'à son arrivée, pour que je
puisse en retirer un bataillon de la 65®, que j'j
avais envoyé pour s'opposer à des démonstrations
assez sérieuses, que le corps de Starray, resté sur
le Necker et le Mein, avait faites contre Cassel et
le Palatinat. Je me rends à Strasbourg, où j'achè-
verai de régler tous ces objets. Mais il faut avoir
un moyen de connaître la mauvaise volonté des
habitants pour se figurer combien il faut de troupes
pour disperser et garder les postes.
« Les approvisionnements que vous avez or-
donnés, et ceux de vingt-cinq à trente jours né^
cessaires à Tarmée pour commencer ses opéra-
tions, exigent de granJs fonds. Je viens de prendre
plus d'un million sur la solde pour assurer le
service courant. Les détails que le général Des-
solle envoie au ministre de la guerre, qui sûre-
ment vous en rendra compte, vous en convain-
cront facilement. Il vous instruira également des
demandes du général Eblé, pour les chevaux d'ar-
lillerie. La lenteur de la levée du quarantième che-
val nous laisse un déficit considérable, et si on ne
le remplit très-incessamment, nous serons forcés
(le faircla campagne sans parc et sans équipages
de pont.
« A mon arrivée à Strasbourg, je vous expé-
dierai un courrier pour vous donner des détails
sur la gauche de l'armée. Elle se forme actuelle-
ment d'après la nouvelle organisation que j'ai ar-
rêtée. Quelque désir que j'aie de la voir toute ras-
semblée, cela m'est impossible, par la difficulté
de faire vivre les chevaux.
• Salut et respect. »
— il —
• Le général Des>olIe m'a remis, citoyen Con-
sul, votre lettre du i5 mars. II m'a appris que
votre projet n'était pas «le venir à l'armée du
Rhin.
• Comme Français, j'aurais désiré vous en re-
mettre le commandement, certain des succès que
vous obtiendriez ; comme général en chef, j'étais
également aise de la quitter, j'avais lieu de croire
que le gouvernement n'a\~ait plus en moi la con-
fiance que doit inspirer un général en chef. L'ins-
truction du ministre de la guerre du 2 mars, celle
donnée au citoyen d'Albe et dont je vous envoie
copie, l'envoi d'officiers, les uns venant à l'armée
avec Tintention d'aller dire aux troupes qu'ils
étaient venus apporter de l'argent et qu'on allait
les payer; d'autres, celle de visiter des avant-
postes occupés depuis longtemps par des géné-
raux qui, certes, auraient pu en faire un rapport
plus exact et plus détaillé qu'un oflicier particu-
lier qui les parcourt en poste ; des ordres pour
placer tel et tel corps dans telle garnison ou can-
tonnement; des changements de destination qu'on
adressait directement ou à des généraux ou à des
officiers particuliers, etc. J'étais très-élonné d'ap-
prendre que telles divisions ou tels postes ces-
saient d'être occupés parce que ceux qui y étaient
avaient reçus l'ordre direct de quilter Tannée.
Une vingtaine d'officiers du génie viennent encore
de recevoir l'ordre de se rendre à Dijon. Cela m'a
enfin déterminé à défendre à qui que ce soit de
quitter Tarmée sans que son ordre ait été vu à
l'état-major pour les remplacements.
« J'ai peut-être à me reprocher de ne pas vous
avoir fait part de ces détails. J'aurais préféré quit-
ter l'armée à votre arrivée, et que vous les igno-
riez toujours; mais ayant appris que vous aviez
été affecté de quelques-unes de mes lettres, et
craignant que vous ne les attribuiez à des motifs
qui vous fussent personnels ou à des regrets de
me voir remplacer, j'ai dii vous faire connaître les
causes de mes dégoûts.
« Je vous assure avec la même franchise que
je vous suis sincèrement attaché. Croyez que per-
sonne n'apprécie mieux et ne rend plus de justice
à votre manière de gouverner. Je vous crois même
nécessaire à la tranquillité et au bonheur de la
République.
« La confiance que vous venez de me témoi-
gner, le désir d'être utile à mon pays, m'imposent
l'obligation devons seconder de tous mes moyens.
J'ose espérer des succès, mais je vous réponds
de tous mes efforts.
• Je vous prie de regarder cette lettre comme
particulière, de ne faire aucun usage des détails
qu'elle contient, dont sûrement vous ignoriez la
plus grande partie, et de croire que personne ne
vous est plus sincèrement attaché que moi. »
« Comme je montais en voiture pour me rendre
à Strasbourg, citoyen Consul, j'ai reçu une dé-
pêche de M. de Lehrbach, contenant celle que
— Si —
j'eavôie ?ar -Te rccr-i-fr ti citrven Tallevrand.
• Crs: Ji ^îiix M jn iTi'^rre. La première est
uri cve^.ird'ecL: ie^ir^^ix. '711 rentira le k»onheurà
Eocre pa^ie. Xet^cèr: rie Li seo^ade. s'il faut en
\ciLs Li. ae ^Hrrll Zii5 zLilleorefise : mais il nous
fa'it de rar^c.i ^«i^ir "«.s appr^visioiinemeiils et
uce mesure pr^nz'.e p^rir les chevaux d'artillerie.
Nous en avons d: ne oa ^pîr.r.-^ cents à Tinfirme-
rie. partîcuLîèremeaî de la gauche. Il parait qu'il
y a eu plus fie de riiLs.>uciaiice. Le général Eblé
est à Strasb'-jur^. Je m'y rends également, et nous
tirerons cela au clair. Je crains d'avoir à décou-
vrir du gaspillage dans quelques officiers d'artil-
lerie.
« Je serai à Strasbourg trois ou quatre jours.
Vous pouvez m'y faire passer vos ordres jusqu'au
8. Je vous prie de me faire connaître, par le télé-
graphe, si nous devons combattre. •
Vandamne fut, à cette époque, sur le point de
quitter l'armée de Moreau. Bemadotte avait fait
des démarches auprès du Premier Consul pour
lui faire obtenir le commandement supérieur des
déparlements du Nord, objet de ses désirs, et
avait [d'abord réussi ; mais ensuite Bonaparte
avait décidé que le commandement ne serait affec-
té au général qu'après les premières opérations
sur les bords du Rhin et le passage du fleuve. Le
Premier Consul avait l'intention d'appeler à lui la
droite de l'armée du Rhin , pour avoir à celle de
Réserve, Lecourbe, et il était fort aise que l'un des
divisionnaires de ce dernier fût l'intrépide Van-
damine. Voici la lettre de Bernadolte :
• Depuis ma lettre écrite, mon cher général,
lettre dans laquelle je vous annonçais que vous
recevriez incessamment des lettres de comman-
dement pour les départements de la ci-devant
Belgique, le Premier Consul a changé de détermi-
nation, et sa nouvelle décision vous laisse à l'ar-
mée du Rhin, où vos talents et vos connaissances
locales sont utiles. Il m'a chargé de vous dire
qu'il saisirait avec plaisir Toccasion de vous être
agréable, mais qu'il pensait qu'au moment de la
reprise des hostiUtés, vous seriez bien aise de con-
tribuer par votre courage et votre persévérance
aux succès qui attendent l'armée du Rhin. Il m'a
ajouté que votre division était aux avant-postes,
et qu'il ne croyait point, s'il en jugeait d'après ses
derniers avis, que les Anglais et les Russes opé-
rassent un débarquement en Hollande.
• Croyez, mon cher général, que je serai tou-
jours prêt à faire valoir vos désirs dans la suppo-
sition que vous persistiez dans votre premier pro-
jet, et persuadez-vous que mon attachement pour
vous est inaltérable. »
Le bruit du départ prochain de Vandamme étant
venu aux oreilles de Moreau, le général en chef
témoigna combien il serait peiné qu'il le quittât.
Vandamme se hâta de lui répondre qu'il mettait
un grand prix à servir sous ses ordres, qu'il n'a-
bandonnerait l'armée du Rhin qu'autant que ses
uo
dçrviœs seraient plus utiles ailleurs. Pour le ras-
surer complètement, il lui envoya copie des deux
lettres de Bernadette.
Le 10 avril 1800, tout faisait présager la reprise
prochaine des hostilités sur les bords du Rhin. Le
chef d'état-major général adressa au ministre de
la guerre, par ordre de Moreau, le rapport sui-
vant, exposant le plan défmitivement adopté par
le général en chef :
« Citoyen Ministre, on s'occupe en ce moment
de réunir l'armée, et tout se prépare pour l'entrée
en campagne. Le général en chef, qui fait un
voyage à Zurich, pourra vous écrire, à son retour,
le jour fixé pour le commencement des opéra-
tions.
f Le principal effort devant se porter sur la
gauche de l'ennemi, appuyée au bas de Cons-
tance, le général Sainte-Suzanne débouchera par
Kehl, et fera des mouvements dans le Kintsig,
pour engager une partie des forces de l'ennemi
dans cette vallée, et occuper le général Starray,
qui se trouve vers Rastadt.
• Le général Saint-Cyr débouchera par Brisach
et menacera le val d*Enfer. Ses premières opéra-
tions paraissant se lier à celles du général Sainte-
Suzanne, il aidera à l'effet de la diversion qu'il
doit opérer.
f Le général Leclerc sortira avec sa division
par Baie et se portera jusqu'à Schillingen, sou-
teau par la division du général Delmas, pour
-B9-
ieux dessiner le projet de nous servir de la forêt
)ire, pour déboucher dans la Souabe.
« Ensuite, à jour fixé, tous ces différents corps
Jrcheront par leur droite, et suivront la rjve
Dite du Rhin et les villes forestières, se porte-
it sur Valdstatt , tandis que le reste du corps du
aérai Morcau marchera par la rive gauche, et,
adant que le général Lecourbe effectuera son
ssage soit à Diessenhofen , soit à Eglisau ou
tisenthal, les mouvements de l'ennemi décide-
it le choix du passage. L'ennemi, forcé de com-
ttre désavantageusement sur le Rhin par cette
ération, se portera sans doute sur Stokach ou
V une ligne plus en arrière. Ses opérations dé-
leront de celles du général en chef.
« Le général Sainte- Suzanne seul se repliera
r Kehl sur la gauche du Rhin, et marchera der-
re ce fleuve jusqu'à Brisach. Les circonstances
cideront s'il doit se joindre à nous ou par le
1 d'Enfer, sur Hoffingen, ou par la vallée du
lin, ou bien se borner à couvrir les ponts de
îsach et Bâle, en nous faisant rejoindre la plus
ando partie de son infanterie.
• II serait possible que si l'ennemi donnait dans
diversion du général Sainte-Suzanne, le corps
*il aurait engagé dans la vallée de la Kintzig
ivàt plus tard à la grande armée que le général
inte-Suzanne à Hoffingen, 'où il nous aurait
pipt.
« L'on fait tous les prépar^lifs néoesâairea
— 60 —
- • • *
pour réparer les ponts sur le Rhin, depuis Bâ
jusqu'à Schaffouse, et pour en jeter un à Valdsta
par l'embouchure de TAar.
« Salut et respect. »
Ce plan de Moreau contrariait les projets c
Bonaparte, et il ne nous paraît pas douteux qi
de cette époque et de cette circonstance, da
l'antipathie de ces deux grands hommes de guen
l'un contre l'autre.
Le Premier Consul voulait seulement que 1
Suisse fut bien gardée, pour pouvoir descend]
par les montagnes dans les plaines de la Lon
hardie ; il voulait que Moreau restât en observî
tion et détachât toute son aile droite pour renforc(
Tarmée de réserve. C'est dans ce but qu'il ava
fait donner à Lecourbe le commandement de l'ai
droite, attendu qu'il appréciait la valeur de c<
officier général, son habileté dans la guerre c
montagnes et sa connaissance du pays. Or, L(
courbe préférait servir sous Moreau ; il témoigr
une sorte d'éloignement à faire partie de l'arme
de réserve. Moreau, au lieu de se prêter à ce qi
son aile droite fût détachée à l'armée de Bom
parte, au lieu de lui donner Lecourbe, se borna
envoyer quelques troupes dont on fit un corps au
ordres de Moncey. Lecourbe ne cacha pas sa sî
tisfaction de ne pas quitter Moreau. Voilà ce qi
exphque les sentiments de ces trois hommes Tu
pour l'autre, et l'éloignement constant de Lecourl
des armées impériales.
— 01 —
Ajoutons que Bonaparte avait fait placer Van-
damme à Taile droite de Moreau, précisément
dans le but de l'avoir bientôt sous ses ordres,
puisqu'il espéra longtemps que les quatre belles
divisions de Lecourbe le joindraient en Italie ;
c'est aussi à cause de cela qu'il ajourna le com-
mandement de Vandamme en Belgique.
Ce que nous disons là résulte d'une instruc-
lioii très-détaillée adressée, d'après les ordres de
Bonaparte, à Moreau, par le ministre de la guerre,
instruction fort remarquable, qui, sans dévoiler
le véritable projet du Premier Consul, renfermait
tout son plan de campagne et indiquait la force,
la composition du corps qui, sous Lecourbe, de-
vait être détaché de l'armée du Rhin, pour rallier
celle dite de Réserve.
Moreau résista aux insinuations, puis aux or-
dres du gouvernement. Il voulait agir non pas
d'une façon passive, mais d'une façon active, dans
celle guerre contre rAutriche. Bonaparte, pour
ne pas dévoiler entièrement ses projets, fut con-
traint de ne pas pousser les choses à l'extrême,
mais de là vinrent les germes de leurs dissenti-
ments. Ce que le Premier Consul pardonna le
moins à Moreau, ce fut de garder Lecourbe, qu'il
désirait par-dessus tout avoir dans son armée
d'Italie avec ses divisions.
L'importance que Bonaparte attachait à avoir
Lecourbe avec lui ressort des notes qu'il lui fit
demander sur la défense de la Suisse et sur les
-62-
débouchés de Tllalie, des Grisons, du Vorariberg,
notes qui existent en original.
Comme nous Tavons dit, Moreau s'obstina à
garder le commandant de son aile droite, et con-
sentit à composer un corps de onze bataillons qu'on
mit sous Moncey pour former une réserve en
Helvélie, jusqu'au moment où une division de
Tarmée de Bonaparte viendrait relever ce pelil
corps et lui permettre d'occuper les débouchés de
la vallée des Grisons.
Moreau se prêtait si peu aux combinaisons de
Bonaparte, qu'après avoir lu le plan qui lui était
adressé par le ministre de la guerre , il répondit
directement au Premier Consul: « Que dans sa
conviction, l'armée de réserve serait fort bien
placée à Genève d'où elle pourrait observer la
Suisse, et rendre disponibles les troupes de Far-
mée du Rhin, lesquelles agiraient sur le Reinthal
et les Grisons ; que Moncey défendrait la Suisse ;
qu'il avait fait proposer un armistice au général
en chef autrichien Kray ; que s'il n'avait pas la
réponse sous vingt-quatre heures, il ferait débou-
cher son armée. »
Dans une autre lettre du même jour, Moreau
disait au ministre de la guerre :
« Que puisque l'on faisait dépendre les opéra-
tions de l'armée d'Italie des succès que celle du
Rhin obtiendrait sur le général Kray, on aurait
du diriger principalement sur cette dernière tous
les efforts ainsi que les troupes qui étaient à Di-
— 63 —
jon ; qu'il espérait battre Tennemi; mais qu'il eût
répondu du succès s'il eût pu l'attaquer il y a un
mois, lorsque les Autrichiens n'étaient pas en me-
sure ; qu'il allait faire déboucher le corps du gé-
néral Sainte-Suzanne par Kehl, pour atlirer l'en-
nemi de ce côté ; que le général Saint-Cyr débou-
cherait par Brisach, menaçant le val d'Enfer, et
suivrait ensuite, par un mouvement rapide, le
corps qui marcherait sur les villes forestières;
qu'il serait bon que le corps du Valais fût appuyé
par une division de l'armée de réserve, parce qu'a-
lors on attaquerait les Grisons et l'on pourrait, en
entrant par la vallée de Feldkirch, s'emparer de
tout le Vorarlberg. »
On voit que Moreau n'entendait nullement cé-
der le rôle principal à l'armée de Réserve, qu'il
considérait en quelque sorte comme une annexe
de la sienne, tandis que Bonaparte, de son côté, ne
voulait faire jouer qu'un rôle secondaire aux trou-
pes de Moreau. Ce dernier, la veille d'entrer en
campagne, adressa au gouvernement un rapport
que nous allons donner complet, parce qu'il ré-
sume admirablement la position des armées sur
les bords du Rhin :
• Le Premier Consul, dans Tinstruction qu'il me
donna à mon départ, désirait que l'armée du Rhin
s'emparât de la Bavière le plus promptement qu'il
serait possible. L'état de dénuement de l'armée, la
rigueur de la saison, le défaut de subsistances, de
solde et d'habillement, le délabrement de la cava-
— 64 —
lerie, avaient rendu toute opération impossible
pendant l'hiver ; à présent même la rigueur du
temps pourra retarder de quelques jours Tentrée
de la campagne. L'armée de la République est
forte d'environ cent mille hommes d'infanterie et
treize mille chevaux. L'armée ennemie est forte
d'environ quatre-vingt-quinze mille hommes, doiil
vingt-sept mille chevaux. On n'y comprend pas
tous les corps d'émigrés à la solde de l'Angleterre,
les mihces et troupes de Souabe, Franconie et Ba-
vière; cela pourra surpasser notre nombre, mai^
nous devons nous regarder supérieurs en troupes
d'infanterie régulières et aguerries.
« L'armée de la Répubhque est placée sur h
rive gauche du Rhin, depuis la frontière des Gri-
sons jusqu'à Mayence, avec quatre têtes de pont i
Baie, Vieux-Brisach, Kehl et Gassel. Il y a à
plus un corps de troupes dans les vallées du RhôiK
et de la Reuss. L'armée ennemie occupe la riv(
opposée du Rhin, mais sans têtes de pont. Sî
gauche, aux ordres du général Petrasch, s'étem
de Coire à Lindau. Le centre, commandé par li
général Nauendorf, est i)lacé de Lindau à la vallc<
de la Kintsig. La droite, aux ordres du généra
Starray, s'étend de la Kintsig à la Nidda. La ré
serve est aux environs de Donaueschingen, quar
tier général du prince Charles, commandant d
l'armée.
« Les meilleures communications pour entre
en Allemagne sont les chaussées de Schaffouse,!
— es-
vallée de la Wuttach, le val d'Enfer, la Kinlsig, les
chaussées de Pforzheim, les vallées du Necker et
iu Mein. La nécessité de couvrir la Suisse exige
juon débouche par les communications qui y
aboutissent ; mais, pour diminuer les obstacles qui
peuvent être difficiles à vaincre dans un pays res-
serré et coupé de défilés, et où se trouvent réunies
les plus grandes forces de Tennemi, il faut, par de
fausses démonstrations, l'engager à dégarnir le
point où Ton veut faire Teffort. Les places de
Mayence et de Cassel sont d'un intérêt si majeur
pour la République, qu'on ne peut les abandonner
à la garde de quelques dépôts. Un revers considé-
rable à notre droite, l'ennemi pourrait y diriger un
effort d'une conséquence majeure. D'après cela,
j'avais cru devoir former la garnison complète de
ces places, dont je tirais le double avantage de
n'avoir nulle inquiétude sur elle, quelque événe-
ment qu'il arrive, mais encore de faire agir ce
corps sur le liane droit et les derrières de l'armée
ennemie, et de mettre à contribution la Franconie
et les cercles du haut Rhin.
• Le reste de l'armée devra déboucher en trois
corps.
• Celui de droite, aux ordres du général Le-
courbe, doit tenter un passage du Rhin, entre
Schaffouse et le lac de Constance , soutenu par
le centre dé l'armée à mes ordres qui, partant de
Bàle et remontant la rive droite du Rhin, débou-
chera par là vallée de la Wuttach.
Il S
-66-
• La gauche, aux ordres du général Saint-Cyr,
sortira par le Vieux-Brisach, et se dirigera par
Neustadt et Laffingen pour joindre Tarmoe qui
doit prendre sa position appuyée au lac de Cons-
tance, entre Slokach, Engen et Furstemberg. Un
corps de flanqueurs, passant par Lorach et Sainte-
Maise, doit servir à lier le corps de gauche au centre.
« Le mouvement de Tarmée doit s'exécuter à
partir de ses cantonnements et sans se rassembler,
moyen sûr de mettre de Tincertitude dans la dé-
fense de Tennemi.
« J'avais calculé que le corps de Mayence me
débarrasserait entièrement du corps du général
Starray. Une fausse attaque des troupes de Kehl,
vers la Kinlsig, doit y attirer quelques troupes de
la réserve de Donaueschingen, et avec l'armée
forte d'environ soixante-dix-huit mille hommes
d'infanterie et douze mille chevaux , j'abordera
l'armée ennemie qui se trouve entre le lac de Gon
stance et le Danube. Le mouvement du corps d(
Saint-Cyr par le val d'Enfer est difticile. Si h
corps du général Starray est bien occupé par 1(
corps de Mayence, le débouché de la Kintsig es
bien préférable quoique plus éloigné.
« Si l'ennemi se détermine à recevoir le combat
il est à présumer qu'il ne pourra résister à nolri
effort. Alors on peut espérer d'envahir la Bavière
et faire même un détachement pour seconde
l'armée d'ItaUe ou s'opposer à celui que l'ennem
fera probablement en Helvétje,
— 67 —
« S'il ne reçoit pas le combat, au débouché des
montagnes, ce qui est probable et à craindre, il
nous force à le suivre avec Tarmée qu'il faudra
cependant affaiblir pour garder Tllelvétie. Il se
retirera dans son camp d'Ulm couvert par le Da-
nube et cette place, ou derrière les rivières qui
sortent du Tyrol, appuyé aux montagnes.
• Dans la première supposition, le corps du gé-
néral Sainte-Suzanne , placé sur ses derrières,
rendra l'attaque du camp retranché assez facile.
Dans la seconde, il faut le suivre avec rapidité
d'ensemble pour le forcer à combattre, car il nç
faut pas se dissimuler que quelques succès bien
prononcés sont nécessaires pour assurer Tenva-
hissement de la Bavière.
« Voilà mes idées sur le début de la campagne.
La suite des opérations tient aux mouvements que
feront les armées ennemies, tant en Allemagne
qu'en ItaUe.
« Je désire que ces idées soient utiles au Pre-
mier Consul. »
Les opérations commencèrent le 25 avril. L*aile
gauche (quinze mille hommes) passa le Rhin à
Kelil, se porta sur Offenburg ; le général Sainte-
Suzanne, qui la commandait, battit Tennemi et le
rejeta au delà de celte ville. Le même jour, Saint-
CvT, avec le centre (vingt mille hommes), franchit
le fleuve à Vieux-Brisach , s'empara de Fribourg
et étendit sa gauche vers rentrée de la vallée de la
Kintzig. Le 37, Moreau, avec le corps de réserve,
— 68-^
passa également le pont de Bàle. La division
Delmas, après un beau combat, repoussa Tenneiiii;
celle du général Richepanse le culbuta à Sainte-
Biaise.
Les Autrichiens, crovant avoir affaire à toute
Tarmée française, se replièrent pour prendre une
nouvelle ligne. Le 30 avril la Wutlach fut franchie,
l'armée marcha pour se rapprocher de Lecourbe,
qui avait ordre d'opérer son pa-sagc le 1*^' mai,
alin de rallier Moreau sur Schaffouse et Stul-
lingen.
A l'aile droite, où se trouvait Vandamme, il ne
s'était rien passé pendant le mois d'avril, si ce
n'est une fausse alerte, donnée le 12, par un mou-
vement de l'ennemi, qu'un des chefs de demi-bri-
gade de la division avait pris pour une préparation
à une attaque sérieuse. On avait bientôt reconnu
que loin de songer à franchir le Rhin, l'adversaire
paraissait parfaitement tranquille de ce côté, cl
sans nulle défiance. Or, un des principaux élé-
ments de succès pour le plan de Moreau con-
sistait à attirer les Autrichiens sur notre gauche
en leur laissant croire que l'aile droite n'avait pa^
à agir directement.
Le 19 avril, Lecourbe , qui avait été recevoir d(
Moreau, à Baie, ses dernières instructions, donne
à Vandamme l'ordre : de couper toute communi-
cation entre les deux rives du Rhin, soit par le lac
de Constance, soit sur tout autre point, à parti]
du 23 ; de réunir toutes les barques grandes el
petites vers Constance , n'en laissant aucune
ailleurs, sous quelque prétexte que ce fût, et* les
plaçant aux mains d'un détachement chargé de les
garder nuit et jour; de prescrire au général Jar-
don de faire beaucoup de simulacre dans le haut
Rheinthal , afin d'attirer de ce côté Tattenlion de
l'ennemi, et de faire croire qu'on avait l'intention
de se jeter dans les Grisons ; de répandre le bruit
que l'armée de Réserve se portait dans le Rhein-
thal, et que ses têtes de colonne étaient déjà à
Berne; enfin, de faire charger l'équipage du pont
de sa division, et de le faire conduire à Rheineck,
comme si on allait se porter entre TIll et le lac. Le
général Laval , en vertu de ces mômes instruc-
tions, reçut l'ordre de s'établir vers Rheineck et
de pousser de ce côté un ou deux bataillons.
• Je ferai en sorte, ajoutait Lecourbe dans sa
leltre du 19 avril, d'aller vous voir un de ces jours,
el vous instruirai des mouvements ultérieurs de
voire division. Ne la poussez cependant pas trop à
droite, votre mouvement devant se faire sur la
gauche. Il m'importe que l'ennemi croie que nous
voulons déboucher à droite, afin qu'il y tienne le
nombreux corps de troupe qui s'y trouve. Faites
rapprocher du Rhin et du lac toutes vos troupes, à
dater du 24, que tous vos postes soient doublés,
triplés même, de manière qu'aucun espion ne
puisse passer. Recommandez au général Molitor,
surtout, la plus grande surveillance, et invitez-le
à se rapprocher du Rhin, du côté de Steck-
— 7U —
born (sur la route, entre Stein et Constance).
« Le pont est jeté, et le 23 ou 24 , commence le
branle-bas à la gauche. »
Deux jours plus tard, le 21 avril, Lecourbe fil
connaître à Vandamme que le mouvement étail
retardé, et ne devait commencer à la gaucho que
le 25 ; qu'il valait mieux ne faire les démonstra-
tions sur la droite que le 26 ou le 27, au lieu di
23 ou du 24.
Le général Molitor, qui devait opérer avec ô«
brigade, en tête de colonne , fit alors une recon-
naissance pour déterminer un point de passage
entre Stein et Reichlingen. Ce dernier point lui
parut présenter de grandes difficultés, tandis qnè
une demi-lieue sur la droite de Reichlingen, entre
cette ville et Vageahausen, il y avait un autre poinl
réunissant les conditions les plus avantageuses.
« Le Ueu d'embarquement est contigu à la route
de Stein à Schaffouse, disait le général dans son
rapport, celui de débarquement touche à celte
route et à celle de Stockach. Sur la rive droite, le
Rhin est étroit, Tennemi a néglige ce poinl qu'il
ne paraît pas apprécier, et ne peut opposer là que
peu de troupes, etc. »
L'ennemi, vers le 24 avril, commença à avoir
l'évçil. Soit que les démonstrations trop bruyantes
du général Jardon à droite, soit que les recon-
naissances de Molitor sur la gauche lui eussent
indiqué des intentions prochaines, il doubla ses
postes sur la rive droite du Rhin, parut inquiet
et porta son attention entre Stein et Rechlingen.
En rendant compte à Vandamme de ce qui se
passait, Molitor lui manda, le 24 avril : que le
rassemblement des barques ne pouvait être opéré
à Constance , qu'il venait de s'en assurer par
lui-même, qu'il serait impossible, môme de nuit,
d'en remontrer une seule sous le fou de Tennemi,
tant le fleuve était étroit près de Gottlieben ; qu'il
fallait les réunir au village de Ermadingen, à une
lieue au-dessous de Constance.
Le 15 avril, Vandamme reçut de Lecourbe Tor-
dre de faire les dispositions pour le passage. Il
devait : placer ses troupes le 27, de façon à ce que
le 28 et le 29 , elles pussent être réunies sur
Stamen , un peu en arrière de Stein , où lui-
même s'établirait le 29 ; faire camper sa division
le 29 , en avant de Stamen , en évitant que les
feux de bivouacs ne soient aperçus de la rive
droite, etc., etc.
L*inslruction du commandant de Taile droite
était nette , détaillée et cependant très-précise.
Vandamme se hâta de s'y conformer en tous
points.
La brigade Molitor, qui devait franchir le fleuve
la première, fît réunir pendant la nuit du 26 au 27
a\Til, à Ermadingen, toutes les barques qui se
trouvaient sur la rive gauche du lac. Le général
en eut ainsi à sa disposition quatre-vingt-dix,
dont trois grandes, pouvant contenir deux cents
hommes, sept moyennes, cinquante-trois plus pe-
- 7î —
tîles et quelques canots. L'ennemi s'était aperçi
de l'opération, avait battu la générale, se tenan
sous les armes pendant toute la nuit.
Enfin, le i^^ mai, avant la levée de l'aurore, des
officiers de l'état-mÉyor du général Lecourbe s(
rendirent aux différentes colonnes qu'ils étaient
chargés de guider, et le mouvement commença.
Les opérations effectuées par l'aile gauche, le cen-
tre et la réserve, avaient permis à ces différents
corps àe l'armée de Moreau, de se rapprocher de
Taile droite, de façon à ce que, le fleuve franchi pai
Lecourbe, les diverses parties pussent se soudei
ensemble.
Entre Constance et Schaffouse, un peu au-
dessous de Stein, la chaîne des hauteurs escar-
pées qui bordent la rive droite du Rhin, est brus-
quement interrompue et présente une ouverture
qui laisse apercevoir un petil fort commandani
cette vallée, et appelé Hohentwiel. Il était occupé
par des troupes wurtembergeoises. Ce fut vis-à-
vis cette ouverture, de deux mille mètres enviror
de largeur, au village de Reichlingen, qu'eut liei
le passage exécuté de vive force.
Le général Molitor était chargé de franchir le
Rhin avec les premières troupes. Ces troupes ne
se trouvèrent pas à l'heure dite au point indiqué ;
alors, n'écoulant que son courage, le brave gé-
néral s'embarqua avec quarante hommes de h
1^ légère, et sautant sur la rive droite, il se jetf
à leur tête sur les avant-postes ennemis qu'il re-
••w
poussa. Deux compagnies de la 36^ de ligne iqui,
avec leur demi-brigade devaient demeurer en ré-
sei-ve, et se trouvaient de garde sur le Rhin, voyant
lepassage commencé, se précipitèrent sans attendre
d'ordres de leurs chefs dans les premiers bateaux
sous leurs mains, débarquèrent, vinrent en aide
au détachement du général Molitor , et tinrent
ferme jusqu'à l'arrivée des deux premiers ba-
taillons de la 86*. Les troupes s'établirent ensuite
àGotterdingen, et les ponts ayant été établis vers
midi, toute Taile droite, vingt mille hommes, avec
lartillerie fut transportée sur la rive ennemie.
Vandamme ayant opéré le passage avec sa di-
vision, marcha sur le petit fort de Hohentwiel, qui
se rendit à lui sans coup férir. Lecourbe se lia par
sa gauche avec le corps de réserve où se trouvait
Moreau. Il fit repousser les troupes autrichiennes
qui avaient essayé de s'opposer au passage, et qui,
à la suite d'une bonne défense, se mirent en re-
traite sur Stokach.
Ainsi, après des marches longues et pénibles
effectuées par l'aile gauche, le centre et la réserve,
après le passage du fleuve par l'aile droite, après
avoir trompé l'ennemi qui attendait l'armée fran-
çaise avec la majeure partie de ses forces, vers le
débouché de Kintzig et du Val-d'Enfer, l'armée de
Moreau se trouva réunie et en bataille , sa droite
au lac de Constance, et en mesure d'enlever cet
appui important au général Kray. Ce dernier, re-
venu de son erreur, manœuvrait avec le plus de
rapidité possible pour gagner Stockach avant son
adversaire. Moreau espéra le surprendre pendant
cette marche de flanc, et donna Tordre de mou-
vement pour le 3 mai. Lecourbe se porta sur Stoc-
kach, le corps de réserve se dirigea sur Engen, le
corps de Saint-Cyr eut ordre de se diriger éga-
lement sur Engen par Stutlingen. La réserve de
cavalerie du général d'Hautpoul suivit le corps
de réserve, les équipages, à Texception des am-
bulances, restèrent en arrière.
Moreau voulait, par cette manœuvre, séparer la
gauche de Tennemi du corps occupant les Grisons,
et s'établir sur la ligne de Stockach à Engen.
L'aile droite se mit en mouvement le 3 mai, à
sept heures du matin. La 1^* division , celle de
Vandamme, se liant avec la 2® du général Mont-
richard , se dirigea sur Sernadingen. Ces deux
' divisions trouvèrent l'ennemi en position aux dé-
bouchés du bois de Steitlingen, Walvis et Bodman,
Il était commandé par le prince de Vaudemont, sa
nombreuse cavalerie déployée en arrière de Steit-
lingen. Lecourbe ordonna à la cavalerie du gé-
néral Nansouty (15* régiment, 11* de dragons,
12* de chasseurs) de charger. Les Autrichiens
furent repoussés jusqu'en avant de Stockach.
Vandamme, à la tête d3 la brigade Molitor, fil
un mouvement tournant par sa gauche , déborde
l'ennemi, et le général Montrichard, profilant ha-
bilement de cette manœuvre hardie, chargea avec
sa division. Les Autrichiens furent mi6 en pleim
déroute. La cavalerie française les poursuivit ,
entra pêle-mêle avec eux dans Stockach, dépassa
celte ville, gagna les hauteurs qui la dominent.
Presque toute Tinfanterie autrichienne qui avait
combattu de ce côté resta prisonnière.
Lecourbe , en rendant compte de cette belle
journée, donna les plus grands éloges à Vandamme
el à Molitor.
Pendantque l'aile droite obtenait ce grand succès,
le corps de réserve, avec Moreau, gagnait la ba-
taille d'Engen.
Le 4 mai^ lendemain de ces deux victoires
simultanées , l'armée française appuya sur sa
droite ; la division Lorge, un instant détachée du
corps de Lecourbe, y rentra, la division de cava-
lerie d'Hautpoul se rendit à Stockach, à la dispo-
sition du commandant de l'aile droite. Moreau,
instruit dans la soirée , par sa reconnaissance,
que l'ennemi s'établissait fortement à Grombach, et
paraissait vouloir encore tenter le sort des armes,
aN-ant de franchir le Danube, donna des ordres
pour que l'armée se mît en mouvement le 5, et se
portât sur Moskirch, point de jonction des routes de
Stockach et de Tutlingen sur la vallée du Danube.
Lecourbe s'ébranla à cinq heures du malin, mar-
chant sur Moskirch. Vandamme, formant tête de
colonne avec sa division, flanqua la droite de
l'armée avec une de ses brigades, tandis qu'avec
deux qui lui restaient il interceptait la roule de
Pfullendorf à Moskirch. Les autres divisions de
— 76-
Taîle droite, la résen-e et le centre, a*àvancêrent
dans leur ordre de bataille naturel.
Les Autrichiens occupaient en force le plateau,
en avant de Moskirch. Vingt-cinq bouches à feu
enfilaient la chaussée de Grombach, sur laquelle
marchait le général Montrichard. Ce dernier essaya
de déboucher rapidement, mais il eut de la peine
à maintenir le combat sur ce point. Ce ne fui
qu'avec des difficultés inouïes, des pertes consi-
dérables, qu'il parvint à se soutenir. Pendant ce
beau combat de la division Montrichard, la divisioi
Lorge attaquait une des clefs de la position, It
village d'Endorf au pied du plaleau et défendu paj
l'élite de Tarmée de Kray. Vandamme ayant re-
joint Montrichard, Taida alors à s'emparer de Mos
kirch, que la brigade Molitor (36® et 94®) finit pa
enlever au pas de charge et à la baïonnette.
L'ennemi combattit énergiquement de 8 heure
du matin à la nuit, et ne se décida que fort tard
abandonner le champ de bataille pour se retire
vers le Danube, ayant perdu plus de huit mill
hommes.
A cette bataille de Moskirch, une des demi-bri
gades qui agit avec le plus de vigueur fut la bT d
ligne. Lorsque, le lendemain, Moreau parcoun
le terrain où elle avait combattu, il lui dit : « î
votre conduite en ItaHe ne vous avait pas, d(
longtemps mérité le nom de la terrible, les Auti
chiens vous l'auraient donné à la bataille de Mo
kirch. •
Après celle troisième grande affaire , l'armée
aulrichienne se décida à passer le Danube et à
se concentrer derrière ce fleuve. Le 8 mai, Van-
damme reçut de Lecourbe Tinvilalion de se rendre
au quartier général de Taile droite à Altschausen,
pour prendre le commandement du corps d'armée,
Lecourbe étant fort souffrant. Il ne conserva ce
commandement que quarante-huit heures , Le-
courbe l'ayant repris le dO. La brigade de Laval
de la division Vandamme , chargée de flanquer
Textréme droite de Tannée , s'empara de Ravens-
burg, de Wangen et de Lindau sur le lac de Con-
stance, observant le corps du prince de Reuss sur
les débouchés du Tyrol et du Vorarlberg. Pendant
ce temps, le général Kray passait le Danube à
Sigmaringen. Le quartier général de Moreau était
porté à Biberach.
Le 10, Vandamme descendit l'Aach jusqu'à
Memingen, et aida le général Montricliard a s'em-
parer de cette ville. Le chef de brigade Defrance,
du 12* de chasseurs à cheval, prit ce jour-là, sur
la route de Memingen à Kempten, la majeure partie
d'un immense convoi de vivres et de bagages. Un
grand nombre de voitures, et deux cent cinquante
chevaux restèrent au pouvoir de ses chasseurs.
Le quartier général de l'aile droite était étabU le
13 mai à Memingen, lorsque Vandamme reçut de
Lecourbe la lettre suivante :
« Peu s'en est fallu, mon cher général, que le
ministre Camot ne m'enlève avec l'aile droite, pour
-i. 78 —
I
nous porter en Italie. Depuis un mois j*étaisinstruil
que le Premier Consul m'avait désigné pour celle
opération. Mais enfin, après avoir bien bataillé,
on m'a laissé, et pris le lieutenant général Mon-
oey. On m'ôte une brigade et deux régiments de
cavalerie dont le 12** de chasseurs fait partie. Le
restant des troupes, se montant à seize mille
hommes, se rend en Helvétieet dans les garnisons.
J'en suis quitte, cette fois, pour la peur. Je dois
aussi envoyer un général et réorganiser Taile
droite. •
Lecourbe ne se doutait pas alors que, par cette
opposition aux volontés du Premier Consul, il bri-
sait sa carrière militaire.
Vandamme , continuant à se porter en avant
avec ses deux brigades de gauche, tandis que celle
de droite occupait les bords du lac de Constance,
prit position, le 14, sur la Guntz, la gauche à
Erckheim ; le même jour , l'aile droite fut réorga-
nisée en deux divisions et une résonne. La division
Vandamme l*"*, fut composée des 1*^ et 10® légères,
des 86^ 83^ 94* de ligne, du 7* et 8Me hussards,
de six pièces de position. Vandamme reçut ordre
de former un détachement de quatre bataillons et
de trois escadrons, commandés par un général de
brigade, pour flanquer la droite de l'armée et ob-
server les débouches du Tyrol, en se liant avec
les troupes du Reinlhal.
L'armée se rapprochait chaque jour du Danube
vers Ulm , mais sans pouvoir agir bien effica-
-T9 —
ement sur l'ennemi renfermé dans son camp r©-
ranché. La première partie de la campagne était
erminée. C'est alors, le 24 mai , que Vandamme
eçut Tordre de quitter sa division, pour prendre
B commandement supérieur qui lui avait été
iromis dans le Nord, aussitôt que les opérations
ftilitaires terminées sur le Rhin permettraient de
enlever à l'armée de Moreau. Lecourbe lui écri-
it de Babenhausen, son quartier général :
•
« Je viens de recevoir, mon cher général , une
lépéche du général Moreau, qui me prévient qu'il
ous donne une destination dans la Belgique,
l'après les ordres du gouvernement. Je suis fâché
jue votre absence me prive du plaisir de con-
inuer à servir avec vous. Comptez que je sais
apprécier tous vos talents. Remettez provisoi-
rement au général Molitor le commandement de
votre division, et je vais écrire au général Laval
de correspondre directement avec moi. Conservez-
moi une place dans votre amitié. »
Le lendemain, 2rî mai 1800, avant de quitter
cette armée, aux brillants succès 'de laquelle il
avait puissamment contribué , Vandamme écrivit
au général Molitor :
« Je reçois à l'instant, mon cher général, l'or-
dre du ministre de me rendre en Belgique pour y
commander supérieurement. Le lieutenant général
me prescrit de vous remettre le commandement
de la division, et me prévient que le général La-
val, détaché vers les débouchés du Tvrol et du
- 80 -
Vorariberg, correspondra dircclement avec lui.
« Vous savez que j'avais déjà reçu Tavis du
général Bernadolte, que le Premier Consul me des-
tinait au commandement des neufs départemeuls
réunis ; avant le passage du Rhin j'eusse refusé
de quitter; maintenant je crois pouvoir me rendre
à ce poste, puisque l'on m'assure que les Anglais
menacent ces côtes. Tandis que vous continuerez
à battre les Autrichiens , je ferai mon possible
pour empêcher les Anglais de vaincre.
« Croyez que je regrette bien sincèrement de
devoir me séparer de vous, et que je vous tien-
drai compte en tous temps de votre manière de
servir; je n'oublierai jamais les journées de Bi-
berach, Stockach et Moskirch, où vous vous êtes
brillamment distingué. Pensez quelquefois à un
camarade qui ne vous oubliera jamais, et comptez
sur mon estime et sur mon amitié. »
-e^««<«sa<«»
— 84 —
LIVRE VIII
De 1800 à août 1806
ifaire de Vandamme avec le général Brune. — Lettres rela-
tives à cette affaire en 1800 et 1801. — Lettre de Vandamme
à Brune (10 novembre 1801). — Réponse de Brune (18 dé-
cembre 1801). — Vandamme reste peu de temps dans le
Nord. — Macdonald le demande à Tarmée des Grisons, où il
est appelé le 8 septembre 1800. — Il revient en France le
î4 septembre 1801 et prend le commandement de la 16* divi-
sion militaire, à Lille. — Visite du Premier Consul à Lille,
en juillet 1803. — Berthier envoie à Vandamme, par ordre
de Bonaparte, une paire de pistolets (août 1803). — Van-
damme va commander une des divisions du camp de Saint-
Omer, à Boulogne (septembre 1803). — Les formes et le
langage se modifient dans l'armée. — Les demi-brigades sont
transformées en régiments. — Vandamme au camp d'Outreau.
— Son séjour au camp. — Pichegru et Georges. — Lettre
du général Andréossy à propos de Georges et de Pichegru.
— Affaii-e des balles de laine empoisonnées. — La Légion
d'honneur. — Vandamme nommé grand-officier. — L'Em-
pire. — Le prince Joseph. — Le couronnement. — Lettres
relatives au camp de Boulogne. — Organisation de la grande
armée. — Avantages retirés des camps d'instruction. —
Lettre du maréchal Soult à Vandamme (8 septembre). —
Passage du Rhin (27 septembre). — Marche de la division
Vandamme de Spire sur le Necker et le Danube. — Vandamme
s'empare du pont de Donawerth (6 octobre). — Passage du
Lech. — Mouvement tournant d'Ulm. — Lettre de Van-
"iamme à ses généraux de brigade (12 octobre). — Marche
SttrMemingen (13 octobre) et passage de l'Iller. — Lettre de
Suult (13 octobre). — Reddition de Memingen. — Capitu-
lation d'Ulm (IT octobre). — Marche de la division Vau-
6
— 88 —
damme sur Munich et sur Vienne. — Épisode relative à un
officier du 46» de ligne. — Lettre de Soult (20 octobre). —
Marche sur Hollahrûnn (15 novembre). — Opérations sur
les deux rives du Danube. — Marche sur Brûnn. — Bataille
d'Âusterlitz (2 décembre ). — Rôle brillant de Vandamme et
de sa division pendant cette journée. — Récompenses excep-
tionnelles accordées par Napoléon à Vandamme, en raison
de sa conduite à Austerlitz. — La division revient à Vienne.
— L'Empereur la passe en revue le 25 décembre 1805.
— liCttre de Soult et ordre de Tannée. — Affaire de Gross-
Niemschitz. — Marche de la division sur Landshut. — Congé
accordé à Vandamme. — Son ordre du jour à sa division (fin
de juillet 1806).
Avant de parler des commandements exercés
par Vandamme pendant le Consulat, nous croyons
devoir expliquer une affaire d'intérêt qui jeta du
froid entre lui et son ancien général en chef de
Tarmée de Hollande, le citoyen Brune, comme on
disait encore à cette époque, bien que le titre de
citoyen commençât à être employé beaucoup plus
rarement.
On se souvient que Vandamme avait été chargé
par Brune de remettre au gouvernement Batave
la convention en vertu de laquelle l'armée an-
glo-russe s'engageait à quitter le pays, et à
s'embarquer pour retourner en Angleterre ou en
Russie.
Le gouvernement Batave, désirant faire un
cadeau au général Vandamme, qu'on savait être
un des hommes ayant le plus contribué aux succès
obtenus, fit des ouvertures à ce sujet au com-
missaire des guerres français, Bourdon (Désiré),
-83 -
lequel écrivit de la Haye, le 10 janvier 1800 , à
Vandamme :
• Mon général, le commandant Dupont vous
remettra ce matin des sommes qu'il a touchées
pour vous, et il vous fera connaître toutes les dé-
marches que l'ordonnateur Blanchard , pénétré
d'estime pour vous , a faites dans toutes les cir-
constances où il a pu vous être utile. L'intérêt
que vos bontés pour moi m'ont inspiré me dicte
cette lettre, et me porte à vous faire connaître que
le gouvernement Batave connaît tout ce qu'il doit
à votre bravoure et à vos talents , qu'en consé-
quence il y a été agité de vous offrir un léger don
de 6,000 francs en reconnaissance. Je pense que
la moindre démarche de votre part sufQrait , et
pour agir chaudement en votre nom, il ne me faut
que votre aveu. Les lauriers d'un militaire ne se
payent point, mais le don d'un gouvernement est
toujours flatteur. Veuillez me faire connaître vos
intentions, et comptez, pour le reste, sur Tamitié,
les soins et les démarches d'un homme qui joint
à la franchise d'un militaire une parfaite considé-
ration et beaucoup d'estime pour vous.
• P. -S. — Que vous acceptiez ou non ma pro-
position, je vous prie de me garder le secret sur
cette lettre jusqu'à la conclusion. L'ordonnateur
Blanchard, vous et moi, sommes les seuls ([ui doi-
vent la connaître. »
Vandamme, sans autre fortune que son épée,
assez mal payé encore de sa solde, attendu que
— «4 —
Tarmée française employée en Batavie était a
frais du gouvernement de celle République, re^
avec grand plaisir Touverlure qui lui était faite ]
le commissaire des guerres Bourdon, et ne ca(
pas qu*il serait fort désireux de toucher la mode
somme de 6,000 francs qui étail offerte. Déjà,
moment de quitter la Hollande, le général ai
fait réclamer au gouvernement batave les d(
mois d'appointements qui lui étaient dus.
Le ministre des relations extérieures de la 1
publique Batave lui avait répondu dans les d
niers jours de novembre , qu'il avait porté à
connaissance du Directoire exécutif le contenu
sa lettre ; que lé ministre de la guerre allait fa
sans retard un rapport à ce sujet, et qu'il él
persuadé que tout cela serait terminé promp
ment à son entière satisfaction.
Il n'y avait donc pas lieu de penser que Tic
viendrait à qui que ce fût de confondre ces de
mois de solde dus à Vandamme avec la grali
cation que la République batave voulait lui offr
comme marque de sa haute satisfaction. Ce)
cependant la tournure que prit cette affaire , pui
que, le 10 janvier 1800, le ministre des relatio
extérieures écrivit aux membres du Directoire à
Haye :
« Citoyens Directeurs , d'après la réponse r
vous avez bien voulu faire aux réclamations que .
été chargé de vous présenter par le général Vi
damme, relativement à la gratitîcation que v4
— 85 —
lui aviez promise lorscpi'il était employé à votre
service , j'ai l'honneur de vous observer que les
deux mois d'appointements accordés en indem-
nité ne peuvent être considérés sous ce rapport,
puisqu'ils étaient dus au général Vandamme, et
de plus les mois de frimaire et de nivôse, ainsi
que le prouvent la lettre du général Brune et le
certificat du commissaire ordonnateur Marchand,
dont je m'appuie auprès de vous. Il me reste donc
à savoir si vos intentions sont toujours les mêmes
BUT la promesse que vous aviez faite au général
Vandamme ; vous savez assez quels efforts il a faits
pour la fin heureuse de la campagne de la Nord-Hol-
lande, et vous n'en avez sans doute pas perdu le sou-
venir. J'y ajouterai que le général Vandamme n'a
rien demandé en indemnité de la route qu'il a faite
de la Suisse jusqu'en Batavie, laquelle route lui a
coûté plusieurs chevaux de ses équipages ; mais ,
Wnsvous parler plus de ses droits à la reconnais-
•Wce du gouvernement batave, je vous rappellerai
«colement la promesse qui lui a été faite , et sur la-
fielle il a toujours fait fonds, espérant bien qu'elle
Wus serait aussi sacrée que sa réclamation est
intime.
• J'ai l'honneur d'être avec le plus profond res-
fed. .
Cette affaire traîna plus de dix-huit mois. Enfin,
^jltaoùt 1801, Vandamme adressa une nouvelle
^j|lWamation au gouvernement Batave, par le canal
fcnunistre de la guerre de ce pays, lequel lui ré-
pondit, les 21 et 24 août 1808, les deux lettres c
dessous :
• Ciloyen général, en vous accusant la récôf
lion de votre lettre du 30 thermidor, an rv (18 aôl
1801), par laquelle vous me faites part de la à
marche que vous venez de faire auprès du Dire
toire batavc , pour être instruit de ce que voi
pouvez attendre de la promesse que vous a fait
gouvernement, lors de la capitulation avec le di
d'York, j'ai l'honneur de vous informer, que, d^
depuis longtemps j'ai fait au Directoire m(
rapport sur ce sujet , et qu'en cas qu'il me chari
de l'exécution de Tarrêté qu'il prendra à cetégar
je m'empresserai, citoyen général, de vous tran
mettre sa décision. »
• Ciloyen général , le Directoire exécutif n
charge de vous informer, par rapport à la demain
que vous lui avez adressée pour obtenir le cadeî
que vous assurez vous avoir élé promis, lors de
capitulation avec le duc d'York, en 1799 , qu'i
considération de l'indemnité de deux mois d'à
pointements, qui vous a élé accordée après vot
départ pour l'Allemagne, en octobre 1799, comr
une marque de reconnaissance de la part du go
vernemenl, pour les services que vous avez rend
à la Balavie, le Directoire ne saurait vous off
aucune gratification ultérieure, d'autant plus q
l'épuisement des finances de cette République
permet pas de faire aucune dépense éxtraor
naire. •
— w —
Afin do bien affirmer ses droits, Vandamme
rait obtenu du commissaire ordonnateur en chef
$l*année française en Batavie, Marchand, le cer-
Seat ci-dessous, qui ne pouvait laisser un doute
ir la validité de sa réclamation.
« Le conmiissaire ordonnateur en chef certifie
le le général de division Vandamme , employé
es les troupes françaises en Batavie , depuis le
m de fructidor an vu jusqu'au mois de nivôse
. vm, époque à laquelle il a quitté cette armée,
1 pas été payé des mois de frimaire et nivôse,
i vin, sur les fonds extraordinaires mis parle gou-
mement batave, pour le compte de la République
inçaise, à la disposition du commissaire ordon-
iteur en chef, et destiné au payement des troupes
officiers généraux ne faisant pas partie des
ngt-cinq mille hommes, et envoyés au secours
3 la Batavie.
c En foi de quoi, le présent certificat a été dé-
vré pour servir et valoir à ce que de raison. »
Voyant que ses justes réclamations n'abou-
issaient à rien, Vandamme se décida, au com-
lencement de septembre 1801 , à charger son
idèle aide de camp Gobrecht, alors dans le Nord,
e se rendre en Hollande pour voir où en était
«tte affaire si importante pour lui.
Gobrecht lui écrivit le 7 septembre de Gand :
« J'arrive à Tinstant de la Haye, et je m'em-
resse de vous rendre compte de l'infâme décision
u Directoire. Ces messieurs ont fini par dire,
qu'après avoir fait les recherches les plus exactes
dans leurs archives , ils n'avaient pu découvrir
aucune pièce, relative à la promesse, et par con-
séquent, le Directoire actuel ne peut attribuer au
général Vandamme une gratification.
• Je ne puis confier au papier tout ce que j'ai
appris par des personnes que je ne puis nommer,
et que je vous ferai connaître plus tard, à votre
arrivée. Je crois qu'il est inutile de vous envoyer
toutes les pièces, car je préfère vous les remettre
moi-même.
« Le citoyen Jéansens a toujours continué de
me seconder ; il fut même indigné de la décision
qui n'a pas le sens commun ; ils ont donné ordre
à Jéansens de payer le mois d'appointement qui
nous était dû, d'après l'état général où tout l'état-
major était compris pour la solde de frimaire. J'ai
donc touché pour vous, pour moi, Marulaz et un
secrétaire. Je ne voulais point d'abord recevoir,
mais Jéansens m'y a déterminé, en me disant
qu'on ne se déshonore pas en recevant ce qui
est du, et depuis deux ans nous étions portés
sur les états , comme présents jusqu'au mois de
nivôse.
• J'ai cru bien faire, et j'ai reçu 121 louis d'or
que je réserve près de moi, jusqu'à votre retour.
Il m'est impossible de vous dire le tout par écrit,
ce qui vous indisposerait. »
Ici se trouvait un passage écrit en hollandais,
expliquant que Brune avait reçu 100,000 francs
-89 —
du gouvernement hollandais , puis Gobrecht re-
prenait :
• Le général Augereau (il commandait alors
Farinée gallo-batave) était furieux de leur procédé.
Il m'a chargé de vous assurer de son attachement.
Dans toutes les occasions où il pourra vous être
utile , vous pourrez vous adresser à lui. Je pars
demain pour Cassel, pour voir si vous avez tenu
parole et si vous avez achevé mon ouvrage, croyez
que je reprendrai ma revanche. »
Lorsque cette lettre du commandant Gobrecht
parvint à Vandamme, à la fin de septembre 1801,
le général se trouvait à l'armée de Réserve, com-
mandée par Brune, en Italie. Il avait été question
entre eux, à plusieurs reprises, de cette gratifi-
cation du gouvernement batave.
Vandamme ayant quitté l'armée d'Italie , après
un voyage de quelques jours dans la Péninsule
pour revenir en France, où l'appelait un nouvel
ordre du Premier Consul, écrivit à Brune, le
10 novembre 1801, la longue lettre suivante» qui
jette un jour complet sur l'affaire en question :
• Mon général , d'après la dernière explication
que j'ai eue avec vous, je vous dois cette lettre, je
me la dois à moi-même, vous priant toujours de
ne voir dans mes démarches que ce que j'ai cru
pouvoir, sans vous offenser, et sans que qui que ce
soit m'y ait engagé (1), car telle opinion que vous
(t] Cette phrase est une allusion à Macdonald, que Brune
— 90 —
puissiez avoir sur mon compte, je n'ai rien fait
pour vous faire peine ; et je crois avoir quelques
droits à votre estime.
« Lorsque je reçus votre agrément de quitter la
Batavie, et de me rendre chez moi, pour me réta-
blir de la luxation de mon épaule et des fatigues
de la campagne de la Nord-Hollande, vous me
donnâtes une preuve évidente de votre confiance.
Dans tous les temps j'en serai digne.
• Chargé de remettre de votre part la capitula-
tion que le duc d'York devait à votre générosité;
vous me fîtes Thonneur de me citer au gouverne-
ment Batave, comme ayant puissamment seconde
vos efforts dans cette mémorable campagne, glo-
rieuse pour les deux Républiques. L'ambassadeui
français, le comte Florent-Guiot, à qui je me pré-
sentai en arrivant à la Haye, me fit compHmenI
sur mon succès et sur la fin heureuse de celte
guerre ; il me fit connaître la satisfaction qu'en
éprouvait le Directoire batave, et le désir qu'il avaii
de nous récompenser dignement. Présenté par lui,
aux différents ministres, et par eux au Directoire/je
remis la capitulation. Ils parurent très-contents el
me témoignèrent la satisfaction qu'ils éprouvaient
En recevant ce gage si brillant de lavictoire, ils me
firent des promesses, dont je n'ai pu n'y voulu at-
tendre le résultat; c'était à vous seul qu'il conve-
accusait de faire agir Vandamme en dessous dans cette affain
Macdoaaldet Brune étaient- brouiUés.
-91 -
nait de recevoir et de répartir. Voilà, mon géné-
ral, ce que j'ai cru. Le lendemain, j'ai quitté de
bonne heure la Haye et la Batavie, persuadé que
je recevrais patr vous ce qui pourrait me revenir ;
quelque temps s'écoula, et j'envoyai de Cassel
mon secrétaire réclamer mes appointements. j*e\is
quelque peine à les obtenir. Quoique en conva-
lescence par votre assentiment, et appartenant à
l'armée gallo-batave , je perdis mes fourrages,
mon logement et les frais de bureau que mes ca-
marades reçurent; je ne vous cite ceci, mon géné-
ral, que pour vous faire connaître un homme à
qui j'ai fait tout le bien possible, et qui aima à
saisir là première occasion pour me payer d'in-
gratitude, c'est le général RostoUant à qui je dois
cet éloge.
« Quelque temps après, je reçus l'avis que je
ne faisais plus partie de l'armée fi^ançaise enBata-
vie, et je reçus mes lettres de service pour l'armée
du Rhin, où je me rendis, quoique souffrant. Il
s'agissait de faire la grande guerre; j'aime ce mé-
tier, et je m'en suis sérieusement 'occupé depuis
dix ans. Vous fûtes commander à la Vendée, puis
en Italie. A différentes époques, passantpar Paris,
tantôt l'un, tantôt l'autre de mes camarades, me
dirent que vous alviez reçu du Directoire bâtave
une somme considérable pour les généraux de
votre armée. Tous s'accordeht à me dire, que
cette feonime se montait â deux èlànt mille francs
et de plus vjngt'ôinq mille pourvos indemnités.
Celte dernière ne pouvait pas nous regarder. D'au-
tres de mes camarades me demandèrent, par let-
tres, si j'avais quelque connaissance de ce cadeau.
Je répondis qu'il m'était impossible d'y croire;
mais, des explications faites par ceux qui étaient
restés en Hollande, des généraux très-croyables et
autant vos amis que moi, voulurent me le persua-
der. Il a fallu faire trois campagnes depuis, mon
général, et ce n'est qu'après avoir passé dix-huit
mois sans rien apprendre de vous, et après avoir
eu tant de données vraisemblables, tant par l'a-
miral Dewinter, l'ambassadeur Schimelpenninck
et par d'autres différents envoyés français qui se
sont succédé à la Haye, que j*ai cru devoir vous
en parler.
« C'est en partant de Roveredo pour aller visi-
ter l'Italie, que j'avais pris la détermination de
vous demander ce qui en était, de confiance; j'es-
pérais avoir l'honneur de vous voir dans le cours
de ce voyage, et j'eus cet avantage à Vérone, où
je n'ai pu m'y déterminer, par l'accueil distingué
et amical que je reçus de vous, et du généreux ca-
deau que vous me fîtes accepter. Je le pouvais
d'autant moins, dans ce moment, que j'avais, par
ce moyen, tout ce qu'il fallait pour faire ce voyage
avec agrément, et de plus, vous étiez publique-
ment brouillé avec le général Macdonald, de qui
je suis l'ancien ami. J'aurais eu d'autant plus de
torts, que, depuis ce temps, lorsque je vous ai
prié de m' entendre à ce sujet, vous m'avez fait la
— }9Ô —
honte de croire que j'étais poussé par quelqu'un à
faire cette démarche pour vous faire de la peine.
Non, mon général, personne ne m'engagea à cela.
Vos ennemis me connaissent, et ils ne s'adresse-
ront jamais à un militaire comme moi , pour le
faire servir d'instrument à leur vengeance. Ils
savent aussi que je n'ai jamais appartenu qu'à
ma patrie et à mon métier.
« D'après les différentes explications que j'eus
avec vous, et dans lesquelles vous me fîtes chaque
jour de nouvelles protestations de n'avoir rien
reçu, j'étais convaincu, avec un grand plaisir, que
c'était au gouvernement Batave à qui appartenait
le tort de l'ingratitude, et que c'était injustement
que l'on vous accusait de nous avoir trompés, car
il m'en coûte de croire à un aussi grand crime
envers de généreux guerriers, qui s'étaient tant
de fois offerts aux dangers et à la mort pour servir
votre gloire. Enfin , mon général , autorisé par
vous, et après vous avoir prévenu par écrit, j'ai
adressé au gouvernement Batave une réclamation
sur le cadeau promis et mérité pour les indem-
nités de route que je n'avais pas reçues. Mon pre-
mier aide de camp, le chef d'escadron Gobrecht,
officier d'honneur et mon ami, qui, à la bataille de
Bergen, donna des preuves d'une grande intré-
pidité et contribua infiniment aux glorieux succès
de celte brillante journée, fut celui à qui je don-
nai ma procuration. Il a remis de ma part diffé-
rentes lettres au Directoire et aux ministres, il a
— M —
lait, enfin, toutes les démarches permises pour ob-
tenir satisfaction ; le gouvernement lui a payé un
mois de solde qui m*était dû et que je n^avais
pas demandé, disant : « que le général Brune
avait reçu de quoi indemniser les généraux, et
qu'ils étaient Irès-étonnés que le général Van-
damme n'en ait pas eu de part » Le Directoire
se rappelait encore que j'y avais bien servi. Main-
tenant, quoi vous dire pour penser que vous avez
reçu cette somme ? Répéter ce que Ton a dit à la
table de l'ambassadeur Sémonville ? Ce que lui a
dit Tex-ministrePiémau, à présent Directeur ? Ce
qu'a aflirmé le commandant Jéansens, le premier
agent des finances et l'homme de confiance du
gouvernement? Voilà, mon général, tout ce que
je puis vous assurer, je ne sais si c'est assez.
Pour moi, qui ne suis pas bien avide, je ne puis
pas y perdre beaucoup, car les déclarations parti-
culières ne suffisent pas pour attaquer en justice,
et c'est là ce que vous me disiez de faire il y a
quelques jours. Mon général, je sais actuellement
très-parfaitement que je ne puis plus rien espérer
ni prétendre du gouvernement Batave ; mais je sais
aussi que je ne peux, ni ne veux vous forcer à me
rendre compte. Quoique vous m'ayez attribué des
projets méchants, lorsque je vous fis une récla-
mation de la manière la plus honnête , je vous dé-
clare que je serais fâché de vous faire de la peine ,
et de porter cette affaire à d'autres tribunaux qu'à
celui de votre justice. Rappelez-vous ma manière
_ )flD _
de servir, 80uven€z-vous des succès de Tarmée,
el croyez qu'ils ont puissamment contribué à aug-
menter votre réputation. Sachez que je ne suis
pas riche, prononcez enfin, et telle que pourra
être votre décision, elle terminera tout ; je n'écris
plus, et n'en parlerai ofûciellemeat, pour mon
compte, à personne, mais il me restera, dans tous
les cas, la certitude de ce que je pourrais penser.
« P.-iS. — Personne n'a ni n'aura connais-
sance de cette lettre, que moi et mon secrétaire
qui est chargé de la transcrire. •
Il parait résulter jusqu'à l'évidence, de cette
lettre et de celle de Gobrecht que Brune avait en
effet touché du gouvernement Batave une somme
assez considérable pour indemniser les généraux,
et qu'il se l'était complètement appropriée. Le
vainqueur de la Hollande se borna à répondre à
Vandamme, son lieutenant, cette lettre courte et
brusque, le 18 décembre 1801 :
• Un fait clair, simple et positif, citoyen gé-
néral, ne peut avoir deux interprétations, et j'ai
l'honneur de vous rappeller la réponse claire ,
simple et positive que je vous fis en prairial der-
nier.
• Je n'ai aucune connaissance que le Direc-
toire batave ait destiné des fonds pour vous in-
demniser, vous, ou tout autre général sous mes
ordres, durant la campagne de Nord-Hollande, ou
après.
« Je ne doute pas, citoyen général, de l'assu^
— 96 —
rance que vous me donnez de votre attachement,
et je vous prie de croire que j'y suis fort sen-
sible. »
Celte affaire ne fut pas poussée plus loin, et
Vandamme n'obtint jamais le cadeau que lui avait
destiné le gouvernement Batave.
Reprenons maintenant les choses de plus haut.
On a vu que le général avait quitté l'armée de
Moreau et le corps de Lecourbe après le passage
de vive force du Rhin, les combats qui en avaient
été la suite et dans lesquels il avait rendu encore
de grands services à la tête de sa division.
Appelé au commandement des divisions du
Nord, il reçut de Bernadotle, le 12 juin 1800, de
Rennes où était son quartier général, la curieuse
lettre ci-dessous :
« Votre lettre du 30 floréal (20 mai) me par-
vient, mon cher Vandamme, au moment où j'ap-
prends que vous êtes à Paris et que le comman-
dement que vous désiriez vous est accordé. J'ai
cru avant de faire aucune démarche devoir vous
consulter, car il me semble surabondant de solli-
citer une destination qu'on a déjà. Répondez-moi,
afin que je puisse remplir et vos vœux et mon
amitié pour vous, en écrivant au Premier Consul,
s'il est nécessaire.
« L'alarme s'est répandue , il y a quelques
jours, dans les environs de Quiberon par la pré-
sence de 35 voiles de guerre et de 20 bâtiments de
transport. 12 à 1,500 Anglais ont osé débarquer
dans Tisthme de Quiberon et dans la presqu'île de
Rhuys ; le peu d'habitude de la guerre qu'ont les
généraux chargés de la défense de cette partie
aura fait prendre cette poignée d'hommes pour
une armée très-nombreuse; l'inquiétude et la
consternation avaient déjà abattu les esprits; je
les rassurai bientôt ; je rassemblai de suite un
corps de 4,000 hommes, je lui fis faire trente
lieues en quarante heures, je me portai sur les
points attaqués ; à mon arrivée tous les Anglais
étaient rembarques ; maintenant ils bloquent Belle-
Isle; il est possible qu'ils aient le projet d'en faire
le siège.
• Donnez-moi de vos nouvelles, mon cher Van-
damme, et comptez toujours sur l'attachement
bien sincère et l'amitié que je vous ai voués.
« Je vous embrasSe. •
Vandamme ne conserva son commandement
dans le Nord que quelques semaines. Le 8 sep-
tembre, il fut prévenu que, sur la demande du
général Macdonald, commandant la seconde ar-
mée de réserve d'ItaUe ou des Grisons, il était
placé à la tète d'une des divisions de cette armée.
Arrivé en octobre au corps de Macdonald, Van-
damme reçut le commandement de l'avant-garde.
Il se mit en communication avec le général Ro-
chambeau, dont la division formait la gauche de
l'ordre de bataille, et concourut aux quelques
opérations faites dans le Tyrol et la Valteline
— 88-
par Macdonald, pendant la fin de Tannée 1800.
En janvier 1801, la guerre étant terminée, Van-
damme voulut profiter de son séjour en Italie pour
visiter un pays qu'il n'avait pas encore vu, ayant
toujours eu des commandements dans le Nord ou
aux armées d*Allemagne. Macdonald lui donna
Tautorisation nécessaire. Il se rendit d'abord à
Vérone, où il trouva le général en chef Brune,
qui lui remit la lettre de passe ci-dessous, datée
du 22 janvier :
« J'invite les généraux et commandants mili-
taires sous mes ordres de procurer au général
Vandamme toutes les facilités pour le voyage qu il
se propose de faire , pour connaître l'Italie civile
et militaire. •
Vers le milieu de février 1801, Vandamme vint
reprendre le commandement de sa division à
Trente. Il séjourna deux mois à l'armée, mais
voyant que la paix avec l'Angleterre et avec l'Au-
triche le condamnait à l'inaction, il demanda et
obtint, le 13 avril, de se rendre en France, en
vertu d'un congé de convalescence de trois mois,
que lui accorda Macdonald. Son premier soin, en
arrivant, le 23 avril, à Paris, fut de solliciter du
ministre Tapprobation de son congé, ce qui lui fui
gracieusement octroyé par Berthier.
Le but principal de Vandamme, en quiltan
l'armée des Grisons pour revenir dans sa patrie
était d'obtenir le commandement de la 16® divisioi
territoriale, ayant pour chef-lieu Lille, à proxi
- 99 -
nité de Cassel. Il agit et fit agir auprès du Premier
Consul, el les trouva tous les deux fort disposés à
le satisfaire. Le général Bonaparte avait pour
Vandamme une haute estime. Il le considérait
déjà comme un des plus brillants soldats, comme
un des plus vigoureux officiers et des plus habiles
généraux formés à la grande école des sept an-
nées de guerre qui venaient de s'écouler.
Le 24 septembre 1801, le commandement de la
16* division ayant été rendu vacant par Berthier sur
lordre du Premier Consul, fut donné à Vandamme,
qui se hâta de partir pour Lille. Le général était
marié, tous ses intérêts Tappelaieutdansle Nord.
Il put donc goûter là, dans son propre pays, au
miUeu des siens, quelques années de repos. Son
commandement comprenait les départements du
N'ord, du Pas-de-Calais et de la Lys.
Lorsque le traité de paix d'Amiens eut été signé
îl connu, Vandamme écrivit au Premier Consul
;22 octobre 1801).
« Mon général, tout ce qui compose la 16* di-
âsion militaire, que j'ai Thonneur de commander,
i appris avec satisfaction la signature des prélimi*
laires avec l'Angleterre, persuadés que ce qui
îst fait par vous assure la gloire des armées et la
irospérité de la RépubUque. Nous qui étions ici
leslinés les premiers à attaquer les Anglais, en
as que nous eussions reçu les ordres, nous sen-
}ns tous le prix de la paix ; nos bras ne vous sont
lus nécessaires, c'est nos cœurs que nous vous
- 100-
offrons ; vous y régnerez toujours ; ils vous sont
tous dévoués.
« Salut et fraternité. »
En septembre 1802, Vandamme obtint un congé
d'un mois pour se rendre à Paris où l'appelaient
quelques affaires de famille.
En octobre de la même année, il reçut du mi-
nistre de la guerre Berthier la lettre suivante,
datée du 16 :
« Je vous préviens, citoyen général, que, d*après
les dispositions arrêtées par le Premier Consul,
vous êtes compris dans le nombre des officiers
généraux en activité pendant l'an onze, et que
vous êtes maintenu dans le commandement de la
16® division militaire. Je vous adresse, en consé-
quence, vos lettres de service.
« Le gouvernement, qui apprécie les services
que vous avez rendus, se plaît à vous renouvelai
ce témoignage de sa confiance.
« L'intention du Premier Consul est qu'il n'y ai
qu'un général de brigade pour chaque départe-
ment, mais dans les divisions qui, à raison de leu
situation militaire, de leur étendue ou du plu
grand nombre de places fortes, exigent une sur
veillance plus active, il a cru devoir s'écarter d
cette proportion, et c'est d'après ces considéra
tiens qu'il a accordé quatre généraux de brigad
à la division que vous commandez.
« Il met de plus à votre disposition deux adji
« ^r .&,
dants commandants, dont l'un remplira, auprès de
vous, les fonctions de chef d'état-major, et l'autre
sera employé extraordinairement là où les besoins
du service vous paraîtront exiger sa présence.
« Vous trouverez ci-joint l'état nominatif de
ceux de ces officiers généraux qui, conformément
aux dispositions approuvées par le Premier Con-
sul, sont destinés à servir sous vos ordres, dans
les résidences que vous jugerez à propos de leur
assigner. Je leur fais expédier leurs lettres de
service.
• Vous voudrez bien m'informer de l'arrivée de
ceux de ces officiers généraux qui sont désignés
pour passer dans votre division et me rendre
compte des mesures que vous aurez prises pour
la répartition des uns et des autres dans les dé-
partements qui la composent.
a Je vous salue.
En juillet 1803, Vandamme reçut, à Lille, le
Premier Consul, qui passa dans cette ville les
journées des 6, 7 et 8.
Le 6 eut lieu la revue de la garnison, le 7 l'au-
dience accordée aux autorités et la visite à la
citadelle, le 8 la visite des établissements.
A la suite de ce voyage du Premier Consul,
Berthier écrivit à Vandamme (août 1803) :
a Le Premier Consul, citoyen généi-al, en par-
courant votre division a été très-satisfait de l'esprit
qu'il a vu régner parmi les troupes et de l'état
— 101 -
dans lequel il a trouvé toutes les parties confiées
à vos soins. Vous avez rempli les espérances
qu'il avait fondées sur vos précédents services.
Vous recevrez une paire de pistolets que je vous
envoie en son nom. Conservez-la comme un gage
honorable, qui vous rappellera que vous avez
augmenté, pendant la paix, les droits que les évé-
nements de la guerre vous avaient déjà acquis à
la reconnaissance publique.
• Je vous salue. »
Cette lettre de Berthier fut suivie, quelques
jours après (30 août), d'une autre, dans laquelle
le ministre annonçait à Vandamme que le Premier
Consul l'avait nommé pour commander Tune des
divisions du camp de Saint-Omer, sous les ordres
du général en chef Soult.
« Ce camp, dit la dépêche du ministre, fait
partie de Tarmée qui doit porter sur le territoire
de TAngleterre la guerre que cette puissance a
voulu faire à la République, et cette destination
vous est une nouvelle preuve de la confiance du
gouvernement, etc. »
Ainsi, pour la troisième fois, Vandamme s€
trouvait sous les ordres de généraux en chef, qui
avaient été sous les siens : Moreau, Macdonald
Soult. Certes, ses services militaires et son apti-
tude égalaient ceux de ces hommes de guerre
mais le caractère ardent, entier, impérieux même
du général, lui avaient fait beaucoup d'ennemis
avaient retardé son avancement. Maintenu long-
temps dans le grade de général de brigade, il vit
passer avant lui ceux qui avaient été ses subor-
donnés. Un peu de souplesse dans ce monde
est souvent fort utile, même dans le noble métier
des armes.
Le 6 septembre 1803, Vandamme reçut de
Soult, général de la garde consulaire ou du gou-
vernement, commandant en chef le camp de
Saint-Omer, l'invitation de remettre le comman-
dement de la 16® division territoriale au plus an-
cien de ses brigadiers et de se rendre, sans délai,
à Boulogne, pour y recevoir ses nouvelles lettres
de service et y prendre connaissance de Torgani-
salion de la division qu'il devait commander dans
le corps d'armée. Soult le prévenait que la ma-
jeure partie de ses troupes étaient déjà à Boulogne
et que les autres ne tarderaient pas à y arriver
successivement.
Quelques années seulement s'étaient écoulées
depuis les guerres contre l'Europe coalisée, et
sous le génie créateur et organisateur de l'homme
prodigieux qui, déjà, remplissait le monde de son
nom, tout avait pris un autre aspect, tout s'était
régularisé en France. Plus de ces armées indis-
ciplinées, parce qu'elles n'étaient jamais payées ;
plus de ces officiers, de ces généraux obligés de
tolérer le pillage, pillant même quelquefois pour
leur propre compte, parce qu'avant tout il fallait
vivre, eux et leurs soldats. La République ne don-
nant rien, ne fournissant rien à ses défenseurs,
force était de frapper des réquisitions qui dégéné-
raient quelquefois en vexations et en exactions,
qui nous aliénaient Tesprit des habitants des
contrées dans lesquelles avaient lieu les opéra-
tions.
Le général Bonaparte voulait bien que la* guerre
nourrit la guerre, mais il tenait à ce que tout se fil
régulièrement. Il était parvenu, non sans peine,
dès 1796, à mettre dans sa petite armée de Tordre
en toute chose. Aussitôt à la tête du gouverne-
ment, il agit pour la France entière, comme il
avait agi pour son armée d'Italie.
Plus de militaires sans solde, sans pain, sans
souliers, sans vêtements.
Au camp de Boulogne, non-seulement les offi-
ciers, les hommes de troupe reçurent, en numé-
raire et en nature, les prestations qui leur étaient
attribuées en raison de leur grade et de leur posi-
tion, mais les généraux eurent avis qu'il leur était
alloué des frais de représentation et de bureaux,
s'élevant à 1,000 francs par mois pour les divi-
sionnaires.
Les formules républicaines commençaient à
n'être plus employées dans le style épistolaire que
par quelques hommes sortis des bas fonds de la
société. A cette expression : Salut républicain,
qui avait remplacé déjà celle : Salut et frater-
nitéy on substituait dans les lettres officielles mi-
litaires celle-ci : J'ai l'honneur de vous saluer.
lUU
et même lorsqu'un inférieur écrivait à son supé- •
rieur, il écrivait : Je vous salue avec respect.
On était en tout et pour tout dans le moment de
transition entre la période démocratique et la pé-
riode autocratique.
De cette époque aussi date la réorganisation
complète de l'armée française; sa formation en
régiments, la création des corps d'armée, etc., etc.
Voici, du reste, un ordre du jour, du 17 oc-
tobre 1803, daté du quartier général de Boulogne,
et qui nous paraît assez curieux à faire connaître.
« L'armée est prévenue que, d'après l'arrêté du
gouvernement du 1®"^ de ce mois, et conformément
à l'ordre du ministre de la guerre, en date du
17 vendémiaire, les demi-brigades d'infanterie de
ligne et légère prendront la dénomination de ré-
giments, en conservant leurs numéros.
« Dans tous les régiments, soit d'infanterie, soit
de troupes à cheval, le chef de brigade portera le
litre de colonel, le chef de bataillon ou d'escadron,
chargé du détail, sera remplacé par un major, dont
le grade sera intermédiaire entre celui de colonel
et celui de chef de bataillon ou d*escadron.
« Le major aura pour marques distinctives de
son grade, dans l'infanterie de ligne et légère, les
carabiniers, cuirassiers et dragons, deux épau-
lettes de colonel, le fond de l'épauletle et la frange
seront de métaux différents, la, frange sera tou-
jours de même métal que les boutons; dans les
chasseurs et hussards, il aura pour marques dis-
- 106 —
tinclives, cinq chevrons, dont quatre de 4 lignes
et un de 9, placé dans le milieu des quatre autres,
ce dernier sera d'un métal différent.
« Le major sera spécialement chargé des détails
de Tinslruction, de la tenue, de la discipline, de
la police et de la comptabilité du corps et des
compagnies, il sera dépositaire des contrôles, il
remplira, au conseil d'administration, les fonctions
de rapporteur, même lorsqu'il le présidera, et com-
mandera le régiment en l'absence du colonel. •
Nous ne ferons pas ici l'histoire du camp de
Boulogne, trop connue pour que nous en parlions
longuement. Nous dirons seulement que les camps
sur les bords de la mer où les troupes de la grande
armée devaient être rassemblées, de 1803 à 1805,
après la rupture du traité d'Amiens, furent au
nombre de six : ceux de Hollande, de Gand, de
Saint-Omer, de Compiègne, de Saint-Malo et de
Bayonne.
Nous ne parlerons que de celui qui prit ensuite
le nom sous lequel il devint si célèbre de camp
de Boulogne, et qui se composait, en 1805 (au mo-
ment de la marche sur l'Allemagne pour la cam-
pagne d'Ulm et d'Austerlitz), des corps de Saint-
Omer et de Montreuil.
Le camp de Saint-Omer, sous les ordres de
Soult, était formé des divisions Saint-Hilaire,
Vandamme, Legrand et Suchet.
Le camp de Montreuil, sous les ordres de Ney,
était formé des divisions Dupont, Loison et Par-
tonneaux.
Les camps dits de Boulogne étaient au nombre
de cinq, dont quatre sur la rive droite et un sur
la rive gauche de la Liane, à proximité de la
ville.
Les camps de la rive droite étaient ceux formés :
1^ par les 85® et 88® de ligne, établis près Vime-
reux; 2® par les 101® léger, en arrière du fort de
la Crèche, près la Tour-d'Ordre ; 3^ par les 40®,
64^ 36*, 45®, 14® et 55® de ligne sur le plateau
situé entre Boulogne et la mer, en avant de la
colonne Napoléon ; 4^ par le 26® léger et le ba-
taillon corse, sur le plateau en arrière de Bou-
logne, près la route de Paris.
Le camp de la rive gauche était celui de la
f division (Vandamme), établi en avant du mou-
lin d'Outreau, entre le village de ce nom et la
mer. Il se composait des 24® léger, tirailleurs du
Pô, 4®, 57*, 28% 46®, 22®, 70*, 75' de ligne.
G est de ce dernier principalement que nous
avons à nous occuper.
Une chose curieuse à observer, c'est que l'em-
placement de ces camps, augmentés bientôt des
troupes de la garde impériale, fut à peu près le
même que celui adopté, en 1854, pour les troupes
du second empire, au moment de la guerre
d'Orient.
Le l**" octobre 1803, Vandamme était installé
— 108 —
au camp d'Outreau avec son chef d'état-major,
l'adjudant commandant Mériage.
Le 10 novembre, les troupes de sa division
furent passées en revue par le Premier Consul
c[ui donna de grands éloges à la tenue et à la
manière de manœuvrer des troupes aux ordres
de Vandamme.
Le 16 du même mois, le général obtint quelques
jours de permission pour se rendre à Lille. Le
2 janvier 1804, le Premier Consul vint de nouveau
visiter la division Vandamme, en se rendant à la
flottille ; prévenu à l'avance par Tétat-m^or, le
général fit mettre ses troupes sous les armes.
Chaque jour il y avait parade au camp, devant 1(
front des brigades. Le dimanche toutes les troupes
étaient passées en revue, et, pendant la semaine
les bataillons étaient exercés non-seulement au:
différentes écoles de l'ordonnance sur l'infanterie
mais à être embarqués sur les péniches et débar
qués le plus rapidement possible, afin que chacui
fût bien au courant de ce qu'il aurait à faire, un
fois sur les côtes de la Grande-Bretagne.
Vandamme resta sur la côte, au camp d'Où
treau, de septembre 1803 à septembre 1805
c'est-à-dire pendant deux années. Il eut souven
occasion de voir le Premier Consul, devenu bientc
après Empereur. Ses sentiments républicains s
modifièrent du tout au tout pendant ce séjour a
camp de Boulogne. Le jeune et farouche républi
cain de 1793, l'ami de Pichegru et de Moreau d
1794 à 1799, sentit son cœur s'ouvrir à des sen-
liments tout autres que ceux éprouvés par lui pen-
dant sa première jeunesse. Vandamme était alors
un homme d'une trentaine d'années, ayant vécu
beaucoup et vite, rompu à la vie militaire et à la
discipline, existence qui ramène forcément aux
idées de pouvoir, de hiérarchie, et qui fait dispa-
raître les utopies et les chimères d'une égalité
impossible en ce monde, si ce n'est devant la loi,
la seule qui puisse être possible.
L'homme qui appelait les souverains des tyrans,
leurs soldats des satellites, n'était pas éloigné
d'acclamer l'avènement d'un souverain, de devenir
lui-même le féal sujet d'un empereur et d'accepter
avec reconnaissance de ce soldat heureux, devenu
roi par la grâce de son épée, un titre, des déco-
rations, des honneurs et des dotations.
Lorsqu'on vit dans un certain centre , sous
l'empire d'un moment d'effervescence politique,
on n'est pas éloigné, à vingt ans, de se dire avec
orgueil partisan du système répubUcain. L'âge
mûr arrivant, les événements politiques venant à se
succéder, les idées se modifient , et l'on accepte
volontiers le pouvoir d'un seul. La vieillesse vous
trouve indifférent à tout ce qui n'est pas le repos,
la tranquillité, et souvent, en portant les regards
en arrière, en ramenant le souvenir sur le temps
passé, on se prend à sourire à la pensée de
l'exaltation qu'on a montrée, pour tel ou tel prin-
cipe politique.
— MO —
Ces modifications, ces changements dans ses
opinions, Vandamme les éprouva à cette époque.
A son affection pour Pichegru succéda sa haine
pour l'ennemi du Premier Consul, et le meurtre
du duc d'Enghien le trouva indifférent. Quoi
d'étonnant à cela, ce dernier et triste événement
fut reçu avec joie par le général qui devait, onze
années plus tard, être un des ministres de la fa-
mille des Bourbons !
Le 1®' mars 1804, le général de division An-
dréossy, chef d'état-major général de Soult, écrivit
à Vandamme :
« Le voyage de Pichegru à Paris n'est plus un
problème, citoyen général, cet homme qui jurail
encore, la veille au soir, qu'il assassinerait le
Premier Consul, a été arrêté dans la nuit du 7 ai
8, rue Chabanais ; deux agents de police et siî
gendarmes d*élite se sont jetés sur lui pendan
qu'il dormait; il n'a pas eu le temps de se servi
des pistolets et du poignard qu'il avait sous soi
chevet. Après s'être longtemps débattu, il a et
garrotté et conduit chez le conseiller d'État Real
là sa fureur s'est apaisée, et il a été interrogé.
f Le général en chef vous invite à faire con
naître de suite cette importante nouvelle à la di
vision que vous commandez ; elle lui a été trans
mise par le général gouverneur du palais. »
Au bas de cette circulaire, on lit, écrit de 1
main de Vandamme :
« Cette lettre devra de suite être mise àl'ordr
du jour, et lue à Finstant à la tête des com-
pagnies. •
• Boulogne, le 10 ventôse {l^^ mars 1804), à
une heure après midi. »
On voit que toute affection était éteinte dans le
cœur de Vandamme à l'égard de Pichegru. 11 faut
comprendre aussi que ce cœur tout ardent de
patriotisme avait été brisé, en apprenant que celui
qu'il avait si longtemps aimé, chéri, honoré, dé-
fendu, était un traître, cherchant, pour de l'or, à
vendre son pays à l'étranger.
Les troupes du camp de Boulogne apprirent
également vers la fin du mois de mars, par la voie
(le Tordre du jour, la mort du duc d'Enghein ar-
rêté, amené en France, jugé, condamné, exécuté
en l'espace de quelques jours, on pourrait même
dire de quelques heures.
Pour Vandamme, ce qui avait trait à Pichegru
était d'une bien autre importance que ce qui con-
cernait le jeune et infortuné duc d'Enghein dont
peut-être, à celte époque, il ne connaissait ni le
uom ni l'existence. La famille des anciens rois
était déjà bien oubliée en France, tant d'événe-
ment s'étaient succédé depuis 1789 ?
Celte arrestation passa alors à peu près ina-
perçue au camp- de Boulogne. Elle eut un beau-
coup plus grand retentissement à Paris.
Le 10 mars, Soult avait mis à l'ordre :
• Le général en chef s'empresse d'annoncer à
Tannée qu'il reçoit à l'instant une dépêche télé-
graphicpie qui lui annonce que Georges a été
arrêté hier au soir à Paris. Cette nouvelle sera
siur-le-champ envoyée dans les divisions par des
ordonnances. •
Il se passa, à la même époque, un fait des
plus graves, et tellement en dehors des lois na-
turelles qui régissent le droit des nations entre
elles, qu'on aurait de la peine à y croire, si les
documents officiels de l'époque n'en fournissaient
la preuve la plus authentique. Le gouvernement
de la Grande-Bretagne essaya d'infecter la France
et peut-être l'Europe de la peste ^ en faisant
échouer des ballots de laine pestiférée sur les côtes
de la Manche.
Voici les documents relatifs à cette horrible
machination.
LE CHEF DE L ETAT-MAJOR A VANDAMME.
« Boulogne, 8 mara 1804.
« Le ministre de la guerre a transmis au gé-
néral en chef, citoyen général, l'extrait suivant
de la correspondance de Londres :
« Le gouvernement anglais a le projet de faire
jeter sur les côtes de France six à sept cents
ballots de laine, recueillis dans une contrée où la
peste eût régné.
« Le baron Danneveck eut jadis la même
pensée. »
— 113 —
• D'après un pareil projet, qui entraînerait une
des plus affreuses calamités, vous devez, citoyen
général, recommander dans la partie de la côte
qui correspond à voire division, la surveillance la
plus active, et ordonner que les douaniers et les
marins qui seraient dans un bâtiment échoué ne
puissent en sortir avant d'avoir rendu compte,
par écrit, de toutes les circonstances de la navi-
gation et de réchouage de ce bâtiment, d'après
lesquelles il sera donné les ordres jugés né-
cessaires.
« La nature des choses est telle, que le gé-
néral en chef n'a pas besoin de vous recom-
mander, citoyen général de tenir sévèrement la
main à l'exécution de ces dispositions. »
VANDAMME, A l'aDJUDANT COMMANDANT MÉRIAGE.
« 16 mars 1804.
• Regardez comme non avenu, mon cher Mé-
nage, l'ordre que je vous avais donné ce matin,
de diminuer les postes de Neufchàtel et de la
Garenne, au contraire, j'approuve l'augmentation
de troupe que vous venez d'y placer.
• Vous trouverez ci-joint une lettre du général
en chef, relative à des signaux faits encore par
Tennemi, et des ballots de coton jetés sur nos
côtes ; je vous recommande de faire exécuter
ponctuellement les dispositions de cette lettre, de
prescrire de ma part, aux généraux Saligny et
8
Ferôy d'èhvôyër de suite un de leufé àidès de
Côlmp, pour donner ces instructions aui bdm-
mandants des ports et des batteries, le fitemièt
ira, depuis le Musoir , jusqu'au cap Dalpreck,
et le second, depuis le cap Dalpreck jusqu'à
l'extrême gauche de la division ; je compte stit
vott'e zèle poUr la prompte exécution de ces ôi^-
dres, qui sont de la plus gratide importance, m
SOULT A VANDAMMÉ.
« 16 mars 1804.
« Les Anglais viennent de commencer à exé-
cuter leur infernal projet, et déjà, cinq ballots de
coton sont arrivés sur nos côtes, du côté de Saint
Frieux ; une frégate et deux corvettes ont protège
les petits bâtiments qui portaient ces balles et qu
les ont jetés à l'eau.
« Je vous préviens de cet événement, afin qu(
vous veuillez bien, général, donner de suite dei
ordrfes, pour que, sur toute la côte de votre arron
dissement, on redouble de surveillance, que let
patrouilles soient multipliées, qu'il y ait des sen
tinelles volantes pour parcourir tous les quarts
d'heure la plage, afin d'empêcher que qui que ci
soit ne puisse approcher des différents objets
quelle que soit leur nature , que la mer pourrai
jeter sur nos côtes ; ordonnez que les postes d
Saint-Frieux et de la petite Garenne se tiennen
aux batteries^ 6t pour cet effet, qu'ils lèvent le cau-
tonnement qu'ils ont en arrière.
« Je vous prie aussi d'ordonner que des pa-
trouilles soient faites pendant la nuit du côté de
Condettie et sur les hauteurs de Saint-Frieux, afin
d'arrêter quelques-uns des misérables qui, dans
ces contrées, entretiennent des signaux avec l'en-
nemi.
• Veuille» empêcher que sur toute la côte de
votre arrondissement aucun pêcheur ne i)uisse
sortir, quand bien même il aurait des militaires à
bord, et ordonnez qu'on fasse feu sur tout ce (]ui
chercherait à approcher pour aborder.
• Je vous prie de multiplier les postes dans les
dunes à gauche de Boulogne, pour empêcher que,
sous aucun prétexte, qui que ce soit puisse en
approcher s'il n'est de service, et veuillez punir
avec sévérité tous ceux qui contreviendront aux
ordres que vous aurez donnés pour Texécution de
ces dispositions.
« Vous voudrez bien aussi ordonner, général,
que tout ce qui serait jeté sur nos côtes, soit par
échouage ou autrement, et qu'on présumerait
venir de l'ennemi, soit immédiatement couvert de
paille et brûlé, sans qu'on puisse pour cet effet,
ni défaire, ni changer de nature Tobjet sur lequel
cette opération devait être faite ; roflîcier ou sous-
officier du poste le plus près où un échouage
pourrait arriver sera personnellement respon-
— 116 —
sable, sous les peines les plus graves, de Texécu-
tion de cet ordre. »
LE GÉNÉRAL DE DIVISION , CHEF DE l'ÉTAT-MAJOR
GÉNÉRAL, A VANDAMME.
« 16 mars 1804.
« Le général commandant en chef vient, ci-
toyen général, d'être informé d'une manière posi-
tive, que les Anglais ont fait échouer sur nos
côtes cinq balles de coton qui, d'après les avis que
le gouvernement avaient reçus, et dont vous avez
eu communication, doivent être pestiférés ; le gé-
néral vous recommande la surveillance la plus
grande dans la partie de la côte qui correspond à
votre arrondissement ; il désire qu'il y ait des sen-
tinelles et rondes volantes , indépendamment de
celles des officiers de tous grades.
• Dans le cas où quelques objets échoués don-
neraient lieu à suspicion , des sentinelles seront
placées pour empêcher qui que ce soit d'en ap-
procher.
« Les objets reconnus suspects et dangereux
seront brûlés.
« Vous voudrez bien renouveler la défense,
pour qu'aucun pêcheur ne puisse , sous aucun
prétexte, aller en mer, eussent-ils même des sol-
dats à leur bord; vous ordonnerez de faire feu
sur tout ce qui, venant de la mer, voudrait ap-
procher des côtes. »
M.M. M
Pendant cette année 1804, une des plus grandes
institutions civiles, politiques et militaires fut créée
en France par le gouvernement, ou plutôt par le
Premier Consul, celle de la Légion d'honneur.
Tous les militaires qui avaient obtenu des armes
d'honneur, à la suite d'actions d'éclat, de traits hé-
roïques, furent de droit, membres de Tordre nou-
veau. Les hommes les plus marquants de l'armée
obtinrent des grades plus ou moins élevés dans
cette hiérarchie.
Vandamme fut fait grand officier. Il reçut la
nouvelle de la haute distinction dont il était
l'objet par une lettre du grand chanceher , La-
cépède, en date du 15 juin 1804.
La forme monarchique venait de remplacer la
forme républicaine, et nous disons à dessein la
forme, car , depuis le 18 brumaire , la France
n'était plus républicaine qu'en apparence. Le Pre-
mier Consul, depuis la fin de 1799, résumait en lui
tous les pouvoirs.
Le général de Hondschoote, l'ennemi des rois
et des tyrans, celui qui avait applaudi pendant
quelques années au renversemement de l'antique
monarchie, accueillit avec joie Tavénement à un
trône nouveau de l'homme prodigieux dont le
génie étonnait l'Europe. Comme la plupart de ses
compagnons d'armes , comme les Augereau, les
Soult, les Davout, et tant d'autres des armées,
non-seulement d'Itahe ou d'Egypte, mais d'Alle-
magne, il vit dans l'ère qui se préparait une ère
— 118 —
de gloire et de prospérité. Il s'abandonna comme
eux aux mains du plus habile, fatigué des gou-
vernement^ , d*aI)ord sanguinaires , puis faibles
et tracassiers, qui s'étaient succédé depuis douze
ans en France.
L'empereur devint le fétiche de Vandamme,
comme la République avait été son idole ; mais
nous devons à la vérité de dire , qu'à partir du
jour où il eut acclamé le grand homme, il lui resta
fidèle jusqu'à sa dernière heure.
Les membres de la farpille Bonaparte devinrent
princes; l'ufi d'eux, l'aîné des fils de Chgrles,
Joseph, qui devait être quelques apnées plus tard
roi de Naples, puis d'Espagne, accepta alors la
îftodeste position de colonel d'un régiment d'inlanr
terie, le 4- de ligne, de la division Vandanmie. 1}
vint au camp d'Outreau etprij; son conimgiftdement,
entourp, pomme bien Ton pense, des respects dç§
généraux et de toute l'armée. Cette circonstance
n}il Vandamme en relation, avec le frère aîné de
l'empereur. Ces relations, cpipmencjées sous la
baraque , au milieu des troupes , ne cessèrent
jamais , basées qu'elles étaient sur une estime
réciproque.
^n 1JSP5, ie j6 mars, quelques mois avant la
levée dif camp, jet quelques jour§ avaj^^ le ^^rl
d^ Jo^epl), Vqjj4s^n;inae ^'adressa H ^ pHniÇe, pour
QJ^t^eni^ p^f* lui i4e Napolépn une fjPiy.^^:!* à ]af{uelle
U #ttftphait feeS*i9Pup 4(b m^i M Ci^wseçsiop 4gs
terrains qui lui avaient été promis par l'Empe-
reur.
On n'en était pas encore aux titres honorifiques
de duc, de comte et de baron, mais déjà Napo-
léon donnait volontiers à ses généraux des terres
dans les pays conquis, et des traitements con-
sidérables.
Voici la lettre de Vandamme :
• Mon prince, vous n'avez cessé , depuis le
moment où j'ai eu l'honneur d'être connu de Votre
\ltesse Impériale, de me traiter avec une extrême
bonté, et je dois chaque jour me féliciter d'avoir
mprès de Sa Majesté votre puissante protection,
3tje ferai tout pour m'en rendre digne.
• Oserai-je prier Votre Altesse de soUiciter
lIEmpereur de vouloir bien m'accorder, avant son
lépart pour Paris, les terres que je lui ai deman-
dées? La saison est très-propice pour les travaux
({u'il serait nécessaire d'y faire, et j'ai d'ailleurs
plus de raisons de désirer vivement la décision de
cette affaire, que plusieurs autres sollicitent la
même grâce, sans avoir cependant la recomman-
dation de Votre Altesse, ni peut-être les mêmes
droits que moi.
• Le conseiller d'Etat, Grêtet, par ordre de
Sa Majesté, m'a demandé les plans des terres
dont il s'agit; je viens de les lui adresser, et je
prie très-instamment Votre Altesse, de daigner se
rappeler de moi en cette circonstance, et de vou-
— 120 —
loir bien assurer le succès d'une affaire d'où dé-
pend ma fortune el celle de ma famille. »
Le 15 août de cette année 1804, eut lieu, au
camp de Boulogne, la grande fête, si souvent dé-
crite, de la distribution des croix par TEmpereur.
' Cette cérémonie, à laquelle on donna un éclat sans
précédent, eut du retentissement en Europe. Mais
un événement politique d'une importance bien
autrement sérieuse, fut le couronnement de l'Em-
pereur par le souverain Pontife.
Les grands officiers de la Légion d'honneur
reçurent l'invitation d'y assister, invitation à la-
quelle ils n'auraient eu garde de manquer, el
qu'ils considéraient comme des plus flatteuses,
comme une marque de faveur insigne.
Vandamme se rendit, comme ses camarades de
l'armée, à Paris, le 2 décembre 1804, jour fixe
pour le sacre. L'on put voir alors agenouillé, dam
la vieille Basilique, au pied des autels, les géné-
raux républicains pour lesquels le culte et leî
prêtres avaient été si longtemps des objets de
mépris, de haine et d'horreur.
Nous terminerons ce qui est relatif au camp de
Boulogne par quelques documents qui nous on
paru, à plus d'un demi-siècle de date, avoir ui
intérêt historique assez grand pour être présenté!
à nos lecteurs.
— 121 —
LE CHEF D ETAT-MAJOR GENERAL A VANDAMME.
« 14 janvier 1804.
• A compter du !20 de ce mois, le gouvernement
a prescrit, citoyen général, au grand juge et mi-
nistre de la police d'interdire aux rédacteurs de
feuilles publiques toute annonce et toute réflexion
sur les armements dirigés contre T Angleterre, afin
d'étonner et d'intimider l'ennemi, par le profond
silence dont on enveloppera les apprêts de l'opé-
ration ; le général en chef désire que cette mesure
s'étende aux correspondances particulières, et il
vous invite à faire connaître à votre division ses
intentions à ce sujet et à recommander expressé-
ment de s'y conformer. »
SOULT A VANDAMME.
« 15 février 1804.
• Tout me porte à croire, général, que les An-
glais ont cherché et tenteront encore de faire des
débarquements clandestins sur la côte; je dois
même supposer qu'ils y ont conservé des intelli-
gences qui, par des signaux ou autrement, leur
lendent tout ce qui se passe. J'excite à cet égard
votre vigilance et je vous invite à donner des
ordres tellement rigoureux, qu'ils parviennent à
déjouer toute espèce de tentative. Que, pendant
la nuit, les patrouilles soient multipliées dans
votre arrondissement, particulièrement sur la côte
et surtout sur la laisse de basse mer. Que les
officiers supérieurs des troupes et les officiers
d^état-major fassent, pendant la nuit, plusieurs
rondes pour s'assurer de ractivité du ser\ice des
postes, recevoir les rapports sur les événement^
qui pourraient s'y être passés, tenir constamment
le monde en haleine et pouvoir, sans délai, vou^
mstruire de tout. Défendez de nouveau qu'aucun
bourgeois puisse parcourir vos camps, ai la côte,
m la ligne des batteries, sans votre permissioi}
expresse ; ordonnez qu'on arrête tous ceux qui
seraient rencontrés sur ces différents points, sans
une permission de vous et sanç vous avpir été
préalablement présentés. Toulg (}(^iqsité de }a
part du bourgeois, dans les circonstances où nous
nous trouvons, est plus que déplacée, et s'il y en
a qui cherchent à la satisfaire pendant la nuit, elle
doniie lieu à des soupçons fondés sur leur compte.
La pèche a été défendue ; elle doit être prohibée.
et si, dans votre arrondissement, il se trouvail
des individus qui s'y livrassent, en vertu de quelque
autorisation de la marine, vous devez empéchei
leur sortie , à moins qu'ils n'aient à leur bord ui
ou deux hommes dMnfanteric, qui devraient, i
chaque fois, être renouvelés , et que , pour ce
effet, vous choisiriez.
• Les Anglais soldent une infinité d'espions €
de gens capables de tous les crimes, que non
levons rechercher avec le plus grand soin ; s'il
5*CB présentait dans votre arrondissement, je
îuis bien persuadé que, quel que fût leur dégui-
sement, vous parviendriez à les découvrir. Si
)9r événament, il survenait des éc|iouages, faites
irriter de suite; Ips équipages, n'importe de quelle
)j|tion ils puissent être, afm qu'ensuite il soit
fériée si, parmi eux, il n'y aurait pas quelque
mitre déguisé ou quelquçi individu s]:i6peGt. Ce^te
Basure (livrait même être plus rigoureuse pou?
fS ]b^tiipQnts anglais, g'i) s'en trouvait ^s^m PS
f Jenez )i^)i ipstrpit;, J0 vpi^s prie, de |;ou( ce
jVl viendra 3QU6 pe rapppr^ à votre çpnnais8anc0,
i\ yeijtlles} pi^ rendre poi^^ptia de l'exécution d^^
}iv^r§e8 diçpositîpns qijie ma lettra renferma. »
9 18 février \»0i.
• Le général en chef, citoyen général, me charge
ie vous inviter à défendre expressément aux
tFoupes de votre division de se porter sur la ligne
des batteries, lorsqu'elles tirent sur les bâtiments
anglais, et vous rappelle Tordre de faire arrêter
tout bourgeois qui se présenterait sans permission
sur les mêmes points. »
LE GENKHAL CHEF DE L ETAT-MAiOR A VA;NDAMME.
« 24 février 1804.
• Je VOUS invite, citoyen général, d'après les
ordres du général en chef, à donner les ordres
nécessaires pour que la division que vous com-
mandez fournisse toutes les nuits, à dater de ce
jour, un piquet de soixante grenadiers, qui sera di-
visé en plusieurs détachements, qui feront de
fréquentes patrouilles pour veiller à la garde du
bassin de Boulogne dans toute sa circonférence.
Leur principale consigne sera d'empêcher qu'aucun
homme ne puisse approcher du bassin, à moins
qu'il ne soit officier de marine, revêtu de son
uniforme et ayant le mot d'ordre. Ces détache-
ments ou patrouilles arrêteront tous ceux qui se
présenteraient pour pénétrer jusqu'aux bâtiments
de l'intérieur du bassin. Ils arrêteront également
ceux qui voudraient sortir du bassin et qui ne se-
raient pas reconnus pour appartenir à la marine.
Le rapport en sera fait au général en chef, qui
prononcera leur mise en liberté s'il le juge conve-
nable.
« Je vous serai obligé de m'accuser la réceptior
de cet ordre. »
— 128 -
VANDAMME A L ADJUDANT COMMANDANT MERIAGE.
( Sans date précise ].
« Il faut de suite faire éloigner tous les fu-
miers, etc., des environs de Capécure; M"® la
princesse Joseph va y habiter. Il faut aussi que
les chemins soient réparés et un corps de garde
préparé pour recevoir douze ou quinze grenadiers
de garde. Voyez le maire de cette commune à ce
sujet, et que rien ne soit négligé pour la sûreté,
la salubrité et l'agrément de cette maison.
• Le capitaine Marie est déjà prévenu, il faut
y faire placer des réverbères.
• Donnez tous vos soins pour que le service se
fasse avec exactitude ; assurez-vous que personne
ne passe les limites du camp et ordonnez de fré-
quents appels dans le jour, car nous devons nous
attendre à y voir l'Empereur à chaque minute. »
LE GENERAL CHEF DE l' ÉTAT-MAJOR GENERAL
A VANDAMME.
« 8 novembre 1804.
• Les chefs de corps ont, jusqu'à présent, to-
léré, général, que des sous-officiers et grenadiers
eussent à leur disposition, outre le sabre-briquet
que l'ordonnance leur accorde, des sabres dont
les lames, extrêmement affilées, sont d'une Ion
- 418 —
gueur disproportionnée, et qu'ils réservent pour
vider toutes les querelles qui surviennent jouroel-
lement, soit dans les régiments, soit entre mili-
taires qui appartiennent à différents corps. Les
maîtres ou prévôts d'armes ont, outre ce sabre,
dfefe fleurets mouchetés ; il en est même qui ont
fait montei* des armes dangereuses dans des
Uatmes, et on a remarqué que presque tous les
militaires blessés qui étaient transportés à Thôpi
làl, l'avaient été par une arme de ce dernier genre
ëDUvent même par des militaires autres que ceu:
aVèô lesquels ils avaient eu dispute, ce qui prôu
verait qttë, liôn-seulement on femploie de préfé
ttànce ces dernières armes, mais encore que dan
les corps il y a une espèce d'hommes qui font mé
tifer de se battre pour leurs camarades, et souvei
provoquent les disputes pour avoir la gloire de le
terminer, ou au moiils de se donner de Timpoi
lance.
• Gel abus ésl trop nuisible à là conservation de
miUtaires et au maintien de la bonne intelligem
qui dbit régner entre les corps de l'armée, polir i
pas mériter que les niesures les plus sévère
soient prises pour y remédier.
« En conséquence, le maréchal vous invit
général, à donner des ordres pour que dans toi
les corps de votre division il soit fait simultaiv
ment une visite des armes blanches et à feu po
tatives que les militaires de tout grade pourro
avoir^ afin de retirer, pour être dépoeéee dans
qu Be seraient pas en tout coaformes^ tant pour la
longueur que pour les autres dimensions, aux
armes qui sont délivrées des arsenaux de TEm-
pire, et qui excéderaient celles que les militaires
de divers grades sont autorisés à avoir.
« Les armes que Ton aura ainsi retirées seront
vendues au profit de la masse de linges et chaus-
sures des militaires auxquels elles appartiennent,
et ces militaires seront punis suivant qu'ils Tau-
ront mérité d'après le genre, Tespèce et l'usage
qU*oil présumera qu'ils auront fait de ces armes.
t Le maréchal désire que vous preniez^ en
outre, des mesures pour qu'à l'avenir pareils
abus ne puissent se renouveler, que vous déter-
miniez la quantité de fleurets que chaque maître
d'armes est autorisé à conserver^ d'après le
nombre de ses écoliers, et que vous lui fassiez
connaitre les résultats de vos dispositions à ce
sijget.
« J'ai l'honneur de vous saluer. »
LE CHEF B'étAt-kbitfOR &ÈHtS\kL A VANDÂMMB.
« 8 a\Til 1805.
• M. le maréchal commandant en chef a été in-
formé, monsieur le général, que le nommé Pierre
6otfWo/s, soldat au 28'* régiment, étant de faction
hier, à neuf heures du soir, devant les armes du
— im-
poste du préfet, avait fait feu sur deux individus,
qui voulurent prendre la fuite lorsqu'il les a ap-
pelés au mot de ralliement, et qui se nomment
Malisse, du 4® régiment, Durand, du 10*^ d'in-
fanterie légère. M. le maréchal vous invite à faire
mettre à la garde du camp, pour vingt jours, et à
lui faire faire pendant ce temps la corvée de sa
compagnie, le nommé Malisse; j'écris au général
commandant la l-^* division pour qu'il ordonne la
même punition à l'égard du nommé Durand.
« Comme l'officier qui était de garde, le H de
ce mois, à ce poste, a fait relever de sa faction le
nommé Courtois, pour le punir d'avoir tiré, mon-
sieur le maréchal vous invite à faire connaître à
cet officier que c'est injustement qu'il a puni ce
factionnaire, auquel il aurait dû donner des éloges
pour avoir fait son devoir. »
LE CHEF d'état-major GÉNÉRAL A VANDAMMK.
« 23 avril 1805.
« M. le maréchal commandant en chef vous in-
vite, monsieur le général, à donner l'ordre à l'offi-
cier supérieur commandant l'artillerie de votre di-
vision de faire lancer, la nuit prochaine, entre
onze heures et minuit, deux fusées, comme contre-
signaux, entre le ruisseau du Bec et la batterie de
Saint'Frieux.
« Vous donnerez Tordre de faire placer quel-
ques hommes de gendarmerie et d'infanterie en
embuscade dans les environs de ces batteries. Ces
hommes arrêteront tout individu qui se présente-
rait à ce faux signal, et ils observeront si les bâti-
ments ennemis en croisière en face du port de
Boulogne y répondent.
a Vous rendrez compte, monsieur le général,
de l'exécution de cet ordre par votre rapport jour-
nalier. »
« Boulogne, 21 juin 1805.
« Le général de division Vandamme prie Tadju-
dant commandant Mériage de prévenir de sa
part MM. les généraux de brigade qu'ils aient à
défendre les fausses queues, et à ordonner que
ceux qui ont les cheveux courts les fassent cou-
per convenablement. Beaucoup de corps croient
devoir s'attendre à reprendre la queue; vous pou-
vez leur dire qu'il n'y a point d'apparence qu'ils y
soient forcés. Ordonnez aux corps de se procurer
des pompons ronds et plats ; défendre ceux dans
le genre du 5T : ils fatiguent trop les chapeaux et
font toujours mauvais effet. Ordonnez que, dans
chaque corps, on se procure des cocardes uni-
formes, qu'on s'occupe sérieusement du rempla-
cement des mauvais chapeaux et qu'on répare
promptement ceux qui en sont susceptibles. Je
passerai une revue le 4, à dix heures du matin ;
je visiterai la troupe en détail; je passerai une
inspection très-sévère de tout ce qui tient à
Tarmement, l'habillement et l'équipement. Pré-
9
— 130 -
venez MM. les généraux de brigade et les chefs
de corps.
« Ordonnez que tous les travailleurs se trou-
vent à cette revue; faites en sorte que les corps
soient très-nombreux. »
BERTHIER, MINISTRE DE LA GUERRE, A VANDAMME.
« Boulogne, l*" août 1805.
« La revue que j'ai passée aujourd'hui à l'im-
provisto, mon cher général, avait pour but de sa-
voir si tous les hommes étaient dans les limites
des camps, combien il fallait de temps pour les
rassembler; ce qui se trouvait sous les armes, et
si les sacs étaient garnis do tout ce qui est né-
cessaire pour la guerre, dans le cas où Ton dût
s'embarquer au premier coup de baguette.
« J'ai fait compter tous les hommes présents,
et j'ai trouvé le total de 5,0 iO.
« Cependant le présent sous les armes de votre
division est de plus do 9,000 hommes.
« Je sais bien qu'on doit défalquer les hommes
embarqués ou de garde; mais peut-être trouverez-
vous aussi qu'un grand nombre, qui devaient être
dans les limites du camp, étaient absent.
« Je sais que , par votre active surveillance,
votre division est une des plus belles de l'armée,
mais vous sentirez, comme moi, qu'il y a peut-
être un peu de négligence de la part des officiers
mbditemed, qui ne se persuadent pas assers que
orsque le soldat prend les armes avec son sac,
il doit être muni de tous ses effets et croire ne
devoir pas rentrer au camp. •
VANDAMME A MERIAGE.
« 15 âdût 1805.
• Mon cher MériagOy il faut faire composer, de
sttitei une musique prise sur toutes celles de la
division, de manière qu'elle soit excellente et plus
nombreuse possible.
• Le cdpitaine-^adyudant Romgana sera chargé
de conduire de suite ce» musiciens au Pont-de-
Brique, afin qu'ils puissent y être rendus entre dix
et onze heures. Il les devancera pour prévenir
M. le grand maréchal de la cour Duroô qtit^ c'est
la 2® division qui vient présenter sôs hommages
à 8a Majesté TEmpereur, et se faire indiquer le
local où ces musiciens pourront être placés pour
être entendus de Sa Majesté, et jouer pendant
quelque temps.
• Je vous recommande de presser cette affaire
8tde l'organiser le mieux possible (1). »
(!) Comme on le Voit par cette lettre et par celles qui l'ont
P^MdéeÉ, Vandammc, aussi bien que les autres généraux
^itvé» dans la haine dès souverains, avait modifié du tout au
M tes idées et son langage. C'est peut-être le cas de rap-
peler ici la sii>galièti0 formule du serment exigé à cette époque
Nons ne raconterons pas pour quelles cause
la guerre que Ton s'attendait à voir portée dans 1
Grande-Bretagne eut tout-à-coup pour théâtre 1
centre de T Allemagne et la Moravie. Ceci est d
domaine de Thistoire générale de cette époqu
mémorable et grandiose. Notre cercle est plu
restreint.
La grande armée organisée, équipée, instruit
avec un soin parfait, présentait au moment d
l'entrée en campagne contre TAutriche, vers 1
commencement de septembre 1805, une force mi
litaire telle que jamais encore aucune puissanc
n'en avait mis sur pied une semblable.
Le génie créateur et organisateur de Napc
léon avait préparé pendant plus de deux années
dans les camps, sur les bords de la Manche
cette armée sans pareille, que les éléments seul
ont pu vaincre. Le séjour dans les camps d
Boulogne, d'Étaples, d'Ambleteuse et d'Ostendc
des troupes qui avaient fait les guerres d'Ita
lie, d'Allemagne ou de Vendée, avait permi
des membres de la Légion d*honneur. Lia voici. On y verra 1
bizarre amalgame de la république et de la monarchie :
« Je jure, sur mon honneur, de me dévouer au service d
TEmpire et à la conservation do son territoire dans son inU
grité; à la défense de TEmpereur, des lois de la républiqu
et des propriétés qu'elles ont consacrées; do combattre, pa
tous les moyens que la justice, la raison et les lois autorisent
toute entreprise tendant à rétablir le régime féodal; enfin
de concourir de tout mon pouvoir au maintien de la liberté c
de l'égalité» bases premières de nos constitutions. »
— 433 —
d'amalgamer , de réunir en corps bien soudés
entre eux les parties distinctes qui composaient
la puissance militaire du pays, et qui ren-
daient en quelque sorte étrangers les uns aux
autres les vainqueurs de Lodi , de Gastiglione,
des Pyramides, de Marengo, et ceux de Fleurus,
de Bergen, de Hohenlinden, ceux aussi de Chollet
et du Mans.
L'uniformité dans les manœuvres, Toubli d'an-
ciennes rivalités , réchange de bons procédés,
l'admiration commune pour le grand homme de
guerre aux mains duquel la France , fatiguée de
ses dissensions intérieures, avait remis ses desti-
nées, furent les conséquences immédiates de cette
habile mesure prise par le héros.
Cependant, l'Autriche, cédant aux instances, à
la poUtique et à l'or du cabinet de Saint-James,
nous déclara la guerre, et mit en ligne deux cent
trente mille hommes. Le prince Charles , son
meilleur général, prit le commandement en Italie.
Laissant vingt mille combattants dans le Tyrol,
sous son frère l'archiduc Jean, il marcha avec
soixante mille autres sur TAdige. Mack eut
Tannée d'Allemagne, la plus importante. Il jeta
Jellachich avec dix mille hommes dans le Vorarl-
berg, et se porta avec cent quarante mille sur le
bas-Inn, sommant l'électeur de Bavière d'entrer
dans la coalition. L'électeur s'y refusa, se retira
dans Wurtzbourg, et fit filer son armée sur le Reg-
nitz, entre Nuremberg et Bamberg. Cette con-^
* 484-
duite devait lui valoir un trône et une alliance avec
le fils adoptif de Napoléon.
Les Aulricliiens envahirent la Bavière, s'era^
parèrent do Munich , laissèrent dans rélectorat
quarante mille honunes avec le général Kien-
mayer , puis ils occupèrent Augsbourg , Dona-
werlh, Ulm, et observèrent les défilés de la forêt
Noire, depuis Rothweil, jusqu'à la frontière de la
Suisse, attendant dans cette position les quatre-
vingt mille hommes de Tempereur de Russie, con-
duites par Alexandre en personne et par Kutusoff.
L'armée française, destinée à opérer en Alle-
magne» prenant le nom de grande année, reçut
immédiatement Tordre de se mettre en marclie
pour aller à Tennemi. Saintt-Cyr^ alora à Naples,
évacua cette partie de Tltalie , et vint renforcer
Masséna, qui avait le commandement dç Taripée
dans le nouveau royaume dont Napoléon s'était
fait sacrer souverain.
L'armée du Hanovre sous Bernadotte, les qua-
tre corps du camp de Boulogne, celui du oamp A%
Zeigt, la réserve de cavalerie, la garde impériale,
formant cent quatre-vingt-dix mille hommes, aban?
dlonnèrent les rives de la Manche pour courir au
Rhin.
La grande armép se composa alors de «epl
corps, une réserve de cavalerie, plus le corps
d'ItaUe ou huitième . — ^ 1^' corps (Bemadotte), divi-
i^\om d'infanterie Drouot et Riyaud, division di
eavaleria Kellçrmann. -^ %^ eorps (Maraumt), di»
— 13S —
visions d'infanterie Boudet, Grouchy, Dumonceàu,
diAision de cavalerie légère Lacoste. — 3* corps
(Davout) (1), divisions d'infanterie Bisson, Priant,
Gudin ; division de cavalerie légère Vialanes. —
4* corps (Soult) , divisions d'infanterie Saint-Hi-
laire, Vandamme, Legrand , Suchet ; division de
cavalerie légère Margaron. — 5® corps (Lannes),
di^ision de grenadiers Oudinot, division Gazan ;
division de cavalerie légère Treilhard. — 6® corps
(Ney), divisions d'infanterie Dupont, Loison, Ma-
Iher; division de cavalerie légère Tilly. — T corps
(Augereau) , divisions d'infanterie Desjardin et
Maurice Mathieu. — Réserve de cavalerie (Mo-
reau), six divisions de cavalerie (dont deux de
réserve et quatre de dragons), Nansouty, d'Haut-
poul, Klein, Walther, Beaumont , Bourcier. —
Une division de dragons à pied (Baraguey-d'Hil-
liers). — Six mille hommes de garde impériale à
pied, et deux mille à cheval, sous les généraux de
brigade Dorsenne, Soulès, Ordener, ayant à leur
tête le maréchal Bessières.
Ces forces constituaient un effectif de près de
deux cent mille combattants. L'armée d'Italie ou
8* corps en avait trente-cinq mille ; celle de Saint-
Cyr, à Naples, quinze mille; les troupes électo-
rales vingt-quatre mille.
•
(1 ) La plupart des ouvrages écrivent le nom de Davout avec
une s, celui de Sainta-Susanne avec un i. Nous avons sous
les yeux des lettres écrites par ces deux hommes de guerre
et signées Davout et Sainte- Susanne,
— 136 —
Telle était la composition et la force des armées
belligérantes, lorsque Napoléon, voulant prévenir
ses adversaires et battre les Autrichiens avant
rentrée en ligne des Russes , donna Tordre, le
23 août 1805, après une manœuvre d'embarque-
ment à Boulogne, do faire débarquer les troupes,
de lever les camps, et de mettre tout en œuvre,
pour que cette armée formidable pût traverser ra-
pidement la France, de Touest à Test.
La division Vandamme, 2® du 4® corps, était
formée des brigades Saligny (tirailleurs du Pô et
24® de ligne), Ferrey (4*-^ et 28® de ligne), Gandras
(46® et 57® de ligne) ; en tout huit mille six cents
hommes environ. Elle avait pour chef d'état-major
l'adjudant général Mériage. Les aides de camp du
général Vandamme étaient : le chef d'escadron
Séron, le capitaine Desoye , et le lieutenant Des-
warte.
Cette division, ayant un effectif de près de neuf
mille combattants, une des plus belles et des plus
solidement organisées, de celles ayant séjourné
dans les camps, partit dans les premiers jours de
septembre du village d'Outreau, et se trouva, le
26 du même mois, sur les bords du Rhin, près de
Spire.
A son passage à Sedan, Vandamme reçut du
maréchal Soult la lettre ci-dessous , datée de
Paris, 8 septembre :
r J'ai reçu, mon cher général, les états que
vous m'avez adressés, et vos lettres relatives à la
— 137 —
narche de votre division ; j'ai vu avec bien du
}laisir que vous étiez satisfait de sa conduite , et
jue vous comptiez sur le retour des hommes qui
sont partis sans permission ; j'en ai rendu compte
au ministre de. la guerre, qui a mis mon rapport
sous les yeux de Sa Majesté.
« J'ai aussi adressé au ministre la lettre du
colonel Marion que vous m'avez envoyée, etj'ai fait
eu sa faveur la demande d'un secours extraordi-
naire ; il m'a été dit à son égard que Sa Majesté
lui avait accordé une gratification de 10,000 francs,
à prendre sur les biens des Etats de Parme. Sans
doute qu'il sera prévenu officiellement de ce bien-
fait de l'Empereur, et que sa reconnaissance éga-
lera les sentiments qui l'animent pour son glorieux
service.
• Incessamment je ferai mettre à l'ordre que
le général Saligny remplace le général Andréossy
dans les fonctions de chef d'état-major du 4® corps.
• Je ne pense pas, mon cher général, qu'il y
ait de décision qui accorde deux sous par jour à
chaque soldat en marche. La troupe reçoit les
vivres de campagne comme au camp, et elle doit
se trouver beaucoup mieux qu'avec l'indemnité
d étape. Sa Majesté a particulièrement étendu ses
grâces sur les officiers , et leur a fait sentir les
effets de sa magnificence.
' Je compte partir dans quatre ou cinq jours
pour Landau, et faire en sorte de me trouver à
Verdun lorsque votre division y arrivera ; j'aurai
— 188 —
alors le plaisir de vous embrasser, et acquérir là
nouvelle certitude de la belle conduite de votre di-
vision pendant sa marche. »
Ainsi qu'on le voit par la lettre du maréchal,
un des généraux de brigade de la division Van-
damme , Saligny , nommé général de division,
quitta le commandement de sa brigade, où il fut
remplacé par le général Schiner. Ce dernier reçut
Tordre de prendre, le 25 septembre, le comman-
dement d'un petit corps composé du bataillon des
tirailleurs corses, du bataillon des tirailleurs du
Pô, du 24*^ de ligne, de deux pièces de quatre , et
de quelque cavalerie pour former Tavant-garde
du 4*" corps, aile gauche de la grande armée.
Le 27 septembre, la division Vandamme fut
réunie à dix heures du matin aux portes de Spire,
et se mit en mouvement pour franchir le fleuve à
Reinhausen, se dirigeant sur Bruchsal. Elle fit
halte à Waghausel, où elle attendit de nouveaux
ordres. Les jours suivants elle continua sa marche
vers Test, par Heilbronn, où elle passa le Necker,
par Hall , qu'elle traversa le 3 octobre pour bi-
vouaquer en avant de la ville. Le jour suivant,
un détachement de chasseurs du 11® , régiment
passé la veille sous les ordres de Vandamme,
et placé à son avant-garde, trouva dans Elwan-
gen un parti de hulans qui évacua la ville.
On approchait de Fennemi. Le maréchal Soult fil
dire au comte de Walmoden, qui commandait leî
Autrichiens sur cette partie du théâtre de h
gueire, qu'en deçà de l'Inn il ne reconnaissait
plus dans les troupes que des ennemis.
Vandamme s'établit en avant d'EKvangen, éclai-
rant la route de Aalen , et poussant des recon-
naissances jusqu'à Nordlingen II eut ordre de
s'emparer de Donawerth , du pont sur le fleuve,
des débris de ce pont, si T ennemi essayait de le
détruire, et de toutes les barques et matériaux
pouvant servir a un passage de rivière. Le 6 oc-
tobre, en effet, Tavant-garde de la division, con-
duite par le général Gandras, attaqua, à dix heures
du soir, le pont de Donawerth , et parvint à s'en
emparer, ainsi que de celui de Munster, après
une assez vive résistance, et après avoir culbute
le régiment de Golloredo qui le défendait.
Les troupes avaient fait une forte étape. Le
mouvement de Vandamme avait pour but de sur«
preqdre le passage du Danube et du Lech, et de
protéger la marche du 3^ corps (Davout) sur
Harbourg. Ce mouvement réussit parfaitement^
car les Autrichiens surpris n'eurent pas le temps
de défendre le pont, et cent mille hommes passé-**
peut le Danube, du 6 au 7 octobre, sur les U'oî»
points de Donawerth, Neubourg et Ingolstadt.
L'empereur arriva de sa personne le 6 au soir
à Nordlingen. Le 7, la division Vandamme s'éta-
Uit à Rain, un peu à Test de Donawerth, et se
disposa à passer le Lech, le jour suivant, o^
^'elle fil en effets après avoir chaseé devant elle
quelquM^ «leadroAe ennemis. Elle dëpaes», te 9,
— 140 —
la ville d^Aicha, resta quelques instants en position
sur los hauteurs de Fridberg pour observer Ten-
nemi, et voyant que rien ne s'opposait à sa marche
vers Augsbourg, elle se rabattit au sud-ouest sur
cette ville qu'elle occupa après avoir franchi le
Lech pour la seconde fois. Elle s'étabUt au sud
de ctîtte dernière ville, où vinrent successivement
les quartiers généraux du prince Murât et celui de
l'Empereur. Vandamme porta le sien à Lands-
berg. Les troupes du 4*^ corps, fatiguées par des
marches rapides depuis le passage du Rhin, eurent
deux séjours. La division Vandamme cantonna
jusqu'au 13 dans les villages autour de Landsberg,
sur la rive droite du Lech, et le général en profita
pour écrire à ses commandants de brigade :
r Messieurs, la position dans laquelle nous nous
trouvons me force à en appeler à toute votre atten-
tion. Les marches forcées faites ou à faire pour
compléter la plus belle campagne connue dans
l'histoire, les privations auxquelles nous sommes
exposés, tout, Messieurs, exige de notre part des
soins particuliers pour maintenir la troupe dans
la discipline, conserver la santé des braves que
nous commandons, et entretenir l'armement et l'ha-
billement en règle. Je vous conjure , au nom de
l'honneur, au nom de l'amour que nous portons
tous à notre auguste Empereur, occupez-vous
constamment de vos brigades, régiments, ba-
taillons et compagnies, comme je m'occupe autant
que possible de vous tous. Je sacrifierai ma santé
et ma vie pour le bien-être de ma division, mais je
ne puis rien sans le concours de ceux qui, comme
moi, ont juré à TEmpereur de bien le semr, et
de tout faire pour son glorieux règne.
<r Nous sommes à la veille des plus grands
événements militaires : toute une armée autri-
chienne est presque entourée par la grande armée
que le* grand Napoléon commande en personne ;
préparons-nous à bien nous battre , et sous peu
la victoire la plus signalée terminera cette cam-
pagne pénible et glorieuse. C'est dans des cir-
constances difficiles que Thomme de cœur prouve
qui il est ; si notre métier n'était pas pénible, s'il
n'y avait pas souvent des dangers et des maux à
supporter, quel honneur y aurait-il d'être militaire?
L'élite de la nation ne composerait pas les armées,
et nous ne serions plus les citoyens distingués de
la grande nation.
f Content jusqu'ici de la presque totalité de
ma division, je me félicite de la commander; je
vois les chefs attentifs, les soldats patients et dis-
ciplinés, et j'ose d'avance me convaincre que de
brillants succès couronneront nos généreux efforts,
f Soldats, continuez à être disciplinés et pa-
tients, croyez que moi et tous vos chefs nous
n'avons rien tant à cœur que de vous conduire au
chemin de la victoire ; le temps est affreux, les
chemins difficiles , mais nous sommes Français,
notre auguste Empereur marche à notre tête,
d^éclatantes victoires seront le prix de tant d'hé-
roïsme. La campagne ne sera pas longue, mu»
peu nous n'aurons plua d'ennemis , tous savent
que notre souverain ne combat que pour les vain*
cre, ils no peuvent l'avoir oublié. Je compte tou-
jours sur votre valeur, sur votre discipline et sur
votre patience , comptez sur toute ma sollicitude
pour alléger vos privations, vos souffrances, el
obtenir qu'on mette un peu plus de régolarité dan»
la distribution des vivres.
t Je sais vous apprécier, continuez à m'accofder
votre confiance, donnez-m'en la preuve par votw
bonne conrluite, et je serai toujours tout entier à
TtUS. 3
Le 12, Vandamme écrivit encore au général
Schiner, qui commandait son avant-garde :
« Mon cher général, ayez bien soin de vos
braves chasseurs du 24'\ Cette nuit, faites en
sorte que votre batterie de deux pièces de 4 soit
bien pourvue de tout; ne lui laissez pas man-
quer de chevaux , et faites-leur donner force
avoine. Ayez aussi des bontés pour tes cxknmh
niers et soldats du train, car nous allons faire,
d'ici quatre jours , de fortes marches et stoir
bien à nous battre. Le moment est décisif. H faut
surtout pourvoir aux cartouches et pierres à feu.
Dans la nuit, je vous enverrai tout ce qu'il me
sera possible de pain et d'eau-de-vie. Du reste,
je compte sur vous ; je vous prie de faire tout
au mieux. »
Par sa belle manœuvre, Vemper&xr «oupeit
- 14» -
a ligne d'opérations de rennemi. Mack , après
avoir pris le change sur la direction donnée à
Farmée française, et avoir cru qu'il allait être atta-
qué de front sur sa ligne de Tlller, finit par com-
prendre que le gros des forces françaises se por-
tait vers le Danube. Il fit replier sur Stockach et
Memingen ses corps avancés, concentra ses forces
dans Ulm et ses environs et laissa sur la riv«
droite du fleuve une forte avant-garde aux ordre»
de Kienmayer. Mais, ainsi qu on Ta vu, il ne
sut pas empêcher le passage du Danube, et perdit
en quelques jours toutes ses lignes de retraite.
Déconcerté par la rapidité des marches de son
adversaire, il apprit en même temps Toccupation
de la Bavière, la position d'une armée nombreuse
sur le Lech, c'est-à-dire sur ses derrières. Il n'eut
ï^us d'autre parti rationnel à prendre que de se
concentrer sur l'IUer, entre Ulm et Memingen. l\
fil retrancher à la hâte celte dernière place, espé-
rant pouvoir se maintenir avec toutes ses forces
assez de temps pour être joint par l'armée russe.
Vandamme, avec l'habitude qu'il avait de la
grande guerre, avait compris le grand et habile
mouvement tournant de l'Empereur pour envelop-
per Mack.
Le 13 octobre, le 4® corps se remit de nouveau
ea marche. La 2^ division se porta de Landsberg
sur Memingen, franchit l'IUer, échangea quel-
qMs coups de canon avec l'ennemi, et contri-
— 144 —
bua à la reddition de la ville, que les Autrichienî
défendirent faiblement.
La veille, Vandamme avait reçu de Soult h
lettre suivante :
« La 3^ division doit être rendue demain matin
pour dix heures à Memingen et y attaquer immé-
diatement Tennemi ; celle que vous commandez,
monsieur le général, devrait y être rendue à deu^
heures, afin de concourir aux opérations de celle
journée et pour secourir la division du général
Legrand, s'il était nécessaire.
• Faites mettre à Tordre de votre division que
les régiments qui veulent combattre doivent être
rendus, pour trois heures après midi, devanl
Memingen, et que je i-emarquerai ceux qui laisse-
ront le plus d'hommes en arrière.
« Mandez-moi à quelle heure vous vous mettrez
en marche, instruisez-moi de votre arrivée devant
Memingen et ne souffrez dans la colonne aucune
lacune, ni voiture d'équipage, qui pourrait inter-
rompre sa marche. »
Le il octobre, les 1^® et 3* divisions du
4* corps se mirent en marche pour se porter sui
Ochsenhausen , prolongeant le mouvement tour-
nant général combiné par l'Empereur. La division
Vandamme eut ordre de se tenir prête à suivre h
même route dès que les articles de la capitulatior
de Memingen seraient signés, ce qui eut lieu dauî
l'après-midi. La garAison, forte de 4 à 5,001
hommes, fut faite prisonnière de guerre. Le gêné
— 146 ~
*al Schiner entra dans la place pour Texécution
les articles de la capitulation, et la division Van-
lamme partit pour Ochsenhausen. Le 15, elle
'emonta à la suite de la 3® division, au nord, et
ânt bivouaquer autour de Laubleim, laissant Ulm
sur sa droite.
Cette dernière ville ayant capitulé le 17, etlarmée
le Mack s'étant rendue prisonnière, la première
partie de la campagne était terminée. Il fallait
adors poursuivre les débris des corps autrichiens
en retraite sur Vienne et cherchant à joindre Tar-
mée russe, en marche sur la Moravie.
Le 4^ corps reprit, dès le 18 octobre, la route
d'Ochsenhausen, de Memingen, de Landsberg, où
la division Vandamme fit séjour le 23, puis ce
corps, se dirigeant sur Munich, vint passer Tlnn,
le 29 àMettenheim, près Mùldorf-la-Trann ; le
5 novembre il s'arrêta à Wels et s'établit en avant
de cette ville.
Ces marches rapides ne s'étaient pas effectuées
sans donner lieu à quelques désordres. Le retard
et quelquefois le manque de distributions régu-
lières faites aux troupes avaient amené des actes
regrettables de violence au préjudice des habi-
tants, des réquisitions forcées, des crimes même,
ce qui motiva un ordre du jour très-vigoureux du
maréchal Soult, en date du 16 octobre. Dans cet
ordre fort long, nous remarquons la mesure cu-
rieuse prise pour faire cesser l'usage que les
soldats avaient adopté de tirer à tout propos,
T. II. 10
-446 -
dans les camps» des coups de feu, pouvant porter
la perlurhation i)arlout :
« Le maréchal commandant en chef, dit l'ordre
du IG, voulant aussi réprimer le pillage et faire
cesser Tindécont tiraillement qui a lieu journelle-
ment dans les camps et pendant la marche, or-
donne que tout mihtaire qui aura tiré un coup de
fusil, sans être en présence de Tennemi, soit privé
pendant huit jours d'avoir de chien à son fusil, et
si, pendant ce temps, il faut combattre, il soil
obligé de se défendre avec sa baïonnette. Si ce
militaire appartient à un régiment de cavalerie, il
sera démonté pendant deux jours. »
Le même ordre prescrivait de faire juger séance
tenante, môme en marche, les hommes qui pille-
raient, violeraient, etc.; de les faire passer par les
armes, s'ils étaient condamnés, avant que le régi-
ment pût se remettre en mouvement.
Le 4^ corps, cependant, formant depuis l'ouver-
ture de la campagne le centre de la grande armée,
franchit l'Enns et marcha sur Haag.
La division Vandamme arriva, le 9, à Lostorf,
le 10 à Pottenbrûnn, où elle passa la Trasen, el
le 41 à Judenau. Elle fit séjour le 12 dans cette
petite ville et fut prévenue par le chef d'étal-major
général que des partis russes commençaient à
se laisser voir sur les deux rives du Danube; qu'il
était urgent, on conséquence, d'ordonner à ses
cantonnements sur la içauche de la route de Vienne
d'être sur leurs gardes, pour éviter toute sur-
prise.
— 147 —
Vandamme profita de ce court repos pour mettre
à Tordre du jour de la division ce qui suit :
« Le général recommande aux officiers et sous-
officiers le plus grand soin à surveiller et à punir
les soldats qui se permettraient le moindre dé-
sordre dans le pays que nous occupons. Il est
possible que nous y restions longtemps, ou au
moins est-il certain qu'après nous d'autres troupes
françaises Toccuperont. Il faut donc en ménager
les ressources et sévir très-rigoureusement contre
quiconque ose se permettre le moindre pil-
lage, etc. »
A la suite de cet ordre, «venait, comme corol-
laire, celui-ci, en date du même jour :
• Le général de division félicite M. Sacré, ad-
judant major au 46® de ligne et officier de la Légion
d'honneur, de l'énergie et de la fermeté qu'il a
déployées contre un soldat pillard d*un des régi-
ments de la division, qui, après avoir pillé dans
mie maison, poursuivait une pauvre femme avec
atrocité, la menaçant de la baïonnette. Il voulut
aussi s'en servir contre ledit adjudant major, qui
lui a passé son sabre à travers le corps, etc. »
Mais, si Vandamme était d'une sévérité, d'une
dureté extrêmes pour les pillards et les indisci-
plinés, il n'admettait pas non plus qu'on laissât
ses soldats mourir de faim. Chaque fois que les
vivres manquaient, il s'en prenait à l'administra-
tion chargée de ce soin, et comme il ne savait ni
se taire ni se modérer, il disait à qui voulait l'en-
— «48 —
tendre ce qu'il pensait, allant même souvent an
delà des limites permises.
Il reçut, à l'occasionde paroles imprudentes dt
ce i^enre, une lettre très- vigoureuse et très-nette
du maréchal Soult, lettre datée de Gros-Nemet-
schilz, le 20 novembre. La voici :
• Plusieurs officiers recommandables par leur
mérite m'ont rendu compte, monsieur le général,
que depuis plusieurs jours vous insinuiez publi-
quement que les subsistances de l'armée étaient
vendues ; j'ai été d'autant plus étonné d'apprendre
qu'un pareil propos avait pu sortir de votre bouche,
que j étais persuadé que vous-même étiez cou-
vaincu que l'administration avait fait tous les
efforts possibles pour donner à la troupe ce qui
lui était dû, et que si parfois les subsistances ont
manqué, on ne pouvait Tattribuer qu'à la rapidité
de nos marches, et à la pénurie dans laquelle
nous nous sommes souvent trouvés.
• Je croyais aussi qu'une insinuation de celte
nature était indigne de votre caractère, et que vous
ne jmuviez vous la permettre, si toutefois quelque
fait que j'ignore était parvenu à votre connais-
sance, sans au préalable m'en avoir rendu compte,
et ni'avoir mis à même de faire punir les cou-
pables auteurs de ces déhts.
« Enfin, on m'a instruit des scènes scanda-
leuses que vous avez suscitées au chef de l'étal'
major général, à l'ordonnateur en chef, et parfois
— 149 —
même aux autres généraux de division du corps
d armée.
« Si leur témoignage n'était pas irrécusable,
j'aurais refusé de le croire; car, je le répète, ces
moyens me paraissent si fort au-dessous du carac-
tère dont vous êtes revêtu, que j'aurais cru être
injuste à votre égard si je vous les, avais prêtés.
■ Lorsque vous avez des besoins à faire con-
naître et qu'ils sont relatifs à vos troupes, lors-
que des abus ou des délits vous sont dévoilés,
lorsqu'enfîn des virements quelconques dans le
service surviennent, et que le concours de mon
autorité doit intervenir, par honneur et par devoir,
monsieur le général, vous devez m'en rendre
compte, pour que je puisse y remédier, faire ces-
ser le désordre et resserrer les liens de la disci-
pline.
« L'oubli que vous avez fait de ces devoirs
m'oblige à vous écrire cette lettre, mais je ne le
fais qu'à regret ; elle me donne cependant lieu de
vous sommer sur votre honneur de me faire con-
naître tous les délits, fraudes, ou les actions qui
peuvent avoir été commis et qui seraient restés
impunis, pour que je livre les coupables, quel que
soit leur caractère, à toute la rigueur des lois, car
eu tout temps je veux pouvoir répondre à Sa
Majesté que les troupes dont elle a daigné me
confier le commandement sont dignes de sa con-
fiance et ne cessent de mériter ses grâces. »
Le 15 novembre , l'armée était dans Vienne ,
- 180 —
Vandammc ayant la pcnsde que TEmpcrcur pas-
serait une revue, fit les plus grandes recomman-
dations aux chefs de corps. Il écrivit à Fun
d'eux :
« Voici en peu de temps, monsieur le colonel,
la campagne la plus éclatante terminée. C'est au
génie extraordinaire et à la bonne étoile de notre
auguste Empereur, à qui nous en avons Tobli-
gation » ; et plus loin : « Voici deux jours de repos
qui, j'espère, auront été bien employés par votre
régiment. Prenez, je vous prie, toutes les mesures
nécessaires, pour que le corps que vous com-
mandez soit en état de paraître demain ou après
devant S. M. TEmpereur; je mets le plus grand
amour-propre pour que ma division soit bien
tenue. Elle a déjà quelques avantages sur d'autres,
que je suis jaloux de conserver, etc. »
Le même jour, 15 novembre, Vandammc reçut
l'ordre de mettre sa division en marche, le len-
demain 16, à 8 heures du matin, et de so diriger
avec elle sur Znaïm par IloUabrùnn (rive gauche
du Danube). Mais quelques heures avant la
diane , contre-ordre fut donné , et la divisiwi
resta la matinée à Judenau. Elle ne se porta en
avant que vers trois heures, lorsque Ton sut que
Ton était aux prises avec les Russes à HoUabrûnn.
ExpHquons en deux mots ce qui avait motivé ces
mouvements.
L'armée de Kutusoff était arrivée sur le Da-
nube et avait rallié les débris des corps autri-
— 151 —
chiens baltiis. Napoléon ayant la conviclion (jue
toutes les forces réunies des deux puissances
cheicheraient à sauver Vienne en livrant une
grande bataille à Saint-Poolten, prit ses disposi-
tions en conséquence ; mais Kutusoff trouva les
coi-ps Autrichiens tellement désorganisés, qu'il
préféra se replier en Moravie pour y attendre la
seconde armée russe.
Il passa donc, par le pont de Krems sur la rive
gauche du fleuve , en abandonnant Vienne, Il se
trouva que les combinaisons de TEmpereur, faitea
dans la prévision d'une bataille à Saint-Poolten,
devinrent inutiles. Le prince Murât s'étant en
outre avancé trop rapidement et avec imprudence
sur Vienne, malgré les ordres de Napoléon, et
ayant attiré à lui les corps de Lannes et de Soult,
le maréchal Mortier , seul sur la rive gauche , fut
sur le point d'être écrasé par toutes les forces
des Austro-Russes. Alors eut lieu le beau et san-»
glant combat de Dierstein (12 novembre). Mortier
parv- int à passer sur le corps de l'ennemi et à ral-
lier Napoléon.
L'ordre fut immédiatement donné de pousser
sur la capitale de l'Autriche, les Russes se re-
pliant sur Znaïm. Le 13 novembre, Murât entra
à Vienne, surprit le passage du pont, envoya des
partis de cavalerie sur la route de Briinn, et se fai-
sant suivre par le corps de Lannes, les divisions
Vandamme et Legrand, du 4" cprps, il se mit en
opération sur Brûnn, pour tâcher de couper Ten-
— 152 —
nemi dans sa marche sur Znaïm, et rempêcherde
rallier la seconde armée russe.
La division Vandamme ayant traversé Vienne
le 14, se porta, le 10, sur Hollabrûnn , où elle ar-
riva au moment où le combat se terminait par la
retraite do Tennemi.
Kutusoff, en apprenant la marche de Murât sur
Znaïm, avait jeté à Hollabrûnn une division de six
mille hommes, de quelques escadrons, d'un gros
de Cosaques, et de douze bouches à feu, sous le
prince Bagration, en lui donnant Tordre de tenir à
tout prix, jusqu'à ce que le reste de l'armée qui
filait sur Znaïm eût dépassé Hollabrûnn.
Attaqué par les grenadiers d'Oudinot, Bagration
fut rejeté, et perdit cent voitures d'équipage. La
division Vandamme, arrivée trop tard pour pren-
dre part à l'affaire, prolongea son mouvement jus-
qu'à Guntersdorf, en avant d'HoUabrûnn, à quel-
ques lieues de Znaïm. Le 17, elle bivouaquait en
arrière de cette ville. Le 22, elle atteignit Stanilz,
et s'y établit pour quelques jours. Elle avait, dans
sa marche, franchi la Taja et traversé la route de
Presbourg à Brûnn.
Il s'était passé un fait assez curieux à Holla-
brûnn, Murât, ayant hâte d'atteindre Znaïm, point
de jonction des routes de Brûnn et de Vienne,
avait envoyé un parlementaire à Kutusoff. Ce der-
nier, heureux de trouver un moyen pour sauver son
armée d'un désastre complet, même en sacriliant
le corps de Bagration , avait dépêché aussitôt le
- 183 —
baron de Winlzingerode à Mural pour entrer en né-
gociation. Une convention pour Tovacuation de
VAllemagne par l'armée russe fut signée, sauf
approbation de l'Empereur. Gela donnait un répit
de vingt heures au général ennemi, puisque Na-
poléon était à Schœnbrûnn, quinze lieues au sud;
c'était tout ce qu'il avait désiré, car Tadjudant gé-
néral de Tempereur Alexandre, le baron Winlzin-
gerode, avait annoncé qu'il traitait au nom d'Alexan-
dre, tandis qu'il n'y élait nullement autorisé. Mu-
rat s'était laissé prendre à celte ruse.
Napoléon, en apprenant la maladresse de Mu-
rat, partit de Schœnbrûnn, dans l'espoir d'attein-
dre et de battre Kutusoff, avant qu'il se fût élevé
à la hauteur de Brùnn. Il n'avait pu empêcher la
jonction de toutes les forces alliées.
Revenons à Vandamme, dont la division, comme
nous l'avons dit, avait gagné Stanitz au-dessous
d'Auslerhtz. Elle resta dans cette position jusqu'au
28 novembre. Ce jour-là, elle reçut l'ordre, qu'elle
exécuta immédiatement, de se porter sur Auster-
lilz, et de s'établir en arrière de ce point sur la
grande route de Brùnn. A midi, les Russes ayant
attaqué le cantonnement de Wischau, la division
se replia sur ceux de Stanitz et de Butschowitz, en
arrière et à Test d'Austerlitz. Elle campa sur les
hauteurs. Le jour suivant, elle tourna Austerlitz
et vint au hameau de Schlapanitz. Le UO, elle
traversa ce hameau , et se rapprocha d'Auster-
lilz.
— 154 —
Kilo so trouvait à la position (iu Santon devenu
cëlùhro par le l)ivouac do TEmperour, lorsque,
dans la soin'^e du r*^ au 2 ddcembre, à 8 heures,
les soldats ayant reconnu Napoléon, donnèrent le
si}^^nal de la célébration de Tanniversaire du cou-
ronnement (1).
La veille Tadjudant général Mériagc avait été
remplacé comme chef d'état-major à la division.
Tout indiquait une grande et décisive bataille
pour le lendemain. Soult envoya à Vandamme
Tordre de passer le défdé situé en avant de son
front, et de se former avant le point du jour sur
deux lignes, par brigade , une de ses brigades
déployée, Fautre en colonne, et vis-à-vis des in-
tervalles des bataillons de la première ligne. 11
devait jolcr son infanterie légère à cent pas en
avant, et son artillerie également en avant et prêle
à faire feu. « Faites en sorte , disait le maréchal
dans sa lettre, que le mouvement s'opère dans le
plus grand silence et en ordre. Votro troupe ne
fera point de feu lorsqu'elle sera rendue dans la
position que je vous indique. »
Le 2 décembre 1805, jour à jamais mémorable
dans les annales militaires de la France, la di-
vision Vandamme, qui devait s'illustrer dans celte
bataille, passa le délilé de Girzhowitz et s'établit,
(1) L'Empereur vint s'asseoir un instant au bivouac de Van-
damme, et le général, on souvenir de ce fait, a conservé une
bûche à demi-cousumée sur laquelle Napoléon avait appuyé
ses pieds pour se chauffer. On garde cette bûche dans la fa-
mille Vandamme, comme une sorte de relique.
^155 —
ayant le village à sa gauche , et la 1"^^ division
(Sainl-Hilaire) du môme corps, à une poiiée de
canon sur sa droite. A huit heures, elle reçut
ordre de se mettre en mouvement. Elle traversa
un marais assez difficile, et aborda résolument la
première position de Fennemi. L'infanterie légère
enleva cette position à la baïonnette. Vandamme,
ayant alors réuni toutes ses troupes sur la hauteur,
prolongea son mouvement offensif à la suite des
Austro-Russes qui manœuvraient en se retirant.
Dans cette marche, le 1®^ bataillon du 4® de ligne
(ancien régiment du prince Joseph au camp d'Où-
Ireau), s'étant trop engagé a la poursuite des
Russes, et ayant atteint le versant des hauteurs
qui dominent Austerlitz au nord, fut soutenu par
le 24® d'infanterie légère qui courut pour le déga-
ger. Ces trois bataillons furent un instant culbutés
par la cavalerie ennemie, et essuyèrent des pertes
sensibles. Vandamme les rallia et les porta de
nouveau en avant, tandis qu'avec sept bataillons,
il ciiassait les Russes devant lui, de positions en
positions, sans leur donner le temps de se recon-
naître, et en remontant la vallée d'AusterUtz située
à sa gauche.
Arrivée dans la plaine, la division fut arrêtée un
instant pour qu'elle pût prendre haleine ; elle se
forma ensuite, la gauche à la chapelle d'Augezd,
et l'ennemi, prononçant son mouvement par le
Dano droit, Vandamme profita de cette faute avec
la plus grande habileté et la plus grande vigueur.
— 156 —
Il réunit tous ses J)alaHloiis, descendit dans la
valloc, et aidé par de rarlillerie et de la cavalerie
quo lui envoyait l'Empereur, il culbuta dans le lac
de Telnilz l'infanterie russe et le parc. A rentrée
du lac, il s'empara de cincpiante à soixante bou-
ches à feu. Faisant alors appuyer ses troupes à
droite, il (It altaijuer de front le village de Telnilz
par quebiues bataillons, tandis que, se mettant de
sa personne à la tête de quelques autres, il lit un
mouvement tournant, et contraignit Tennemi qui
lui était opposé à se mettre en retraite à la hâte et
sans ordre.
Les Russes, culbutés sur tous les points , vou-
lurent se rallier sur la hauteur du village de Me-
nitz, en arrière des lacs, ils furent encore cul-
butés.
La* division Vandamme prit alors position à
gauche de la digue qui sépare les deux lacs de
Telnitz et de Menitz.
L'ennemi étant en pleine déroute , le général
Schiner, avec le 24® de ligne, le bataillon corse et
le 55® de Ugne , fut lancé à sa poursuite. Les
autres troupes bivouaquèrent sur le champ de ba-
taille.
L'Empereur avait pu apprécier les services
rendus dans cette journée par le 4® corps, et en
particulier par la division Vandamme qui avait
pris douze drapeaux. Il fit demander un rapport
détaillé , relatant les événements , les actions
d'éclat, les pertes éprouvées. Il nomma Van-
l
(lamme grand aigle de la Légion d'honneur. Le
grand chancelier , Lacépèdc , en annonçant le
iî7 décembre cette haute distinction au général
(distinction fort rare, et que Napoléon ne prodi-
guait pas aux divisionnaires), écrivit de sa main,
au bas de cette lettre d'avis :
« Les membres de la Légion d'honneur verront
avec un grand plaisir , mon cher confrère , la
grande décoration réunie aux lauriers que vous
venez de moissonner sous le plus grand des héros,
dans la plus mémorable des campagnes, et à ceux
que vous avez déjà cueillis à Furnes, à Friedberg,
sur les rives du Rhin, sur les bords du Waal, dans
la Nord-Hollande, etc., etc. »
En outre, Tempereur, en date du 8 février 1806,
rendit un décret dont voici la teneur :
• Voulant reconnaître les services rendus à la
bataille d'Austerlitz, par les généraux dénommés
ci-après, et les mettre en état de soutenir leur
rang, avons décrété : il est assigné une pension de
20,000 francs sur les fonds de la Légion d'honneur,
à chacun des généraux Vandamme, etc. *
La division Vandamme resta le 3 décembre
dans sa position de Telnitz , tandis que le général
Schiner poursuivait l'ennemi. Le 4, elle se dirigea
par la traverse sur Nassedlovitz, pour aller bi-
vouaquer à Butschowitz. Au moment où la tête de
colonne des troupes arrivait à la hauteur du mou-
lin de Spalen, la conférence connmcnçait entre les
deux empereurs des Français et d'Autriche. Le
- 188 —
général y assista. Une suspension d'armes sui*
irit cette entrevue de Napoléon et de François II,
cl le lendemain 5 eut lieu la signature des pré-
liminaires de paix.
La division rétrograda sur Vienne (1) et s'y ins-
talla pour y tenir garnison, à dater du 23 décem-
bre. Elle y resta jusqu'au 12 janvier.
Dans rinlcrvallc, elle fut passée en revue par
Napoléon (le 25 décembre). Vandamme, à cette
occasion, reçut du maréchal Soult la lelti^ et Tor-
dre de TEmpereur, voici ces deux documents :
« Jo vous adresse , monsieur le général , des
exemplaires de Tordre généml, en date de ce jour.
Vous y remarquerez que l'Empereur a été satis-
fait de la division qnc vous commandez, et que
Sa Majesté me charge de le témoigner aux troupes
qui la composent : je m'acquitte de ce devoir avec
bien du plaisir; mais je ne puis ajouter aux
expressions honorables de Sa Majesté, qui attes-
tent la part glorieuse que votre division a prise à
la bataille d'Austcrlitz.
« Vous voudrez bien faire parvenir aux chefs de
corps. Tordre de l'armée, et leur prescrire d'en faire
(1) En anivaiit à Vienne, la division Vandammc avait en-
core 2G9 oflicici's et 7,640 hommes présents sous les armes;
10 oflicicis et 384 hommes de troupe étaient en détachement;
38 et 4,^50 aux hôpitaux; 1 et 30 prisonniers. Elle avait eu, à
la bataille d'Austerlitif, 29 officiers et 174 hommes de troupes
blessés, 14 et 339 tués.
Pendant cette campagne , la grande armée avait pris
2,555 bouches à feu, dont 2,403 aux Autrichiens et 152 au^
Russes.
lecture aux compagnies assemblées, en leur don-
nant x)onmiuniGation de ma lettre. »
ORDRE DU iOUR.
« L'Empereur a passé lundi la revue des divi-
sions des carabiniers et cuirassiers des généraux
Nansouty et d'Hautpoul.
« Sa Majesté, après la revue, a éprouvé une vé-
ritable satisfaction de voir en aussi bon état ces
braves régiments de cuirassiers, qui lui ont donné
tant de preuves de courage dans le courant de la
campagne, et notamment à la bataille d'Aus-
terlitz.
« Mardi Sa Majesté a passé la revue de la divi-
sion Vandamme. L*Empereur charge le maréchal
Soult, de faire connaître qu'il a été satisfait de
celte division, et de revoir, après la bataille d'Ans-
terlitz, en si bon état et si nombreux les bataillons
qui ont acquis tant de gloire et qui ont tant con-
tribué au succès de cette journée.
« Arrivé au premier bataillon du 4® régiment de
ligne, qui avait été entamé à la bataille d'Austerlitz
et y avait perdu son aigle, TEmpercur lui dit :
Soldats, qu'avez-vous fait de l'aigle que je vous
avais donnée? vous aviez juré qu'elle vous servi-
rait de point de ralliement, et que vous la défen-
driez au péril de votre vie ; comment avez-vous
tenu votre promesse? Le major a répondu que le
porte-drapeau ayant été tué dans une charge, au
— 160 —
moment de la plus forte mêlée, personne ne s'en
était aperçu au milieu de la fumée ; que cependant
la division avait fait un mouvement à droite, que
le bataillon avait appuyé ce mouvement, et que ce
n'était que longtemps après que Ton s'était aperçu
de la perte de son aigle ; que la preuve qu'il avait
été réuni et qu'il n'avait point été rompu, c'esl
qu'un moment après il avait culbuté deux batail-
lons russes et pris deux drapeaux, dont il faisail
hommage à l'Empereur, espérant que cela leui
mériterait qu'il leur rendit une autre aigle. L'Em-
pereur a été un peu incertain ; puis il a dit : Offi-
ciers et soldats, jurez-vous qu'aucun de vous n(
s'est aperçu de la perte de son aigle, et que s
vous vous en étiez aperçus, vous vous seriez pré-
cipités pour la reprendre, ou vous auriez péri sui
le champ de bataille ? car un soldat qui a perdi
son drapeau a tout perdu. Au même moment mill(
bras se sont élevés : Nous le jurons, et nous ju-
rons aussi de défendre l'aigle que vous nous don-
nerez avec la même intrépidité que nous avoni
mise à prendre les deux drapeaux que nous voui
présentons. En ce cas, a dit, en souriant, l'Em-
perenr, je vous rendrai donc votre aigle.
« Le major général rappelle à Messieurs les ma
réchaux et généraux commandant en chef à la ba
taille d'Auslerlitz la demande qui leur a été fait
d'un état certifié des conseils d'administration de
corps qui servaient sous leurs ordres à cette ba
taille, vérifié par le sous-inspecteur aux revues, c
— 161 —
revêtu de leur visa , constatant les veuves et les
enfants des officiers et soldats français morts dans
cette mémorable journée, afin de les faire jouir,
sans délai, des bienfaits des deux décrets du 16 fri-
maire, insérés dans Tordre du jour du 17. Mes-
sieurs les colonels doivent sentir combien il m*im-
porte d'accélérer Texécution de ces deux décrets,
qui font la fortune et assurent le bien-être des
veuves et des enfants de leurs camarades morts
au champ d'honneur.
• Il sera fourni de Tarsenal de Vienne des mous-
quetons à tous les régiments de cuirassiers.
• 11 sera également fourni de l'arsenal de Vienne
une forge de campagne à chaque régiment de cui-
rassiers. »
Dans sa marche sur Vienne, la division Van-
damme occupa le 7 septembre le village d'Unter-
Witternitz, sur la route et en avant de Nikols-
bourg. Au village de Gros-Niemtschitz, entre Aus-
terlilz et Witternitz, avaient été envoyés le jour
de la bataille les bagages de la division. Les ha-
bitants étaient tellement convaincus de la défaite
de l'armée française, qu'ils avaient eu l'audace de
[jiller en partie ces bagages. Vandamme écrivit à
cette occasion au maréchal Soult :
« Monsieur le maréchal, d'après toutes les in-
formations prises, j'ai l'honneur de vous rendre
compte que j'ai l'intime conviction que les habi-
tants de Gros-Niemtschitz, et particulièrement le
bailli, sont cause du malheur arrivé dans ce
II. 11
— 401-
village. Le curé, qui a été \ictiine de cet événe-
ment, n a pu se défendre que les habitants même
y eussent pris part. J ai donc laissé à Gros-
Niemlschilz, un capitaine de voltigeurs du 24* d'ia-
fanterie légère avec sa compagnie, pour continuer
les informations, en dresser procès-verbal, et
prendre en otages le bailli en personne, car il est
le premier coupable , et deux des principaux ha-
bitants. Ils arriveront demain à mon quartier gé-
néral ; veuillez me donner vos ordres à cet égard,
et me dire si je dois les faire passer outre ou vous
les adresser.
« On a retrouvé dans le village de Gros-Niemt-
schitz beaucoup d'effets cachés dans la paille ou
dans la terre. Le général Ferrey a eu sa voiture,
mais toute pillée. Le colonel Latrille a trouvé une
partie de ses effets, dont ses épaule ttes et sa
croix ; quelques officiers du 28® ont aussi retrouvé
différents objets ; mais toutes ces choses sont
dans un tel état de dégradation, qu'à peine on
en pourra tirer le moindre parti.
• Aussitôt que le capitaine du 24® sera rentré
de Gros-Niemtschitz, j'aurai l'honneur, monsieur
le maréchal, de vous adresser son procès-verbal.
« P. -S. — On a également trouvé en différents
endroits des hommes enterrés , des membres
coupés, etc. Plusieurs domestiques ont été re-
connus. »
Le bailliage dont Gros-Niemtschitz dépendait
fut imposé à 30,000 francs, pour servir au rem-
— 100 —
boursement des pertes essuyées par la division
Vandamme, et le générai dut laisser au village le
capitaine de voltigeurs et sa compagnie, chargé
de garder le bailli en otage, et d'opérer la rentrée
de la contribution.
Le 23 janvier, Vandamme put espérer qu'il
allait rentrer en France et revoir sa famille. La di-
vision reçut Tordre, d'après le mouvement gé-
néral du 4® corps, de se mettre en marche le len-
demain par Neumarkt sur Amstetten et Steyr, où
elle devait cantonner.
Le traité de Presbourg laissait croire à chacun
que, la guerre étant terminée, l'évacuation du terri-
toire autrichien était prescrite ; mais les difficultés
qui survinrent dans l'exécution du traité pour la
reddition des bouches du Gattaro fit continuer
l'occupation. La forteresse de Braunau fut retenue
' par la France, et les troupes de la grande armée
furent maintenues en Bavière, en Franconie, en
Souabe.
La division Vandamme resta autour de Steyr.
Le général, en quittant Vienne, avait demandé un
congé pour aller rétablir sa santé dans ses foyers.
L'Empereur accorda ce congé de six semaines,
par décision du 20 février 1806, mais avec cette
restriction que le général n'en jouirait pas tant
que sestroupes seraient en deçà d'Augsbourg.
Or, le 18 juin, Vandamme, qui avait perdu un
de ses aides de camp, le lieutenant de Soye, et
qui avait été lui-même fort malade, se trouvait
— 164 —
encore à Landshul. Il écrivit de là au prince de
Neuchùtel, à qui l'Empereur avait laissé le com-
mandement de Tarmée, et qui se trouvait à Mu-
nich :
« Monseigneur , la nouvelle de mon indispo-
sition ayant été répandue par les journaux, mon
épouse en a été informée, et cela Tamise dans un
état tel que toute sa famille en désespère , ce qui
rend ma position ici affreuse.
« Maintenant que la rentrée de l'armée est cer
taine, je prie Votre Altesse de me permettre de
profiter du congé que Sa Majesté a daigné m'ac-
corder pour aller passer quarante jours en Flan-
dre; j'en ai d'autant plus besoin que je souffre jour-
nellement des coliques nerveuses qui m'ont tant
accablé il y a un mois ; j'ai un besoin indispen-
sable des eaux de Spa, afin de me guérir entière-
ment de ces affreuses souffrances.
« Je prie Votre Altesse de me permettre de
compter sur la continuation de ses bontés, et
d'agréer les assurances de mon attachement sin-
cère. »
Vandamme ne put quitter l'armée qu'à la (in de
juillet, en vertu d'un congé de deux mois accordé
par l'Empereur. Sa division fut donnée au général
Levai, et il put enfin venir jouir dans ses foyers,
près (le sa jeune femme, d'un repos acheté par
des fati;j,ucs glorieuses, des dangers sans nombre,
et des services que l'Empereur se plaisait à re-
connaître et à récompenser.
— 165 —
Avant de quitter sa belle division, il lui adressa
(le Landshut Tordre du jour suivant, en date du
19 juillet 1806 :
• Mes amis, c'est ainsi que j'appelle avec plai-
sir tous ceux qui composent la 2« division.
• Je ne puis vous quitter sans me rappeler tout
ce que j'ai éprouvé d'heureux depuis que j'ai
rhonneur de vous commander.
« Votre valeur, votre sage conduite ont fixé plus
d'une fois les regards du grand Napoléon, notre
auguste Empereur; elles m'ont procuré en plu-
sieurs occasions des compliments et des grâces
particulières de ce monarque que nous idolâtrons
tous, parce qu'il fait le bonheur de la France et
assure notre gloire.
« Votre patience à Boulogne, votre rare intré-
pidité à Austerlitz, et votre sage conduite en Ba-
vière, seront toujours présents à ma pensée ; je
serai toujours fier de vous avoir commandé, et
n'oublierai jamais les marques de confiance dont
vous m'avez honoré , et dont je serai toujours
jaloux.
« J'ai un congé de quelques semaines; le gé-
néral Levai, Tunde mes camarades, me remplace
momentanéinent ; vous lui prouverez comme à moi
l'avantage qu'il y a de vous commander.
• Guerre ou paix , aux fêtes de Paris ou sur de
nouveaux champs de bataille, je serai bientôt à
voire lôte. •
1
l
- 166 —
LIVRE IX
D'octobre 1 806 à 1 809.
Vandftmme, à l'expiration de son congé, rejoint la grande
armée. — Il reçoit le commandement d'une division do
O* corps (Ney), avec laquelle il investit Magdebourg (oc-
tobre 1806). — Bombardement et capitulation de la place. ^
Satisfaction de l'Empereur. — Vandamme envoyé au prince
Jérôme, en Silésie. — Lettre de Berthier (21 novembre 1806).
— Siège de (ilogau, par la division wurlembergeoise de
Seckendorf, commandée par Vandamme. — Capitulation de
cette place, dont la garnison met bas les armes et défile
(levant Vandamme, le 3 décembre. — L^Empereur fait écrire,
par Berthier, une lettre de félicitation à Vandamme (5 dé-
cembre). — Investissement de Breslau» le 5 décembre.—
Opérations devant cette ville, du 5 décembre 1806 au 9 jan-
vier 1807. — Sujets de mésintelligence entre le prince Jérôme
et Vandamme. — Tentatives du prinoe d'Anhalt-Pless. — \^
petite armée dos alliés prend le nom de 9* corps de la grande
armée. — Lettres du prince Jérôme et du général Hédouville
à Vandamme. — Réponses de Vandamme (janvier 1807). —
Affaire du fourgon de Vandamme. — Opérations devant
Schweidnitz : blocus, siège et bombardement de cette forte-
resse, par la division wurlembergeoise, commandée par Van-
damme. — Belle conduite du général devant cette place. — La
garnison défile devant le pinnco Jérôme, venu à Schweidniti
pour la circonstance. — Lettre de la marquise de Mazancourt.
— Démonstration de Vandamme sur Glatz et Silberbcrg. —
Opérations devant Neiss. — Le siège converti en blocus. —
Investissement. — Blocus. — Reprise du siège. — Siège et
bombardement du 1 1 avril au 29 mai. — Attaque du fort
Blockauss. — Capitulation de la place. — Reddition de Neiss
(iô juin). — Gontentament de TEmperaur. — Félicitatioii à
Vandamxne. — Jérôme et Vandamme devant le camp retran-
ché de Glatz (22 juin). — Lettres du marquis de Bombelles.
—Vandamme reçoit lo commandement de la 16« division mi-
litaire à Lille (il novembre 1807). — Il est fait comte de
l'Empire par décret du 19 mars 1808. — Il reçoit le com-
mandement du camp de Boulogne, le 16 août 1808.
Le congé de Vandamme expirant au commen-
cement d'octobre 1806, et la guerre avec la Prusse
n'étant plus un secret pour personne, le général,
qui ne voulait pas rester inactif pendant cette
nouvelle campagne , demanda à rejoindre son
ancienne division. Le ministre fit répondre à
Vandamme d'avoir à se rendre à Mayence, et de
là au grand quartier général, vu que le comman-
dement de sa division ayant été donné au général
Levai, on ne pouvait le lui restituer.
Dans le courant d'octobre, on lui prescrivit de
prendre au 6® corps (celui de Ney) le comman-
dement devenu vacant de la division Malher. II
était alors à Halle. Il en partit le 21 octobre pour
Halberstadt , où était le quartier du futur prince
de la Moscowa.
Le corps de Ney, après avoir franchi le Mein
au-dessus de Bayreuth, s'était porté sur Hoff,
avait conversé sur Géra avec le reste de l'armée,
concourant au mouvement d'ensemble, par lequel
l'armée française, débordant l'aile gauche de l'en-
nemi et envahissant la Saxe , avait coupé les
Prussiens de leurs lignes sur Berlin, et les
avait forcés à accepter une bataille, dans la-
— 168 —
quelle le sort de la campagne pouvait être décidé.
Le 14 octobre, en effet, la lutte décisive avait
lieu à Yéna et à Auerstaëdt, les Prussiens écrasés
fuyaient dans toutes les directions, et le corps de
Ney se portait au nord sur TElbe, pour s'emparer
de Magdebour}^.
A peine arrivé à la tête de sa nouvelle division,
Vandamme reçut Tordre d'investir cette grande et
importante place par le bas Elbe. Il prit position,
la droite à Olivenstadt, la gauche à Rothen-Sée.
Jusqu'au 28, on n'entreprit rien de sérieux, oc-
cupé que l'on était à faire les approches et à re-
connaître la place sous le canon prussien. Quel-
ques petites affaires d'avant-postes eurent lieu, cl
comme après chacune d'elles des déserteurs se
jetaient dans les rangs des Français, on dut en
conclure, ou que les troupes chargées de la dé-
fense étaient assez médiocres , ou bien qu'elles
étaient dans un grand état de démoralisation.
Voyant qu'un blocus ou une attaque régulière
pouvaient faire traîner les choses en longueur, le
maréchal Ney résolut de brusquer le dénouement,
en essayant d'intimider les habitants et la gar-
nison par un bombardement. Des ordres furent
donnés en conséquence. On lit venir de Brunswich
et d'Erfurt les bouches à feu de gros calibre quis'y
trouvaient. Le soir même, deux obusiers furent
mis en batterie, à 800 mètres de l'enceinte. On
tira une trentaine de coups, puis on ôta les pièces
des batteries.
— 169 —
Le 29, le commandant de la place s'aboucha
ivec Vandamme, mais les propositions de ce der-
lier furent rejetées.
Vandamme résolut alors de continuer le bom-
ardement. Le 30, prenant avec lui le comman-
ant du génie de sa division, il poussa une re-
onnaissance jusqu'au pied de la place, du côté du
lagasin à poudre. Un fait assez singulier se pro-
uisit, et le général en profita avec audace et ha-
ileté.
On devait croire que les magasins à poudre
laienl occupés; néanmoins, pendant cette recon-
laissance on ne tira pas sur les deux officiers,
'ous deux, fort étonnés de cette circonstance,
pénétrèrent dans Tun de ces magasins qu'ils trou-
èrent sans défenseurs. Or, ces couverts se pro-
)ngeaient au loin, dans une direction parallèle à
a place, sur un développement de 7 a 800 mètres.
5'étant bien assuré du fait , le général ordonna
l'occuper ces locaux, par des postes qu'on y ins-
alla, de telle sorte que l'ennemi fut resserré, et
|u'on ne se trouva plus qu'à 200 mètres de ses
)alissades. C'était là une chance des plus favo-
able pour le succès du bombardement projeté.
En outre, en tète du faubourg de Neustadt, Van-
iamme reconnut un rideau qui s'étendait jusqu'à
la même distance de l'enceinte, et qui pouvait
^''i^alement être utilisé.
Eu revenant de cotte reconnaissance, le gé-
lïéral combina immédiatement son plan. Il résolut
— no —
de faire deux attaques séparées, Tune contre le
faubourg de Neustadt, l'autre contre la place elle-
même . Il destina à la première deux pièces de
douze et un obusier, et à la seconde trois batteries
installées dans les couverts même qu'il avait
trouvé inoccupés, par l'imprudence si singulière
de l'ennemi. Ces trois batteries, dirigées spécia-
lement contre la ville, furent armées, l'une à gau-
che, avec quatre mortiers; T autre à droite, avec
trois mortiers ; la troisième au centre, avec quatre
obusier s. On les fit soutenir en établissant des
places d'armes pour recevoir les défenseurs. Jus-
qu'au 5 novembre, Tennemi ne fit pas de tentatives
sérieuses pour s'opposer au bombardement ; mais
dans la nuit du 5 au 6, il essaya une sortie qui fut
repoussée avec la plus grande vigueur.
Le feu des batteries commença par celle de
Neustadt qui , dans la nuit du 4 au 5, mit le feu à
trois maisonS; et par un mortier de la batterie de
gauche, qui incendia également trois autres mai-
sons dans l'intérieur de la ville. La garnison qui
ne s'était opposée que faiblement à la construction
des batteries, à leur armement et au creusemeni
des parallèles et places d'armes, commença um
défense plus accentuée, envoya des boulets et d(
la mitraille et fit une sortie ; mais après deux joun
de bombardement, la place se rendit, et le H, lî
garnison défila devant le 6« corps. Vingt généraux
huit cents officiers, vingt mille hommes d'infaii
terie, quatre cents de cavalerie, deux mille d'ar
— 171 —
I
tillerie déposèrent leurs armes. On prit dans cette
ville cinquante-quatre drapeaux, huit étendards,
huit cents bouches à feu, un équipage de pontons,
un millier de poudre et des magasins considé-
rables.
L'Empereur se plut à rendre à Vandamme cette
justice, qu'il avait plus que nul autre contribué à
cette conquête importante .
Au commencement de la campagne de Prusse,
le plus jeune des frères de l'Empereur, Jérôme
Bonaparte, était rentré en grâce auprès de Napo-
léon. Il était alors très-aimé et très-apprécié du
souverain , parce qu'il avait montré de l'énergie en
sauvant son vaisseau, le Vétéran, dans la baie de
Goncarneau, préférant la mort au déshonneur de
se rendre aux Anglais.
L'Empereur avait beaucoup admiré ce trait d'au-
dace. Croyant reconnaître dans ce jeune homme
des aptitudes pour la guerre, il le nomma général
de division, et résolut de le charger de la con-
quête d'une des plus riches provinces de la mo-
narchie prussienne , celle de la Silésie dont il
comptait tirer ses approvisionnements pour la
grande armée.
La Silésie avait alors des places fortes de pre-
mier ordre dont il fallait s'emparer, et dont plu-
sieurs pouvaient nécessiter des attaques régulières
et des sièges. Le jeune prince, passé du jour au
lendemain du commandement d'un vaisseau faisant
partie d'une escadre, au commandement d'un corps
— 172 —
d'armée agissant un peu en dehors de TEmpereur
lui-même , devait nécessairement avoir besoin
d'éléments de premier ordre auprès de sa per-
sonne, pour réussir dans un métier nouveau qu'il
ignorait complètement. L'Empereur songea à lui
donner un bon et sérieux chef d'état-major, dont il
connaissait par lui-même la capacité, le calme, la
bravoure et l'ordre, le général Hédouville, et un
excellent et vigoureux commandant en second,
qui put agir, au besoin , en dehors de la direction
du jeune commandant en chef, et lui en imposât
par sa réputation militaire. Il jeta les yeux sur
Vandamme , dont le rude caractère, la trempe
énergique et les talents incontestables connus de
l'armée entière, devaient rassurer Napoléon, si
son frère n'était pas à la hauteur de la mission qui
lui était confiée.
Le ^27, Vandamme reçut de Berthier la lettre ci-
dessous, datée de Meseritz, et qui indiqua en quel-
ques lignes, et la nature du service nouveau confié
au général, et la nature des relations qui devaient
exister pour le reste de cette campagne, entre lui,
le major général, et le prince Jérôme :
« L'Empereur ordonne au général Vandamme
de laisser le commandement de sa division à son
plus ancien général de brigade, et de partir sur-le-
champ de sa personne, avec ses aides de camp,
pour se rendre devant Glogau et y prendre le com-
mandement du siège : il trouvera la place investie
par huit mille Wurtembergeois et des batteries de
mortier établies ou prêtes à être établies. Ces mor-
tiers et munitions viennent de Gustrin. L'intention
de l'Empereur est que le général Vandamme
resserre la place ; qu'il fasse donner toute la nuit
des alertes ; qu'il fasse préparer des échelles ,
afin de menacer la garnison d'escalade , et enfin
de commencer le bombardement qui décidera pro-
bablement le gouverneur à rendre cette place.
« Comme le corps wurtembergeois fait partie du
corps auxiliaire aux ordres de S. A. I. le prince
Jérôme, qui est à Kalisch avec seize mille Ba-
varois, le général Vandamme fera part au prince
Jérôme de ce qui se passera , et n'en communi-
quera pas moins directement avec moi à Posen,
afin que les rapports parviennent à l'Empereur.
Je le préviens que le général Montbrun commande
la cavalerie wurtembergeoise , et est en avant sur
Breslau. Il est ordonné au général Vandamme de
m'instruire fréquemment de toutes les nouvelles
qu'il apprendrait de la Silésie. »
La petite armée mise sous les ordres du prince
Jérôme à la fin d'octobre 1806, et qui bientôt prit
le nom de 9*^ corps, ne se composait que de trou-
pes étrangères, deux divisions bavaroises et une
wurtembergeoise.
r® bavaroise de Deroy, lieutenant général, gé-
néraux majors Siebein et Raglovich, huit ba-
taillons de ligne , un d'infanterie légère , deux
compagnies de chasseurs à pied, deux régiments
de cavalerie (huit escadrons) , deux batteries
- 174-
(douze bouches à feu). Total, un peu plus de huil
mille hommes présents sous les armes. — 2*ba*
varoisedeWrède, lieutenant général (commandée
pendant toute la campagne par le général major
Minucci, généraux majors Mezzanelli et Minucci,
Imit bataillons de ligne, deux d'infanterie légère,
trois régiments de cavalerie (neuf escadrons),
trois batteries (dix-huit bouches à feu, dont six de
douze). Total , six mille combattants. — Division
wurtembergeoise de Seckendorf, général de di-
vision ; deux brigades de ligne, généraux majors
de Lilienberg et Schrœder; une légère, colonel
Neubronn , dix bataillons de ligne, deux d'infan-
terie légère, deux de chasseurs à faibles effectifs,
trois régiments de cavalerie légère (neuf esca-
drons), une batterie à pied et une à cheval (douze
bouches à feu). Total général, huit mille cinq cents
hommes.
Le 9® corps avait donc, a l'ouverture de la cam-
pagne, un effectif de vingt-deux à vingt-trois mille
hommes et cinquante-deux bouches à feu.
Au moment où le prince Jérôme en prit le com-
mandement, le 10 novembre, on donna à ce corps,
d'après les ordres de l'Empereur, une organisation
identique à celle des corps de la grande armée.
Des huit régiments de cavalerie, on en forma trois
brigades : la V^, général MezzaneUi (1®*^ dragons et
2® chasseurs bavarois). — La 2®, général français
Montbrun (1"^® et 2^ de chevau-légers bavarois). —
La 3® , général de brigade Lefebvre-Desnoëttes ,
premier aiae ae camp de iierome (i^' ae cnasseurs ,
8* de <5hevau-légers et 2® de dragons wurtem-
bergeois) .
Lorsque Vandamme arriva le 28 novembre de-
vant Glogau, voici ce qui s'était passé en Silésie,
et où en étaient alors les affaires. Le 6 novembre,
le général Lefebvre, avec sa brigade, avait fait une
tentative sur Glogau, puis le 10, la division de
Deroy s'était présentée devant la place, Tavait
investie, et le 11, avait commencé les travaux du
siège. Le 15, elle avait reçu la brigade bavaroise
de Lilienberg pour renfort, laquelle s'était établie
sur la rive droite de TOder , tandis que toute la di-
vision bavaroise s'était portée sur la rive gauche.
Le 18, l'autre brigade wurtembergeoise s'était
rapprochée de Glogau. Le 11, la place avait été
sommée inutilement; le 13, le feu avait été ouvert,
mais comme on n'avait que des pièces de cam-
pagne , et comme la place paraissait vouloir se
défendre, on se décida à faire venir un équipage
de siège de Custrin. Les 15 et 16, dans la nuit, le
feu recommença , quelques incendies se décla-
rèrent, et le prince Jérôme voulut risquer un assaut
dans la nuit du 16 au 17. Le général de Deroy ne
répondant pas que ses troupes fussent assez har-
dies pour une pareille tentative, on y renonça.
Berthier écrivit le 19 à ce sujet, à Jérôme : « J'ai
mis sous leç yeux de l'Empereur, Monseigneur,
votre lettre ; Sa Majesté trouve que les observa-
tions que vous a faites le général de Deroy sont
Irès^r*^*^ : •:« '•?• :*?^ r«s prendre une \ille
d'at^-.^-il, -T:âà&i v-Q Bi i«> îa:î br^icbe et •:pian(i il
y a îiùe •'-<iir:*r r% -i:!ir •♦•aae omUM^-escarpe ; Sa
Xtàjrr^lié p^TîL^ -rje virox 'pi •:»nt pu être de l'a\is
d'une j^^ârvrj.-e- ^tt^TT^r •>Dt r'Q !rê":^^rand tort ; car
on 7 p»-r*lra:i i-r-^'i-^i-op dr m->Dde inutilement. •
La «lemièrv f»dJlie de là phrase semble être un
repnxbe tacite ii i'a-iresse du chef d'état-major,
dont l'Empereur crc»yait fieut-être que le conseil
avait influé sur la décision de son frère. Le major
général conseillait ensuite un lombardement pour
forcer fennemi à capituler
Cependant, le siège ne marchait pas, et cela
était dautant moins étonnant que le parc n'arriva
devant Glogau que le 28 novembre, et que le 24,
le prince Jérôme, sur Tordre de l'Empereur, était
parti avec les deux divisions bavaroises pour ral-
lier la grande armée, laissant seulement devant
Glogau les sept mille hommes de la division wiir-
temlxfrgeoise , dont Vandamme vint prendre le
commandement supérieur le 28, au moment où les
bouches à feu de gros calibre, retardées par la
cme de TOder, par\enaient enfin sous les murs de
la place. Le général les fil conduire au village de
Froslau. Un bataillon seulement bloquait sur la
rive droite la tète de pont du fort de Dohm, le reste
de la division était sur la rive gauche, aux travaux
et aux attaques. Six mortiers, quatre gros et deux
petits, quatre obusiers furent mis en batterie le
30, et au signal d'un coup de canon, le feu corn-
mença. Le tir fut dirigé sur les édifices. On vou**
lait, comme à Magdebourg , effrayer les habitants,
et amener à composition le général prussien Rein-
bart, qui trois fois déjà avait refusé de capituler.
On n*avait pu, à cause des chemins défoncés et
des pluies, transporter les gros mortiers au front
d^attaque, mais Vandamme ne voulut pas atten-
dre plus longtemps. Le 1*^ décembre, de six à
neuf heures du matin, les petits mortiers et les
obusiers envoyèrent des projectiles qui portèrent
la désolation dans la ville. Le gouverneur parle-
menta toute la journée, et voyant enfin que le
bombardement allait recommencer avec les bou-
ches à feu de gros calibre, il consentit, à 9 heures
du soir, à rendre la ville, basant sa capitulation
sur celle de Magdebourg.
L'avant-veille, le vieux général prussien avait
sollicité et obtenu de Vandamme la permission de
faire sortir de la place des femmes et des enfants
auxquels on avait même procuré des voitures. Le
30, il avait demandé une suspension d'armes de
quatre jours, et un passe-port pour un officier qu'il
voulait envoyer aux informations de l'autre côté de
rOder, qui avait été refusé. Enfin, le l**" décembre,
il avait écrit à Vandamme :
• Sur la parole d'honneur que vous me donnez
qu'il n'y a ni Prussiens ni Russes de ce côté de la
Vistule, je suis prêt à capituler, si vous accordez
pour première condition à la garnison la sortie
II. 12
libre pour se rendre à volonté à Schweidnilz ou à
Glatz. » Cette clause fut rejetée.
Le 3 décembre, les trois mille cinq cente hommes
de troupes qui se trouvaient dans la forteresse
défilèrent et mirent bas les armes. Les officiers
furent libres de se retirer où bon leur semblait,
après s'être engagés à ne pas servir jusqu'à la
paix ou leur échange. L'on entra en possession
do quatre cents milliers do poudre, de trois mille
fusils, de deux cents bouches à feu, et de magasins
do biscuit et avoine.
Napoléon se montra trùs-satisfait de la conduite
do Vandamme en cette circonstance, il lui fit écrire
par Berlhier :
« L'Empereur a appris avec grand plaisir, gé-
néral, la reddition de la place de Glogau. Sa Ma-
jesté approuve la capitulation que vous avez faite ;
elle attend d'un moment à l'autre que Breslau
aura signé la même capitulation.
« J'ai mis sous les yeux de l'Empereur les té-
moignages avantageux que vous rendez de l'ad-
judant commandant Duveyrier. Sa Majesté m'a
laissé espérer qu'elle l'avancerait, dans la Légion
d'honneur. Aussitôt qu'elle en aura pris le décret,
il me sera agréable de vous en instruire. »
La nouvelle de la capitulation de Glogau arriva
à Posen où était le grand quartier général, le 2 au
soir (1). Le 3 décembre, au matin, Berthier en-
(1) On attribua naturelleiueiit la Kloire do cette opcratioai^
voya Tordre à Vandamme de laisser mille hommes
dans la place, pris parmi les moins valides et de
se porter dans le moindre délai avec le reste de la
division wurtembergeoise sur Breslau. Il lui
prescrivait de faire embarquer toute Tartillerie et
le prévint que le prince Jérôme partait de Ka-
lisch avec les Bavarois pour attaquer également la
capitale de la Silésie.
a Le prince Jérôme commandera en chef le
siège, disait la lettre de Berthier, et vous serez
sous ses ordres. Je lui ai prescrit de faire faire un
pont pour établir ses communications avec vous.
Vous voudrez bien m'informer de votre départ et
me faire connaître Tartillerie que vous avez em-
barquée pour le siège de Breslau. »
Gomme nous avons nous-mêmes publié, en 1851»
une histoire détaillée de la campagne de Silésie,
histoire écrite sur des documents d'une vérité incon-
testable, nous abrégerons dans ce nouvel ouvrage
le récit de celte guerre, nous bornant à faire con-
naître succinctement ce qui concerne Vandamme.
Le 14 novembre, pendant le siège de Glogau,
les deux brigades de cavalerie Lefebvre et Mont-
brun avaient été envoyées devant Breslau pour
chercher à intimider la garnison prussienne. La
Vandamme, bien que Jcrômo eût commencé le siège et continué
^^ opérations jus([u*uu bombardement, (llela choqua le jouue
ITiiice et fut un des premiers sujets d'une sorte de mésintelli-
};»'nce qui éclata ù plusieurs reprises, pendant celte campagne,
"Hlre Vandamme et lui.
démorali^Uon des Iroupes ennemies ëtail telle
alors, qu'on avail espéré voir la capitale de la Si-
lésie se rendre à la première démonstration. Les
s^>mmations adressées au gouverneur, le géné-
ral Thilc, furent sans effet elles Prussiens travaillè-
rent avec ardeur à mettre la place en état de dé-
fense.
Breslau avait 70,000 habitants , et 6,000 hom-
mes de garnison dont 300 de cavalerie pai-aissaiU
disposés à se défendre. Elle avait douze kilo-
mètres de développement sur les deux rives de
rOdcr qui baignait au nord le pied de ses rem-
parts et séparait la ville d'une partie de ses
faubourgs. Une première enceinte bastionnée, un
fossé de 10 mètres de largeur et profond de 4 mè-
tres , une seconde enceinte également bastionnée
avec large fossé, constituaient les défenses régu-
lières sur la rive gauche du fleuve. Sur la rive
droite, elle était défendue par la petite rivière
d'Ohlau, par des coupures à terres coulantes, pai
un petit système bâstionné par une .tête de pon
irrégulière formant une petite île au nord-oues
de la place, enfin par une large coupure devant la
quelle une petite redoute formait des rives sur ui
des faubourgs.
Le système général de défense de Breslau étai
bon, mais nécessitait une nombreuse garnison e
une nombreuse artillerie. La place était bien con
mandée, mais la garnison était trop peu cons
dérable; elle était bien approvisionnée et posséda
-481-
}n magnifique arsenai avec le plus beau maté-
riel.
Lorsque Vandamme se présenta devant la ville,
le moral des habitants venait d être relevé par la
Qomination comme gouverneur de la Silésie d uu
homme énergique, le prince d*Anhalt-Pless, qui
avait reçu du roi la mission et le plein pouvoir
de faire des levées pour défendre le pays.
Le 4 décembre, après avoir vu défiler la garni-
Son de Glogau, Vandamme se dirigea sur Bres-
lau en remontant l'Oder par la rive gauche,
tandis que le prince Jérôme partait le 5 de Kalisch
avec la brigade Lefebvre et la division de Vrède
(ou plutôt Minucci, le général de Vrède étant
malade), laissant à la grande armée la division
de Deroy et la brigade de cavalerie Mezzanelli,
diminuée du régiment des chevau-légers du
Prince Royal.
Le 5, la brigade Montbrun se présenta devant
Breslau sur la rive gauche de l'Oder et en com-
mença Tinvestissement. Le 6, Vandamme s'établit
à 6 kilomètres de la place, au château de Lissa, et
le 7 il fit, avec le colonel du génie Blein et le géné-
ral d'artillerie de Pernety, la reconnaissance pour
déterminer le point d'attaque.
Dans la nuit du 7 au 8, en commença le travail
de la tranchée sur la rive droite. Le lendemain, le
prince Jérôme compléta l'investissement sur la
rive gauche. Le gouverneur, sacrifiant aux dures
nécessités de la guerre, fit brûleries faubourgs,
- 482 -
dont beaucoup des malheureux habitants furent
recueillis par nous. Le 10, le feu commença vers
six heures du matin. A une heure, le prince Jé-
rôme, qui commandait en chef, fit sommer le gou-
verneur qui refusa d'entrer en pourparlers. Les
travaux et le bombardement continuèrent donc;
les batteries d attaque furent rapprochées jusqu'à
180 mètres de la place. La division de Deroy que
l'Empereur avait gardée en Pologne fut renvoyée
par lui devant Breslau, dont on n'avait pas cru
que la défense serait aussi énergique.
Vers le milieu de décembre 1806, le 9® corps
tout entier se trouvait en Silésie, la division Mi-
nucci devant la capitale sur la rive gauche de 10-
der, soutenant la division wurlembergeoise aux
ordres supérieurs de Vandamme , la brigade
Montbrun partie en observation du côté de
Schweidnitz, la division de Deroy et la brigade
Mezzanelli à 16 lieues de Breslau, et pouvant en
deux jours èti*e appelées au siège.
Cependant le général prussien Thile, malgré
un bombardement vigoureux, se défendait avec
courage, persuadé que la prochaine entrée en li-
gne de Tarmée russe et les efforts du prince de
Pless parviendraient à le dégager. De notre côté,
le plus jeune des frères de TEmpereur déployail
de l'activité. Il était secondé avec énergie pai
Vandamme, qui toujours sur pied, toujours pré
au combat, déployait les talents dont il avait donn<
depuis si longtemps des preuves. Le général é
capitaine Mbrion, le colonel du génie Blein, pous-
saient les travaux sans donner' un instant de répit
aux Prassiens.
Un second st^jet dé mésintelligence éclata à
cette époque entre Jérôme et Vandamme. Ce der-
nier et le général Montbrun ayant besoin d'argent
pour payer leurs espions, firent faire une réquisi-
tion de 250 louis par leurs aides de camp, à Neu-
mark. Le prince Tapprit, en écrivit à l'Empereur,
et donna ordre aux deux généiraux de faire rendre
les 250 louis.
La division de Deroy et la brigade Mezzanelli*
forent enfîn appelées au siège, et le général Thile
ayant résisté à une nouvelle sommation, on fit ve-
nir de Glogau un second équipage de siège.
Le 47 décembre, le prince Jérôme fut mandé
auprès de l'Empereur. Il quitta son armée le 20,
laissant son chef d'état-major Hédou ville chargé
de concentrer le service. Vandamme eut le com-
mandement du siège sur la rive gauche de l'Oder,
le général de Deroy sur la rive droite.
Hédouville, brave homme, excellent chef d'état-
major, ti'avait ni les titres ni les talents militaires
de Vandamme; aussi ce dernier fut- il blessé en
îoyant Jérôme lui laisser en quelque sorte le com-
Aftildement. Ce fut là encore un des griefs du
général contre le prince. Le siège n'en continua
pas moins, poussé avec vigueur. On fît le 22 une
tentative qui ne réussit pas contre le bastion de
la porte d'Ohlau. Il fallait opérer deux passage^
successifs de fossés pleins d'eau et cela par sur-
prise, tandis qu'on occupait Tennemi sur deux
autres points. L'affaire manqua par suite d'unre-
• lard dans Tenvoi des troupes commandées pour
l^tlaque, et cela sans qu'il fut possible de dire de
qui provenait la faute. Du moins tous les rapports
se taisent à ce sujet.
Pendant que Tinfanterie du 9* corps était oc-
cupée au siège de Breslau, la cavalerie détachée
dans les environs pour éclairer le pays livrait
plusieurs combats brillants. Le 17, le colonel des
dragons de Latour et Taxis, à la tête de son régi-
ment, culbuta une forte colonne de cavalerie prus-
sienne cherchant à introduire un convoi d'argent
dans la forteresse de Schweidnitz. Il fit une
soixantaine de prisonniers et s'empara du convoi.
Le 21, un détachement de 150 chevaux du régi-
ment de Linange mit en déroute aux portes de
Schweidnitz 300 chevaux prussiens, lui prenant
36 hommes, 32 chevaux et un convoi de bœufs»
Cependant le prince d'Anhalt-Press, vigoureux
soldat et habile général, d'une grande énergie,
commençait à être en état de tenir la campagne.
Il avait réuni autour de Brieg des détachements de
troupes tirés des forteresses, les gardes forestiers
et les douaniers assez nombreux dans cette partie
de la province, des paysans, et se trouvait alors
avoir un petit corps de 14 à 16,000 hommes^
moitié soldats réguliers, moitié partisans. Le
24 décembre, à la tête de 6,000 combattante et
avec 6 bouches à feu, il fit un mouvement sur la
gauche, se porla sur Sirelhen dans Tespérance
de jeter une partie de ce petit corps dans Breslau,
mais il était surveillé. Vandamme, informé par
Monlbrun , dirigea aussitôt sur Strelhen la deuxième
division bavaroise éclairée par la brigade de ca-
valerie Montbrun. Après une marche forcée de
huit heures, le général Minucci arrivé à Grosburg^
apprit par sa cavalerie que les Prussiens étaient
en position à Strelhen. Il n'avait avec lui que là
2^ brigade; cependant il se porta, vivement sur
Tennemi, tandis que Montbrun tournait la position
de ce dernier. Le prince de Pless vigoureusement
attaqué de front et en flanc abandonna ses posi-
tions et opéra sa retraite en perdant du monde,
mais avec assez d'ordre jusqu'à l'arrivée de Mont-
brun qui changea son mouvement rétrograde en
une véritable déroute. On lui prit 800 hommes,
300 chevaux, et ses six pièces de canon.
Ce beau combat ne contribua pas peu à la red-
dition de Breslau. Vandamme en instruisit le
gouverneur, ne lui cachant pas que s'il refusait
de capituler, il allait employer contre la ville le tir
à boulets rouges. Le général Thile, d'abord incré-
dule, ayant appris bientôt par ses propres espions
l'avortement de la tentative du prince de Pless>
entra en pourparlers ; mais tout à coup et sans
motif apparent, il rompit la négociation. Le fait
est qu'il venait de recevoir du prince l'assurance
- 48e —
d*êli^ secouru sôue peu de JoUrd. Vatidamme fu-
rieux mil à Tordre que le gouverneur de Breslao
ayant rompu l'armistice qu'il avait sollicite lui-
même, des mesures extraordinaires allaient être
prises pour réduire la vîUe. Une longue instriié-
tion fut donnée aux troupes et aux généraux.
L'artillerie prépara tout pour tirer à boulets rou'^
ges et mettre le feu.
Vandamme avait trop d'expérience pour ne pas
comprendre que la brusque rupture du général
Thile était la conséquence d'une promesse nou-
velle du prince d'Anhalt. Il prescrivit donc à sa
cavalerie de veiller avec le plus grand soin du
côté de Brieg et de Schweidnitz. Il envoya même
trois bataillons légers de la division wurtember-
geoise s'établir dans la petite ville d'Ohlau, non
loin de Brieg et sur la route dé Breslau, pouf
soutenir la brigade Montbrun. Dans la nuit du
27 au 28 décembre, le feu devint des plus violents
contre Breslau ; 87 pièces étaient • en batterie.
Le 28, l'ennemi fit une sortie que les oanonniers
repoussèrent. Le 29, tous les ouvrages de l'atta-
que étant terminés et armés, on reprit le feu sans
discontinuer. Le même jour, Montbrun prévint
que le prince de Pless marchait sur lui avec
douze mille hommes. Vandamme fit aussitôt partir
pour Ohlau la diviisîon Minucci, dégamisôant ainsi
forcément la ligne autour de Breàlau- G'étiait où eft
voulait venir le gouverneur de la Silésie qui, lais-
sant un corps aux prises du côté d'Ohlau, réunit
-487 -
ies principales forces près du confluent de la Neisf;
ît de rOder, vers Scliurgast, pour marcher sur la
capitale. Le 29, a Olilau, 2,000 fantassins prus-
siens, 400 chevaux et une batterie de 6 pièces se
jetèrent sur la brigade Montbrun et sur ses trois
bataillons. Le général français céda d'abord du
terrain, mais voyant Tennemi prendre une mau-
vaise position, il fit un retour offensif, le tourna,
rattaqua en flanc, lui tua 500 hommes et lui prit
4 de ses 6 canons.
Pendant ce temps-là , et dans la nuit du 29 au
30 décembre , le prince de Pless avec dix mille
hommes fit une marche forcée par d'horribles
chemins, évitant les postes de la brigade Lefebvre.
Le 30 avant le jour, il arriva jusqu'aux bivouacs
de la division de Seckendorf, sous Breslau. Vou-
lant faire connaître au général Thile qu'il était là,
il fit incendier quelques maisons du village d'Hube,
et se précipita sur les hameaux occupés par le
corps de siège. Vandamme prévenu se hâta de
prendre des dispositions pour résister d'une part
à l'attaque furieuse du prince, d'une autre à une
sortie probable de la garnison. Le départ de la di-
vision Minucci rendait la position des plus criti-
que, mais Vandamme était doué d'une grande
énergie et d'un coup d'œil militaire exercé. Il eut
bientôt tout ordonné pour faire tête à l'orage. Le
13^ de ligne bavarois laissé quelque temps devant
!e fort de Cumbald était arrivé fort heureusement
a veille au soir. Il mit sous le commandement de
•- 188 -
Bon chef d'élal-major, l'adjudant commandant Du-
veyrier, un bataillon de ce 13« de ligne, le régi-
ment du prince Charles, celui des chevau-légers
de Linange et une batterie légère. Duveyrier mar-
cha 8ur les villages attaqués et culbuta les
Prussiens malgré une vigoureuse résistance. Pen-
dant ce temps-là, les sapeurs, les canonniers fran-
çais (car ces troupes spéciales n'étaient ni bava-
roises ni wurtembergeoises) debout dans les tran-
chées étaient prêts à mourir à leur poste. Le
feu contre la place redoubla.
Après deux heures d'une lutte acharnée, le
prince de Pless vit qu'il ne pouvait forcer les li-
gnes et se replia sur Schweidnitz. Vandamme dès
le commencement de l'action avait chargé le capi-
taine (plus tard général) Vincent un de ses aides
de camp, d'essayer de passer au travers des
bataillons ennemis pour rappeler la division Mi-
nucci et la brigade Montbrun. Le brave aide de
camp fut assez heureux pour remplir sa périlleuse
mission. Les généraux Minucci et Montbrun, sans
perdre de temps, se mirent en devoir de couper la
retraite du prince qui, voyant le danger, ordonna
à ses troupes de se disperser et de gagner par
petits détachements les forteresses du comté de
Glatz et du haut Oder. Dix-huit cents hommes,
treize pièces attelées et mille chevaux restèrent
aux mains de Vandamme.
Cette tentative fut la dernière du gouverneur de
la Silésie pour délivrer Breslau. Mieux secondé,
— 189 —
le prince eut pu réussir peut-être, surtout s'il
n'avait pas eu pour adversaire un homme de la
trempe de Vandamme.
La tentative du prince de Pless avait prouvé
que les Bavarois méritaient encore le reproche qui
leur avait déjà été adressé à plusieurs reprises,
cehii de se garder très-mal. Vandamme leur en
témoigna son mécontentement par un ordre du
jour du 31 décembre, tout en félicitant les troupes
de cette nation sur leur bravoure, grâce à laquelle
tout avait pu être réparé dans le combat du 30.
Le 9® corps reprit ses positions autour de Bres-
lau ; un corps d'observation , commandé par
Montbrun, fut lancé sur les routes de Strelhen et
de Schweidnitz, Le général Thile n'avait pas
essayé de sortir pendant l'action du 30, ne s étant
pas bien rendu compte du mouvement fait en sa
faveur par le prince de Pless. Malgré un bombar-
dement de trois jours, il voulut prolonger encore
la défense, mais enfin, le 3 janvier 1807, ayant fini
par se convaincre de la défaite du gouverneur de
la Silésie, voyant qu'une résistance plus longue
ne mènerait à rien qu'à faire écraser la ville, puis-
qu'il ne pouvait plus espérer de secours de l'exté-
rieur, n'ayant pas assez de troupes pour résister
à une attaque de vive force, il demanda à entrer
en pourparlers. L'adjudant commandant Duvey-
rier, envoyé dans la place par Vandamme, rap-
porta les articles préliminaires, signés de lui et
du général de Thile.
- 190 —
Nous avons dit que plusieurs circonstances,
légères en apparence, avaient blessé Vaa-
dammc. Des difficultés s'étaient élevées entre lui
et le général Hédouville, aussitôt après le départ
du prince Jérôme pour la grande armée. Van-
damme avait affecté de ne pas reconnaître Taulo-
rité du chef d'état-major général; Hédouville s'était
plaint du peu d'égards qu'on montrait envers lui,
soit en ne faisant pas connaître à temps, à l'état*
major, ce qui se passait au siège, soit en ne pre-
nant pas les ordres du représentant du général
en chef. Un échange de lettres aigres-douces eut
lieu. Le prince, instruit de toutes ces petites dis-
cussions, qui, du reste, n'entravaient en rien le
service, écrivit à Vandamme le 29 décembre 1806,
de Pultusk :
« Monsieur le général, je reçois votre lettre du 23.
J'ai vu avec bien du plaisir l'affaire de Strehlen.
Je vais en faire mon rapport à l'empereur. J'es-
père que le nombre des prisonniers ne se sera pas
borné à 400.
« Les Russes ont été complètement battus en
plusieurs endroits. Ils sont en pleine fuite. Nous
leur avons fait li à 4,000 prisonniers et enlevé
80 pièces de canon. Ils ont repassé la Narew et
nos troupes prennent position ici.
« Je pars demain pour me rendre à mon corps
d'armée. Je serai a Lissa le 6, si Breslau n'est
pas Acyd pris.
• Je n'ignorais pas à mou départ que moa
-. 191 -
absence ne serait que de très-peu de jours. C'est
la raison qui m'a fait laisser mon chef d*élat-major,
afln qu'il transmit mes ordres comme si j'étais
présent, Sa Majesté n'ayant pas jugé à propos que
les généraux Hédouvilie, Deroy et Minuoci fussent
sous vos ordres pendant mon absence. Croyez,
monsieur le général, que je sais apprécier mieux
que personne vos talents, votre zèle et votre
activité. •
Le même jour, Jérôme mandait à Hédouvilie :
• J'ai appris avec plaisir l'affaire de Strelhen.
Tout ce qui s'est passé entre le général Van-
damme, le général de Deroy (1) et vous, je l'avais
prévu, et c'est pour cette raison que je vous avais
laissé à Lissa ; je savais que ce n'était pas une
commission agréable, mais je savais également
que je pouvais compter que vous feriez tout ce
qu'il serait possible de faire. »
Plusieurs autres causes de mésintelligence
éclatèrent entre le prince, Vandamme et Hédou-
vilie à la fin du siège de Breslau. Le plus jeune
des frères de Napoléon, tout en quittant le 9® corps
pour se rendre auprès de l'Empereur, entendait
bien recueillir la gloire de la prise de la capitale
de la Silésie. Il ne voulait partager avec personne
les lauriers conquis devant cette place; aussi fut-il
(1) Le général de Doroy avait été placé en dohora du com-
mandement do Vandamme, qui n'avait sous ses ordres que les,
divisions de Seekondorf et Minucci avec les brigades de cava-
lerie.
Irès-mécontent que Yandamme eut envoyé sou
chef d'étal-major au général de Thile. II eût voulu
que la sommation vînt du général Hédouville, parce
que celui-ci c'était lui. Il écrivit donc, le 1*' jan-
vier, de Varsovie :
« Monsieur le général, je reçois à Tinstant
votre lettre du 26 décembre* Je suis fâché que
vous ayez fait une nouvelle sommaÇon au gou*
verneur. Vous saviez que mes intentions n'étaienl
pas telles. Je ne vous avais pas laissé ignorer
avant mon départ que mon absence n'était que
momentanée, que je ne quittais point; le comman-
*
dément de l'armée des alUés, que je^Iaissais mon
chef d'état-major pour vous transmettre mes
ordres, et je vois que dans tous ceux que vous
donnez, vous le faites en votre nom. Le général
Hédouville savait, par les instructions que je lui
avais laissées, quelles étaient mes intentions*
Vous ne deviez point envoyer M. l'adjudant com-
mandant Duveyrier pour traiter avec le gouver-
neur, parce que c'était en mon nom que devait
être faite la capitulation, et que mon chef d'état-
major en était chargé, M. Duveyrier n'étant point
le chef d'élat-major de Tarmée des alliés, et la
place se rendant à l'armée et non pas à une divi-
sion de Tannée comme à Glogau. J'espère, mon-
sieur le général, que je ne serai pas obligé de
vous faire de pareilles observations. Elles me
coûtent d'autant plus que je n'ai qu'à me louer
de vos talents, de votre zèle et de votre activité,
— 193 -
que je me suis fait un plaisir de laisser con-
itre à Sa Majesté l'Empereur. Je demanderai
jourd'hui avant mon départ, à Sa Majesté,
vancement que vous désirez pour les officiers
votre état-major. J'appuierai surtout la de-
mde pour Tadjudant commandant Duveyrier. Je
rai le 6 au plus tard à mon quartier général,
jspère apprendre en route la reddition de Bres-
1. J'écris au général Hédouville, et lui fais con-
ître à quels termes seulement je veux accorder
capitulation au gouverneur.
« Les intentions de Sa Majesté sont que vous
us portiez, sans entrer dans la ville de Breslau,
ec la division de Wurtemberg et l'artillerie né-
ssaire, devant la place de Schweidnitz, pour en
re le siège. Au reste, cet article étant comme
as les autres dans les instructions que j'ai lais-
es à mon chef d'état-major, je ne doute point
le, quand même la place serait rendue avant
irrivée de cette lettre, il ne vous transmette les
dres que je lui ai laissés. »
Ainsi, il était interdit à Vandamme, auquel seul
i devait la prise de Breslau, de mettre les pieds
ins cette ville. C'était là une chose blessante et
le Hédouville avait fait déjà pressentir à l'impé-
eux général, en lui écrivant le 26 décembre :
« S. A. I. m'a ordonné de signer en son nom
capitulation de la place de Breslau, dès que
)us l'aurez faite. Monseigneur le prince Jérôme
iapoléon m'a chargé de vous transmettre l'ordre
13
— 194 —
d'aller faire le siège de la forteresse de Schweid-
nitz (aussitôt que nous serons en possession de
Breslau), avec la division de Wurtemberg et la
brigade du général Montbrun, etc. •
Il y avait en effet, dans cette défiance à Tégard
de Yandamme, de quoi choquer un homme plus
patient que lui. Il connaissait son mérite, sa va-
leur, ses services. Le prince Jérôme, le général
Ilédouville n'avaient été pour rien dans les com-
bats de Strelhen, et devant Breslau, dans la red-
dition de cette ville. Mécontent, furieux même,
il ne voulut pas laisser Hédouville signer seul la
capitulation (1), et, malgré les ordres du chef d'état-
major général, il y apposa son nom et lui écrivit:
« Je ne saurais aller à Schweidnitz que lorsque
la division do Wurtemberg aura reçu ses reu-
forts et son organisation, de manière à pouvoir
me présenter devant cette forteresse sans com-
promettre riionneur des alliés et le mien. Je uc
puis non plus m'avanccr vers cette place, que
lorsque j'aurai un train d'artillerie capable d'eu-
Ircprendre ce siège important. Je ne sais, d'ail-
leurs, si ma santé répondra au désir que j'ai
d'exécuter les ordres de S. A. I., et si je ne
serai pas forcé à un repos de plusieurs jours.
(l) Ilédoiivine, en apprenant le 4 janvier la reddition ilc
Hreslan, avait écrit à Vandamnie en lui envoyant ses nom?,
prénoms et qualités pour que la capitulation fût signée par lui
seul au nom du prince , eo à quoi Vandamme no voulut pa^?
consentir.
— 195 -
ne puis vous dissimuler que la lellre que je
;ois du prince et celle que vous m'écrivez me
isent autant de surprise que de peine. Il
î semble que ce n'est pas de moi qu'on devrait
jouer ainsi. Si je n'ai pas satisfait aux ordres
aux désirs du prince, en tout point, je le ré-
elle beaucoup, mais du moins j'ai fait tous mes
bris pour sortir victorieusement de la situation
[Ticile 011 je me suis trouve. Enfin, si le malheur
ulait que le prince fut mécontent, il est beau-
up d'autres généraux qui réussiront mieux que
oi à lui plaire, sans doute, mais aucun ne sau-
il faire plus d'efforts pour mériter son suffrage
lui prouver un entier dévouement. J'espère,
ailleurs, monsieur le général, que le retour de
A. 1. me sera plus favorable que son absence, t
Au prince, Yandamme répondit le 6 janvier :
• Monseigneur, je ne puis dissimuler à Votre
liesse Impériale que, depuis quinze ans que je
lis général, je n'ai reru d'aucun de mes chefs les
proches amers qu'elle vient de m'adresser.
près les plus grands efforts que j'ai tout récem-
eiit faits pour sortir de la situation la plus cri-
lue, tant par rapport à l'ennemi que j'avais à
pousser qu'eu égard à la composition des
Dupes qui se trouvaient sous mes ordres et qui
'étaient si peu conimes, il m'a été plus sensible
le je ne saurais l'exprimer de me voir aussi mal
compensé du service le plus diflicile que j'aie
mais eu à faire, surtout de la part d'un prince
— 196 —
auquel j'ai voué un attachement si sincère cl des
bontés duquel j'avais osé me flatter. J'ai supporté
avec beaucoup de peine la révolution que j'en ai
sur-lo-champ éprouvé.
« L'ordre do Votre Altesse, de marcher sur-le-
champ sur Schwcidnitz, porte une sorte de dé-
fense d'entrer eu ville dont je me suis trouvé fort
humilié. Je ne saurais vous taire , Monseigneur,
que ma santé a beaucoup souffert de l'état d'in-
quiétude où je me suis trouvé pendant voirc
absence.
« Permettez-moi de répondre au reproche (|iie
me fait Votre Altesse, sur la sommation que jai
adressée au gouverneur, le 25 décembre, que je
ne pouvais politiquement et militairement, surtout
au moment où j'avais à faire valoir la défaite de
Strehlen, user des movens terribles en artillerie
que j'étais sur le point de déployer, sans chercher
encore à détourner de cette ville les malheurs
affreux qui la menaçaient. Cette sommation n'a
pas eu de succès ; mais c'eût été un grand bien
qu'elle réussît.
« Enfin, il me semble voir dans toute la dernière
lettre de Votre Altesse que j'ai perdu sa conliance
et que j'ai eu envers elle des torts que je ne puis
deviner. Sans doute quelqu'un me les a gratuite-
ment donnés; mais j'ose espérer de Votre Allessc
Impériale la justice qu'elle me doit et la prie de
croire pour toujours à mon dévouement. »
Le général Hédouville répondit à Vandamme :
- 197 -
• Je vous prie, mon cher général, de m'envoyer
a capitulation que vous avez conclue avec le gou-
emeur de Breslau, Son Altesse Impériale m'ayant
ordonné d'en prendre connaissance et même de la
aire moi-même, et se réservant de Tapprouver.
• L'intention de Son Altesse Impériale, ainsi
[ue je vous l'ai déjà mandé, est que Monsieur An-
lès, intendant de Breslau, et Monsieur Maupetit,
ommissaire des guerres, entrent dans cette place
vec les premières troupes des alliés ; je vous
irie de m'instruire de vos dispositions à cet
gard.
« Son Altesse Impériale m'ayant chargé de
DUS transmettre Tordre d'aller avec la division
e Wurtemberg et la partie de la division Deroy,
u'il a mise sous votre commandement, assiéger
î forteresse do Schweidnitz , aussitôt que Eres-
m serait rendu , m'ordonne de vous réitérer le
lême ordre, et de -vous mander d'aller cerner
Schweidnitz, aussitôt que la garnison de Breslau
ura quitté cette ville.
« Je vous avoue que je n'ai pas été peu surpris
e voir arriver ici à l'instant un officier et trente-
uatre hommes du 13® régiment d'infanterie de
gne, d'après vos ordres, pour rester en sauve-
arde au château de Lissa ; cet officier était muni
'une liasse d'ordres de sauvegardes à envoyer
ans le cercle de Neumarck ; vous n'ignoriez sûre-
ment pas que le quartier de Son Altesse Impériale
si ici, et que les troupes sous mes ordres occu-
- 198 -
pent Neumarck. J'ai ordonné à cet officier elà
son détachement de rejoindre Icnr corps.
• Veuillez bien, général, ordonner au 1''^ ba-
taillon des gardes du roi de Bavière, que vous
m aviez demande momentanément , de venir se
réunir ici à son second bataillon, c'est rinlenlicn
de Son Altesse Impériale.
• Elle m'a ordonné d'entrer dans Breslan avec
la division Minucci. -
Le jeune prince ne voulut pas se priver des
services d'un homme de la valeur militaire de
Vandamme ; il eut d'ailleurs la satisfaction d'a-
mour-propre de faire, le 8 janvier 1807, son
entrée solennelle dans la place que lui avait con
quise son intrépide lieutenant. Horace Vernet, qni
commençait alors sa carrière de peintre d'histoire
militaire, fil un tableau qui représentait Jérôme
Napoléon, à cheval, recevant les clefs de la ville
et les hommages des habitants.
Vandamme fut surtout choqué de voir que les
bulletins 48 et 50 de la grande armée, reiulanl
compte de la prise de Breslau et des combats
devant cette place, nommaient tous les généraux,
excepté lui. Le i)rince Jérôme, qui n'avait été pour
rien dans la conquête de cette place, aussi bien
que le général Hédouville, étaient cités; et de lui,
Vandamme, pas un mot (1). Il fut sur le point de
(1) Le prince Jérôme, dans un ordre du 9 janvier, relatif à la
prise de Breslau, évita également de parler de Vandamme.
demander à se retirer. Cependant, le sentiment
du devoir l'emporta chez lui, et malgré son mé-^
contentement légitime, il se décida à se venger
noblement, en rendant à la France, à TEmperenr
et à l'armée, de nouveaux et signalés services.
Nous croyons devoir maintenant interrompre un
instant le récit des faits relatifs à celte campagne
de Silésie, pour expliquer d'où venait la suspicion
dont Vandamme était alors Tobjet.
Le général, ainsi qu'on l'a vu dans le cours do
cet ouvrage, avait été plusieurs fois déjà en buttcî a
certaines accusations, qui tout en n'ayant eu pour
résultat que de constater son innocence, n'en
avaient pas moins laissé de lui l'opinion fâcheuse
qu'il était enclin à lever des contributions pour
son propre compte.
Or, l'officier général qui commandait alors la
16® division militaire, ennemi personnel de Van-
lamme, avait adressé à plusieurs reprises des
rapports au ministre de la guerre, sur les envoie
faits par le général, à son domicile, à Lille. Le mi-
listre, mis en éveil par ces rapports, avait prévenu
ieces faits l'Empereur ; des ordres secrets étaient
lonnés au prince Jérôme, pour qu'il eût à empé-
îher, à tout prix, Vandamme d'entrer dans les
[)laces conquises, dans la crainte qu'il ne fît des
iélournements à son profit.
Nous allons à cet égard anticiper un peu , et
raconter ce qui se passa à la fin de mars.
Vandamme envova de la Silésie, à Lille, un
fourgon S0U6 la conduite d*un pauvre diable, an-
cien mililairo qu'il chargea de celle mission. Le
départ de ce fourgon fut signalé de Tarmée au mi-
nistre, à Paris, et ce dernier donna Tordre au
général commandant à Strasbourg, de le faire
arrêter à son entrée dans cette ville.
Le 12 avril , le général qui avait reçu cet ordre
écrivit au ministre :
« Monseigneur, Tordre en date du 26 mars,
concernant le caisson du général Vandamme, et
le sieur Philippp-Pierre Berlin, chargé de le con-
duire, m'a été remis le 4 avril, j'ai de suite pris
les informations, et j'ai appris que cet homme
était arrivé le 25 mars à Kehl, où il avait déposé
son caisson jusqu'à ce qu'il eût reçu des instruc-
tions du général Vandamme, à qui il avait écrit,
afin de lever les diflîcultiîs pour le faire entrer à
Strasbourg ; j'ai donné les ordres nécessaires au
commandant de Kehl, et le caisson a été conduit à
la citadelle de Strasbourg, où il est en sûreté,
après avoir pris toutes les précautions pour que
rien ne soit ni distrait ni égaré. Ce caisson ren-
ferme dix-huit paquets, caisses ou coffrets qui ont
été ficelés et cachetés.
• Quant au sieur Berlin , j'appris qu'il était
parti le 2 avril pour Stuttgard, et qu'il devait être
de retour sous cinq à six jours; je me suis vu forcé
de retarder le départ de votre courrier, afin de rem-
pUr entièrement vos intentions.
« Cel homme arrive à l'instant, et m'a déclara
être parti de Breshu près Neiss , le 4 mars , et
n'avoir aucuns papiers, autres que son ordre de
route, dont vous m'aviez adressé copie et que je
vous envoie. II reçut du général Vandamme, en
date du 10 mars, une lettre pour le prince Guil-
laume, ministre de la guerre du roi de Wurtem-
berg ; il partit le 2 avril pour la lui remettre ; le
ministre lui en donna connaissance, parce que
c'était une recommandation du général pour le
faire recevoir dans les troupes du Roi, en lui
disant qu'il ne pouvait y avoir égard, ne recevant
aucun Français. Cet homme m'a aussi répondu
sur la demande que je lui en ai faite, que le caisson
renfermait dix-huit paquets ou caisses, qui est le
nombre qui s'y est trouvé.
• J'attendrai, Monseigneur, vos ordres ulté-
rieurs, tant pour le sieur Bertin que pour le
caisson. •
Le ministre de la guerre, afin d'être sûr que le
caisson de Vandamme n'échapperait pas aux in-
vestigations, non-seulement avait envoyé l'ordre à
Strasbourg de l'arrêter , mais il avait en outre
prévenu à Lille, en sorte que le 15 avril, le gé-
néral commandant la 16® division lui écrivit :
« Monseigneur, aussitôt la réception de la let-
tre confidentielle, sous la date du 26 mars, que
Votre Altesse m'a fait l'honneur de m'écrire, tou-
chant un caisson que le général Vandamme a di-
rigé de Schweidnitz sur Lille ou Gassel , j*ai
— 202-.
donné de snite, et de la manière la moins péné-
trahie, les ordres que j'ai jugé convenables pour
opérer son arrestation, la saisie des papiers de
l'officier, et l'apposement des scellés sur l'objol
principal .
• En daignant me montrer ce degré de con-
fiance, Votre Altesse m'a donné à penser que le
général Vandamme lui était parfaitement connu
sous plusieurs rapports ; qu'en conséquence, il
était de mon devoir pour y répondre, de lui faire
part de ce que j'ai visiblement remarqué, comine
toutes les personnes qui en furent témoins, con-
cernant les envois réitérés que ce général a faits à
son domicile depuis ma présence à Lille.
« Pou après la bataille d'Auslerlitz, il fut an-
noncé que le général Vandamme avait été pillé de
tous ses équipages; néanmoins, l'on vit arrivera
Lille trois fourgons extrêmement chargés, dont un
attelé de quatre chevaux, parmi eux en était un
russe. Le bruit public , d'accord avec les rapports
domestiques et particuliers, décidèrent que ces
caissons renfermaient des objets de grande valeur,
notamment un certain saint d'argent massif , de
grandeur naturelle ; les chevaux de cette voiture
furent vendus dus leur arrivée.
• Depuis la bataille d'Iéna, deux autres fourgons
ont encore été expédiés, mais séparément, le second
est arrivé le 10 février dernier, attelé de trois che-
vaux, chargé de trois masses extrêmement lourdes,
avec deux grandes caisses plates , plus douze
— 203 -
beaux chevaux de main sous la conduite d'un offi-
cier présumé l'un de ses aides de camp, lequel ne
s'écartait pas des voilures, ayant avec lui deux
Flamands et un autre individu nommé Ignace. Cet
officier conducteur s'est à peine montré, et a dis-
paru tout à fait le lendemain.
« Dix de ces chevaux ont été vendus à Gassel,
deux seulement ont été conservés pour le service
de Madame ; les trois autres qui étaient au caisson
ont été vendus à bas prix à un nommé Godin, voi-
turier de cette ville ; le caisson à une autre per-
sonne pour le premier prix offert, ce qui fit débiter
alors que ces différents objets n'avaient proba-
blement pas coûté plus que bien d'autres précé-
demment acquis. Ces chevaux et ce caisson sont
encore à revendre.
« Je crois devoir me dispenser. Monseigneur,
de remonter à une époque autre que celle citée,
pour ne pas craindre de montrer dans le général
Vandammé un homme fourbe , impudent , comp-
tant riionneur pour peu, et rapportant toutes ses
actions à un intérêt sordide, que d'ailleurs la for-
tune colossale qu'il a amassée dans un pays qui
Ta vu sortir de la plus profonde obscurité, atteste
tous les jours.
« Bien que j'eusse beaucoup à me plaindre de
ce général, je prie cependant Votre Altesse de dai-
gner croire que ces renseignements que j'ai Thon-
neur de lui donner, me sont moins dictés par lin
intérêt de vengeance, que par celui qiie l'intérêt
général me commande, et particnlièrement Thon-
neur de Tarmée.
« J'aurai soin de tenir Votre Altesse informée
de tout ce que je pourrai apprendre sur le caisson
et Tofficier qu'elle m'a signalés, et la prie de
croire au dévouement sans bornes, et aux senti-
ments respectueux, avec lesquels. . . . etc. »
Cette lettre était un tissu d'absurdités, et une
vengeance mal déguisée. Depuis le saint d^argent
massif , jusqu'aux lourds caissons venus d'Iéna
à Gasscl, tout était faux.
Cependant le ministre , en recevant ces dénon-
ciations qu'il prit peut-être pour ce qu'elles va-
laient, c'est-à-dire comme ces contes, comme ces
romans qui vont grossissant d'une façon ridicule
en passant par mille bouches, le ministre voulut,
ou acquérir la preuve matérielle qu'il y avait du
vrai dans tout cela, ou qu'on calomniait le général.
Ordre fut donc envové d'inventorier le fameux
fourgon.
Voici le procùs-verbal de cette opération :
L'an dix-huit cent sept, le 11 du mois de mai,
heure de midi.
Nous, Jean-Marie Sauveton, commandant d'ar-
mes de la citadelle de Strasbourg,
Vu Tordre à nous adressé par Monsieur le gé*
néral de division Desbureaux, commandant la
5^ miUtaire, en date de ce jour, portant qu'en exé-
cution des ordres de Son Altesse le prince minis-
tre de la guerre, major général de la grande armée,
— 205 -
je dois prévenir Monsieur le commandant d'armes
de Kehl d'être rendu vers les midi dans notre lo-
gement de la citadelle , où se trouvera à la même
heure Monsieur le général de division Desbureaux,
aux fins que réunis, nous nous transportassions
à Tarsenal de celte citadelle , pour reconnaître
1 elat des scellés apposés le 5 avril dernier sur un
fourgon provenant de M. le général de division
Vandamme, et dont procès-verbal de dépôt avait
été dressé ledit jour.
Avons donné connaissance dç ces dispositions
à Monsieur Pinot, capitaine du corps impérial du
génie, commandant d'armes à Kehl, qui s'est rendu
à l'heure précisée en cette citadelle pour opérer
comme il a été ordonné.
En présence de Monsieur le général de divi-
sion Desbureaux , accompagné de M. Daiiclle ,
chef de bataillon/ son aide de camp, nous nous
sommes rendus à l'arsenal de cette citadelle, où
Monsieur Bacq, garde d'artillerie, nous a présenté
un fourgon quatre roues, déclarant être celui scellé
et mis en dépôt à l'arsenal le 5 avril dernier. S'est
en même temps présenté Monsieur Walz, secrélaire
de place de cette citadelle, nous exhibant le procès-
verbal dressé à cet effet ledit jour , 5 avril mil huit
cent sept, sur lequel avaient été couchés les em-
preintes et sceaux apposés ledit jour sur cinq
bandes de toile, clouées et cachetées sur les di-
verses clôtures et faces du susdit fourgon.
Après avoir examiné les empreintes faites sur
— 206 —
ledit procès-verbal, nous les avons reconnues pour
celles (lu sceau du commandement du fort de Kchl,
de celui de la citadelle de Strasbourg, et de Mon-
sieur le général de division Desbureaux , qui
avaient été apposées le 5 avril dernier sur les
scellés mis au susdit fourgon.
« Nous nous sommes en conséquence approchés
du fourgon et Tavons examiné Irès-altenlivemcnl.
Nous nous sommes convaincus que c'était le même
qui avait été mis en dépôt, et que les empreintes
des cachets étaient sains et saufs, sans aucune
altération.
« En consé(pience, nous avons fait ai)pelcr le
sieur Montignon, serrurier de celte citadelle, cl
lui avons fait rompre (faute de clefs) les cadenas
et clôtures dudit fourgon, ainsi que les scellés y
apposés, et avons fait déballer les ballots, caisses
ou malles contenues dans icelin^ et qui se seul
trouvés au nombre de dix:-huit.
« Nous avons, en notre présence, fait trans-
porter par des hommes de corvée lesdits dix-
huit articles dans le logement du commandant
d'armes et de la citadelle ( conligu aux bâtiments
de Tarsenal), et déposé dans une chambre parti-
culière , où ledit serrurier a été appelé pour ouvrir
les cadenas des malles ; il a ouvert en notre pré-
sence ceux qu'il était en état d'ouvrir, et a cassci
celles des serrures qui n'ont pu être ouvertes pai
(les crochets, attendu qu'il ne s'est trouvé au-
cunes clefs. D(3s que les caisses, coffres ou mallci-
— Î07 —
ont été ouvertes, le serrurier s'est retiré sur notre
invitation,
• Monsieur le général de division Desbureaux
nous a ensuite donné lecture de Tordre de Son
Altesse le prince minisire de la guerre, relatifs à
la présente opération, et a fait déposer sur table
Tordre adressé ce même jour au commandant do
la citadelle par lui ; nous a invité de suivre ce
qu'il prescrit et s'est retiré. »
« Cet ordi-e est ainsi conçu :
« Au commandant d'armes de la citadelle de
Strasbourg. — Strasbourg, le 11 mai 1807.
• D'après les ordres de Son Altesse le prince
ministre de la guerre, major général de la grande
armée, vous préviendrez le commandant du fort
de Kelil de ge rendre aujourd'hui à midi précis
chez vous, pour connaître les scellés apposés sur
le fourgon du général Vandamme, et de suite, en
sa présence, vous procéderez à Touverturc des
dix-huit paquets, caisses ou ballots qu'il renferme,
vous les visiterez et dresserez procès-verbal do
leur contenu. S'il y a des effets précieux, vous les
enverrez à la caisse d'amortissement, comme
objets appartenant à Tarmée, tout autre objet sera
remis sous le scellé et restera à votre garde jus-
qu'à nouvel ordre.
« Vous dresserez du tout procès-verbal, que
vous me remettrez de suite.
« Mettez dans cette opération le plus grand
ordre et beaucoup de discrétion.
« Je vous pré%ieiis, en outre, que je serai repré-
senté à la reconnaissance des scellés » .
« Sur quoi, monsieur Pinot, commandant du
fort de Kehl, et nous commandant d'armes de la
citadelle, avons commencé à inventorier les sus-
dits dix-huit articles, en présence de M. Walz,
secrétaire de place de cette citadelle, chargé de
tenir note des objets à inventorier, et nous avons
reconnu :
• i^ Une |>etile caisse de la longueur de
16 pouces, hauteur 6 pouces i /i et de la largeur
de i i pouces, marquée à Tun de ses côtés A. M.
B. H. et au-dessous Wûrben, au fond est n° 12,
contenant trois pièces de toile blanche de pre-
mière qualité;
« ^ Un coffre de la longueur d'environ S pieds,
de la largeur de 16 pouces, recouvert en cuir (le
couvercle seulement), ferré à ses angles et fermé
d'une serrure à moraillon, marquée sur la face
n*^ II, un peu au-dessous et à gauche de la ser-
rure, contenant dix-sept douzaines et deux ser-
viettes, quinze nappes de différentes gi-andeurs
et un surtout; Unge de table damassé, ouvré, d(
première qualité ;
« 3^ Une caisse couverte dans sa partie supé-
rieure en toile cirée, de la longueur de 19 pouces
largeur 13 pouces, hauteur 7 pouces 1/2, marqué
à l'un de ses côtés n® 111, Wùrben, contenan
quatre paquets de toile blanche de première qua
Ulé, dont trois à l'adresse du général Vandamm
— 209 —
et le quatrième à celle de M. le colonel de Nam-
merer, à Wûrben ;
t 4® Une caisse de la longueur de 23 pouces et
15 pouces de large, sur 13 1/2 de haut, couverte
à la partie supérieure en toile cirée, et marquée
au bas et à droite du cadenas n^ IV, contenant onze
paquets de toile blanche première qualité ;
« 5^ Une autre caisse de la longueur de
22 pouces sur 18 de large et 6 de haut, également
couverte en toile cirée et marquée du n^ V, con-
tenant quatre douzaines de serviettes, deux nappes
damassées et trois pièces de toile blanche, le tout
de première qualité, et plusieurs paquets de bou-
tons blancs;
« 6^ Un coffre de 2 pieds de longueur, et
16 pouces 1/2 de largeur et autant de haut, la
partie supérieure couverte en toile cirée , fermé
par un cadenas et marqué à la droite du cadenas
du n^ VI, contenant neuf paquets de linge da-
massé, onze paquets de toile blanche, le tout de
première qualité, et un morceau de drap bleu;
« 7*^ Une caisse ayant le dessus couvert de toile
cirée, de la longueur de 2 pieds 6 pouces, largeur
22 pouces, hauteur 4 pouces, marquée du n^ VII,
Godberge, contenant une pièce de drap bleu ;
« 8^ Une autre caisse, ayant également le des-
sus couvert en toile cirée, de 2 pieds 1/2 de long
sur 7 pouces 1/2 de large et 9 pouces 1/2 de haut,
marquée n® VIII, contenant un télescope ;
« 9^ Une autre caisse, de 4 pieds 2 pouces de
— «10 —
long, 16 pouces de large et 6 de haut, clouée sim-
plement, n^ IX, contenant trois fusils à deux
coups, une carabine et ua sac de chasse ;
• 10" Une autre caisse, de 4 pieds dû long sur
8 pouces de large, et 7 1/2 de haut, marquée sur
le dessus n"" X, contenant deux fusils de chasse,
deux pistolets, un porte-cartouche et une mesure
de charge ;
« 11*^ Un petit coffre, recouvert eu cuir et garni
en fer, ferme d'un cadenas et d'une courroie, de
m pouces de long sur un pied de largo cl
11 pouces de haut, marquée n" XI, contenant une
collection de caries topographiques, plans de
places et de bataille ;
« 12^ Un autre coffre, couvert eu cuir et garni
en fer, fermé pai- un cadenas, longueur 2 pieds i/3,
largeur 14 pouces et hauteur 15 pouces, n^ 12,
contenant six douzaines et deux ser\iett6S, dix
nappes et douze pièces d autre toile, le tout d'une
qualité inférieure ;
• 13^ Une petite caisse, simplement clouée, de
21 pouces de long sur 9 1^2 de large et 8 1/2 de
haut, sans autre marque, contenant des médailles
de bronze antiques, de lUfférentes grandeurs.
• 11"' Une malle, sous une marque de B. V.
llammeivr, et fermée par deux cadenas et une
couri\)ie, couverte en cuir et garnie en fer, de
2 pii\ls i pouces de long sur 14 1/â de large el
Il l;2 do haut, contenant quatrepiwes de toile
bUuK he. de première qualité, el des hardes ;
- 211 -
• 15^ Un paquet, couvert en toile cirée, sous
\e cachet du général Vandamitie, contenant cinq
paquets de linge de table damassé, de première
qualité, dont un paquet de plus grand volume que
les autres quatre ;
« 16*^ Un autre paquet en toile cirée, à l'adresse
de M. Louis Darras, contenant un paquet basin
blanC; et trois paquets en toile blanche, de pre-
mière qualité, ainsi qu'une serviette et surfont de
table damassée en soie, fleurs cramoisies;
• 17'' Un autre paquet, couvert en toile, conte-
nant du drap ordinaire de couleur verte;
« 18^ Un paquet, couvert en toile cirée, sous le
cachet du général Vandamme , contenant six pa-
quets de linge de table damassé, de première
qualité.
« Le tout, ainsi inventorié, détaillé et spécifié,
est resté déposé dans le logement du comtnandan
d'armes de la citadelle de Strasbourg, pour être,
conformément aux ordres de M. le général de di-
vision Desbureaux, réemballé ( après réparation
faite des serrures, loquets et caisses) fermé, ficelé
el scellé, et ainsi rester déposé sous sa garde
jusqu'à nouvel ordre.
« De tout quoi, nous avons dressé le présent
procès-verbal en double expédition, Tune pour
être remise à M. le général de division Desbu-
reaux, commandant la 5^ militaire; ràulro, pour
rester déposée aux archives de cette citadelle, pour
servir el valoir ce que de droit, et avons signé.
— Jlî —
« Fail et clos à la citadelle de Strasbourg, les
jours, mois et ans que dessus, à sept heures du
soir. • Suivent les signatures.
Ce procès- verbal fut envoyé au ministre parle
général Desbureaux, avec cette lettre, datée du
14 mai :
• Monseigneur, j'ai Thonneur de vous adresser
le procès-verbal qui constate la levée des scellés
apposés sur le caisson du général Vandamme,
ainsi que vous l'avez ordonné par votre lettre du
23 avril dernier, que j'ai reçue le 10 mai.
• Vérification faite, vous verrez que les caisses
contiennent du linge damassé et pièces de toile
blanche de première qualité.
« Deux caisses contiennent des armes, une des
plans et caries et une autre des médailles et
bronzes.
« Les scellés ont été remis de nouveau sur
chaque malle, caisse et paquets, et sont déposés
dans une chambre particulière du logement du
commandant de la citadelle, qui seul en a la
clef.
« Ci-joinl l'état de services du sieur Berlin. Cet
officier demeure ordinairement à Strasbourg, où
il est marié, n'a point d'enfants et jouit d'une
bonne réputation.
• J'attendrai vos ordres, tant pour la levée des
arrêts du sieur Berlin que pour la destination à
donner aux effets. •
Vandamme, cependant, n'avait pas tardé à
— 218 —
apprendre, par M. Berlin, que son caisson, arrêté
à Strasbourg, était pour ainsi dire en fourrière
dans cette ville. Peiné au delà de toute expression
de la conduite que Ton tenait à son égard, il
écrivit, les 28 avril et 21 mai, les deux lettres
suivantes au ministre de la guerre :
VANDAMME AU MINISTRE DE LA GUERRE.
« Monseigneur, honoré de vos bontés, de votre
amitié même, je me croyais digne de l'une et de
l'autre; que penser aujourd'hui, lorsque, par les
ordres de Votre Altesse, l'on me déshonore à
Strasbourg, tandis qu'ici, depuis quatre mois, je
me sacrifie à toute heure à la gloire et au service
de Sa Majesté.
« Le général Legrand, mauvais officier, sans
services comme sans talents, commandant à
Anspach, dénonce à Votre Altesse le passage
d'un fourgon à moi, contenant fusils de chasse,
quelques lunettes d'approche, des cartes, plans,
livres, etc., quelques pièces de toile et services
de table, comme si cela avait dû être un trésor;
tout est visité et arrêté à Strasbourg, comme
effets volés appartenant à un voleur; c'est ainsi,
qu'au nom du prince ministre de la guerre on a
agi envers ce qui m'appartient. Rien ne me peine
plus que cela, puisqu'il m'avilit d'une manière fort
injuste, dans un pays où dix ans de bons services
m'avaient assuré Testime des gens de bien.
• «14-
« Monseigneur, Ton m'a calomnié prè» de Votre
Altease, el ce n^est paâ la premièi^e fois. J'ai
besoin de toute votre justice pour me consoler de
tout ce que j'ai souffert, et s'il restait le moindre
soupçon sur mon compte, ce serait ma retraite
que je demanderais. Servir comme je le fais, el
être traité comme je le suis, ne peut-être juste,
sous le règne du grand Napoléon.
« J'attends tout, d'un prince, d'un ministre,
J^ôse dire d'un ami comme vous, car les preuves
d^amilié que j'ai reçues de Votre Altesse, et dont
je serai toujours jaloux, me forcent à croire que
l'on vous trompe souvent sur mon compte, i
ft Monseigneur, le fourgon arrêté à Strasbourg
est le mien, il contient quelques pièces et ser-
viettes, des livres, des cartes, et quelques fusils
de ohasse, rien de prohibé ou de mal acquis; j'ose
donc prier Votre Altesse d'ordonner qu'oi^ laisse
passer ce fourgon, en payant les droits coAfornié'
ment aux lois de l'empire.
* Ce M. Berlin, qui a conduit mon fourgon,
aat un malheureux officier qui a donné dans le
temps sa démission, el qui se trouve actuellement
dans la misère; il était venu me rejoindre en
Prusse pour avoir du pain et je l'avais renvoyé
chez lui; profitant de son retour, je lui confiai ce
fourgon ei^ lui donnant de quoi payer les frais du
voyage; il a dû lui-même fair^ cet er4re dont
Votre Altesse me parl^, afin d'éviter quelques
dépenses ea ehevauiç, et voilai je crpis la seule
— 815 —
chose à reprocher à ce pauvre diable. Je prie
donc Votre Altesse de terminer cette affaire, afin
que les Strasbourgeois ne s'amusent pas plus
longtemps à mes dépens. »
Le fameux fourgon put alors entrer en libre
{Nratique, traverser la France et arriver à sa des-
tination. Cette fois encore on fut obligé de recon-
naître que la calomnie s'était attachée à dénaturer
un fait des plus simples et qui, de tout autre, eût
passé sans doute inaperçu.
Nous avons voulu présenter cette affaire dans
tout son développement, pour qu'on pût se rendre
compte de Ja défiance qui planait sur la conduite
du général, et pourquoi on était à son égard d'une
iiyustice qui le blessait profondément.
L'Empereur aimait beaucoup Vandamme, mais
il était sévère pour les dilapidateurs. Ce qu'on
avait dit du général en mainte occasion, avait
laissé dans l'esprit du souverain des défiances, et
il saisit la première occasion qui lui fut offerte
pour reconnaître si ses soupçons étaient fondés
ou ne Tétaient pas.
L'histoire du fourgon visité à Strasbourg,
tourna entièrement à l'avantage du brave gé-
néral.
Revenons maintenant à la campagne de Silésie.
La petite armée commandée en chef par le
prince Jérôme , ayant vingt-neuf mille hommes
préseBts sou» les^ armes, prît le 5 janvier, par
ordre de Napoléon, le nom de 9* corps de la grande
— 216 —
armée. Le jeune prince, arrivé en toute hâte pour
se montrer en vainqueur , vit défiler la garnison
de Breslau, tandis que Vandamme se rendait de
sa personne devant Schweidnitz. Brieg fut investie
en même temps. Le général en chef resta à Bres-
lau avec une réserve de six mille hommes, pour
envoyer à la grande armée tout ce qu'on pouvait
tirer de la conquête en munitions de guerre et de
bouche.
Le général de Deroy fut chargé de s'emparer de
Brieg avec cinq mille cinq cents fantassins de sa
division, huit cents cavaliers de la brigade Mezza-
nolli et six batteries servies par mille canonniers,
plus un matériel de huit grosses bouches à feu.
Vandamme , avec la division wurtembergeoise,
mit ses troupes en marche le 9 janvier, sur deux
colonnes, la première formée de neuf cents cava-
liers composant la brigade Montbrun, et de quatre
bataillons légers, deux mille six cents fantassins,
avec six pièces de six et quatre obusiers. La
seconde, commandée par le général de Secken-
dorf, avec huit cents fantassins des régiments de
ligne et dix bouches à feu. Le parc de siège n'ar-
riva devant la place assiégée qu'à la fin du mois.
Une centaine de soldats du génie et d'artillerie fran-
çais furent désignés pour être adjoints aux troupes,
dont Teffectif total ne s'élevait pas à plus de six
mille cinq cents hommes. Elles furent renforcées
le 18 de mille cinq cents combattants envoyés de
Glogau.
-^ «1 —
Schweidnitz était alors une des places les plus
fortes de TEurope. Elle était surtout de premier
ordre à cause de ses mines et de ses batteries ca-
sematées. Elle avait une garnison assez nom-
breuse , des approvisionnements pour neuf mois ^
en un mot, elle passait pour imprenable. Située
dans une belle position , sur un plateau au
pied duquel coule le ruisseau nommé la Weis«
Iritz, elle avait une ancienne enceinte envi-
ronnée de plusieurs grands forts étoiles à doubles
enceintes, reliés par de longues courtines brisées
flanquées par des lunettes intermédiaires. Le dé-
veloppement total de ces fortifications embrassait
quatre fronts, celui du côté du ruisseau, suscepti-
ble d*inondation, était le plus fort. Les trois autres
étaient entièrement contre-minés. La place avait
en outre des ouvrages détachés battant au loin la
campagne, et empêchant les approches.
Schweidnitz, en 1807, au moment où Vandamme
se présenta sous ses murs, présentait donc de
grandes difficultés pour son attaque. Sa situation
en avant des montagnes du comté de Glatz, entre
Breslau et Brieg, non loin de Neiss, de Glatz et
de Silberberg, en faisait un point stratégique
de la plus haute importance. Sa garnison, com-
mandée par le heutenant colonel de Haxo, se
composait de deux bataillons (mille six cents
hommes), de six dépôts (six cents soldats), de
quatre cents cavaliers montés, de cent artilleurs,
de quarante mineurs , de cinquante invalides ,
'
total, trois mille anciens militaires, plus de deux
mille cinq cents conscrits.
Les opérations devant cette place peuvent être
divist^es en deux périodes. L'investissement et le
blocus du 10 au 31 janvier; le bombardement de
la fin do janvier au 7 février 1807.
Vandamme, comme on le voit, avait des moyens
fort restreints, comparativement à ceux de l'en-
nemi, pour s*emparer de Schweidnitz, puisque la
garnison de la place était presque aussi forte que
le corps mis à sa disposition pour Tattaque. L'Em-
pereur comptait beaucoup sur l'énergie et la pro-
fonde connaissance de la guerre du général : il ne
se trompait pas. Ce dernier, avec ses sept à huit
mille hommes, ne pouvait faire un siège régulier,
il ne pouvait même investir la ville que par un
système de patrouilles volantes, il le comprit et se
décida à un bombardement.
Le 10 jan\ier, il arriva avec ses deux colonnes
en vue do la place qu'il investit , en occupant lef^
hauteurs voisines. Tous les postes ennemis se
replièrent et rentrèrent, mais la garnison essaya
presque immédiatement une sortie , dans le but
d'incendier un faubourg où l'assiégeant aurait pu
se loger. Elle exécuta son projet, mais perdit
quelques hommes. Le lendemain, 11 janvier, Van-
damme somma le gouverneur, qui parut fort cho-
qua qu'on osât lui demander de rendre , sans
l'avoir attaqué , une forteresse comme la sienne.
La place fut resserrée et on se mit en eonununi^
u
1
»
l
1
- m -
nation avec la division de Deroy occupée devant
Brieg, attendant pour agir efficacement l'arrivée
de l'équipage de siège, les outils, matériaux et les
munitions nécessaires. La nuit on fit quelques dé-
monstrations pour fatiguer la garnison qui, le 14,
tenta inutilement une petite sortie. L'eau arrivait
an ville par deux tuyaux qui l'amenaient des mon-
tagnes voisines ; on les rompit le 17, et l'ennemi
pour s'en procurer et en puiser au ruisseau, fut
contraint de faire une sortie le 18. La ville com-
mença à souffrir et à être inquiète, bon nombre de
déserteurs se présentèrent aux avant-postes de
Vandamme. Dans la nuit du 19, le général fit tirer
aix coups par obusier, et le feu prit à l'intérieur.
On voulut détourner le cours de la Weistritz, pour
priver complètement les défenseurs d'eau potable ;
mais celte opération difficile ne réussit qu'impar-
faitement. D'ailleurs, il existait des puits à Tinté-
rieur^ Le 24, le gouverneur tenta un coup de main
hardi, et chercha à enlever un poste de cent
hommes qui se tenait près d'un des ouvrages
extérieurs. Il ne réussit pas. Le général Bertrand
avait été envoyé pour faire un rapport à l'Empe-
reur et pour reconnaître la place ; deux officiers
de génie venaient également de se rendre au quar-
tier général de Vandamme ; ce dernier se décida
fdcors à faire ouvrir la tranchée dans la nuit du 35
au 26. Une forte gelée ne lui permit pas d'exéeuter
9W projet.
A €i€Ate ^qu€^, Vandamioe reçut du général
— MO-
Hédouville , la lettre ci-dessous, lui prescrivant
de prendre Schweidnitz :
tr Monsieur le général, l'Empereur veut que
Schweidnitz soit pris avant le 20 février, c'est-à-
dire avant un mois; Son Altesse Impériale me
charge de vous le mander, et de vous transmettre
Tordre d'examiner et de faire examiner de suite
quels sont les meilleurs moyens d'attaquer vigou-
reusement cette place avec succès ; proposez ces
moyens à Son Altesse Impériale, et demandez-lui
tout ce qui vous sera nécessaire en ce qui con-
cerne l'artillerie et le génie.
< Son Altesse Impériale, voulant aussi faire
attaquer en même Kosel et Neiss, ne pourra aug-
menter votre division, ni en infanterie, ni en ca-
valerie, autrement que par les renforts wurlem-
bergeois qui vous arriveront successivement de
Glogau. »
Vandamme ne demandait pas mieux que de
s'emparer de Schweidnitz , mais pour cela, il lui
fallait au moins de l'artillerie de siège, et on verra
par la lettre ci-dessous du général de Pernely,
lettre datée de Breslau, 24 janvier 1807, que le
parc attendu n'était pas même encore parti :
« Mon général, vos affaires en artillerie pour le
siège de Schweidnitz seraient plus avancées, et
vous eussiez eu déjà Marion, au moins en tournée
pour reconnaître des emplacements de parc , bat-
teries, etc., si, le 22 au soir, je n'avais reçu ordre
de faire partir, le 23, pour Kosel, des bouches à
— 2Î1 —
feu et munitionSt qui ont retardé le départ fixé
alors à ce matin, 24, d'un commencement d'ar-
tillerie pour Schweidnilz, et dont le reste devait
être envoyé les trois jours suivants. Il y a plus,
nos très-faibles moyens personnels et la difiîculto
de suffire aux consommations des deux places, ne
permettent guère de les pousser toutes deux en-
semble avec quelque vigueur. On peut avoir plus
aisément Kosel, et relativement à notre position
militaire, cette place est aussi essentielle à possé-
der , nous donnant ensuite des moyens contre
Neiss, que Ton attaquerait en même temps que
Scliweidnitz, si surtout, d'ici là, il arrive quelques
compagnies d'artillerie française ; l'intention du
prince est, en effet, que l'on active surtout l'attaque
de Kosel, sans cependant négliger Schweidnitz,
où j'enverrai successivement les bouches à feu
que vous avez demandées, laissant le 24 pour le
dernier, car pour ne faire que canonner, sans bat-
tre en brèche, le 12 produit à peu près le même
effet, et présente bien moins de difficultés.
« J'espère aller voir momentanément fétabUs-
sement des batteries elles travaux, mais je doute
de pouvoir obtenir d'y rester. Je vous laisserai le
capitaine Marion, jusqu'à ce que je puisse dis-
poser de quelque bon officier supérieur d'artillerie
dont plusieurs me sont annoncés. Il partira après-
demain matin.
« Le premier convoi sera mis aussi en route
après-demain ; mon aide de camp aura les notes
— zzz —
nécessaires sur sa composition et celle des sui-
vants , ainsi que de tout ce qui pourrait être utile
au service de Tartillerie.
« Soyez persuadé, mon cher général, que je ne
négligerai rien pour vous prouver le prix que
j'attache à mériter la continuation de l'estime et
de Tamitié que vous voulez bien me témoigner. »
Vandamme, très-désireux de satisfaire aux dé-
sirs de TEmpereur, écrivit lettres sur lettres direc-
tement au prince Jérôme, pour demander l'envoi
d'artillerie et de renforts. Le général Hédouville,
avec lequel il avait eu, lors du siège de Breslau,
quelques difficultés, comme nous l'avons dit, lui
manda, le 30 janvier, du quartier général :
« Je vous adresse, mon cher général, deux let-
tres que Son Altesse Impériale m'a ordonné de
vous écrire ; vous direz encore qu'il vaut mieux
avoir affaire à Dieu qu'à ses saints, mais je vous
répète que Son Altesse Impériale ne se laisse in-
fluencer par personne ; après avoir mûrement
pesé toutes les raisons qui peuvent la déterminer
à prendre tel ou tel parti, sa décision est prompte,
et l'exécution encore davantage en tout ce qui peut
dépendre d'elle.
« Son Altesse Impériale se plaît à vous rendre
justice , mais vous ajouterez à la confiance qu'elle
a dans vos talents et votre activité, en ne sortant
pas des bornes convenables au bien du service.
" Ne voyez dans ma franchise, mon cher gé-
néral, que le désir de vous voir continuer à avoir
-823-
dcs succès sâQ8 qu'ils soient mêlés de désagré-
ments. >
Brieg, cependant , avait capitulé le 16, la di-
vision de Deroy était parti le 18 pour investir
Kosel y et le prince de Pless laissait soupçonner
Tintention de se porter contre la division wurtem-
bergeoise occupée devant Schweidnitz. Le 26 jan-
vier, Vandamme fut prévenu que le général prus-
sien réunissait dans le comté de Glatz une dizaine
de mille hommes tirés des garnisons de Silber-
berg, de Neiss et de Glatz , pour l'attaquer, que
la brigade Lefebvre, avec un bataillon léger, avait
ordre de marcher vers Franckenstein pour couper
la retraite à Tennemi, tandis que le général Mi-
nucci devait, avec quatre mille hommes d'infan-
terie, son artillerie et quelques escadrons, se tenir
prêt à voler au secours du corps occupé devant
Schweidnitz. Quelques petites affaires de cavalerie
commençaient déjà à mettre Vandamme sur ses
gardes . Le 29 , il dirigea sur Wartha une forte
reconnaissance, qui l'instruisit, à son retour, qu'en
effet, le prince de Pless avait réuni aux environs
de Glatz mille deux cents chevaux et huit mille
fantassins.
Les différentes reconnaissances dirigées par
ordre de Vandamme sur Franckenstein, Wartha,
Neiss, les rapports des espions , ne pouvaient
laisser de doute sur le rassemblement dans le
comté de Glatz ; mais en même temps, il devenait
certain que le gouverneur de la Silésie, cantonné
— 224-
dans le triangle formé par Wartha, Neurode el
Franckenstein, n'avait pas bougé, et faisait courir
à dessein le bruit d une levée de boucliers des
Autrichiens, pour exciter les hommes valides du
pays à prendre les armes, à se soulever et à se
joindre à lui.
Si donc il était évident que le prince de Pless
n'attendait qu'une occasion favorable pour tenter
un coup de main, d'un autre côté, il était assez
difficile de savoir s'il se dirigerait sur Schweidnilz
ou sur Kosel. La brigade Lefebvre fut mise à la
disposition de Vandamme. Elle était à Strelhen,
en intermédiaire, et pouvant se porter sur le point
menacé, mais son chef étant malade et au lit, ainsi
que Montbrun, le général d'artillerie de Pemety
reçut l'ordre d'en prendre momentanément le com-
mandement .
Revenons au blocus de Schweidnitz. Vandamme
avait sous ses ordres, à la fin de janvier, sept mille
cinq cents fantassins, sept cent cinquante cava-
liers et quelques centaines de canonniers ou de
soldats du génie. Ce n'était pas une force suffi-
sante pour s'emparer d'une place telle que l'était
celle que ses troupes bloquaient ; à des de-
mandes pour l'envoi de renforts , on se bornait
à répondre que l'on comptait sur son zèle, sur ses
talents, sur son activité, mais qu'on n'avait per-
sonne à lui donner.
Du 26 au 28 janvier 1807, le blocus continua
sans événement remarquable, la gelée, le manque
46^M/
d'outil empêchèrent le commencement des travaux
d'attaque. Le 28, l'ennemi fit une sortie avec deux
cents fantassins et cent cavaliers. Vandamme se
trouvait près des avant-postes attaqués. Il fit
monter à cheval une centaine de chasseurs, les
lança sur le flanc de la colonne prussienne , sous
la conduite de ses deux aides de camp, les capi-
taines Revest et Vincent. Il neigeait, ce qui favo-
risait ce mouvement. L'ennemi, culbuté, laissa une
partie des siens. sur le terrain.
Enfin , le 30 janvier eut lieu l'ouverture de la
tranchée. Un matériel de siège assez considérable
annoncé de Breslau , huit pièces de douze, deux
obusiers, deux mortiers, des munitions en assez
grande quantité partirent de cette place le 27 ;
huit autres pièces de vingt-quatre, six obusiers,
quatre mortiers avec leur armement complet fu-
rent mis en route le 30. Le capitaine Marion,
excellent officier, aide de camp du général de Per-
nety, et dans lequel ce dernier avait la plus grande
confiance, arriva le 29 devant Schweidnitz, pour
prendre la direction de l'artillerie au siège. Il était
temps que Ton fournît enfin à Vandamme les
moyens de réduire la place. Il s'était engagé à
satisfaire aux désirs de l'Empereur, et à entrer
dans la forteresse avant le 20 février, si ou lui eu
donnait la possibilité. Le général, pour faciliter
et activer l'arrivée de son matériel qu'il atten-
dait avec une vive impatience, avait envoyé de
Schweidnitz tout ce qu'il avait d'attelages, mai
H. 15
s
ces attelages avaient été dirigés sur la grande
armée, pour y porter des munitions, TEmpereur
ayant écrit à son frère que les Russes reprenaient
les hostilités, et que toute afTaire cesante, toute
considération mise de côté, il devait lui envoyer
des cartouches à fusils ou à canons.
Néanmoins, la tranchée fut ouverte au jour (fil,
la forteresse fut resserrée , et l'équipage de siège
arriva au moment où les batteries étaient termi-
nées. Cet équipage n'était pas aussi considérable
que celui annoncé. Il se composait définitive-
ment de huit pièces de 21, approvisionnées à
trois cents coups ; de neuf pièces de 12 , avec
deux mille quatre cents coups ; de huit obusiers,
de six mortiers approvisionnés à deux cent cin-
quante et deux cents coups ; total , trente et une
bouches à feu senies par un détachement de cin-
quante canonniers français. Trois grandes batlc-
ries avaient été construites.
Nous n'entrerons pas dans les détails de la fin
de ce siège, décrit tout au long dans notre premier
volume des opérations du 9® corps. Nous dirons
seulement que le feu fut ouvert le 3 février au
matin, qu'il continua jusqu'à six heures, fut repris
Je 4, à deux heures ; qu'on recommença à tirer à
dix heures, et qu'on ne cessa qu'à la nuit. Plus
de mille deux cents projectiles furent lancés sur
la place ; des incendies se manifestèrent dans plu-
sieurs quartiers. Les casemates de l'ennemi souf-
frirent beaucoup, et ses pièces, sur beaucoup de
point, furent mises hors d*état de riposter. Dans
la nuit du 4 au 5 février, un incendie considérable
se déclara en ville et consuma plusieurs maisons.
La garnison commençait à se plaindre de som
service, les déserteurs arrivaient aux quartiers de
Tassiégeant; les habitants qui avaient cru leur
place imprenable, n'osaient plus sortir de leurs
demeures, craignant les projectiles qui sillonnaient
les rues.
Le prince Jérôme, apprenant par les rapports
de Vandamme que Schweidnitz était aux abois,
se rendit devant la place. Le 6 au matin, il fit
sommer le gouverneur, par un de ses aides de
camp, le prince de Hohenzollern. Ses propositions
furent écoutées, et il fût stipulé que la forteresse
serait rendue le 16, si elle n'était secourue avant
cette époque. La capitulation fut signée le 7, et le
jeune frère de l'Empereur retourna à Breslau,
laissant un ordre du jour , dans lequel il té-
moignait sa satisfaction aux troupes de Van-
damme (1).
En partant, Jérôme s'était entendu avec Van-
damme , dont il avait beaucoup loué la conduite,
pour que le général combinat sans retard une
expédition des plus importantes.
(1) Les magistrats do Schweidnitz et ceux des cercles voi-
sins offrirent à Vandamme quatre chevaux attelés et un cheval
de selle. Le 9 février, la ville de Laudshutt fit également prier
lo général d'accepter des toiles de Silésie. Ce sont ces chevaux
et ces toiles qui furent expédiés de Schweidnitz, par Vandamme,
et fjui motivèrent l'affaire du fourgon arrêté à Strasbourg.
— JSSo —
II s'agissait d'attaquer le prince de Pless dans
ses positions fortifiées en avant de Glalz, et de le
forcer à rentrer dans cette place. Le général Lefeb-
vre-Desnouettes, et l'adjudant commandant Reu-
bell, tous deux aides de camp du prince, furent
désignés pour cette opération qui eut un plein
succès. Le gouverneur de la Silésie perdit une
partie de ses forces dans les combats qu'il fui
obligé de livrer. Il résolut néanmoins de chercher
à secourir Schweidnitz, avant l'expiration du délai
du 16. Le 13, à la léle de mille cinq cenls fan-
tassins et de deux escadrons, d'une batterie de
six bouches à feu, il se porta sur Wunschelberg,
sur Friedland, viola le territoire autrichien près
de Braunau, et se dirigea vers Schweidnitz. Celle
tentative, la plus sérieuse de cette époque , faite
par le prince de Pless, échoua complètement,
grâce aux dispositions prises. L'ennemi fut obHgé,
pour n'être pas coupé, de se disperser en se jetant
en Bohême. Le lendemain, 16 février, la garnison
de Schweidnitz défila devant le prince Jérôme, qui
était revenu pour cette circonstance, comme il
l'avait fait déjà, lors de la capitulation de Brcslau.
II entra pompeusement dans la ville , à la tête de
son état-major. La veille Hédouville avait écrit à
Vandamme :
« Monsieur le général, Son Altesse Impériale
me charge de vous mander qu'elle verra défiler
avec plaisir devant elle les troupes wurtember-
geoises, après que la garnison prussienne aura
défilé et déposé ses armes.
« Les troupes wurtembergeoises, après avoir
défilé devant Son Altesse Impériale, entreront de
suite dans la ville, où elles seront placées en haie
depuis la porte de Breslau, jusqu'au logement de
Son Altesse Impériale.
« Les magistrats municipaux de Schweidnitz
se trouveront en dehors de la porte de Breslau,
pour y recevoir Son Altesse Impériale qui y en-
trera, lorsque les troupes wurtembergeoises auront
formé la haie.
t II sera tiré vingt et un coups de canon des
remparts de la place, au moment où Son Altesse
Impériale y entrera.
« M. le chef de bataillon Laville, nommé com-
mandant de la place / vous remettra cette let-
tre ; l'intention de Son Altesse Impériale est que
vous le fassiez entrer en ville, aussitôt que cela se
pourra, ainsi que l'adjoint commissaire des guerres
nommé par le commissaire ordonnateur en chef
du 9® corps d'armée , pour prendre possession de
tous les magasins et objets qui le concernent , et
les inventorier. Si cette besogne était déjà com-
mencée par vos soins, il la continuera, en se con-
formant aux instructions qu'il a reçues de l'ordon-
nateur en chef.
• L'administrateur général doit aussi vous en-
voyer un de ses délégués, qui est chargé de pren-
dre possession des caisses.
« Vous avez sûrement poiin'u à ce qui con-
cerne le génie et i'arlillerie.
• Son Altesse Impériale me charge de vous
prévenir que demain, à six heures du matin, les
équipages et l'un de ses aides de camp seront
rendus à la porte de Breslau, pour aller au loge-
ment que vous avez fait marquer pour Son Al-
tesse Impériale. »
A cette époque Vandamme reçut de Breslau,
d'une marquise de Mazancourt, née comtesse d'Es-
grigny, une longue lettre dans laquelle la vieille
dame lui recommandait son marî, le suppliant de
lui faire passer un mot à sa résidence d'Alben-
dorff. Nous n'aurions pas mentionné ce fait par-
ticulier fort indifférent à l'histoire, si nous n'avions
trouvé au bas de la lettre même de la marquise
ces mots tracés de la main de Vandamme et des-
tinés à sa femme :
f Vous voyez , ma chère Sophie que je cor-
M responds avec des vieilles marquises , émi-
» grées de France. Celle-ci a soixante ans et
» écrit comme elle parle, bien mais beaucoup. »
En 1793, Vandamme, obéissant aux ordres du
Comité de salut public, faisait fusiller les émi-
grés commodes traîtres, des satellites des tyrans,
des esclaves ; en 1807, il correspondait volontiers
avec eux et plaisantait sur leur titre d'émigrés?
Napoléon, général en chef, Premier Consul , Em-
pereur, avait modifié les choses et changé les
hommes.
— 181 —
La prisé de Schweidnitz jeta le découragement
en Silésie parmi les partisans de la Prusse. On
s'était persuadé que cette place était imprenable
et que tous les efforts du 9® corps viendraient
échouer aux pieds de ces remparts rendus si
dangereux par les défenses souterraines. Les
Prussiens se souvenaient de la belle résistance
de Gribauval, mais ils ne comptaient pas assez
avec les talents de Vandamme. Ce dernier déploya
pour l'attaque de cette magnifique forteresse
toutes les ressources de son esprit audacieux.
Son activité, son courage personnel, le feu sacré
qu'il possédait au plus haut degré et qu'il parvint
à faire passer dans le cœur de ses troupes furent
la cause principale d'un résultat si brillant. L'Em-
pereur, très-satisfait de la prise de cette forte-
resse, en parla au 60® bulletin de la Grande
Armée j mais sans nommer celui auquel on la
devait.
Napoléon avait alors une raison politique
pour agir ainsi. Son intention, en confiant à son
frère le commandement d'un corps d'armée était
de mettre en relief le jeune homme qu'il affec-
tionnait, et de le forcer, en quelque sorte, à pa-
raître avoir conquis un trône qu'il entrevoyait
pour lui dans un avenir prochain, si les choses
tournaient selon ses désirs. Le prince Jérôme
par son ardeur, par son courage et par sa bonne
volonté, se prétait aux desseins de l'Empereur.
U eût donc été intempestif de laisser à un autre
qu'à lui la gloire de conquêtes auxquelles en réa-
lilé il n'avait qu'une part indirecte.
Glogau, Breslau, Schweidnitz avaient été en-
levés beaucoup plus par Vandamme que par le
prince Jérôme , mais on voulait rejeter sur le
jeune général en chef tout l'honneur de ces prises
importantes à tous les points de vue. Napoléon,
intérieurement, n'en avait pas moins la plus
grande estime pour Vandamme et savait bien
lui tenir compte de ses services.
La garnison de Schweidnitz avait à peine dé-
filé devant les troupes françaises qu'un ordre du
major général arrivait au quartier général du
prince Jérôme, lui enjoignant de faire immédia-
tement partir pour Varsovie la moitié de l'infan-
terie, de la cavalerie et de l'artillerie bavaroise,
sous le commandement du général de Deroy. Ce
petit corps, fort de 10,000 hommes des meilleures
troupes, devait être placé sous le prince royal de
Bavière, et entrer dans la composition de l'aile
droite de la grande armée.
L'ordre n'admettait aucun tempérament, il fal-
lut obéir. Le 9® corps se trouva réduit de plus
du tiers de son effectif. Vandamme, qui venait
de recevoir des instructions pour une petite expé-
dition et pour le siège de Neiss, dut se dégarnir
de plusieurs bataillons destinés à relever à Bres-
lau et à Glogau ceux de la division bavaroise.
Les dispositions suivantes furent prises :
Le général de Deroy détacha du siège de Kosel
— 233 —
une brigade sous le général Mezzanelli et la
dirigea sur la Pologne; un régiment bavarois
qui se trouvait au corps d'observation du général
Lefebvre vint former la garnison de Schweidnitz;
le reste du corps de Lefebvre se rendit à Bres-
lau, renforcé de 24,000 Wurtembergeois détachés
de la division sous Vandamme.
De nouvelles instructions du major général
ayant fait modifier dès les jours suivants ces dis-
positions, voici celles qui furent définitivement
adoptées :
La 2' division bavaroise, celle du général de
Wrède, commandée pour quelques jours encore
par le général Minucci, se mit en marche pour
Varsovie. Un régiment de la division de Deroy
fut retenu pour la garnison de Breslau avec le
corps de Lefebvre cantonné sous les murs de
cette place. Une partie des Wurtembergeois
furent renvoyés à Vandamme. Le général de
Deroy resta au siège de Kosel.
Mais la diminution de l'effectif des troupes de-
vant les places assiégées fit craindre qu'elles
ne fussent plus en état de tenir tête au prince
de Pless. Pour combattre les projets que pour-
rait concevoir le général prussien , on imagina
une démonstration capable de contenir l'ennemi
pendant quelque temps , de l'effrayer même, et
ce fut encore Vandamme que l'on chargea de
cette petite expédition. Il reçut l'ordre de partir
le 18 de Schweidnitz avec la division de Secken-
dorfî, de se porter sur Friedland en passant par
Waldemburg, de se diriger ensuite par Neurodc
en faisant mine d'envahir Gialz , de sommer le
gouverneur de se rendre, et s'il refusait (chose
probable), d'opérer de la même manière à Sil-
berberg. Cette seconde tentative étant également
infructueuse, le général devait marcher sur Neiss
par Franckenslein et Munsterberg, se contentant
de bloquer la place jusqu'à l'arrivée de rartillerie
de siège.
Vandamme exécuta ces ordres avec son acti-
vité habituelle. Le 19 il était devant Neurode, le
20 il passait sous le canon de Glatz et de SU-
berberg, sommait inutilement les deux gouver-
neurs et se rendait à Franckenstein. Le 23, il
était devant Neiss qu*il investissait aussitôt.
Neiss est située sur la rive droite de la rivière
du même nom, affluent de gauche de l'Oder, for-
mant avec Glatz et Silberberg le dépôt des forces
prussiennes en Silésie. La majeure partie des
troupes du prince de Pless et presque toute son
artillerie de campagne y étaient renfermées. Elle
contenait des approvisionnements considérables.
En 18Ô7, Neiss était forte et en état de faire une
longue résistance. Sur la rive gauche de la ri-
vière se trouvait une partie nouvellement con-
struite appelée Friedrichstadt et renfermant les
casernes et les établissements militaires. La
place , sur la rive gauche, avait deux enceintes
bastionnées avec tous les ouvrages que comporte
i.
i
de la campagne, plus des défenses accessoires.
On pouvait tendre une inondation tout autour de
Fenceinle continue et même y englober quel(|ues
ouvrages avancés. Sur son développement ré-
gnaient des galeries et des contre-mines.
Vandamme arriva devant le camp retranché
de Friedrichstadl le 23 février, à dix heures du
malin. Un pelit corps ennemi se replia dans la
place à la vue de ses troupes. Les postes exté-
rieurs imitèrent ce pelit corps et laissèrent in-
vestir le camp retranché. Les Wurtembergeois
prirent position à portée do canon de la place.
Le général, sans perdre une minute,*^en lit lui-
même la reconnaissance , puis il disposa ses
troupes de la façon qui lui parut la plus avanta-
geuse. Le pays, sur la rive droite, était tellement
inondé, à cause du dégel, qu'il était impossible
de rien faire de ce côté. Vandammj résolut d'at-
taquer et d'enlever d'abord le camp retranché,
ce qui le rapprochait du corps de place, puis
d'entreprendre ensuite le siège. Il soumit ce
projet au prince Jérôme et lui demanda pour
l exécuter un régiment de plus. Le prince refusa,
craignant qu on ne perdit trop de monde, et en
attendant l'arrivée du parc de siège qui devait
être envoyé de Schweidnitz, le général détermina
un autre point d'attaque.
Dans la nuit du i^' au 2 mars , la tranchée fut
ouverte sur la rive droite tandis que sur la rive
— 836 —
gauche on occupait lattention de Tennemî par
une fusillade prolongée. Le 4 , lout était prêt
pour Tarmement aux batteries, lorsque Van-
damme qui attendait avec impatience ses bouches
à feu, reçut, au lieu de cela, l'ordre d'envoyer de
suite à Glogau un régiment de ligne , trois ba-
taillons légers , de convertir le siège de Neiss en
blocus, de demeurer devant cette place avec le
reste de sa division et de diriger son parc sur
Brieg. On demandait au 9® corps des troupes
pour la grande armée.
Ces ordres exécutés , les Prussiens étonnés
de ne plus voir continuer les travaux du siège,
s'enhardirent le 8 et firent une sortie qui fut vi-
goureusement repoussée.
Vandamme passa quelques jours à Breslau au
quartier général. A son retour, le 13, il apprit
que Tavant-veille un parti de cavalerie prus-
sienne avait enlevé, à Franckenstein, 150 chevaux
destinés à la remonte du 9* corps. Il dirigea aus-
sitôt une reconnaissance de ce côté, mais on ne
put rencontrer Tennemi. Il s'établit au village de
Bielau, et le blocus continua.
Le 16, une sortie de la place fut repoussée
avec avantage par le 1^' régiment des chevau-
légers de Wurtemberg. Le prince Jérôme en fé-
licita Vandamme dans une lettre écrite de Breslau,
en le blâmant dans cette même lettre de s'être
mis en relation avec le gouverneur prussien de la
Silésie pour l'échange des prisonniers. Le jeune
général en chef et recevant d'ailleurs lui-même
quelquefois des lettres de réprimande de TEm-
pereur , parce qu'il outrepassait ses pouvoirs,
Q*avait garde de laisser échapper loccasion de
faire sentir qu'il commandait le 9® corps.
Cependant, vers la fin de mars, les opérations
un instant ralenties reprirent en Silésie une ac-
tivité nouvelle. Le prince d'Anhalt-PIess si mal-
heureux dans ses tentatives, fut remplacé par le
comte de Gœrzten un des aides"de camp du roi
de Prusse, homme de mérite, plein d'énergie, et
qui arriva à Glatz en apportant de Vienne et de
Prague une somme assez considérable fournie
par l'Angleterre. Avec celte ressource, il put im-
primer une nouvelle impulsion à la défense du
pays, précisément au moment où le 9^ corps se
trouvait diminué d'un grand tiers. On ne tarda
pas à être informé que des rassemblements con-
sidérables avaient lieu dans le comté de Glatz.
Le général Lefebvre fut envoyé de Breslaa à
Strellien, avec trois escadrons et deux bouches
à feu, pour renforcer le corps d'observation et en
prendre le commandement à la place de Mont-
brun, appelé à la grande armée. On commençait à
craindre pour la faible division devant Neiss, aux
ordres de Vandamme.
Ce dernier reçut aussi l'un des deux batail-
lons légers qu'il avait détachés à Glogau , et un
renfort de mille recrues de Wurtemberg. On lui
— 238 —
demanda si, avec cette augmentation, il pouvait
reprendre les opérations du siège de Neiss, que
l'Empereur désirait voir tomber entre ses mains.
Vandamme à la nature du(iucl un blocus était
antipathique, qui ne doutait jamais de rien, ré-
pondit que si on pouvait, avec un corps d'ob-
servation, maintenir Glatz et Silbeiberg, il se
chargeait de prendre la place de Neiss. Il n'avait
alors avec lui que six bataillons en position sur
la rive droite de la rivière.
Dans les i)remiers jours d'avril, le siège fut
repris ; le général Lefebvre eut ordre de quitter
sa position pour escorter le parc envoyé de
Schwei(hiitz. Le comte de Gœrzten, informé de
cette circonstance et étant parvenu à réunir 18
à 20,000 hommes autour de Glatz et dans Neiss,
résolut d'inaugurer son conunandement par un
coup vigoureux, en interceptant les convois d'ar-
tillerie.
On connaissait au quartier général du 9** corps
les projets du nouveau gouverneur prussien, et
on agit en conséquence. Tandis que, le 8 avril,
Vandamme faisait recommencer les travaux de-
vant Neiss, le corps d'observation de Lefebvre
était renforcé de deux bataillons à Franckensteiu,
et le général en chef lui-même, avec un régimeut
d'infanterie et un de cavalerie bavaroise, se tenait
prêt à se porter sur Munsterberg au premier avis
de la marche offensive d'un corps ennemi. En
effet, plusieurs combats eurent lieu de ce côté
— 189 —
Is sont décrits tout au long dans le livre VIP de
ouvrage intitulé : Opérations du 9^ corps d'ar-.
née. Nous nous bornerons à parler de celles de
es opérations dans lesquelles Vandamme a joué
m rôle.
Le 10 avril, le parc de siège partit de Schweid-
litz sous la protection de la brigade Lefebvre. Il
îtait composé de 20 pièces et de 25 mortiers. Ar-
rivé le 13 sous les murs de la place, ce matériel
ut mené aux batteries dans la nuit du 14 au 15.
Six batteries furent armées. Le 16, à 9 heures du
matin, tout était prêt. Vandamme fit commencer
le feu qui dura deux heures le matin et deux heures
le soir. Une bombe fit sauter un magasin à poudre
dans la place et y occasionna un incendie considé-
rable, qui ne fut éteint que le 18 dans la ma-
tinée. L'ennemi cependant continua sa défense
avec énergie. Les 21, 22, 23 avril, malgré les en-
traves mises à Tatlaque par une fonte de neige et
par une inondation, le feu continua, et deux autres
magasins à poudre sautèrent également. Un se-
cond convoi de 5 pièces de douze et d'un mortier
arriva au corps du siège.
Le 20 avril , le prince Jérôme s'était rendu de-
vant Neiss et avait fait sommer le général Stensel»
son gouverneur ; sur son refus , il était reparti
pour Breslau laissant à Vandamme le soin de con-
tinuer les opérations. Il avait amené avec lui quel-
ques renforts qui permirent d'établir des postes
sur la basse Neiss et de priver complètement la
— 240 —
ville do communication avec rextérieur , ce que
Ton n'avait pu faire encore. Le 22, l'ennemi fil
une sortie sur deux points différents, et fut repous-
sé avec perle. Le 23, on établit de nouvelles batte-
ries d'obusicrs. Le siège continua ainsi jusqu'au
29 mai. Le canon des assiégés commença à di-
minuer. Le gouverneur redoutait une attaque de
vive force, la garnison souffrait, la ville était aux
deux tiers détruite et aux abois. Toutes les ten-
tatives du comte de Gœrtzen et des troupes de
Glatz et de Silberberg avaient échoué devant le
corps d'observation du général Lefebvre, on pou-
vait donc prévoir le moment où Neiss se rendrait.
Les choses en étaient à ce point, lorsque ce même
jour, 29 mai, une bombe tombant sur un magasin
à poudre considérable détermina une explosion
terrible qui causa beaucoup de mal aux défen-
seurs. Cette circonstance fut, à l'instant même,
mise à profit par Vandamme qui envoya une nou-
velle sommation. Le gouverneur répondit en de-
mandant une entrevue pour le lendemain 30 mai,
jour où il signa au village de Heidersdorff avec
Vandamme une capitulation où il fut stipulé que
Neiss se rendrait le 16 juin, si d'ici là elle n'était
secourue.
Ainsi fut terminé un des plus rudes sièges de
la campagne de 1807. Pendant sept semaines, le
général Slensel eut la gloire de lésister à un bom-
bardement effroyable ; il comptait sur Monsieu de
Gœrtzen, mais toutes les tentatives de ce dernier
i
ivaient échoué devant la vigilance et la vigueur
lu général Lefebvre. Cette fois, du moins, le
)rincé Jérôme se montra juste envers Vandamme.
En faisant connaître la capitulation à l'Empereur,
1 lui écrivit : « Je saisis cette occasion pour rendre
îompte à Votre Majesté qu'il est impossible de
nettre plus de zèle, d'ardeur et de dévouement
lans le service que n'en met le général Vandamme.
fe suis extrêmement satisfait de cet officier gè-
lerai.»
La place ne fut pas secourue, et le 16 juin, la
çarnison, forte de 5,500 hommes, défila devant le
Drince Jérôme. On y trouva peu de magasins, mais
me nombreuse artillerie (328 bouches à feu), et
plus de 300 milliers de poudre.
Il ne restait plus au roi de Prusse, dans la Si-
iésie prussienne, que Silberberg et Glatz, deux
petites places sous le canon desquelles on avait
construit, à la hâte mais avec beaucoup d'art, un
samp retranché défendu par une douzaine de mille
hommes. Dès que Neiss eut ouvert ses portes, le
prince Jérôme résolut de se rendre maître de ce
camp dont la possession devait faire tomber en
son pouvoir les deux villes voisines.
Le 17 juin, Vandamme qui avait sous ses ordres
cinq mille hommes aguerris , reçut une lettre
lui prescrivant de faire ses dispositions pour que
son corps, renforcé de Saxons et de trois régiments
de cavalerie, fut réuni le 18 près de Wartha, sur
la rive droite de la Neiss, et en mesure de débou-
n. 16
— Mi —
cher le 19 par Giersdorf, Le 19 juin, tout fut pr*
pour Tattaque de nuit qui devait avoir lieu sur le
camp retranché de Glatz, mais un violent orage
fit remettre l'opération. Le 21, Vandamme fraa-
chit la Neiss à Giersdorf, se lia à la division de
Deroy, et Glatz fut complètement investie. Le comte
de Gœrtzen, coupé de Silberberg, effrayé de sa
position, essaya d'entrer en pourparlers, mais ses
propositions n'étaient pas acceptables. Vandammfi
apprit alors par des déserteurs que les Prussiens
avaient fait la faute de négliger un point important
entre les deux ouvrages du camp les plus rappro-
chés de la Neiss, de telle sorte que la cavalerii
même pouvait s'introduire par cette ouverture. I
alla reconnaître ce point. Le 22, à onze heures à\
matin , une nouvelle reconnaissance du camp fu
faite par le prince Jérôme et par Vandamme, e
les ordres pour l'attaque dans la nuit sui
vante furent envoyés. Vandamme fut chargé de
opérations à ckoite, Lefebvre des opérations
gauche. A minuit, au signal d'une fusée partie d
la division wurtembergeoise, l'attaque eut lieu si
lencieusement à l'arme blanche sans qu'on tir
un coup de fusil. Le régiment des chevau-légei
de Wurtemberg et trois escadrons français récei
ment arrivés au 9® corps, dirigés par le commai
dant Vincent, aide de camp de Vandamme , q
s'était approché de très-près du point négligé p
l'ennemi, se glissèrent dans l'intervalle désigné
pénétrèrent dans le camp, tandis que l'infantei
- 243 -^
es deux généraux chargés des attaques de front
ulbutait à la baïonnette et massacrait les défen-
eurs.
Les trois escadrons français formant tète de co-
anne se précipitèrent dans la trouée, pénétrèrent
;ans rencontrer d'obstacles jusqu'à l'ouvrage prin-
cipal servant de réduit et se trouvèrent en pré-
lence d'un bataillon de grenadiers prussiens fort
le 1,200 hommes. Après deux charges succes-
ûves, les chasseurs français parvinrent à enfon-
îer le bataillon formé en carré et à le sabrer. Ses
iéfenseurs furent passés au fil del'épée. En moins
l'une heure, malgré les projectiles lancés par la
forteresse de Glatz , malgré la belle défense de
l'infanterie prussienne , le camp était en notre
pouvoir et le combat terminé.
Comme le camp se trouvait sous le feu de Glatz,
Tordre avait été donné aux généraux Vandamme
elLefebvre de se replier avant le jour. Le pre-
mier repassa la Neiss et ramena ses troupes sur
la rive gauche, dans ses positions de la veille. On
allait ouvrir la tranchée pour réduire l'une des
deux dernières forteresses de la Silésie, lorsque
le comte de Gœrtzen fit demander au prince une
entrevue qui eut lieu et dans laquelle la capitula-
tion fut signée à Wartha, le 25 juin. Il fut stipulé
que Glatz se rendrait le 26 juillet si elle n'était se-
courue avant cette époque. Le traité de Tilsitt mit
fin aux hostihtés.
Pendant cette pénible campagne, Vandamme
— 244 —
avait rendu de grands services ; nous avons dit
pourquoi il ne reçut pas toujours les félicitations
qu'il était en droit d'attendre ; nous avons fait con-
naître, par suite, de quelle circonstance on crut
un instant qu'il s'était attribué des objets dérobés
à l'ennemi. L'Empereur lui sut un gré infini de sa
belle et vigoureuse conduite militaire. On recon-
nut que sa conduite privée avait été calomniée
indignement. Le roi de Wurtemberg lui écrivit
plusieurs lettres flatteuses et lui accorda la grand'
croix de son ordre. Le roi Louis, de Hollande, le
nomma chevalier grand'croix du sien.
Nous terminons le récit de cette campagne par
quelques lettres curieuses adressées au général.
LE ROI DE WURTEMBERG A VANDAMME.
« Stuttgardt, 21 février 1807.
« Monsieur le général de division Vandamme.
Mon lieutenant général baron de Seckendorff , en
m'annonçant la reddition de la place de Schweid-
nitz , m'a fait part en même temps des soins que
vous avez pris de mon corps d'armée qui se trouve
en ce moment sous vos ordres et de la manière
dont vous avez amené les succès heureux dont il
jouit... Je m'empresse de vous témoigner ma
reconnaisance, et saisirai avec plaisir les occasions
de vous la prouver. Sur ce, je prie Dieu qu'il vous
prenne, monsieur le général de division Van-
damme, en sa sainte garde.»
I.R GRAND CHANCELIER DE L*ORDRE ROYAL
DE HOLLANDE A VANDAMME.
< La Haye, 20 mars 1807.
■ Monsieur, le roi, séant en chapitre, vient de
vous nommer chevalier grand'croix de Tordre
royal de Hollande.
■ Il m'est singulièrement agréable de faire part
à Votre Excellence de cette marque éclatante de la
bienveillance de Sa Majesté et de l'estime que vous
lui avez inspirée. »
LE PRINCE JEROME A VANDAMME.
< Breslau, S9 mars 1807.
« Monsieur le général. Je reçois vos deux lettres
du 28. Vous vous mettez en tète des choses qui
n'existent point. Personne ne peut vous desservir
auprès de moi, parce qu'un officier général qui sert
avec le zèle, les talents et l'activité qui vous distin-
guent ne peut avoir aucune inquiétude à cet
égard.
« Je ne puis que désapprouver qu après avoir
lu les ordres du jour que j'ai donnés à mon corps
d'armée, un officier général autorise une mesure
qui est expressément défendue. C'est par l'admi-
nistration que me viennent les plaintes à ce sujet,
et nullement d'autre part. Le capitaine Hammerei
devait être mis à l'ordre du jour, comme ayani
- 246 —
contrevenu à mes ordres, mais d'après le bien que
vous m'en dites, j'ai supprimé cet ordre du jour.
« Le lioutenant général De Wrùdc, qui a passé
ici avant-hier, m'a demandé tous les officiers de
sa division, et même le commandant de mon
quartier général est parti avec lui. Vous verrez
par là, monsieur le général, que le départ du
capitaine Hammerer n'est qu'une suite naturelle
de la permission que j'ai accordée au général de
Wrède de faire rejoindre tous les officiers de sa
division. Mais cet officier m'ayant dit que, comme
dernier capitaine, il serait obligé d'aller au dépôt
à Cronach, je vous le renvoie en vous engageant
à écrire au général de Wrède pour le prévenir de
ce changement.
f J'ai demandé à Sa Majesté de l'avancement
pour vos aides de camp. Je n'ignore point la
manière dont ils servent, et je conçois que vous
n'ayez point assez d'officiers auprès de vous. Je
vous ai envoyé un officier du génie.
«r Agréez, monsieur le général, l'assurance de
mes sentiments. »
HKDOTIVILLK A VANDAMME.
• Dreslau, 30 mars 1807.
« Le capitaine de Hammerer m'a remis, mou
cher général, votre lettre du 28 relative à l'ordre
que je vous ai transmis de l'envoyer ici ; deux
raisons ont motivé cet ordre, la première: la
I
\
i
— Ml —
anaiide que le géoéral de Wrède a faite que cet
tBcier rejoignit son corps ; et la deuxième : plu-
leurs réquisitions contraires aux ordres du jour,
a'ila signées et pour lesquelles Son Altesse Impé-
iile m'avait ordonné de le Caire traduire à une com-
lissionmiiitaire. Je ne connaissais pas encore les
lotifis de ce dernier ordre, toutes les réquisitions
légales parvenant directement par Tadministra-
on à Son Altesse Impériale.
« D n*y a donc dans cette affaire rien qui vous
oit (personnel, à moins que le capitaine Hanime-
ern*ait agi diaprés vos ordres, et alors Son Altesse
mpériale en serait d'autant plus peinée qu'elle a
évèrement réprimandé les autres généraux de
ivision qui s'étaient permis de faire des réqui-
itions illégales, et qui ne manqueraient pas de
'autoriser de votre exemple pour les continuer,
e qui nuirait à la rentrée des contributions et des
bjets requis par ordre de l'Empereur.
€ Comment pouvez-vous imaginer qu'on prend
tâche d'éloigner de vous les personnes que vous
[ffectionnez et qui vous sont utiles ? Son Altesse
mpériale, persuadée que vous n*avez pas assez
fofficiers avec vous, n'a rien négligé pour que
^ons conserviez Fadjudant commandant Duveyrier
A le général commandant le 6^ corps d'armée a
sûrement seul contribué aux ordres réitérés que
TOUS avez reçus à cet égard. Vous savez bien, au
surplus, que Son Altesse Impériale n'est suscep-
tible d^ancone impression étrangère, et j^ose vous
— 848 —
assurer que qui voudrait tenter de vous faire per-
dre dans son esprit l'opinion avantageuse qu elle
a de vos services, n'obtiendrait que son mépris.
« Son Altesse Impériale sait aussi combien
vous avez à cœur le bien-être des troupes sous vos
ordres ; mais nul ne peut, même avec ce but,
s'écarter des ordres généraux sans y avoir été
autorisé.
« Vous ne pouvez donc attribuer ce qui s'est
passé dans cette affaire qu'aux réquisitions illé-
gales du capitaine de Hammerer (1).
« C'est en m'expliquant avec cette franchise que
je crois, mon cher général, vous donner une preuve
de mon sincère attachement et de ma parfaite
considération.»
LE GÉNÉRAL DE STEEiNSEN, GOUVERNEUR DE NEISS,
A VANDAMME.
r 2 mai 1807.
« Votre Excellence a bien voulu me témoigner
dans la lettre dont elle m'honore tant de bontés, d'af-
fection et de bienveillance autant pour moi que pour
le corps entier des officiers de la garnison de Neiss
que pour les pauvres habitants de cette malheu-
reuse ville, que tous tant que nous sommes, cjia-
cun en son particulier que par les voix unanimes,
(1) C'était bien, en effet, le capitaine de Hammerer qw
avait fait les réquisitions et sans ordre. Vandamme rignorait
— 849 —
nous nous sentons pénétrés jusqu*au fond de nos
cœurs de la plus vive reconnaissance, précédée de
Tadmiration la plus complète pour la générosité
ie cette grande âme qui a dicté cette adorable
lettre et pour les éclatantes vertus militaires de
^otre Excellence : ce sont les justes sentiments
le la mienne, qui regrette ne pouvoir mieux s'ex-
primer, mais qui, au défaut des expressions, se
loit contenter d^apprécier dans le silence une si
nsigne faveur de Votre Excellence.
« L*âge de 74 ans vient de me procurer le plus
)eau jour de ma vie dont le précieux souvenir ne
^effacera qu^avec ma mort. Que mon bonheur
serait suprême si la destinée réalise des vœux que
mon cœur lui adressera jusqu a jamais pour la
gloire et pour le bonheur de Votre Excellence ! Je
lois encore réclamer son indulgence pour le
nanque de mes expressions : quand on sent trop
es mots ne se trouvent point ; mais jamais les
sentiments d*admiration et de la plus haute estime
le manqueront à celui qui a l'honneur de saluer
Votre Excellence avec la plus parfaite considé-
ration.»
LE PRINCE JÉRÔME A VANDAMME.
c Franckenstein, 16 mai 1807.
« Monsieur le général. Sitôt que vous recevrez
tûa lettre, envoyez-moi tout le régiment des chas-
seurs à cheval de Wurtemberg. 11 faut que je leur
fasse donner quelques coups de sabre. Je vous
les renverrai le quatrième jour.
« Le général Hédouville, que j'ai envoyé à War-
tha ce matin à trois heures et qui était escorté par
vingt-cinq chevau-légers du roi, a été rencontré
à Riegersdorf par un escadron de hussards prus-
siens sortis de Glatz. Les chevau-légers les ont
chargés et, malgré qu'ils eussent affaire à un
ennemi quatre fois plus fort, ils l'ont ramené jus-
que sous les murs de la forteresse.
« Le capitaine prussien a été tué, mais rofficier
bavarois, qui commandait le piquet, a reçu deux
balles, et un chevau-léger a été tué. Le général
Hédouville a oublié qu'il était général de division,
et a fait le sous-lieutenant.
« Ce matin, à trois heures, ayant entendu une
forte fusillade du côté où j'ai dirigé la colonne
partie hier soir sous les ordres du lieutenant-colo-
nel Ducoudras, mon aide de camp, j'y ai envoyé
trois cents chasseurs de Scharffenstein et soixante
dragons de Minucci.
« J'attends les nouvelles.
a Agréez, monsieur le général, l'assurance de
mes sentiments.»
LE ROI DE WURTEMBERG A VANDAMME.
c Louisbourg, 20 mai ISO"?.
« Monsieur le général de division Vandamme.
T>«s heureux succès qu'ont eus mes troupes
- 251 -
nfiées à votre commandement par la prise de
ûss, ainsi que les soins que vous leur avez
nné dans différentes autres occasions, sont un
)lif pour moi de vous conférer, ci -jointe comme
e preuve de ma satisfaction, la grand 'croix de
m ordre du Mérite militaire. Recevez cette
irque de mon estime et de ma bienveillance. Sur
je prie Dieu qu'il vousprenne, monsieur le gé-
rai de division Vandamme, en sa sainte garde. »
Voici maintenant quelques lettres du marquis
Bombelles, alors curé d'Oppersdorf, plus tard
êque d'Amiens et aumônier de la duchesse de
trry, émigré en Silésie, et qui, s'étant trouvé en
ation avec Vandamme, avait conçu la plus vive
ection pour le général. Elles sont adressées à
n des aides de camp de ce dernier.
« Oppersdorf, le 22 avril 1807.
« Monsieur le baron, une sœur du chevalier
Boufflers, faisant la malade, se plaignant de
poitrine, demanda à son frère un couplet im-
omptu; la verve du chevalier n'était aimable que
and les femmes étaient jolies, et sa sœur n'était
johe, ni aimable ; il lui chanta donc ceci :
Du poumon vous ne souffrez pas,
Ali moins je le présume,
Mais vous vous croyez mille appas,
C'est ce qui vous enrhume.
n'est pas manque de grâces dans ses procédés,
e le général est enrhumé
En TaÎA sa lêle oa sa poitrine
Lui font-elles quelque douleur.
Sens cesse il ordonne et derine
Ce qui pUit le plus à mon cœur.
« M. le comte de Larisch ne me parlant plus de
rindisposition de Son Excellence (en me faisant
passer une nouvelle preuve de sa bonté pour moi)
j'espère qu'elle est entièrement rétablie ; ce malin
j*ai prêché sur la nécessité de faire pénitence un
jour de betbûnd buss tag^ ce ne serait pas être
conséquent que de me donner, le même jour, le
plaisir d*aller à Bielau, mais dimanche prochain,
après l'office, je serai libre, et je désire profiler
de cette liberté pour aller rendre mes devoirs à
votre très-aimable général. Ayez la bonté do me
faire savoir si ce jour-là, il sera à Bielau, sans
grande visite, c'est lui seul et son entour que je
veux voir ; il fallait tous ses procédés pour me
tirer de mon humble presbytère, et je ne désire en
sortir de nouveau que pour aller lui parler à lui,
à lui seul, de ma reconnaissance ; il comprendra
fort bien tout ceci, si vous voulez bien le lui donner
à lire. »
< Oppersdorf, le 5 mai 1807.
a Monsieur le baron , arrivant à mon village de
Rillerswald, dans le brillant équipage de votre
aimable chef, j'ai été entouré des bénédictions que
nous lui donnons et des prières que l'on voudrait
que je vous adressasse, les deux en langue alle-
mande peuvent souffrir des difficultés, et si vous
— 253^
voyez le moindre inconvénient à les accorder, je
ne verrai que de la justice dans des refus que les
circonstances peuvent rendre nécessaires , il n'en
n'est pas de même de la supplique qui vous sera
remise par une pauvre créature qui me paraît pé-
nétrée de sa tendresse filiale.
Gentille fille de vingt ans»
Enfant d'un père octogénaire,
En vous portant mes compliments.
Vous adressera la prière
De rendre Tauteur de ses jours
Aux vœux d'un malheureux ménage.
Accablé sous le poids de TAge,
Ce vieillard n'est d'aucun secoui*s ;
Le général, bon fils, bon père,
Accueillera de tels soupirs,
Je sais et suis loin de le taire,
Qu'au premier rang do ses plaisirs
Est celui du bien qu'il peut faire.
« Vous m'avez prouvé aussi, monsieur le baron,
avec quelle satisfaction vous étiez l'organe de la
bienfaisance de Son Excellence, agréez donc l'as-
surance de ma reconnaissance et de la consi-
dération distinguée avec laquelle j'ai l'honneur
d'être,
a Monsieur le baron,
a Votre humble et très-obéissant semleur,
a L.-M. De Bombelles. »
Cette lettre est annotée par Vandamme.
Première annotation : je l'ai renvoyé chez lui
(le marquis de Bombelles), avec ma calèche à six
chevaux.
— »4-
Seconde annotation : Ce vieillard (celui dont
parlent les vers du marquis) était employé aux
travaux. Je l'ai renvoyé,
« Oppcrsdorf, lo 1*^ juillet 1807.
Humain en guerre, aimable en paix.
Dans tous les moments de la vie,
Avoir la noble et douce envie
De se signaler en bienfaits.
Joindre le bonheur au courage
Kt les talents à la vigueur,
Voici ce que dicte l'hommage
Que Ton rend même à son vainqueur.
a Voici cç que ma fait voir, cher comte, votre
général dans tous ses procédés envers moi et mes
villageois ; il met lo comble à son honnêteté eu me
procurant, par vous, et si promptement, la nou-
velle de la paix. Si mon zèle pour des devoirs dont
l'accomplissement m'ont valu son estime ne me
retenait ici, j'irais ce soir encore le remercier de
celte nouvelle attention, soyez l'interprète de ma
reconnaissance et informez-moi de sa marche en
l'assurant que je désire vivement lui aller rendre
tout ce que je lui dois avant que ses grandes desti-
nées ne l'éloignent tout à fait du presbytère du
curé d'Oppersdorf. Lui et Victor vous embras-
sent mille fois. »
LE MARQUIS DE BOMBELLES A VANDAMME.
« Oppersdorf, le 10 août 1807.
a Mon général, la comtesse de Burghausen, qui
-* »5 —
*e d'être rappelée au souvenir de Votre Excel-
3, lacomlessede Burghausen qui n'oubliera ja-
j combien vous avez été aimable pour elle,s'é-
îhargée d'une lettre que j'eus l'honneur de vous
•e à Breslau, Dès que je connus votre départ
' Brunswick, je vous y adressai mes hom-
es par M. le général Raynwald, qui me pro-
qu'il vous les ferait parvenir. Le lieutenant-
nel Marion vient de me dire qu'au lieu de
idre possession de ce pays-là, vous étiez allé
5 remettre en possession d'une femme char-
te, et dont tout ce que j'ai entendu m'a charmé
' vous. Ce n'est point séparer ce que Dieu a
que de demander que cette pauvre petite lettre
ne une petite place entre vous deux; il m'a
[, et je m'y suis résigné de tout mon cœur,
ma reconnaissance allât vous chercher au mi-
du vacarme d'un siège ; il est plus simple, il
plus doux qu'elle aille vous trouver aux pieds
16 compagne chérie et digne de l'être. Votre
ellence ne se choquera pas de ce que je vous
rcmple dans cette posture ; elle valut, dit-on,
; d'une victoire, et qui mieux que vous sait
Ire tout à profit pour triompher de tout! »
DU MÊME AU MÊME.
« Friediand, 19 octobre 1801.
C'est d'un salon, où, malgré que la guerre
Est un fléau, le plus grand sur la terre !
— Î56 —
On eût voula souvent vous posséder,
Peut-être même à la fin vous garder.
Que j'adresse à Votre Excellence
L*hommage vrai de ma reconnaissance.
4c Monsieur le général, votre lettre qui, heureu-
sement, ne vient pas de l'empire des morts, où
Ton vous disait descendu, a fait un grand plaisir
à Oppersdorf, et celle que j*ai fait soigneusement
parvenir ici, n'y a pas causé moins de joie. Je crois
que vous en jugerez, général, par la réponse que
je suis chargé de joindre à ma lettre.
Billet charmant de femme aimable et belle
Fera pâlir et ma prose et mes vers.
Mais en songeant que dans tout Tunivers
Mon amitié vous est la plus fidèle.
Vous me lirez, vous serez indulgent.
Et le tout, en vous souvenant.
Que je touche de près à l'âge
^ Où Tesprit tombe en radotage.
« Toutefois, avant de radoter ou rabâcher, et
j*éprouve qu*en rabâchant sans cesse sur tout c^
que Votre Excellence a fait pour moi durant son
séjour à Bielau je n'ai encore ennuyé personne ,
le petit vieillard éleclrisé par le plus touchant
comme le plus rare des sentiments, celui de la
reconnaissance, l'exprime avec tant de chaleur
qu'il ne laisse personne à froid autour de lui :
« Je me croirais bai d'être aimé faiblement »,a
dit un de nos auteurs, soyez sûr que vous ne vous
croirezjamais haï par moi, car je ne me rappellerai
jamais faiblement les procédés qui ont violé mon
cœur, et vous l'ont fait avoir. Ce cœur s'intéresse
— 257 —
surtout au repos dont vous jouissez; il s'intéresse
vivement à votre enfant, et présente ses tendres
respects à sa mère. »
Le 13 juillet 1807, Vandamme reçut du prince
Jérôme la nouvelle de la signature de la paix et
l'ordre de partir pour Breslau, afin de se rendre
de là à Dresde où il devait trouver des instructions.
11 remit le commandement de ses troupes au gé-
néral de Camrer et quitta l'armée. Il fut autorisé
par le m^yor général à se rendre chez lui, à Cassel,
où il reçut, à la fin de novembre, des lettres de
service pour prendre une seconde fois le com-
mandement de la 16* division militaire, à Lille.
C'était ce que Ton pouvait faire de plus agréable
pour lui.
11 exerça ce commandement territorial jusqu'au
moment où la campagne de 1809, contre TAu-
triche, fut résolue.
Le 19 mars 1808, il fut nommé comte de l'em-
pire. Une lettre de l'archi-chancelier Cambacérès,
en date du 22 du même mois, lui fit connaître
cette nouvelle faveur de Napoléon.
A cette occasion, les rois de Hollande, deWest-
phalie, de Wurtemberg, lui écrivirent des lettres
de félicitation.
Au mois d'août 1808, il reçut Tordre du ministre
de la guerre de joindre à son commandement ter-
litorial de la 16® division militaire, celui du camp
de Boulogne.
Quelques mois auparavant, le général avait eu
II. 17
la douleur de perdre son beau-frère. Un mot en
terminant ce livre sur la famille du général.
Vandamme avait épousé, le 20 thermidor an vni
(4 août 1800)t mademoiselle Sophie-Marie Kinis
fille d*un propriétaire de Gand. Le général aN^it
une sœur qui, deux ans auparavant, le il pluviôse
an VI (9 février 1798), s était mariée à M. Charles-
Lfiuis-AIexandre Deswarte, fils d'un avocat au
imrlement de Flandre.
Le 12 pluviôse an x (le !•' février 1803), le gé-
néral prit pour aide de camp, auprès de sa per-
sonne, son propre beau-frère, alors âgé de 29 ans,
qui, avec lui au camp de Boulogne, fit la cam-
pagne d'Ulm et d'Austerlilz en 1805, et mourut eu
1807 des suites d'une opération chirurgicale.
Vandammc eut deux enfants de son mariage : un
lils, Diomèdc, mort en 1836, à Gand (15 juin), et
iitic fill(3, née à Lille, pendant qu'il commandait
la IG'' division militaire. Celte fille est morte
en bas âge. Elle avait été tenue sur les fonds
baptismaux par l'empereur et par l'impératrice.
Mademoiselle Vandamme eut de son mari
iJcswartc un fils, qui vit à Cassel, auquel soûl
revenus les papiers du général et r^ont le lils,
oflicicr dans Tarmée française, a été autorise à
prendre le nom de Vandamme.
^259-
LIVRE X
De mars 1800 à août 1811
Vaudamine est nommé commandaul eu chef du contingent
wurtcinbcrgcois, formant le 8» coi-ps de la grande armée
(mai*s 1809). — Il se rend à Stutlgard. — Composition du
coips de Wurtemberg. — Position des armées françaises
et aulrifhieuuos à l'ouvcrlure de la campagne de 1809, en
Allemagne. — Marche du 8« corps sur Donawerth (avril) i
— Proclamation de TEmpcreur (17 avril). — Ordre de Van-
damme (18 avril). — Affaires des 19 et 20 à Abensberg.—
Combat et bataille d'Eckmuhl (21 et 22 avril). — Rôle de
Vandamme et de ses troupes. — Le général est blessé; —
Nouvelle organisation donnée par Vandamme au 8* corps.
— Mécontentement du roi do Wurtemberg. — Marche sur
Hraunau, sur Allheim, sur Lintz. — Vandamme chargé de
la défense du pont do Lintz. — Arrivée du duc d'Auers-
tacdt à Lintz (6 mai). — Lettres de Davout. — Arrivée
du prince do Ponte-Corvo. — Correspondance entre Herna-
dotlc, Bcrthier et Vandamme. — Ce dernier a ordre de
balayer les rives du Danube vers Sleyer. — Attaque du
pont de Lintz (17 mai). — Vigoureuse conduite de Van-
damme. — H repousse les Autrichiens. — Rapport de Ber-
nadotte à l'Empereur. — Vandamme s'établit à Eus (^mai).
— Regrets de Rcrnadolte de voir Vandamme le quitter. —
Conduite rcpréhensible des Wurtembergeois dans les pays
occupes. — Mauièro d'agir de Vandamme à leur égard. *—
Le 8*^ corps chargé de couvrir Vienne , de fortifier et
de défendre Tabbaye de Molke. — Lettre de l'Empereur
( 10 juin). — Affaire du 31 mai. — Expédition du 24 juin
en avant de l'Abbaye. — Le soir de la bataille de Wagram
y 6 juillet) , Vandamme reçoit Tordre de couvrir le pont
d'Ébersdorf. — 11 est dirigé , avec son corps d*année, sur
— Î60 —
Gratz, pour exiger de Giulay Texécution de la convention
de Znaim (i3 juillet). — Plaintes contre les Wurtemher-
geois. — Affaire des généraux Hugel et de Woollwarth.—
Lettres de Vandamme. — Il quitte le commandement da
8« corps, a Lintz, le 19 novembre. — Il obtient un congé
de deux' mois. — Reçoit Tordre, le 9 février 1810, d'aller
prendre le commandement du camp de Boulogne. — Affaires
Lamervillc et Sarrazin (mars et juin 181 0).
L'Empereur avait été fort satisfait de la façon
brillante, intelligente et ferme avec laquelle Van-
damme avait conduit les troupes wurtember-
geoises pendant la campagne de Prusse et de
Pologne. Le fait est que le général avait obtenu
avec cette division, composée d'éléments encore
assez médiocres, de bons services. Nul autre que
lui n'aurait pu sans doute en tirer un tel parti.
Aussi, l'Empereur, qui savait utiliser les hommes
en raison de leurs talents, de leur spécialité, vou-
lut-il que Vandamme eut encore le commandement
en chef des W^urtembergeois pendant la campagne
qui allait s'ouvrir contre l'Autriche sur les bords
du Danube.
Le 13 mars, le ministre de la guerre, Glarke,
comte d'Hunebourg, prévint Vandamme qu'il eût
à laisser le camp de Boulogne au général Ram-
pon et à partir lui-même, de façon à se trouver
le 20 à Stuttgard, pour se mettre à la tète du con-
tingent de W^urtemberg (1).
(1) Par une autre Ietti*o, le ministre de la guerre prévenait
Vandamme que M. de Chautelou, ancien colonel du régiment
do Condé, que le général lui avait fortement recommandé.
— 261 —
Le 20 mars, Vandamme, qui avait obtenu quel-
ques jours de sursis , reçut du major général le
nouvel ordre ci-dessous :
c L'Empereur ordonne , Monsieur le général
Vandamme, que vous partiez en poste, de manière
à être rendu le 27 de ce mois à Stuttgard, et de là
à Heidenheim pour prendre le commandement du
contingent de troupes de S. M. le roi de Wurtem-
berg qui se compose d'une division forte d'environ
douze mille hommes qui a eu l'ordre d'être réunie
au 20 mars à Heidenhein , Aalen et Elwangen.
Le ministre de France à Stuttgard vous fera con-
naître les détails de la composition de cette di-
vision, il a été chargé d'informer le roi de Wur-
temberg de votre destination , afin qu'à votre
arrivée ces troupes soient mises sous votre com-
mandement. Adressez-m'en la situation exacte et
détaillée le plus tôt possible. •
Vandamme n'arriva à Stuttgard que le 31 mars
1809, un accident survenu à sa voiture l'ayant re-
lardé de quelques heures. Il avait expédié avant
lui son aide de camp, le chef d'escadron Vincent,
au roi de Wurtemberg, et n'avait pas tardé à ap-
prendre que ce prince s'était absenté pour aller
passer la revue de ses troupes. Cette circonstance
9yattt émigré, en mai 1792, après avoir abandonné son em-
ploi, ne pouvait prétendre à rien pour ses services militaires,
mais que pour reconnaître Tintérôt que lui, Vandamme, por-
tait à cet ancien officier, il avait fait payer, à titre de secours,
une somme de deux cents francs à M. de Chantelou.
Tavàit enfrapr^i à no pas accélérer sa marche. En
arrivant, le général s'était rendu chez le ministre
(le Franco i)our y recueillir tous les renseigne-
ments pouvant l'intéresser. Il avait alors acquis
la certitude que le roi de Wurtemberg, maigre
toutes les lettres flatteuses qu'il lui avait adressées
pendant et après la campagne de Silésîe, était
fort contrarié de le voir de nouveau à la tête de
ses troupes; mais qu'il s'était résigné et paraissait
disposé à concourir de son mieux à l'exécution
dos vues de l'Empereur.
Il apprit aussi que, sous prétexte de la semaine
sainte, le Roi ne voulait lui donner le commande-
ment de ses troupes que le lundi suivant. De fait,
ce prince cherchait à gagner quelques jours pour
avoir le temps de recevoir la réponse de l'Empe-
reur à ses observations concernant Vandamme.
Le général, présenté au Roi le 1^"^ avril 1809,
rendit compte au major général de son entrevue,
par la lettre suivante du même jour :
« Ce matin , le ministre des relations exté-
rieures est venu me chercher et m'a présenté au
roi de Wurtemberg. Sa Majesté m'a fait l'accueil
le plus gracieux et m'a témoigné combien elle dé-
sirait que ses troupes servissent utilement l'em-
pereur Napoléon. Le commandement m'a été remis
sans la moindre difficulté, et sous tous les rap-
ports, je n'ai qu'à me vivement féliciter des atten-
tions bienveillantes que Sa Majesté a eues pour
moi. La seule contrariété que mon arrivée paraît
- Î63-
ui avoir fait éprouver était que je prisse le com-
nandement de troupes confiées à un feld-meister
iont le grade est supérieur au mien. J'ai cru de-
voir m'abstenir de toute observation à cet égard.
Au surplus, Sa Majesté a rappelé son feld-meis-
ter, M. le baron de Camrer, homme très-dis-
tingué sous tous les rapports. L'infanterie est
commandée par M. Neubronn. La cavalerie est
confiée à M. le général Wollwarth. Sa Majesté le
roi de Wurtemberg , dans Taudience qu'elle a eu
la bonté de m'accorder, m'a paru fortement indis-
posée contre l'Autriche, et autant animée à com-
battre cette puissance qu'à donner des preuves de
son dévouement et de son attachement sincère à
•a personne de Sa Majesté Impériale et Royale.
« Mes aides de camp vont partir ce soir pour
se rendre à Heidenheim. Je les suivrai de très-
près, et je ne tarderai pas alors à adresser à Votre
Altesse les états de situation qu'elle m'a fait l'hon-
neur de me demander. »
Vandamme adressa en effet, le soir même,
'état de situation des troupes sous ses ordres .
Le corps d'armée était formé de la manière sui-
vante :
Cavalerie : régiment des chevau-légers du Roi,
inq cent cinquante présents ; chasseurs à cheval
lu Roi, cinq cent soixante ; chevau-légers du duc
ïenri , cinq cent cinquante ; chasseurs à che-
al du duc Louis, cinq cent soixante. — Total,
in peu plus de deux mille deux cents cavaliers,
officiers compris- — Infanlerie : régimenl du duc
Guillaume, mille trois cent soixante hommes pré-
sents ; (lu prince royal, mille trois cent cinquante;
i'" bataillon de fusiliers , neuf cents hommes ; ré-
giment de Phull, mille trois cent soixante; de
Camrer, mille trois cent soixante-dix; — 2* ba-
taillon de fusiliers , sept cents ; 4^' bataillon de
chasseurs du Roi, sept cents; 2« de chasseurs,
sept cents ; 1" baUiillon d'infanterie légère, sept
cents ; 2^ d'infanterie légère, sept cents. — Total,
environ neuf mille cent cinquante combattants.
~ Artillerie, quatre cent cinquante hommes.
Ce ([ui constituait une force générale de douze
mille cinq cents hommes présents sous les armes.
Outre ses aides de camp, Vandamme eut à son
état-major général un capitaine du 19* de ligne,
Marrens; un capitaine adjoint à Tétat-major, De-
leau ; un Heutenant du 12® de cuirassiers, Dreu;
un lieutenant du 25® de ligne, Hayaerl ; un sous-
lieutenant au iT de dragons, Lussan-Desparbère.
Le chef d'état-major était le colonel wurtember-
geois Kcrner.
Vandamme ne voulut pas se rendre au milieu
des troupes de son corps d'armée, avant que le
feld-meister ne fut revenu. Il attendit à Stuttgard
jusqu'au ii avril, et reçut ce jour-là une invitation
à dîner du Roi qui lui fit l'accueil le plus gra-
cieux. Ce prince protestait sans cesse de son dé-
vouement, de sou amour pour l'Empereur. Il fut
le premier à se détacher de notre alliance lors de
nos malheurs, et son fils , le prince royal , comblé
par Napoléon, fut un de ceux qui, en 1814 et après,
se montrèrent le plus odieusement hostiles à la
famille impériale, sans en excepter même sa noble
et vertueuse sœur, la reine de Westphalie.
Le 4 avril, Vandamme fut à Heidenliem. Le
jour suivant, il reçut les officiers et vit les troupes
les plus rapprochées de son qujartier général. Cette
première et rapide inspection produisit sur lui
une impression favorable. Au fur et à mesure qu'il
passait en revue chaque brigade, il lui laissait un
témoignage de satisfaction. Dès le 5 avril, il avait
fait connaître son arrivée par un ordre du jour,
dans lequel il rappelait aux Wurtembergeois leurs
faits d'armes de Silésie, et leur disait combien le
commandement qui lui était confié une seconde
fois était flatteur pour lui. Il terminait ainsi son
ordre :
ce Je mô plais à penser que les anciens soldats
de la Silésie traceront le chemin de la gloire aux
jeunes compagnons de leurs travaux, et leur ap-
prendront combien il est facile de vaincre sous
les étendards du plus juste et du plus grand des
héros. »
Voici quelle était, à l'ouverture de la campagne
de 1809, la position des armées. La guerre d'Es-
pagne avait forcé Napoléon à dégarnir le Nord de
l'Europe. Il ne restait en Allemagne que quatre-
vingt mille Français. Davout, avec quarante
mille, occupait les places de l'Oder, Magdebourg,
— 266 —
Bayreuth et le Hanovre. Douze mille hommes gar-
daient les villes anséatiques. Oudinot était à Franc-
fort avec vingt-quatre mille hommes. Les royau-
mes créés en vertu du traité de Tilsitt, la Saxe,
le Wurtemberg, la Bavière, la Westphalie, avaient
mis sur pied une centaine de mille honunes. Il ré-
sultait de ces dispositions que l'Empereur se trou-
vait avoir cent quatre-vingt mille combattants
répartis entre la Baltique, l'Océan, le Rhin, la
Vistule et les frontières de l'Autriche. Quinze
mille hommes sous Marmont occupaient la Dal-
matie ; soixante mille étaient en Italie, aux ordres
du vice-roi. Mais TEspagne retenait les meil-
leures troupes de la grande armée. C*était sur la
puissante diversion opérée par la Péninsule que
comptait TAutriche. Elle forma neuf corps d'ar-
mée de vingt à trente mille hommes chacun :
l**"^ Beilegarde, 2® KoUowrath, 3*^ Hohenzollem,
4® Rosemberg, 5® archiduc Louis, 6* Hiller, T ar-
chiduc Ferdinand, 8® Ghasteler, 9* Giulay, plus
deux corps de réserve commandés par Kienmayer
et le prince de Lichtenstein.
Le T corps devait opérer sur la Vistule. Le
8® et le 9® sous l'archiduc Jean formèrent l'armée
d'Italie. Les six premiers et la réser\'e sous l'ar-
chiduc Charles, généralissime, furent échelonnés
sur le Danube pour déboucher de la Bohème, en-
vahir le pays de Bayreuth, déborder Davout et
porter la guerre sur le bas Rhin.
Ce plan de l'archiduc Charles était habilement
j
— 267 —
ïo ; maïs l*Empereur, par ses dispositions ra-
s, le déjoua. Aux premières nouvelles des in-
ions hostiles de l'Autriche, il revint d'Espa-
à Paris, renforça Oudinot et le dirigea sur
a^werth. De l'intérieur il envova sur le Lech
séna, avec trente mille hommes, et fit partir
arde et les réserves de cavalerie pour la vallée
Danube.
out cela indiquait assez Thitention de menacer
ctement Vienne et de prendre cette ville pour
it objectif des opérations. L'archiduc ne s'y
npa pas. Il franchit le fleuve à Lintz , ne lais-
t sur la rive gauche que les soixante mille
imes des deux premiers corps pour les opposer
avout qui se rapprochait d'Ingolstadt, et avec
autres il espéra pousser les Français sur le
a avant l'arrivée de Napoléon. Dans les pre-
rs jours d'avril, l'armée autrichienne déboucha,
roi te de la Bohème par Pilsen sur Ratisbonne,
entre sur Shœrding, la gauche sur Lanshutt,
ichich, avec ses Croates, eut ordre de côtoyer
Alpes tyroUennes et de pointer sur Munich,
es premiers pas des Autrichiens furent heu-
c pour Farchiduc, dont les troupes n'éprou-
mt qu*une faible résistance à leur gauche , de
art des Bavarois ; mais son année ayant mis
8 ses mouvements sa lenteur accoutumée, Na-
éon eut le temps d'arriver au quartier général
Donawertb, pendant que les corps ennemis
déployaient encore sur Iser. Cette faute, les
— 268 —
Autrichiens la commetlent sans cesse. C'est ainsi
qu'il» ont fait encore en 1859.
Le prince de Neuchàtel, excellent chef dël
rnsgor et fort médiocre général en chef, ayant
commandement en attendant l'arrivée de l'Em;
reur, avait commis plusieurs fautes et dissémi
assez intempestivement les troupes françaises
alliées. Napoléon s'empressa de remédier aux
ladresses de son lieutenant. Les Bavarois, sous
duc de Dantzig, prirent position à Neustadt; V
damme avec les Wurtembergeois, Bessières avec
cavalerie de réserve s'échelonnèrent sur le
nube d'Ingolstadt à Donawerth ; Oudinot et
séna couvrirent les rives du Lech , depuis
confluent avec le Danube.
Du 5 au 10 avril 1809, Vandamme s'occupa
voir les troupes de Wurtemberg. Le 11, ayant
informé par une dépêche de Masséna que les
trichiens avaient déclaré la guerre et passé TIdd
Braunau , il crut prudent de se mettre en me
de soutenir Oudinot en appuyant sur sa ga
à Donawerth. Il se porta donc en toute hâte
Dillingen pour marcher ensuite sur le Lech. Il
forma le même jour le major général de sa dé
mination, ainsi que le maréchal Oudinot, c
de la défense du Lech.
Les Wurtembergeois firent huit lieues, le i
et le soir, occupèrent les positions prescrites
Vandamme. De Dillingen, le général écri\-il
Roi une lettre élogieuse sur ses troupes. C'étf
— 369 —
binent où Tarmée bavaroise battait en retraite
ordre devant le corps de Jellachich en pleine
he à l'extrême gauche de l'armée autrichienne
jBndshut et Munich. Le roi de Bavière était
lingen au milieu du corps de Vandamme. Le
es Wurtembergeois occupèrent Donawerth.
bavarois de de Wrède étaient à Ingolstadt, et
not à Friedberg. Vandamme fit fortifier la tête
ont de Rliain sur le Lech. Depuis le 11, le
ngent de Wurtemberg se trouvait former le
rps avec la division Dupas, le tout aux ordres
ic de Gastiglione qui n'était pas encore arrivé
li ne vint pas. Le 17, le commandement de
iamme fut renforcé de la division Rouyer,
l sous ses ordres les troupes des petits
'.es allemands. Il fut mis momentanément lui*
e sous le duc de Dantzig.
! jour-là, l'Empereur, arrivé à Donawerth,
3n personne le commandement de l'armée et
rection des opérations. Un régiment de cava-
wurtembergeoise fut détaché du corps de
iamme pour lui semr d'escorte,
ipoléon mit à l'ordre de l'armée la procla-
)n suivante :
Soldats, le territoire de la Confédération a été
. Le général autrichien veut que nous fuyions
$pect de ses armes et que nous lui abandon-
j nos alliés. J'arrive avec la rapidité de
e.
Soldats, j'étais entouré de vous, lorsque le
— Î70 —
souverain d'Autriche vint à mou bivouac de
ravie ; vous l'avez entendu implorer ma clém
et me jurer une amitié éternelle. Vainqueurs dari
trois guerres, T Autriche a dû tout à notre génért
site, trois fois elle a été parjure!!! Nos sucoèi
passés nous sont un sur garant de la victoire qi
nous attend. Marchons donc, et qu'à notre tf>
jwcl r ennemi reconnaisse ses vainqueurs! *
Le lendemain, Vandamme mit de son colé i
Tordre de son corps d'armée :
• Braves troupes de Wurtemberg, vous aile
combattre sous les yeux du grand Napoléon. Vou
allez jouir du suprême honneur de servir de gard
au plus illustre souverain. Je lui ai juré sur voir
nom que vous formeriez autour de lui un bouclie
impénétrable; que vous verseriez plutôt tout voli
sang que de permettre à aucun ennemi d'arrivc
jus(|u'à lui. Vous répondrez à mon attente et vou
saisirez toutes les occasions de vous illustrer dar
cette immortelle campagne qui commence d'ai
jourd'hui. Les corps les plus distingués de ceB
célèbre armée française envient votre sort. Voi
prouverez à votre roi, qui apprendra avec orgue
le beau rôle que vous avez à jouer, que vot
êtes dignes de la confiance de Napoléon. De bri
lantes récompenses attendent tous ceux qui, pi
des actions d'éclat, sauront mériter cette disliu
tion honorable. •
Cette harangue, un peu emphatique et prétci
— 271 -
lieuse, était dans le goût de Tépoque. Vandamme
faisait mieux la guerre qu'il n'écrivait.
Les Wurtembergeois prirent la tète de la grande
^ armée et débouchèrent sur Rhain, dont le pont
^ très-important sur le Lech fut confié au général
^ Rouyer, mis momentanément sous les ordres de
Vandamme. Ce dernier écrivit au maréchal Le-
febvre qu'il avait pour mission de couvrir sa droite.
11 se dirigea sur Neubourg , laissant un bataillon
pour attendre la division Rouyer, et un régiment
• de cavalerie avec trois pièces légères, pour former
la garde de l'Empereur.
Napoléon avait fait choix de Vandamme pour
marcher à l'avant-garde, parce qu'il connaissait
son zèle et son infatigable activité. Il était sûr,
avec un pareil homme, d'être toujours prévenu à
temps de tout ce que tenterait Tennemi.
La grande armée française, en Allemagne, était
alors formée de la garde, sous Lannes (12,000
hommes) ; des réserves de cavalerie , sous Bes-
sières (12,000); du 2« corps. Oudinot (23,000); du
3% Davout (35,000); du 5^ Masséna (30,000); du
1% Lefebvre (30,000); du 8^ Vandamme (12,000);
du 9% Bernadolte (16,000).
A la nouvelle de l'arrivée de l'Empereur à la
léle de ses troupes, l'archiduc Charles suspendit
sa marche offensive, et au lieu de saisir le pont de
Kelheim, il changea de direction pour gagner Ra-
tisboane, défendre la vallée du Danube, couvrir
Vienne et s'assurer une communication sûre avec
— Î72 —
les corps de Bellegarde et de Kollowrath, opérant
sur la rive gauche du fleuve.
Dès que l'Empereur s'aperçut de ce mouve-
ment , il donna Tordre au duc de Dantzig de
s étendre par sa gauche, à Davout de laisser un
seul régiment à Ratisbonne, de faire sa jonction
avec Lefebvre, pour contenir les corps autrichiens
et barrer la route ; à Bessières et à Vandamme de
marcher sur Neusladt pour renforcer le centre, et
à Masséna et Oudinot de déboucher du Lech pour
séparer les corps de Jellachich et de Hiller, en
débordant ce dernier. Les premières rencontres
eurent lieu le 19 avril, à Than et à Pfaffenhosen,
le 20 à Abensberg, le 21 à Landshutt. Le 22 fut
donnée la bataille d'Eckmuhl.
Le corps de Vandamme prit la part la plus
glorieuse à ces différentes affaires.
Le 20 avril au malin, le général reçut, deWoh-
burg, la lettre ci-dessous de TEmpereur :
« Vous êtes à Neustadt ; vous avez des troupes
à Mulhausen et près de Siegenburg; portez-vous
sur Siegenburg avec toutes vos forces; prenez
sous vos ordres tous les Wurtembergeois ; roffi-
cier wurtembergeois de votre état-major donne
Tordre, en passant, au général de brigade qui est
en réserve de se porter également sur Siegenburg.
Je me rends moi-même aux avant-postes; je
dirigerai les mouvements; vous déboucherez par
Siegenburg avec tous les Wurtembergeois. Vous
ferez la droite des Bavarois. Ayez soin, quand
vous serez à Siegenburg, de pousser des partis
sur votre droite. »
La bataille d'Abensberg affaiblit les Autrichiens
de 16,000 hommes, compléta la séparation entre
le centre et la gauche. Napoléon, assuré de la re-
traite de Hiller, fît volte-face pour se rabattre sur
Ratisbonne et acculer Tarchiduc sur cette ville ;
mais Tunique régiment, laissé dans la place,
n'avait pu Tempécher de tomber au pouvoir du
généralissime autrichien, qui avait appelé à lui le
corps de KoUowrach, pour refouler les Français
et rétablir sa communication avec sa gauche.
L'archiduc se trouvait donc à Ratisbonne avec
iOO,000 hommes. Le 22 avril, ayant reconnu les
troupes en position devant lui, et voyant qu'il
n'avait à faire qu'aux deux corps de Lefebvre et
de Davout, il les attaqua vigoureusement. Les
troupes de Rosenberg occupèrent le village et le
château d'Eckmulh, celles de HohenzoUern, avec
les réserves, se mirent en bataille près de la
Laber. Au moment où le combat s'engageait,
l'Empereur, arrivant avec Lannes, Vandamme et
la cavalerie, reconnut les masses ennemies, com-
prit le projet de son adversaire et, immédiatement,
prit ses dispositions.
Pendant la nuit, Vandamme avait reçu du ma-
jor général la lettre ci-dessous, datée de Lands-
hutt, 22 avril, deux heures du matin :
« L'Empereur, Monsieur le général Vandamme,
ordonne que vous partiez, de votre personne,
n 18
- 274-
avant le jour, pour être rendu à cinq heures du
matin au quartier général du général Saint-Sul-
pice, à Essepach, sur la route de Ralisbonne.
Vous vous mettrez en marche, aussitôt votre a^
rivée, avec la brigade d'infanterie légère wurlem-
bergeoise, qui s'y est rendue hier au soir, et vous
pousserez vivement l'ennemi sur Ehrlspach, où il
faut être de bonne heure. Faites monter à cheval
les trois autres régiments de cavalerie légère.
Vous leur donnerez Tordre de vous suivre et de
vous rejoindre : c'est-à-dire, deux régiments join-
dront votre avant-garde et le troisième se rendra
à Essepach, et y restera, pour pousser de fortes
reconnaissances jusqu'à cinq à six lieues sur la
route de Straubing, et vous faire prévenir de ce
qu'il y aurait de nouveau de ce côté. L'intention
de l'Empereur, général, est de marcher avec toute
l'armée, dont vous allez faire l'avant-garde. Quand
l'armée se mettra en mouvement, la division
Saint-Sulpicc montera à cheval pour vous soute-
nir. Le reste de la brigade wurtembergeoise res-
tera ici, pour fournir à la garnison et veiller aux
prisonniers. Envoyez-moi l'état qui indique où
se trouvent en ce moment tous les corps de ^a^
mée wurtembergeoise. Si, dans les troupes de
Wurtemberg, il y a un bataillon de grenadiers, vous
pouvez le faire marcher avec votre avant-garde.
• Si vous entendiez la canonnade et que vous
apprissiez quelque chose de nouveau, faites pré-
venir fréquemment l'Empereur. »
— 278 -
Ainsi qu'on le voit , TEmpereur s'attendait à
ne affaire sérieuse du côté de Ratisbonne.
Davout et Lefebvre furent chargés d'aborder la
iroite et Iç centre de l'ennemi ; Lannes, Vandamme
it la cavalerie furent opposés à Rosenberg.
Vandamme, avec son intrépidité ordinaire, sa
faria francese, attaqua de front la position d'Eck-
muhl, tandis que Lannes et la cavalerie, passant
la Laber, au-dessous du village, manœuvraient
pour tourner et déborder la gauche du général au*
trichien. Une charge brillante de la cavalerie, faite
au moment où Vandamme enlevait à la baïonnette
le village et le château d'Eckmuhl, au moment
où Davout enfonçait le centre des Autrichiens,
détermina la victoire. L' archiduc se replia sous le
canon de Ratisbonne.
Non-seulement Vandamme avait pris une part
des plus active à cette glorieuse journée, mais il
y avait reçu une blessure en conduisant lui-même
les Wurtembergeois à l'attaque d'Eckmuhl, clef
de la position, et qui donna son nom à la bataille.
D n'en continua pas moins à commander ses
troupes. Le roi de Wurtemberg, auquel il rendit
compte de la belle conduite de son contingent, lui
répondit, le 26 avril, de Louisbourg : r
« Monsieur le général de division, comte de
Vandamme, vous ne doutez pas du vif intérêt que
m'ont inspiré les relations des glorieuses jour*
nées des 22 et 23, mais surtout de la peine que
j'ai ressentie de vous savoir blessé, J'aime à me
— 276-
persuader que cela ne vous a pas empêché de
continuer le commandement, les suites n'en se-
ront pas fâcheuses, etc. >
Cette lettre, du roi de Wurtemberg, fut bientôt
suivie d'une autre du même souverain» beaucoup
moins aimable pour Vandamme. Voici à quelle
occasion.
Le 24 avril, lendemain de l'affaire de Ratis-
bonne, le général, soit qu'il se fût aperçu de Tin-
convénient qu'il y avait à conserver l'organisalion
du 8® corps telle qu'elle était, parce que les géné-
raux de division paraissaient se croire trop indé-
pendants de lui ; soit qu'il en eut reçu l'ordre du
major général (ce dont nous n'avons pu nous as-
surer, n'ayant trouvé aucun document à cet
égard), Vandamme, disons-nous, pour un motif
ou pour un autre, peut-être aussi pour enlever
au général Neubronn son infanterie légère, des-
tinée à faire l'avant-garde, et pour la mettre plus
spécialement dans sa main, adressa au comman-
dant de Tinfanterie une lettre, par laquelle il
l'informait qu'à l'avenir, lui, général Neubronn,
commanderait les deux brigades d'infanterie de
ligne; que la brigade légère du général Hugel
serait sous ses ordres directs à lui Vandamme;
que la cavalerie serait sous le général de WoU-
warth, Tartillerie sous le colonel Schuadow.
« Ordonnez à l'instant, écrivait-il, que le chef
d'état-major Kerner et les officiers qui lui appar-
tiennent, ainsi que tout le commissariat, se rendent
— 277 —
auprès de moi pour recevoir mes ordres directs.
Prévenez tout le monde, et soyez prévenu vous-
même, Monsieur le général, que je commande en
chef et que je veux que chacun fasse son devoir;
que je ne serai injuste envers personne, mais
que je serai forcé d'user de toute l'autorité quHl
est nécessaire que j'obtienne pour remplir les in-
tentions de S. M. l'Empereur, et les intérêts de
votre roi y seront ménagés. Si nous avons obtenu
des succès, on sait à qui on les doit. J'ai caché
des torts d'individus et des corps. J'ai proclamé
tout haut les éloges pour ceux qui se sont bien
conduits et qui ont montré de la bravoure. Per-
sonne ne peut travailler à ma réputation.
Depuis longtemps elle est faite. Tous les ordres
que je vous ai donnés ce matin, qu'ils soient con-
formes ou contraires à vos règlements, doivent
être exécutés à l'instant. Faites-moi connaître
quelle est la mission et quels sont les ordres don-
nés au général Théobald, etc. »
Ce général Théobald , parent du général Neu-
bronn, avait été envoyé pour correspondre direc-
tement avec le souverain. Ces dispositions furent
mises à l'ordre du 8® corps et exécutées, mais le
roi de Wurtemberg se montra très-choqué de ce
qu'avait fait Vandamme. Il lui écrivit le 5 mai :
« J'ai reçu la lettre que vous m'avez adressée
en date du 24 avril, et ne puis vous dissimuler
qu'il m'a paru étrange qu'au moment même où
l'Empereur, tous les généraux de l'armée et vous-
— ÎT8-
méme, avez donné les éloges les plus mérités à
mon corps d armée, aux généraux qui le comman-
dent, vous ayez été trouver dans son organisation
des raisons pour en témoigner votre mécontente-
ment, et vous obliger à y porter des changements.
Il peut m*étre très-égal par qui et à qui vous faites
paiTcnir vos ordres pour les opérations militaires,
mais quant au commandement de Tintérieur, à la
manière dont on me fait les rapports et dont je
transmets mes ordres de discipline, rien ne peut
ni ne doit y être changé, et le lieutenant générai
de Neubronn qui, pour cette partie, a reçu mes
ordres, m'en reste seul responsable. »
Malgré celte lettre, les choses n'en demeurèrent
pas moins telles que Vandamme les avait réglées.
Le 2;i avril, après la prise de Ratisbonne, en-
levée par escalade, Tarchiduc Charles se replia
sur la Bohème, poursuivi par Davout. Hiller, qui
avait reçu des reuforls, était revenu sur ses pas
pour nUahlir la communication avec le généralis-
sime. Vandamme reçut Tordre de revenir égale-
ment sur Eckmuhl avec ses Wurtembergeois, de
façon à ijouvoir, au besoin, être rendu le 25 à
Landshull. Un de ses régiments, le 2*^ de ligne,
resta en garnison à Ratisbonne. Le 26, le général
vint à Landshutt. et détacha un régiment de ca-
valerie a Slraubin}^, à la disposition du général
Boudet. Le 27, il laissa encore un régiment à
Landshutt, et continua sa marche avec le reste
de ses troupes sur Vilsbibourg, lo 28, sur
^euaetting. Le 30, tout le corps d'armée fut réuni à
dûhldorf, pour se porter sur Brannau. La marche
le Vandamme sur celte dernière ville fut retardée
le quelques heures, parce que, forcé depuis Eck-
nuhl de voyager dans sa voilure , à cause de la
)lessure qu'il avait reçue à l'affaire du 22, il versa
m route, ce qui fit rouvrir la plaie, mal fermée
mcore.
Arrivés à Braunau, les Wurtembergeois furent
'.ampés en avant de la place et occupés immédia-
ement à réparer le pont sur Tlnn.
De Braunau, le 8® corps remonta sur Altheim
e 2 mai, sur Riedau le 3, où il se mit en com-
nunication avec les troupes de Masséna et de
Lannes, ayant mission de relier les corps ci-des-
ms et d'éclairer la route de Wels sur Lintz.
Davout, soutenu des saxons aux ordres de
Bernadette , avait abandonné la poursuite de
.'archiduc, pour se repher sur cette ville de Lintz,
)ii était un des ponts du Danube^ et sur laquelle
Vandamme avait été dirigé par le sud, ainsi qu'on
orient de le voir.
Lintz, Mauthausen, Mautera où aboutissent les
débouchés de la Bohème et où l'on trouve des
ponts, avaient une importance majeure. Il était
urgent d'y prévenir l'ennemi ; c'est ce qui fut fait.
Voulant avoir un homme sûr et vigoureux pour
la défense de ces points, les seuls par lesquels la
grande armée pût être tournée pendant son opé-
ration contre la capitale de l'Autriche, Napoléon
- 280 —
chargea de leur défense le général Vandamme,
qui fut pendant quelques jours sous les ordres de
Davout.
Le 4 mai, à dix heures du matin, Berlhier écri-
vit d'Ens, au commandant du 8^ corps, pour lui
prescrire, de la part de l'Empereur, de se rendre
le plus promptement possible à Lintz, de prendre
tous les moyens pour rétablir immédiatement le
pont, de faire réunir sur la rive droite du fleuve
tous les bateaux et organiser des magasins. Le
général devait avoir le commandement de la ville,
de la province et veiller à ce qu'aucun prisonnier
ne pût s'échapper.
Vandamme, arrivé le 5 au malin, s'occupa sans
délai de l'exécution des ordres ci-dessus. Il écrivit
au président des Etats du Cercle pour lui dire
qu'il le rendait personnellement responsable si
les mesures les plus actives n'étaient prises à
l'instant pour le rétabhssement du pont. Il le
prévint qu'on devait engager les habitants, qui
avaient abandonné leurs propriétés, à y rentrer,
et qu'on eut à veiller à ce que les blessés fussent
bien traités.
« Ordonnez, Monsieur le président, lui disait-
il, que toutes les armes, munitions, équipages,
chevaux, effets et magasins, et tout enfin ce que
les Autrichiens ont été forcés d'abandonner, soit
tenu à la disposition des commandants fran-
çais, etc. »
Ayant en même temps donné les ordres les
plus précis et les plus détaillés à son chef d'état-
major, il écrivit à l'Empereur le même jour,
5 mai 1809 :
« J'ai l'honneur de rendre compte à Votre Ma-
jesté, que, conformément à ses ordres, je me suis
rendu ici cette nuit avec 8 bataillons, 2 régiments
de chasseurs à cheval et l'artillerie wurtember-
geoise. J'arrivais de Wels à Ebersberg, à trois
heures après midi, lorsque je reçus les ordres
de Votre Majesté. Avant la nuit, je fis sommer le
commandant des postes autrichiens de me re-
mettre tous les bateaux qui étaient sur la rive
gauche, menaçant, au cas de refus, de brûler le
faubourg. L'on me répondit que l'on ne pouvait
accéder à ma sommation et que l'on opposerait
la force à la force. Ce matin, à la pointe du
jour, je fis mettre mon artillerie en position ; je
fis voir mes troupes et je sommai le commandant
et les magistrats de céder les bateaux. Nouveaux
refus accompagnés d'impertinences. Le général
major de Rechter venait d'y arriver avec 15,000
hommes, que je crois des Landwehr, et un pe-
loton de cavalerie. Ces troupes voulurent détruire
les barques. Je fis tirer des obus sur le faubourg
qui fut, en peu d'instants, en feu. Je fis fusiller
et mitrailler la troupe, en même temps que je
fis passer quelques centaines de chasseurs sur
deux bateaux que j'avais ici. En une bonne heure,
nous fûmes maîtres de la rive gauche et une
grande partie des ennemis furent pris. Dans une
heure les quatre bataillons d'infanterie légère et un
régiment de chasseurs à cheval seront sur Tautre
rive , courront le pays et couvriront la tète du
pont. Les blessés, les prisonniers, les magasins
sont soignés conformément aux ordi*es de Votre
Majesté. On travaille à force pour réparer ce qui
a été brûlé du pont, et dans le jour je ferai com-
mencer la tète du pont, etc. >
L'action avait été courte, mais assez vive. Qua-
rante maisons du faubourg de Lintz avaient été
réduites en cendres. Le général autrichien de
Rechter, qui avait essayé de se défendre, avait
été fait prisonnier lui-même, ainsi qu'un colonel
et douze officiers.
Vandamme, satisfait de la vigueur déployée par
la brigade légère du général Hugel, témoigna sa
vive satisfaction au général et à ses troupes,
dans un ordre du jour élogieux, où plusieurs
officiers wurtembergeois sont cités nominative-
ment. Cet ordre se terminait ainsi :
« Le général en chef espère que de si nobles
efforts se soutiendront dans cette campagne , et
que nos premiers succès seront couronnés par
des succès plus éclatants et plus brillants encore;
que personne ne négligera l'occasion de donner
des preuves de l'attachement inviolable que nous
portons à l'auguste souverain, sous les étendards
duquel nous avons l'honneur de servir, »
Le lendemain, 6 mai, Vandamme éprouva une
vive contrariété. Ne sachant pas encore qu'il ve-
-«88 -
uait d*être mis sous les ordres de Davout et que
ce maréchal devait occuper Lintz pendant quelques
jours, il s'était borné à donner des instructions
pour que les honneurs militaires lui fussent ren-
dus à son passage. Lui-même, fort souffrant de
sa blessure, n'avait pu se porter au-devant du duc
d'Auerstaedt et avait envoyé son premier aide de
camp, le commandant Vincent, qui fut fort mal
accueilli, et vint rendre compte à son général.
Vandamme écrivit immédiatement à Davout :
« Informé hier de l'arrivée de Votre Excellence
en cette ville, je m'étais empressé de donner les
ordres nécessaires pour que les honneurs dus à
son rang lui fussent rendus. Je m'étais préparé
moi- même à lui présenter mon hommage. Des
mesures ont été prises pour fournir aux divisions
des généraux Morand et Friand tout ce dont il
était possible de disposer, tant dans les magasins
qu'en ville. Les généraux et les officiers ont été
logés vers la brune, beaucoup de soldats s'étaient
répandus dans différents quartiers, et commettaient
le plus grand désordre. J'ai été obligé de faire
battre la générale. On s'était porté en foule aux
magasins où on se livrait à toute sorte d'excès.
Chargé par S. M. l'Empereur du commandement
de la province de Lintz, d'en ménager les res-
sources pour l'armée. Sa Majesté m'ayant aussi
prescrit de rétabUr le pont sur le Danube et de
fortifier l'autre rive, à minuit j'étais encore occupé
à presser les travaux. Votre Excellence n'était pas
— 284-
encore arrivée. Je suis rentré chez moi accablé de
fatigue et souffrant beaucoup de ma blessure. La
fièvre m'a pris cette nuit, et, retenu en ce moment
par une forte transpiration, je n'ai pu me rendre
auprès de vous, Monsieur le maréchal. Je vous ai
envoyé mon premier aide de camp, pour vous
rendre compte de ce qui pouvait vous intéresser et
prendre vos ordres. J'apprends avec surprise et
avec infiniment de peine la manière dont cet offi-
cier a été accueilli. Je ne savais pas, Monsieur le
maréchal, que vous jugiez les généraux comme
moi aussi défavorablement, et que gratuitement
vous me supposiez ici, établi sans instructions
positives, volant les caisses publiques et faisant
des affaires honteuses. Je commande ici au nom
et par ordre de l'Empereur. Si j'avais pu quitter
le lit, je serais allé voir Votre Altesse, afin d'ap-
prendre d'EUe qui a pu lui donner une opinion si
désavantageuse sur mon compte, tandis que je
me croyais beaucoup mieux connu d'elle. •
Après avoir envoyé cette lettre à la fois pleine
de dignité, de fermeté et très-vraie, Vandamme,
le cœur ulcéré, en écrivit une autre à l'Empereur :
« Sire, il est de mon devoir, quoiqu'il me soit
pénible, de rendre compte à Votre Mcgesté des
désagréments que je viens de recevoir de la part
de M. le maréchal duc d'Auerstaedt. J'ai l'hon-
neur d'adresser à Votre Majesté copie de la
lettre que je viens d'écrire à Son Excellence. C'est
au moment que je fais tous les efforts possibles
- Î88-
pour donner des preuves de mon attachement à
Votre Majesté, que j'éprouve les procédés les plus
durs de la part de personnes qui n'ont jamais
pris la peine de beaucoup me ménager. Ce n'est
5ue longtemps après l'arrivée du duc ici, que j'ai
su, par la lettre de S. A. le prince deNeuchâtel,
que le duc prenait le commandement de Lintz et
que je me trouvais sous ses ordres. Certes, si
j'eusse su à l'avance que telles étaient les inten-
tions de Votre Majesté, je lui eusse fait préparer
son logement et même je ne lui aurais pas laissé
le temps de me mettre hors du mien. Dans cette
campagne, comme dans toutes celles que j'ai eu
l'honneur de faire, on essaye sans doute de me
faire passer pour riche et bien avide, puisque
Ton a osé plus d'une fois chercher à en imposer
à Votre Majesté sur ce point. Ayant le cœur na-
vré. Sire, je suis forcé de profiter de cette occasion
pour dire à Votre Majesté une vérité que j'affirme
sur ma tête. Une coupable jalousie a pu seule
déterminer quelques vils calomniateurs à me faire
une mauvaise réputation près de Votre Mfiyesté.
Je saurai toujours mériter les bontés dont elle
m'honore, et je prouverai sur le champ de ba-
taille^ dans les périls les plus imminents, que per-
sonne ne lui est plus entièrement dévoué. Quoi-
qu'il en soit, Sire, je concourrai de tout mon
pouvoir à l'exécution des ordres que Votre Mfiyesté
a donnés au duc d'Auerstaedt, et le service n'en
souffrira en rien. Je tiens trop à la gloire des
armes de Votre Mqjesté pour en agir autrement.-
En effet, le 6 seulement dans la journée, Van-
damme avait appris par une lettre du 5 mai, dix
heures du matin, de Berthier, qu'il était sous les
ordres de Davout. Il rendit compte immédiatement
au maréchal de la position des troupes et de
l'ordre qu'il venait de recevoir. Cela n'eut pas
d'autre suite.
Vandamme, depuis l'affaire du fourgon et de-
puis les soupçons dont il avait été Tohjet, était
resté d'une grande susceptibilité. Il craignait sans
cesse qu'on ne prévînt l'Empereur contre lui. 11
en était arrivé à croire plusieurs de ses anciens
camarades, jadis sous ses ordres et devenus ses
supérieurs, disposés à le noircir auprès de Na-
0
poléon.
Quoi qu'il en soit, les meilleures relations s'éta-
blirent promptement entre lui et le duc d'Auers-
taedt, puisque ce dernier lui adressa plusieurs
lettres des plus flatteuses, pendant les six jours
qu'il resta encore à Lintz, et qu'à la fin de la
campagne, le 29 juillet 1809, il lui écrivit :
« Je n'ai reçu que le 28, mon cher général,
votre lettre du 15 juillet.
« Vos services sont d'une telle nature qu'ils
parlent d'eux-mêmes. Je me rappellerai toigours
avec plaisir que nous avons renouvelé connais-
sance à Lintz, et, dans toutes les occasions, je
me ferai un devoir d'exprimer à notre souverain
mon opinion sur le compte d'un de ses généraux
— 287 —
les plus dévoués et les plus vigoureux à la guerre.
« Je vous recommande les intérêts du général
Leclerc, mon beau-frère : il a été blessé à la ba-
taille du 6, mais il sera rétabli dans une quinzaine.
« Recevez, mon cher général, Tassurance de
toute mon estime et de ma considération. >
Le duc d'Auerstaedt ne resta que peu de jours à
Lintz, il suivit le mouvement général sur Vienne,
Vandamme se tint prêt à défendre les ponts, tout
en éclairant les routes de Bohème. Le général
Puthod fut envoyé comme commandant de la
place et de la province, mais sous ses ordres.
Bernadette avec les Saxons se dirigea également
vers Lintz, s*échelonnant, ainsi que les autres
corps de la grande armée, le long du Danube,
tandis que l'Empereur était en pleine marche sur
la capitale de l'Autriche.
Une fois maître de Vienne, Napoléon, séparé
de Tarchiduc Charles par le fleuve, chercha à
forcer le passage et à déboucher sur la rive gau-
che tout en défendant la rive droite. Son habile
adversaire, de son côté, voulut se poser sur la rive
droite et défendre la rive gauche. Tous deux avaient
donc un but semblable et manœuvraient pour l'at-
teindre.
Napoléon prépara son mouvement offensif au*
près de Vienne, centre de ses approvisionnement».
L*archiduc tenta d'enlever le pont de Lintz. Les
deux attaques en sens inverse eurent lieu le même
Jour, le 17 mai.
— 288 —
Le mouvement offensif de l'Empereur amena le
combat et la bataille d*Essling, les 21 et 22 mai.
Nous n'avons pas à la décrire, Vandamme ne s y
trouvant pas, mais nous avons à parler de Taf-
faire de Lintz, dont il eut tous les honneurs.
Le 10 mai, en quittant cette ville pour gagner
Molke, où il se rendait sur Tordre de Napoléon,
le maréchal Davout avait envoyé une instruction
détaillée à Vandamme, qui restait chargé de la
défense de la tête du pont. Il lui disait, entre autres
choses :
« L'Empereur veut que, dans le cas où l'ennemi
attaquerait avec des forces supérieures et que Ion
ne put conserver des troupes sur la rive gauche,
qu'on brûle le pont et que l'on fasse les prépara-
tifs nécessaires. — Je vous recommande, mon
cher général, de tenir la main à ce qu'il n'y ail
aucune embarcation quelconque sur la rive gau-
che et de pousser la précaution jusqu'à faire en-
lever toutes les perches, rames, gaffes nécessaires
pour naviguer, etc. »
Dans une autre lettre du mômejour(10mai 1809),
le maréchal disait à Vandamme :
« L'Empereur désire, mon cher général, que
vous vous mettiez en communication avec le
prince de Ponte-Gorvo. Par des nouvelles indi-
rectes, mais certaines, le prince doit être à Stau-
bing, et probablement en marche de cet endi^oil
sur Passau. L'Empereur, qui a son quartier gé-
néral à Saint-Polten, me mande, en date du 9, que
- 289 —
\ous devez surveiller les ponts de Linlz et de Mau-
thausen et envoyer des partis à Steyer pour y
observer les routes qui y aboutissent, celles entre
autres venant de Weyer, deWainhofen, deHaim-
bach et de Lambach. Toutes les nouvelles an-
noncent le départ de Tarchiduc Charles pour se
rapprocher du Danulje, etc. »
Le 12, le duc d'Auerstaedt écrivit de Saint-Pol-
len à Vandamme trois lettres. Dans la première, da-
tée du matin, il le prévenait que l'Empereur occupa i
les faubourgs dé Vienne et qu'il lui donnerait des
nouvelles dès qu'il les connaîtrait. Dans la se-
conde, de huit heures du soir, il lui accusait ré-
ception de son rapport du 11, qu'il avait transmis
ie suite à l'Empereur ; ajoutait qu'on occupait
toujours les faubourgs de Vienne, et qu'avant
de détruire l'armée du prince Charles, on détrui-
rait probablement celle d'Italie, qui se repliait en
désordre. — « Cette dernière réflexion, ajoutait le
maréchal en post-scriptum , est de mon crû ; je
n'ai aucune donnée pour la faire. » Enfin dans
la troisième lettre, de minuit, Davout donnait à
Vandamme la nouvelle officielle de la prise de
Vienne, disant que l'ennemi avait montré des trou-
pes vis-à-vis Molke et Krems. Il recommandait
au général d'envoyer le plus de subsistances qu'il
pourrait sur Molke. Il terminait ses trois lettres
par le mot : Amitié.
Étant à Saint-Polten, Davout crut utile de
pousser des reconnaissances sur la rive gauche du
u 19
— 290 —
Danube, dans le but d'interroger des habitants et
d'avoir des nouvelles de l'ennemi. Ces reconnais-
sances, dont le maréchal rendit compte à TEm-
pcreur, ainsi que du désir de Vandamme de se
porter sur Krems, contrariaient les projets de
Napoléon, ainsi qu'on peut s'en rendre compte
l)ar les lettres qui suivent :
HKHTIIIEH A DAVOUT.
u SohonbruuUy Id mai (10 h. ilu m.*.
« L'Empereur, Monsieur le duc, me charge de
vous réexpédier votre aide de camp pour vous
faire connaître qu'il a vu avec peine les mouve-
ments que vous avez faits sur la rive gaucho du
Danube ; que ces dispositions réussissent ou no
réussissent pas, c'est toujours une mauvaise
opération. La guerre, Monsieur le duc, a des
principes, et on ne compromet pas do braves sol-
dats, lorsque, par les règles de l'art, leur retraite
n'est pas assurée. La coloiuio de S à 400 hommes
qui longe la rive gauche du Danube peut à chaque
instant être compromise ; ces petits mouvemenls
n'ont auc m résultat important pour l'armée et ils
donnent des cliances pour enhardir l'ennemi par
(le légers succès aux(iucls ils donnent de la con-
fiance ; Sa Majesté trouve convenable qu'on ait en-
voyé de Liutz des postes de l'autre côté du Danube
pour avoir des nouvelles do la retraite de IVn-
nemi, en ne s'éloignant qu'à la distance néces-
— 291 —
saire pour laisser la retraite assurée. Également,
il n'y a point d'inconvénient à envoyer de la rive
Iroite à la rive gauche du Danube quelques
lommes en bateau pour avoir des nouvelles, avec
'ordre de rentrer sur-le-champ ; mais TEmpe-
•eur, Monsieur le duc, trouve que les directions
jue lo général Vaudamme a données à ses recon-
laissances cl celles que vous avez données vous-
néme à des i)alrouilles de ^ à 400 hommes sur
a rive gauche, sont contre toutes les règles de la
juerrc »
Davout a Vandamme.
(( Saint-Polten, 13 mai 1809 (minuit).
• Je VOUS ai fait connaître de Molke, mon cher
;énéral, en vous faisant écrire par mon chef
'état-major, les inquiétudes que j'avais sur le
lajor Ameil ; c'est cette marche qui ma déter-
liné à faire jeter des troupes sur la rive gauche
u Danube, vis-à-vis Molke. J'espère que cela aura
égagé son détachement. Je ne doute pas que,
'il a éprouvé de la résistance, il ne se soit replié
ur Maulhausen. Dans ce cas, il ne faut plus per-
isler à lui faire descendre le Danube par la rive
auche ; c'est exposer ce détachement à être coupé
t enlevé. Il faut éviter de donner à l'ennemi Toc-
asion de remonter son moral par le plus petit
accès.
« L'Empereur me mande aujourd'hui qu'un
mouvemeni cjue vi^us feriez sur Krems serait une
Irès-frrande faute militaire ; qu'étant à Freystadt,
c'est la route de Budweis que vous devez conlinuer
à éclairer ; que vous devez continuer à garder
Lintz et éclairer toute celle partie ; qu'enfin, si
vous pouviez pousser jusqu'à Budweis, cela ne
pourrait qu'être utile.
• Je vous répèle, mon cher général, qu'il est
aussi très-important d'éclairer le point de Mau-
thausen.
« J'ai beaucoup questionné aujourd'hui des ha-
bitants de la rive gauche et des prisonniers, el il
ne m'est nullement démontré que Tarchiduc
Charles ail quitté Budweis.
• Sur toute la ligne, depuis Lintz jusqu'à Krems,
il n\ a encore que des troupes qui ont été pour-
suivies depuis l'Inn, el on n'a encore aucune nou-
velle du corps qui a été réuni à Cham .
• On a fait quelques milliers de prisonniers de
toute arme à Vienne.
• Je vous ai mandé le sens de ce que Sa Mî\jeslé
m'a écrit. Je joins ici copie d'une lettre que je reçois
du major général : nous pouvons nous appliquer
l'un el l'autre ce qu'elle contient.
. J'ai fait retirer de Mauthausen tous les bateaux.
Ils sont sur la rive droite. Il faut les faire garder,
et, dans le cas où l'ennemi se présenterait en
force, le premier ordre que vous auriez à donner
serait celui de les détruire.
« Je vous recommande beaucoup le point de
— 293 «
Mauthausen. La conversation de ce général autri-
chien qui, hier, annonçait que dans quelques jours
le prince Charles se porterait sur Mathausen,
peut n'être pas dénuée de fondement.
Amitié. •
COMPANS, CHEF d'ÉTAT -MAJOR DE DAVOUT, A
VANDAMME.
« 14 mai 1809.
« M. le maréchal duc d'Auerstaedt, comman-
dant en chef, me charge de vous annoncer qu'il
est probable que le prince de Ponte-Corvo arri-
vera à Lintz le 16 de ce mois, et qu'à l'arrivée de
Son Altesse, vous passerez sous ses ordres.
« Son Excellence me charge aussi de vous faire
connaître que l'Empereur a improuvé tous les mou-
vements de troupes qui ont été faits sur la rive
gauche du Danube et particulièrement celui du
major Ameil. Son Excellence l'ayant ordonné, elle
regarde cette improbation comme lui étant person-
nelle ; elle va faire rentrer cette nuit les troupes
qu'elle avait jetées sur la rive gauche du Danube,
devant Molke; elle vous engage à vous en tenir de
votre côté à ce qui concerne la défense et la garde
de la tête du pont de Lintz, et à des reconnais-
sances qui rentrent dans le jour toutes les fois que
vous croirez nécessaire d'en pousser.
« Son Altesse le prince vice-connétable major
général a fait connaître à Son Excellence que l'Em-
-294-
pereur ne manœuvre que sur une seule rive du
Danube el qui! faut que tout rentre danç ce prin-
cipe : elle vous engage à vous y conformer en ce
qui peut vous concerner,
« Les expressions de cette lettre sont, mon
cher général, celles de Son Altesse le prince vice-
connétable major général, que Son Excellence
vous aurait communiquées elle-même, si elle n eût
été extrêmement occupée ; elle m'a chargé de le
faire pour elle. •
DAVOUT A VANDAMME.
« 15 mai 1809.
« L'Empereur, mon cher général, en me con-
lirmant que le prince de Ponte-Gorvo doit aiTiviM'
le 16 à Linlz, m'annonce qu'il a joint à son com-
mandement la division Dupas et qu'il lui donne
l'ordre de faire de fortes reconnaissances en Bo-
hême.
« Sa Majesté me prescrit en même temps de
réunir tout mon corps d'armée à Saint-Polten et
Molke et de rappeler tous mes détachements, par-
ticulièrement le bataillon du 17® régiment détaché
sous vos ordres à Ens et Steyer ; veuillez donc
bien, mon cher général, réunir ce bataillon le plus
promptement possible et le diriger sur Molke, où
il rejoindra son corps.
« Je vous ai déjà annoncé que l'Empereur avait
improuvé tous les mouvements qui avaient été
— 295 -
lits sur la rive gauche du Danube : Sa Majesté
le prescrit de nouveau d'en retirer toutes les
•oupes que je pourrais y avoir ; elle n'en veut
ullo part qu'à Lintz, à droite et à gauche des rou-
3s, pour former un système ; elle me dit expres-
ément qu'il ne doit point y avoir de troupes à
lauthausen, mais qu'il convient d'établir un fort
élachementsurla rive droite, vis-à-vis ce point. »
Vandamme, d'après les nouvelles qu'il recevait
e toutes parts, était sur ses gardes et veillait à
il conservation des ponts du Danube. La mission
ui lui était confiée était en ce moment d'une im-
portance majeure pour les opérations de Tarraée.
l le comprenait mieux que personne, aussi fut-il
^ès-heureux d'apprendre que le corps du prince
e Ponte-Corvo, un de ses anciens et meilleurs
mis, était à Passau et approchait de Lintz. Il lui
crivit qu'il avait su par le maréchal Davout sa
larche dans la vallée du Danube.
Bernadette lui répondit le 13 de Passau, et
3 14 d'Efferding :
• J'ai reçu, mon cher général, la lettre aimable
ue vous avez bien voulu m'adresser ; je suis on
e peut plus sensible aux assurances de votre
acienne amitié, et je me félicite d'avance de pou-
Dir vous renouveler de vive voix l'expression de
ion vif attachement. Je serai après-demain à
intz.
t Les Autrichiens n'ont plus aucunes forces
— 296 —
devant Passau ; je partage entièrement votre opi-
nion. Tout a dû se retirer en Moravie pour y ten-
ter le sort d'nnc dernière bataille. »
• Je vous préviens, mon cher général, que SaMa-
jesté l'Empereur m'ayant accordé quelques jours
de repos, j'ai arrêté Tarmée saxonne à Efferdinget
environs. Notre entrée en Bohême sera, je crois,
n^tardée jusqu'à ce f{u'on ait eu des nouvelles des
opérations du maréchal duc de Dantzig.
• Les avis que j'ai nrannonccnt que l'ennemi,
qui avait un petit camp de 5 à 6,000 hommes dans
les environs de Klaltau, Ta levé et s'est dirigé sur
Budweis. Comme il avait dans cette partie 7 à
oOO hommes de cavalerie, il serait possible qu'il
poussât quelques re(*oiuiaissances sur votre front.
Jo me hàtc de vous en informer pour que vos
détachements, qui courent la campagne, puissent
éviter toute surprise.
• Agréez, mon cher général, Tassurance de
mon attachement et de mon inviolable amitié.
« Je vous embrasse. •
L'Empereur, suivant son système d'échelonnoi
ses corps le long du Danube, donna Toi'dre ai
major général, le IG mai, de faire descendre lei
Saxons de Bernadotte sur Lintz et de prescrire i
Vandamme de profiter de la présence du 9^ corpi
pour prendre avec lui six à sept mille de se
Wurtembergeois , six pièces de canon et des
cendre sur Stevcr, afin de lialaver des rassemble
inenls qui se formaient de ce côté. Vandamm
devait faire ensuite la même opération sur un
aulre point. Il se disposait, le 47, à exécuter ce
mouvement, et tontes ses instructions étaient en-
voyées aux divers corps wnrtembergeois qui de-
vaient faire partie de sa colonne mobile , lorsqu'il
fut informé tout à coup do la marche de plusieurs
colonnes autrichiennes venant de divers colés et
convergeant sur Lintz pour s'emparer du pont.
C'était le mouvement du prince Charles qui se
dessinait. Bientôt 30,0()0 hommes commencèrent
Vatlaque sur ces positions. Us élaient commandés
en chef par Kollowrath et formaient trois colonnes.
En outre, il y avait à Mauthausen,'eiï face du con-
fluent de TEns, un corps d'observation.
Le combat s'engagea très -vigoureusement,
mais Vandamme , avec son énergie habituelle ,
repoussa toutes les tentatives et se maintint jusqu'à
l'arrivée de Bernadotte, qui aecoiu'ait avec les
Saxons, et qui prit la direction générale.
L'ennemi contenu d'abord, rejeté ensuite, laissa
aux mains de Vandamme G pièces de canons en-
levées par la brigade de cavalerie wurtember-
geoise, 1,500 prisonniers dont iiO officiers et
2 colonels.
Le lendemain, Bernadotte envoya à l'Empereur,
sur cette brillante affaire, le rapport ci-dessous :
« J'ai riionneur de rendre compte à Votre Majesté
que les avant-postes du général Vandamme on
été attaqués hier, 17, vers deux heures après-
midi, par deux colonnes autrichiennes qui ont dé-
bouché par deux routes avec l'intention de s'em-
parer de la tête du pont.
« J'étais arrivé vers sept à huit heures du ma-
tin avec la brigade de cavalerie saxonne, et la
première brigade d'infanterie arriva peu de temps
avant l'attaque. Je fis relever les troupes wurtem-
bergeoises dans les ouvrages, et, de cette manière,
le général Vandamme pouvant disposer d'une par-
tie de son corps, repoussa vigoureusement les
deux colonnes ennemies, les chassa de la position
qu'elles avaient prise, leur enleva six pièces de
canon et quatre cents hommes, dont trois officiers
supérieurs.
« J'avais ordonné au général Gottschmidt de
se porter en avant avec quatre escadrons de hus-
sards et de dragons saxons pour soutenir l'infan-
terie wurtembergeoise et être à la disposition du
général Vandamme. C'est dans une charge aussi
heureuse que hardie, exécutée par ordre du géné-
ral Vandamme, que les canons ennemis sont tom-
bés en notre pouvoir.
« Les rapports des prisonniers m'annonçaient
trois colonnes d'attaque, commandées par les gé-
néraux Grainville, Bucalowilz et Sommariva, et
soutenues par une réserve aux ordres du général
Kollowralh, commandant en chef. Cependant rien
ne paraissait encore sur ma gauche, et l'ennemi,
battu par le général Vandamme, fuyait en pleine
déroute sur ma droite. Je n'en crus pas moins né-
cessaire de mettre en sûreté tous les points de la
ligne, et je plaçai les régiments d infanterie
saxonne au fur et à mesure de leur arrivée. Vers sept
heures du soir, la troisième colonne ennemie parut
sur les hauteurs du Boslingberg : son infanterie
couronna dans un instant les crêtes dos montagnes
Voisines, et ses tirailleurs s'avancèrent jusqu'à
Scheindenhoff : je les fis attaquer ensuite par un
bataillon saxon ; ce bataillon, opposé à une force
supérieure et foudroyé par Tartilleric ennemie,
éprouva d'abord quelque fluctuation. Je m'y por-
tai sur-le-champ avec mes officiers et ceux de
Vétat-major saxon, en même temps que je faisais
avancer trois autres bataillons et quatre pièces
d'artillerie pour soutenir l'attaque. L'infanterie
saxonne aborda l'ennemi avec impétuosité, le
chassa de toutes ses positions ; et un bataillon,
parvenu rapidement sur le sommet escarpé du
Boslingberg, y prit 300 hommes et plusieurs cais-
sons, conjointement avec un détachement de
troupes wurtembergeoises.
« Ainsi s'est terminée, à neuf heures du soir,
cettejournée où l'ennemi a vu échouer l'espérance
qu'il avait conçue de passer le pont de Lintz pres-
que sans coup férir.
' • La conduite du général Vandamme est au-
dessus de tous les éloges que je pourrais en faire,
surtout à Votre Majesté, qui connaît elle-même
rintrépidité et toutes les quahtés éminentes qui
caractérisent cet excellent général.
« J'évalue les forces que l'ennemi avait sur ce
wvrv
point au moins à 25,000 hommçs. Sa perle, en
tués, blessés et prisonniers, se monte à plus de
2,000 hommes ; la nôtre ne va pas au delà de 4 à
500 hommes tués ou blessés.
« L'ennemi s'est retiré sur Freystadt et Hel-
mansed et une partie sur Harlach. La cavalerie
qui Ta suivi ramène à chaque instant quelques
nouveaux prisonniers.
« Les rapports d'un colonel et d'un major faits
prisonniers disent que l'archiduc Charles devait,
dans le cas où l'attaque sur Lintz n'aurait pas
une pleine réussite, se porter entre Znaym et Ni-
cholsbourg, et de là marcher contre Votre Ma-
jesté pour donner ou accepter une bataille. Si,
au contraire, cette attaque avait réussi, l'archiduc
aurait fait déboucher toute son armée par Lintz.
D'autres rapports disent que l'empereur d'Au-
triche est à Prague où il cherche à réunir ses der-
nières ressources et qu'il fait approvisionner Ko-
nigsgratz, Josephstadt et Thérésienstadt. »
Après l'affaire du 17, Vandamme s'empressa
d'écrire au roi de Wurtemberg pour lui faire con-
naître la brillante conduite de ses troupes, re-
commandant principalement à toute sa bienveil-
lance la famille d'un capitaine, nommé Bauer^
mort glorieusement de ses blessures. II fît ensuite
un ordre, dans le style pompeux qui prévala||
alors, pour témoigner sa satisfaction à son corps
d'armée.
On se souvient que, le jour de l'attaque des Au-
— 301 —
îchiens sur Lintz, Vandamme avait reçu du
lajor général et de l'Empereur Tordre de se porter
vec une partie de ses forces sur Steycr, et que
I présence des colonnes ennemies l'avait con-
raint à différer l'exécution de cette disposition.
Dès le 19, Bernadette l'engagea à la reprendre.
l lui écrivit :
« Mon cher général, vous trouverez ci-joint la
opie d'un rapport que vient de me transmettre
I. le maréchal duc d'Auerstaedt. Lorsque l'ennemi
montré le projet d'attaquer le point de Lintz,
ai cru nécessaire que vous restassiez ici, afin
ue toutes nos forces fussent réunies pour le
ombattre ; mais aujourd'hui que ses projets cou-
re Lintz ont échoué, et qu'il est probable qu'il ne
enouvellera plus sa tentative infructueuse, je
icnse qu'il serait à propos de vous rendre à
îleyer, avec 4 ou 5,000 hommes de votre division,
)Our de là attaquer et balayer ce qui pourrait en-
core se trouver d'ennemis vers la frontière de
Stvrie.
« Cette expédition me paraît d'autant plus né-
cessaire, qu'étant vraisemblablement destinés à
mtrer sous peu en Bohème, nous devons, avant
iout, être certains qu'il n'y a plus d'ennemis der-
rière nous sur la rive droite du Danube.
« Au reste, en vous rendant de votre personne
î Steyer, vous pourrez y voir de suite le nombre
le troupes qu'il sera nécessaire d'appeler à vous,
3l vous m'en préviendriez en m'envoyant l'état et
— 30â —
remplacement do celles que vous laisseriez sur le
Danube.
« Peut-être mémo jugerez-vous qu'un si grand
renfort n'est pas nécessaire, mais, dans tous les
cas, votre présence y sera fort utile. Vous rani-
merez le zèle du général qui s'y trouve déjà éta-
bli, et vous puiserez, j'en suis certain, dans votre
activité et votre énergie, les moyens de déconcerter
promptement toutes les espérances ([ue reniicmi
pourrait encore conserver du coté de la Styrie.
- J'espère, mon clier général, que vous nous
rejoindrez bientôt et que nous pourrons poursuivre
ensemble les opérations de la campagne. »
Vandamme se mit en mouvement le 20 mai. Il
reçut, le matin même, un nouvel ordre de Ber-
thier, daté du 19, à sept heures du soir, lui pres-
crivant : d'établir son quartier général à Ens,
de laisser 2,0(X) hommes pour tenir la tête
du pont de Lintz, de faire occuper Steyer pour
contenir le rassemblement qui défendait quelques
ouvrages de campagne, construits à Altenmark, en
face de ce point.
« De votre position d'Ems, disait la dépêche,
vous observerez les débouchés de Mulhansen,
vous ferez occuper Walsée et Ips, et vous renver-
rez à Vienne les troupes qui peuvent se trouver
dans ces deux dernières villes. Vous devez vous
tenir prêt à vous porter, avec la masse de vos
forces, sur Lintz ou sur Steyer, suivant les événe-
ments. Le prince de Ponte-Corvo reçoit Tordre
- 303 —
entrer en Bohême, ainsi tout son corps doit
ster disponible. Gomme je vous Tai dit, vous
rez garder la tête du pont par 2,000 hommes,
'intention de l'Empereur est que vous fassiez
irtir après-demain, 21, un bataillon d'infanterie
urtembergeoise de 600 hommes, que vous diri-
îrez sur le quartier impérial, et qui servira avec
î régiment de cavalerie qui y est déjà. »
L'Empereur se portait sur la rive gauche du
îuve, il allait livrer la bataille défensive d'Ess-
ig et songeait à réunir le plus de forces possible
3ur la grande lutte qui aurait eu lieu à cette
)oque sans la rupture des ponts. L'armée
Italie approchait de Léoben, rejetant les corps
itrichiens qui lui étaient opposés, et marchant
3ur se réunir à TEmpcreur.
Bernadotte fut très-peiné de se séparer de Van-
imme, il écrivit à Napoléon le 21 mai :
« Le général Vandammc étant parti pour Steyer
, Altenmark, je lui transmets les ordres du
lajor général, afin qu'il exécute sans délai ceux
3 Votre Majesté ; je ne saurais dissimuler à Votre
[ajesté que je vais me séparer avec regret du gé-
éral Vandamme ; les talents et l'énergie de cet
fficier général m'eussent bien secondé, s'il eut
té dans les vues de Votre Majesté qu'il entrât en
gnc avec moi pour manœuvrer de concert. C'était
'ailleurs le seul officier général capable de me
împlacer dans le cas où je serais tué ou blessé. »
Ce témoignage de Bernadette est un des plus
flatteurs qu'un général ait jamais pu mériter
Tandis que Vandamme exécutait les ordres qu i
avait reçus et chargeait la brigade légère du gé
néralHugel de réduire les partisans réunis à Alten
marck, les corps de la grande armée passaient su
la rive gauche du Danube le 21. Une partie deceu:
de Masséna el de Lannes (25,000 hommes envi-
ron), avaient à peine franchi le fleuve, qu'un acci
dent emporta les ponts. Pendant deux jours cei
braves troupes luttèrent sans désavantage contn
60,000 hommes, conduits par rarchiduc en per-
sonne, et firent la plus belle retraite, le 22 à mi-
nuit, pour occuper Tile Lobau, où Napoléor
résolut de se fortifier, afin d'attendre l'entrée er
ligne de l'armée d'Italie.
Le brave maréchal Lannes et le général de
Saint-Hilaire avaient été tués à Essling.
Le récit de ces deux journées fut fait à Van-
dammepar Davout, qui lui donna à cet égard des
détails circonstanciés, dans une lettre datée
d'Ébersdorf, 24 mai.
Quant à Bernadette, après la bataille d'Essling,
comme sa marche sur la Bohème par la rive
gauche du Danube eût été dangereuse en Tisolanl
complètement, puisque la concentration de la
grande armée sur cette rive était remise, il reçut
de l'Empereur l'ordre de rester à Lintz.
Les affaires du 21 et du 22 modifiaient complè-
tement le plan offensif de Napoléon. Aussi, en ar-
rêtant Bernadotte sur Lintz, l'Empereur fit près-
-lire au contraire à Vandamme, devenu inutile
îur ce point, de réunir tout le 8® corps et de se
>orler à Saint-PoUen, pour y relever les troupes
lu 3* corps (Davout), qui, elles, devaient gagner
tienne. Le général eut, en outre, la mission de
aire occuper les positions de Molke et de Mautem
;ur le Danube, pour contenir le corps ennemi,
>lacé à Krems , de tenir un poste à Mariazelle et à
!Jlienfeld et de rappeler à lui tous les postes qu'il
)ouvait avoir encore à Lintz, Steyer et Eus,
)lâces qui devaient être occupées par le corps
»axon de Bernadette.
Le 28, il lui fut enjoint de retirer ses troupes
ie Lilienfeld et de Mariazelle, l'armée d'Italie ayant
Dattu les Autrichiens à Saint-Michel, et nulle
îrainte ne pouvant plus exister de ce côté.
Les Wurtembergeois, principalement la brigade
légère du général Hugel, souvent détachés en
ivant, se livraient assez habituellement à des
lésordres graves : non-seulement ils molestaient
es habitants, mais les officiers levaient des contri-
butions. On alla jusqu'à mettre en jeu le nom du
général en chef. Voici à ce sujet une lettre écrite
par Vandamme à l'intendant de la province de
Lintz, le 29 mai, de Saint-Polten :
• Vous m'avez parlé d'une contribution que l'on
avait levée en mon nom à Frevstadt, de vexations
exercées envers plusieurs habitants. Je vous ai
répondu verbalement combien je croyais peu fon-
dées les plaintes qu'on vous avait adressées. La
II SO
— ÎW6 —
preuve, c'est que Ton dit que j'avais fait parallre
les magistrats devant moi à Freystadt, et je n'ai
jamais été à quatre lieues de ce bourg. M. le gé-
néral Puthod m'a adressé ces plaintes écrites,
comme je l'en avais prié. J'ai fait prendre des
renseignements par le lieutenant général Wooll-
warth. Je joins ici la réponse, et tout me prouve
la mauvaise foi de ces gens. »
Il y avait beaucoup de vrai dans les plaintes
portées contre les troupes du général Hugel.Van-
damme ne l'ignorait pas, mais il cherchait à pal-
lier les fautes de ses subordonnés, tout en don-
nant les ordres les plus sévères pour la répression
de ces désordres. Il aimait beaucoup le général
Hugel à cause de sa bravoure ; cependant, dans
une circonstance, mécontent de sa négligence, il
lui infligea des arrêts. Cela donna lieu, à la fin de
la campagne, à une lettre du général WooUwarlh,
commandant la cavalerie et commandant en second
le corps d*arméc. Nous reviendrons plus loin sur
cette affaire, et nous montrerons les troupes du
8® corps sous leur aspect véritable. Reprenons le
récit des événements.
Dans les derniers jours de mai, Vandamme el
les Wurtembergeois s'étaient ra;î;)rcchés de
Vienne et couvraient les passages d.i fleuve, de-
puis Mautem jusqu'à la capitale de l'Autriche. Le
âl, l'ennemi tenta de franchir le fleuve, entre
Krems et Ollenburg. 1,200 Autrichiens par-
vinrent à surprendre les avant-poste de la bri-
— 307 —
• • . • ■ *
gade Hugel et à se porter sur la rivo droite du
Danube.
Aux premiers coups do feu, le général en chef,
avec son activité ordinaire, était sur pied. Il réuniâ-
sait à Gottweg, près de Krems, Tinfanterie légère,
faisait monter à cheval la cavalerie, la portait en
avant d'Herzogenburg et marchait lui-même à Ten-
nemi, avec les trois régiments de ligne et douze
pièces, tirées de Saint-Polten. A rapproche de
Vandamme et des réserves, les Autrichiens pas-
sèrent immédiatement sur la rive gauche. Le gé-
néral fil sommer le commandant autrichien,
placé en face de lui, de couler immédiatement ses
barques, s'il ne voulait pas voir Krems et Steyer
réduits en cendres par ses obus.
Cette affaire fut prise très au sérieux à Tétat-
roajor de l'Empereur. Berthier écrivit le même
jour, 81 mai, à six heures du soir, d*Ebersdorf, à
Vandamme :
« Il est six heures du soir, général, et nous
recevons votre lettre de ce matin, sept heures,
par laquelle vous annoncez que l'ennemi tente un
passage entre Krems et Ollenburg et que vous
inarchez à lui ; l'Empereur attend avec impatience
les détails de ce qui se sera passé cette après-midi.
Le général Pajol, avec un régiment de cavalerie,
se porte de Gloster-Neuburg pour vous rejoindre,
Songeant la rive droite du Danube. Vous aurez
sans doute prévenu le prince de Ponte-Gorvo et
le duc de Dantzig; le premier est à lintz et le
— 808-
deuxième doit être à Steyer ou à Lambach. L*en-
nemi ne peut pas effectuer un passage considé-
rable sans avoir un pont, et vous devez facilement
rompre son pont en détachant tous les moulins et
les gros bateaux et les lançant au cours du fleuve;
ce moyen , qui a réussi contre nous sur notre
pont d'Ebersdorf, doit avoir le même résultat
contre le pont que Tennemi aurait jeté. Le corps
du duc d*Auerstaedt se rassemble,, et, selon les
nouvelles que nous ne tarderons pas à avoir de
vous, il se mettra en mouvement cette nuit. Si
vous n'étiez pas parvenu à jeter aiyourd'hui l'en-
nemi à la rivière et que ses démonstrations soient
sérieuses, tout ce qui est en ligne, de Molke, se
reploierail derrière TEns et couvrirait le prince
de Ponte-Gorvo et le duc de Dantzig ; tout ce qui
serait à Saint-Polten se reploierait sur Vienne.
L'armée d'Italie, comme vous le savez, est arri-
vée à Neustadt. •
De son côté, Bernadotle s'était mis en marche
d'Amstetten, oii il venait d'arriver, pour porter
secours à Vandamme, dès qu'il avait appris Tat-
taque des Autrichiens; mais il s'était arrêté bientôt,
parce qu'on était venu l'assurer que l'ennemi avait
été rejeté sur la rive gauche.
Cette échauffourée, qui aurait pu avoir de graves
conséquences, si elle n'avait été déjouée par l'acti-
vité de Vandamme, donna l'idée à l'Empereur
d'avoir près de Krems un poste fortifié, capable
de résistance, et qui pourrait servir aussi d'hôpi-
— 309-—
tal. Il jeta les yeux sûr la vaste abbaye de Molke,
parfaitement située pour cet objet, et écrivit à
Vandamme, le 5 juin 1809 :
* Mon intention est de mettre Tabbaye de Molke
à l'abri d*un coup de main, de manière que 5 à
600 hommes et 5 ou 6 pièces de canon puissent
défendre longtemps ce poste important. Je désire
que vous fassiez cette reconnaissance et que Vous
me mandiez vos idées là-dessus. Faites-en faire
un plan par un officier du génie, si vous en avez
un dans votre corps. Vous devez continuer à être
chargé de toute la défense du Danube, depuis
Molke jusqu'auprès de Vienne, et vous devez
porter votre quartier général à Saint-Polten ou à
Sigartzkirchen, selon les circonstances et les
mouvements de l'ennemi. *
Vandamme s'occupa immédiatement de la mis-
sion qui lui était confiée, il reconnut lui-même
Tabbaye, envoya un croquis et fit travailler aux
ouvrages qui en assuraient la défense.
L'Empereur lui répondit le 10 juin :
• Monsieur le général Vandamme, j'ai reçu le
croquis que vous m'avez envoyé sur l'abbaye de
Molke, mais comme il n'y avait pas d'échelle/ je
désire que vous m'en fassiez faire un plus étendu
et qui ail une échelle, afin que je puisse voir les
distances. La partie qui regarde le Danube parait
n'avoir besoin que d'être escarpée et que de quel-
ques créneaux dans les flancs. La partie qui re-
garde le village n'a, je crois, besoin de rien. Je
•«MO —
ne Mift R*il y & moyen de la flanquer de manière
quon en voie le pied. Le vrai point d*attaqiie
parait être le long du mnr da jardin, da côté ie
l'entrée; c'est donc là où il faut établir un on\Tagc
solide. Je ne pense pas qu'il y ait pins de 150 toises
d'étendue. Il faudrait donc tracer là un beau front
qu'on revêtirait en bois, en considérant le mur
actuel comme un second obstacle ; on porterait le
tracé à quelques toises en avant. Alors, il me
semble que Tabbaye de Molke serait un poste im-
portant. Quant aux pièces de canon, il en faut au
moins 8 pour défendre le front d'attaque, â ou â
pour le côté du Danube et 4 ou 5 petites pièces
pour les autres points de l'enceinte. Comme il y
a ici, à Vienne, beaucoup d'artillerie de fer, on
enverra toute celle qui sera nécessaire. Ayez soin
que l'hôpital, les magasins d'artillerie et de vivTcs
' soient placés dans l'abbaye. Faites fbire une re-
. connaissance de l'abbaye de Cottweig, car 8'it
était aussi facile de la fortifier que Molke, ce pour-
rait être très-avantageux. Le msgor général vous
i enverra les ordres que je viens de donner pour que
.' cette abbaye soit mise à l'abri d'un coup de main
î çt pour que les murs de Mautern soient démolis.
• Sur ce, je prie Dieu qu'il vous ait en sa sainte
garde.
« Dans l'abbaye de Cottweig, il y a le plan, en-
voyez-le-moi. •
Vers la même époque, onze chasseurs de Wur-
: temberg furent assassinés dans un village près
— 3i4 -
de Molke; le migor général prescrivit à Van-
damme d'enlever des otages, de rechercher leç
coupables et de les faire fusiller. Un aubergiste
et un autre individu, convaincus du crime, furent
en effet exécutés, et une forte contribution frappée
et versée dans les caisses de Tarmée.
Bernadette s'était porté avec le 9® corps à Saint-
Polten où l'Empereur avait voulu que les Saxons
prissent quelques jours de repos pour se préparer
à la grande bataille prochaine. Le prince de Ponte-
Gorvo avait été appelé à Vienne, près de Napo-
léon. Il écrivit de là, le 9, à Vandamme :
• Je présume, mon cher général, pouvoir partir
demain. Du reste, il n'y a rien de nouveau. L'on
continue toujours à fortifier File Lobau et l'on fait
un pont sur pilotis, mais qui ne pourra servir qu'à
passer l'infanterie. J'ai eu occasion de parler de
vous, comme nous en étions convenus, et je vous
annonce avec un bien grand plaisir qu'on était
très-bien disposé. — Je vous embrasse. *
Une autre abbaye, celle de Gottweg, située près
de Mautern fut aussi fortifiée, et les murs de la
ville démolis par ordre de l'Empereur.
Cependant, il ne se passait guère de jour que
des plaintes n'arrivassent de tout côté sur les
exactions que les troupes alliées faisaient subir au
pays occupé par elles. Les Wurtembergeois re-
jetaient tout sur les Saxons, les Saxons attri-
buaient le mal aux Wurtembergeois. Vandamme
palliait de son mieux les fautefs de ses troupes, et
- 842 —
faisait son possible pour empêcher les dilapida-
tions, tout en ne laissant rien parvenir aux oreilles
de TEmpereur. Il saisissait toutes les occasions
de vanter la bravoure des soldats du roi Frédéric;
mais en agissant ainsi, il se faisait à lui-même un
tort réel vis-à-vis de Napoléon et du major géné-
ral qui n'ignoraient pas la vérité. On verra bientôt
qu'à bout de patience, il éclata à son tour et fil
connaître ce qui en était.
Jusqu'au 24 juin, rien de nouveau n*eut lieu sur
la ligne du Danube. Il existait, non loin de l'abbaye
de Molke et en fac3 d'elle, un petit camp autri-
chien de trois à quatre cents hommes qui gênait
beaucoup les tirailleurs. Vandamme résolut de
l'enlever de vive force. Il demanda l'autorisation
au major général. Ce dernier, ayant pris les or-
dres de l'Empereur, consentit à l'expédition qui
réussit parfaitement. Elle fut conduite par le pre-
mier aide de camp du général , le commandant
Vincent.
Le 1*' juillet, toutes les troupes qui devaient
être engagées à la bataille de Wagram , resser-
rant de plus en plus leurs positions, le 8® corps
eut ordre de se rapprocher de Vienne, d'occuper
la promenade du Prater et d'organiser la défense
de la ville. Une réserve de deux mille hommes
a
avec douze pièces bivouaqua entre Vienne et
Schœnbrunn.
Vandamme profita de sa position pour gravir
une colline assez élevée, d'où l'on découvrait par-
faftement Tannée autrichienne de Tairtre côté dé
Tile Lobau. Il écrivît ensuite au major général :
« Je descends à l'instant du mont Léopold. De
ce point, j'ai vu très-distinctement l'armée autri-
chienne ; sa force ne m'a pas paru dépasser
soixante mille hommes, dont la plupart sont main-
tenant couchés et éloignés des camps. Douze mille
environ, regardant le point de notre passage, sont
en échiquier, leur droite appuyée sur Aspern et
leur gauche sur Essling. Les parcs et convois sont
encore attelés. Je crois devoir faire part à Votre
Altesse que je pense qu'il est impossible ailleurs
de découvrir le pays aussi parfaitement qu'au
mont de Léopold, et qu'il serait essentiel d'y
placer un officier intelligent qui pût y observer
'Continuellement les mouvements de l'ennemi. On
tirerait de cette mesure les renseignements les
plus satisfaisants. Pour moi, Monseigneur, autant
par utilité que pour mon instruction, je m'y trou-
verai fréquemment, et si je puis faire quelques
remarques qui méritent attention, je m'empresserai
de les transmettre à Votre Altesse, etc. »
Ce fut de ce point, en effet, que l'Empereur ob-
serva l'armée de l'archiduc Charles, et ce fut là
que.Vandamme se plaça pendant la journée dé-
cisive pour observer la bataille à laquelle il eut la
douleur de ne pouvoir prendre part.
Le 6 juillet, à sept heures et demie du soir,
lorsque le sort de l'Autriche eut été en quelque
sorte fixé par la victoire de Wagram, le général
-814-
reçut du major général Tordre de couvrir les
ponts d'Ebersdorf sur la rive droite , contre les
partis ennemis qui pourraient vouloir 8'en em-
parer, de faire battre la plaine d'Oldenburg , et de
se mettre en communication avec le général Ba-
raguey-d*Hilliers sur Presbourg. Le commandant
du 8^ corps dirigea immédiatement une de ses
brigades sur la tête du pont d*EIbesrdorf.
Deux jours après , les Wurtembergeois furent
mis sous le commandement du vice-roi d*Italie et
entrèrent momentanément dans la composition de
son armée. Vandamme se rendit auprès du prince
Eugène le 9 juillet; le lendemain 10, il lui donna
par écrit tous les renseignements sur les mouve-
ments de retraite des Autrichiens.
Le 12 juillet, Tarmistice de Znaïm fut signé.
Vandamme en fut prévenu par le général Guille-
minot, chef d'état major de Tarmée dltalie. L'ar-
ticle 3 de la convention stipulait Tévacuation, par
l'ennemi, des forteresses de Brunn et de Gratï.
Vandamme fut chargé de réunir tout son corps le
13, à Neustadt, de marcher sur le Simmering, el
de faire exécuter les dispositions de cet article 3.
Le 14, Berthier lui envoya une lettre ouverte pour
le général autrichien Giulay qui commandait du
côté de Gratz. Le lendemain, deux autres lettres,
l'une d'un des commissaires autrichiens, adres-
sées à Giulay, et au commandant de la forteresse,
lui furent également remises.
Muni de ces dépêches et des instructions de
TEmpereur, Vandamme se mit à la tête du 8^ corps
et s avança en Styrie. Le général Giulay n'avait
encore reçu aucune communication de son gou-
vernement. Arrivé à Kindberg, en face des avant-
postes autrichiens, Vandamme fit connaître à Tof-
licier qui commandait sur ce point qu'il se rendait
à Gratz, chargé de faire exécuter l'armistice, mais
qu'arrêté à ses avant-postes, il lui donnait con-
naissance de la convention. Que s'il refusait d'y
faire droit, il serait forcé d'agir d'après ses ordres.
Le général Zach, chef d'état-major de Giulay, se
rendit alors auprès du commandant du 8® corps ,
et l'on fit passer les dépêches au général en chef
autrichien* Ce dernier arriva au bout de quelques
heures,. assura qu*il ne connaissait pas l'armistice
et demanda quelque répit, pour avoir le temps de
recevoir des instructions. On convint d'une ligne
de démarcation pour les. troupes. Le 17, à onze
heures du matin, rien n'étant encore arrivé, Van-
damme écrivit au général Giulay, qu'ayant ordre
d'occuper Gratz , il allait se trouver obligé de
commencer les hostilités.
Pn même temps, il recevait de Berthier la nou-
velle que le maréchal Macdonald, sous les ordres
duquel il passait momentanément, était en marche
pour la joindre. Macdonald écrivait lui-même qu'il
arrivait avec ordre de s'emparer de Gratz de gré
ou de force. Cette place fut alors rendue, et le co-
lonel Kemer^ chef d'état-mcgor du 8^ corps, en
prit possession au nom de l'Empereur..
Tout étant terminé sur ce poinl, el le corps
d^armée éprom'ant de la difficulté à se procurer
des subsistances , Vandamme eut ordre de ^
porter de nouveau sur le Danube. Ses troupes se
mirent en route le 8 août pour Neustadt. Lui-
même se rendit directement à Vienne. Il eut alors
la satisfaction d apprendre que TElmpereur avait
nommé colonel le chef d'escadron Vincent, son
premier aide de camp ; le capitaine adjoint De-
leau, chef de bataillon; le lieutenant Hayaert, ca-
pitaine; et le sous-lieutenant Lussan Desparbès,
lieutenant. En outre, plus de cinquante décorations
étaient accordées au 8^ corps.
LesWurtembergeois, qui se livraient de plus en
plus au pillage, firent séjour à Neustadt les 9 et
40 août ; puis ils vinrent à Vienne même, oii FEm-
pereur les fit camper au pied des collines de
Nusdorff , près du pont. Ils s'y installèrent le 12
et le 13.
Malgré les ordres donnés et souvent réitérés
de Vandamme aux généraux et aux officiers dn
8* corps, les désordres, les pillages, les exactions
ne s'arrêtèrent pas. Berthier en fut instruit, et
écrivit à ce sujet, le 24, de Schœnbrunn, au gé-
néral :
* Je suis informé que les communes voisines
du camp qu'occupent vos troupes se plaignent de
la conduite des Wurlembergeois qui se portent
fréquemment el en grand nombre sur Tune ou
l'autre de ces communes et y font beaucoup de
— ^ 317; —
;àts. Les gendannes envoyés pour arrêter ces
^ordres ont été mal reçus par les officiers,
nnez des ordres pour faire cesser une conduite
;si répréhénsible. »
L'adjudant commandant Revest vint remplacer
colonel Kerner, comme chef d'état-major au
corps, au commencement de septembre, et Van-
name reçut Tordre d'envoyer chaque jour un de
i régiments à la parade de TEmpereur. Il lui
tlait à lui-même de quitter le commandement de
lupes dont il avait trop souvent à se plaindre ,
ilgré tout ce qu'il avait fait pour elles.
Une nouvelle lettre de Berthier fit voir à Van-
mme que, malgré tous ses efforts pour empêcher
conduite des Wurtembergeois de parvenir
a connaissance de l'Empereur, il n'avait pas
iissi.
Voici cette lettre, datée de Schœnbruun , le
septembre :
« Il a été rendu compte à l'Empereur, Monsieur
général Vandamme, des plaintes formées par
gouvernement de la Styrie, relativement à des
quisitions illégales qui ont été frappées par des
ilitaires wurtembergeois pendant le séjour que
s troupes ont fait dans celte province. Il est
nstaté par les pièces originales jointes au rap«
rt-fait à Sa Majesté :
«. 1® Que l'officier wurtembergeois qui comman-
it à Gleisdorff a frappé sur la commune de Pis-
Isdorff une réquisition de 700 paires de souliers^
— 31ft —
30 peaux de bœuf et 600 aunes de toile, ou tten
7,200 florins en argent, si les objets à foornir
n'existaient pas. On assure que la crainte d*étre
maltraités détermina les habitants à payer
8,125 florins;
« 2^ Que des chasseurs wurtembergébis exi-
gèrent à Feldbach, outre 12 bœufs, 400 peaux de
veaux, ou leur prix en argent. Ils en obtinrent à
peu près le quart ;
• S"" Que M. le général de Hugel a frappé 8ur
Tarrondissement d'Hcrberstein une réquisition de
A\)G paires de souliers, que le gouvernement de
Styrie annonce lui avoir été payés, moyennant une
somme de 3,472 florins, et qu'il a été frappé en
outre une autre contribution de 1,800 florins sur
la commune de Feldbach .
• L'Empereur est très-mécontent que des offi-
ciers wurtembergeois aient exercé des actes de
celte nature, qui tendent naturellement à ôter aux
habitants des pays conquis les moyens de remplir
les réquisitions légales qui leur sont faites et
d'acquitter le montant des contributions auxquelles
ils sont imposés. Sa Majesté ordonne, en consé-
quence, que vous fassiez punir les coupables et
que vous preniez des mesures pour réprimer sé-
vèrement de semblables abus,
« Faites-moi connaître, général, les dispositions
que vous aurez prescrites pour remplir à cet égard
les intentions de Sa Majesté. »
Vandamme essaya encore de pallier Taffaire en
-319 —
répondant au msgor général qu*il avait la certitude
que toutes les réquisitions avaient été employées
au bien-être des troupes, qu'il espérait que TEm-
pereur serait moins irrité en apprenant que le
soldat avait seul recueilli les avantages des réqui-
sitions illégales.
Toutes ces affaires désagréables avaient forte-
ment impressionné le général, qui ne cessait de
solliciter un autre commandement ; aussi apprit-
il avec grand plaisir, le 14 octobre, que le 8* corps
devait se mettre en route le lendemain pour ren-
trer dans les Étals de Wurtemberg, et que lui-
même allait avoir une nouvelle destination.
Les Wurtembergeois partirent le 15, en effet,
passèrent le pont de Vienne et vinrent à Krems ;
mais, dès le 19, leur général en chef reçut de
nouvelles plaintes contre les troupes d*avant-garde
du général Hugel.
Le chef d*étal-major écrivit de Ki^ems au géné-
ral de WooUwarth, au nom de Vandamme, une
lettre trés-sévère, et mit à Tordre qu'un officier,
c[ui s'était permis d'exiger 1,000 florins d'une
commune, avait été incarcéré et allait être jugé
par un conseil de guerre ; que pareils faits dés-
honoraient le corps, et que le général en chef ren-
dait les colonels responsables de pareils délits.
Vandamme, resté à Vienne, avait sollicité à
plusieurs reprises une audience de l'Empereur
sans pouvoir Tobtenir. Le 16 octobre, il adressa
la lettre ci-dessous à Napoléon :
— 8S0-
« Sire, depuit» mon retour de Styrie, j'ai soUi- 1
cité à plusieurs reprises une audience particulière
de Votre Majesté ; mais n'ayant pu obtenir cette
faveur, j'ai l'honneur de la prier de daigner me
permettre de réclamer quelques-uns de ses ins-
tants.
• Je ne dissimulerai point, Sire, que depuis
longtemps j'ai le cœur navré. J'ai tu, je puis dire
ma douleur, tant que la reprise des hostilités est
restée incertaine ; mais aujourd'hui que Votre Ma-
jesté vient de nouveau de donner la paix à la
France, je crois pouvoir lui exposer mes chagrins.
Il m'est sans doute bien pénible. Sire, de demeurer
dans le profond oubli qui m'accable, tandis que je
vois toute l'armée française comblée de bienfaits,
de faveurs, et que, sous mes yeux, mes égaux sont
gratifiés de rangs, de dignités et de fortunes im-
menses. Je sais qu'on cherche à faire croire que,
moi aussi, je possède de grands biens ; mais, s'il
s'agissait de les dénombrer, ils paraîtraient bien-
tôt faiblement réduits, et je n'en citerai ici qu'un
exemple : ma dotation en Weslphalie, qui m'est
comptée pour 30,000 francs net, lorsqu'au moyen
des retenues que j'éprouve, ces revenus s'élèvent
à moins de 20,000 francs.
« Que dois-je penser maintenant. Sire ? que
penseront ma famille et tous ceux qui me connais-
sent ? Suis-je frappé de disgrâce ou m'est-il encore
permis de compter que je conserve les bontés de
Votre Majesté ? Sans doute, si l'on jette un regard
— 3il —
sur ma conduite, Ton doit me croire plutôt envi-
ronné de la bienveillance de Votre Majesté que
supportant Tamertume d'une défaveur. Qu'il me
soit permis de rappeler ici à mon souverain rat-
tachement inviolable qu'à toutes les époques je
n'ai cessé de porter à lui et à sa famille, ce que
j'ai fait sous ses yeux, et de fixer son souvenir sur
des événements plus récents. Donawerth, Abens-
berg, Ralisbonne et Eckmulh. Votre Majesté alors
daigna me faire des promesses, et il m'est doulou-
reux de n'en voir réaliser aucune. Si je n'ai pas eu
le bonheur d'assister à Wagram, chacun sait que
j'ai presque gémi de ce que Votre Majesté m'avait
jugé utile à un autre poste, et que je me suis dé-
sespéré de ne point aller partager les dangers de
Votre Mfiyesté à cette glorieuse journée.
a Je ne puis donc qu'attribuer aux hisinua-
tions mensongères de mes ennemis secrets l'af-
fliction que j'éprouve aujourd'hui, et s'il m'est
réservé de la subir encore, je prie instamment
Votre Majesté de me permettre de me retirer
chez moi. La paix me détermine à lui faire celte
demande. Si la guerre eût continué , j'aurais,
sans chercher à en tirer aucun mérite, abandonné
mes intérêts pour en songer qu'à ceux de Votre
Majesté. »
C'est au moment où il avait le cœur ulcéré par
ce qu'il considérait comme une sorte de disgrâce,
que Vandamme, dont le zèle ne s'était pas démenti
H 21
— 8M —
un 8oul instant, reçut du commandant en second
des troupes wurtembergeoises, le général de Woll-
warth, la lettre suivante :
• Monsieur le général, comme il parait, par
votre lettre du 17, que vous allez bientôt quitter
TAllemagnc et que vos relations avec le corps
d'armée de Wurtemberg cesseront, je prends la
liberté de vous faire observer, Monsieur le géné-
ral, tfu'il y a encore un officier général à qui vous
devez réparation.
■ C'est M. le général de Hugel, que vous avez
grièvement offensé à Mautern, en présence des
officiers de votre suite et de vos ordonnances, et
qui insiste à obtenir do votre part réparation con-
venable.
« Comme il serait cruel pour moi que voire
départ fût marqué par une scène d'un état très-
sérieux, je vous prie, Monsieur le général, de sa-
tisfaire le général de Hugel d'une manière pu-
blique, ce qui, pour un général en chef qui quitte
son corps d'armée et qui ordinairement prend
congé dans un ordre du jour, ne peut guère être
difficile.
% J'en appelle à votre justice. Monsieur le gé-
néral, et à la bonté de votre caractère et qui onl
toujours percé par la vivacité de votre tempéra-
ment et qui, dans cette dernière occasion, seraient
à leur place pour honorer encore davantage
votre souvenir. »
Vaiidamme, hors délai de se contenir plub
- 323 —
igtemps, écrivit au comte de WoUwarth le 19
iobre :
« Je reçois à l'instant votre lettre en date de ce
ir et m'empresse d'avoir l'honneur d'y répondre,
le penser de vous, Monsieur le général, qui avez
jné cette lettre? A qui donc croit-on avoir af-
re ? Le général Hugel ignore-t-il qui je suis î
loi ! j'ai grièvement offensé ce généraUmcyor à
lutern, parce que je lui ai reproché sa négli<»
ace, la fausse position qu'il avait fait prendre à
n artillerie, le tort qu'il avait d'avoir trop dis^
rsé ses troupes, l'insouciance qu'il avait mon-
5e eu ne visitant pas ce jour-là toute la ligne^
[idis que l'ennemi pouvait au premier passage
at enlever, ce qui serait effectivement arrivé sans
reconnaissance que j'ai faite moi-même, puis-
le le lendemain les Autrichiens, à deux heures
L malin, avaient déjà dépassé les positions où
aient la veille les canons du général Hugel ? Je
i représentai la générosité de son roi, de qui il
tuait de recevoir une épée d'honneur, et je lui fU
)s reproches en termes sévères, mais nuUeme&t
convenants. Je Tai envoyé aux arrêts, simple*
ent pour l'éloigi^r de moi, parce qu'il était fort
npertinent. Ce général s'est plaint à son frère^
envoyé de votre roi, je crois, à Sa Majesté elle-»
iéme. J'ai feint de tout ignorer, je ne m'en suit
as plaint à l'Empereur qui aurait sans doute ten^
oyé le général de Hugel de l'armée. J'avais l'ha*
itudç de traiter ce général peu respectueux, «vee
— 3J4 —
indulgence, je puis même dire avec trop de bonlé.
Vous-même, Monsieur le général, avez été indigné
de sa conduite et surpris de mon indulgence. Au-
jourd'hui, vous êtes son avocat et, oubliant ce
que vous devez à votre rang et au mien, vous
m'adressez une lettre qui étonnera beaucoup Sa
Majesté l'Empereur, à qui je vais l'envoyer. Il pa-
raît, Monsieur le général, que vous vous êtes en-
tièrement laissé circonvenir par l'indigne hypocri-
sie de quelques gens de ceux qui vous entourenl
et dont vous vous êtes si souvent plaint à moi de
confiance. Je n'ai qu'un seul reproche à me
faire envers le général Hugel, c'est de lui avoir
donné une réputation fort au-dessus de son mé-
rite, et de l'avoir toujours trop bien traité à tous
égards. Trop de braves officiers de tous grades de
vos troupes en sont convaincus. Lui-même doit
en convenir.
« Il a plu à Sa Majesté l'Empereur de me con-
fier le commandement des troupes de Wurtemberg
en Silésie et en Allemagne. L'on sait assez par-
tout ce que j'ai fait pour leur gloire et pour leur
bien-être. La masse de vos officiers et de vos sol-
dats m'a payé de reconnaissance. Je méprise quel-
ques intrigants qui croient gagner quelque chose
à être ingrats. Nos deux souverains finiront par
les connaître et en feront bonne justice. Je ne sais
pas encore si vos troupes cesseront d'être sous
mes ordres. Sous peu nous connaîtrons nos nou-
velles destinations. Quelque chose qui m'arrive,
ozo
je me rappellerai toujours des officiers qui ont
bien servi. •
En transmettant à Berthier la lettre du comte
Je Wollwarth et sa réponse à cet officier général,
Vandamme envoya aussi les rapports de son chef
i*état-major Revest, puis il écrivit lui-même à
Berthier :
« Au moment où je me disposais à donner com-
munication à Votre Altesse de la lettre que vient
ie m'écrire M. le lieutenant général de Wollwarth
3l de celle que je me suis empressé de lui ré-
pondre, j'ai reçu de Tadjudant-commandant Re-
irest, chef de mon état-major, le rapport que je
joins ici et qui me signale de nouveaux abus com-
mis par les troupes de Wurtemberg. Je dois d'a-
tK)rd convenir d'un tort que je me suis acquis vis-
à-vis de moi, c'est d'avoir partout proclamé l'éloge
îe ce corps d'armée dont le commandement n'a
êié pour moi qu'un long tissu de désagréments les
plus amers, et d'avoir cherché cent fois à lui assu-
rer une réputation aux dépens de ma vie. Il est
temps enfin, Monseigneur, que je ne dissimule
plus des fautes qui, en définitive, me sont plus ou
moins attribuées et qui ont toujours porté à mon
honneur des atteintes dont je n'ai cessé d'être vic-
time. Votre Altesse, en prenant connaissance du
rapport que j'ai l'honneur de lui transmettre, verra
que les troupes du général Hugel viennent, pour
ainsi dire sous ses yeux, de fr&pper une assez
forte contribution, quoique nous soyons en paix ,
î— oîro —
et otat commiâ les plus grands désordres vis-à-vis
des habitants qui ont refusé de payer. Une action
plus noire encore que j*ai à reprocher aux tnmpes
de Wurtemberg et qui doit m'ètre la plus sensible,
o'est d avoir, à une certaine époque, à Freystadl,
demandé une somme de 16,000 florins ; d*avoir
fait paraître devant le général Vandamme qui, ce-
pendant, n^avait jamais dépassé Neumarck, un
mtgistrat âgé à qui Ton a fait subir le traitement
le plus inhumain. Je ne parlerai point de toutes
les exactions qui se sont commises en mon nom,
des abus qui se sont glissés malgré ma surveil-
lance active, malgré mes remontrances et au mé-
pris de toutes les mesures que j'ai pu prendre.
Tous les soins que je me suis donnés pour cacher
autant d'actes d'une conduite si coupable ont clé
payés de l'ingratitude la plus insigne. L'on a
cherché à me nuire et peut-être y est-on parvenu.
Ce n'est point ici, Monseigneur, le désir de ven-
geance qui me conduit à faire connaître la vérité.
C'est pour la vérité elle-même que je souhaite
fixer Votre Altesse sur ces différents faits et aussi
pour mon intérêt personnel, puisque, par une pa-
tience trop infatigable, ma réputation a été atta-
quée à différentes reprises, pour avoir traité avec
trop d'indulgence des gens qui, en faisant peser
sur moi tout le mal qu'ils commettaient, rappor-
taient à eux seuls le bien que par mon zèle je
procurais à ce corps de troupes, etc. »
L^ ms^or général s'empressa de tranunettre à
- 887 -
Empereur la lettre du général de Wollwarth. Il
ria Vândamme de venir dîner chez lui le 20, et
ôûda au général wurtembergeois : * Vous avez
ibîié que vôils écriviez à un général sous les
•dres duquel vous êtes. En attendant la réponse
) Sa Majesté et la décision du roi, votre souve-
liri, je vous rappelle. Monsieur le général, à votre
jvoir et au respect que vous devez à celui qui
)U8 commande. Vous serez responsable, Mon-
éûr, des suites d'une démarche aussi incônsi-
5rée. »
Le comte de Wollwarth ne s'attendait pas à une
lie solution ; il se hâta d'écrire à Vândamme,
21 octobre 1809, de Krems :
« Je suis au désespoir de l'effet que ma lettre
fait sur vous, effet tout à fait contraire à celui
ae j'en attendais.
é II ne s'agissait pas de vous faire un affront,
ôHsieur le général, j'ai voulu en appeler à votre
istioe et à votre bonté, pour vous prier de vou-
it bien réparer le tort que vous avez eu envers
» général de Hugel.
* Ce ne sont pas les arrêts ni les reproches qui
ôûvaient l'offenser, c'était un mot inconvenable;
ft autre mot, une mention honorable dans un
pdre du jour, aurait tout réparé, et je crois que
i votre dignité, ni votre qUaHté de général en chef
*ëa auraient reçu la moindre àMèinte. »
VéiAdamme apprît dii mâ^r général, le 90, que
)9 WurtôBàbergeôis, dottt FÉfi&j^^eW était m*-
— 8Î8 —
(liocrement satisfait, passeraient sur la rive gau-
che du Danube, où ils attendraient de nouveaux
ordres. A Krems , au moment du départ, une
nouvelle plainte arriva au chef d^état-major. Des
soldats, et même un officier, avaient maltraité un
polit poste français.
Enfin, le 28 octobre, le ministre de la guerre
reçut de l'Empereur l'avis que Vandamme allait
se rendre, en toute diligence, à Anvers, pour y
prendre, sous le duc d'Istrie, un commandement
dans l'armée du Nord, attendu la connaissance
qu'il avait de ce pays, mais qu'il resterait à la tête
des troupes de Wurtemberg jusqu'au 20 no-
vembre, époque de l'évacuation de Vienne.
Vandamme, fort aise d'être débarrassé du con-
tingent wurtembergeois, fort mécontent de ces
troupes alliées, assez peu satisfait de la campagne
qu'il venait de faire, pendant laquelle il avait dé-
ployé vigueur, talent, bravoure et dévouement,
quitta Lintz le 19 novembre, Passau le 20, et revint
en France. Il fut d'abord chez lui, à Cassel, puis
il se rendit à Paris au commencement de jan-
vier 4810, affirmant que l'ordre écrit d'aller à An-
vers, prendre le commandement des deux divi-
sions de l'armée du Nord du général Reille, ne lui
était pas parvenu. L'ordre ayant été réitéré par Ber-
thier, Vandamme déclara que sa blessure, reçue
àEckmuhl, s'était rouverte, qu'il était fort souffrant
et que le climat humide de la Zélande lui étant con*
traire, il demandait un congé de quelques mois.
— 3â9 —
L'Empereur accorda sans hésiter un congé de
deux mois au général; mais vingt jours plus tard,
le 27 janvier 1810, il fit donner brusquement, par
le ministre de la guerre. Tordre â Vandamme de
se rendre en poste à Berg-op-Zoom, pour servir
sous le maréchal Oudinot, dans Tarmée du Bra-
bant.
Le général resta à Paris, alla trouver Napoléon
qui avait oublié le congé donné et fut autorisé à
en profiter. Les choses en étaient là, lorsque, le
7 février, un nouvel ordre lui enjoignit d'aller à
Boulogne-sur-Mer, pour prendre le commande-
ment du camp en remplacement du général Sainte-
Suzanne, rappelé à Paris. Cette fois, Vandamme
n'osa pas refuser. Il se rendit donc, le 21 fé-
vrier 1810, à son corps d'armée, composé de deux
divisions, à la tète desquelles se trouvaient les
généraux de brigade Legrand et Sarrazin. Ces
divisions étaient formées par les cohortes de la
Somme, de la Seine, de la Seine-Inférieure, de
l'Yonne, et par quelques compagnies de marine,
d'ouvriers militaires, d'ouvriers d'artillerie, don-
nant un total d'environ 6,000 hommes. Le général
de brigade Harty était chef d'état-major de ce petit
corps, qui ne convenait à Vandamme que par sa
proximité de Lille et de Cassel, où il avait sa fa-
mille et ses intérêts.
Le général inaugura ses nouvelles fonctions par
un trait qui fut désavoué par l'Empereur.
Voici, à cet égard, les documents officiels que
nous ferons suivre de la lettre explicative de Van-
damme.
RAPPORT AU MINISTRE DE LA GUERRE.
c 10 mars 1810.
« On a l'honneur de rendre compte au ministre
deô principaux faits dont se compose une plainte
assez grave, portée par le maire de Boulogne,
contre le général Vandamme, commandant le camp
de Boulogne.
« Le 13 février dernier, le maire de Boulogne
reçut, d'un officier d'état-miigor, l'avis de l'arrivée
du général Vandamme, et l'invitation de lui faire
préparer un logement convenable.
« Le maire répondit en indiquant quatre mai-
sons au choix du général Vandamme ; et en an-
nonçant que, jusqu'à ce qu'il se fût déterminé, les
appartements de l'hôtel Britannique seraient pro-
visoirement mis en réquisition pour le recevoir.
* Le 21, le général Vandamme arriva et ne
descendit point à l'hôtel Britannique, où toVt était
préparé, mais à l'hôtel de France.
« Le maire se présenta le 22 pour lui rendre
seâ devoirs et ne fut pas reçu.
« Le général Sainte-Suzanne ëtait logé ââfjs la
maison du maire de Boulogne, et partît dans la
finit du 22 au 23.
« Imtnédiatement après son déport, et pendatit
que le somAi6il végùàii dans kt tnàidon, dix gen-
- 881 -
darmes s'y rendirent, par ordre du général Van-
damme ; et, à son réveil, le maire trouva les appar-
tements du général Sainte-Suzanne occupés par
eux, avec l'ordre de n'y laisser entrer personne et
de n'en laisser sortir ni meubles ni effets.
* Le général Vandamme s'y rendit dans le mi-
lieu de la journée, et en prit possession sans voir
le maire et sans lui faire dire un mot, quoiqu'il
lui eût fait annoncer sa visite à une heure fixe.
« Après avoir attendu vainement une explica-
tion, le maire eut lieu de se convaincre, qu'après
s'être emparé de vive force de sa maison, le gé-
néral Vandamme avait l'intention de s'y maintenir.
« Le général Vandamme a fait depuis signifier
par huissier au maire, qu'il allait faire dresser un
état des lieux et un inventaire des meubles et
effets. Le maire ignore si ce procès-verbal a été
dressé, n'ayant reçu aucune signification.
« Le général Vandamme a fait également
transporter dans une remise, au grand air, des
meubles et effets qui ne lui ont pas convenu.
« Le maire fait observer que, par le fait de cette
violence, il se trouve réduit, dans sa propre mai-
son, à deux petites chambres et quelques cabinets,
ainsi qu'à une petite salle à manger, pour recevoir
ktt autorités locales.
« Le maire ajoute qu'il n'avait eu lieti jtfôqu's-
lors qa'à se louer des génërgnx Hampon et
Ssâote-Suzamie, qui avaient liabitë sa maison
CQSBoistemeBt avec M ; et qo* méaie en eofisen-
— 332 —
tant à y recevoir le général Sainte-Suzanne, il
n'avait cédé qu'à ses instances et à ses bons pro-
cédés.
« Le maire ajoute à ce récit celui de quelques-
unes des humiliations sans nombre, dont la vio-
lence du général Vandamme a été accompagnée;
et il en réclame avec instance la réparation, el
comme citoyen et comme fonctionnaire public.
• On prie Son Excellence de faire connaître si
elle est dans Tinlention d'écrire, à ce siyet, au
général Vandamme ou d'en rendre compte à
l'Empereur.) •
{En marge :) « Faire un précis de cette affaire
et prendre les ordres de l'Empereur. »
Une note du ministre de l'intérieur, en date du
14 mars, et reproduisant les mêmes faits en
termes à peu près identiques, fut envoyée à l'Em-
pereur le 14 mars.
Le 16 du même mois, le ministre de la guerre
répondit au maire :
« Monsieur, j'ai reçu la lettre que vous m'avez
fait l'honneur de m'écrire, le 28 février dernier, au
sujet de la conduite qu'a tenue le général Van-
damme au moment où il a occupé la maison que
vous habitez; nous en avons été fort peines, le
ministre de l'intérieur et moi. Je viens d'en faire
sentir l'inconvenance au général Vandamme, et je
l'ai invité à évacuer votre maison dans un bref délai.
« L'exécution de ce que j'ai prescrit au général
Vandamme à ce sujet devient pour vous. Mon-
— 333 —
sieur, une satisfaction suffisante, surtout si Ton
considère que le commandement qui lui est confié
et les fonctions que vous remplissez vous-même
prescrivent de limiter les suites de cette affaire
dans de certaines bornes. »
En même temps qu'il écrivait la lettre ci-dessus
au maire de Boulogne, le ministre de la guerre
mandait à Vandamme :
« Général, j'ai vu avec peine les plaintes qui
ont été adressées au ministre de l'intérieur et à
moi, sur la manière dont vous avez occupé la
maison du maire de Boulogne sans son aveu.
Cette conduite a nécessité l'ordre que vous trou-
verez ci-joint, et à l'exécution duquel vous ne
pourriez vous dispenser de vous conformer sous
aucun prétexte; des actes aussi inconsidérés qui
ravissent, dans l'opinion, à un chef militaire une
partie du respect et de la considération dont il
doit jouir, pourraient, s'ils étaient répétés, éloi-
gner l'Empereur de vous confier de grands com-
mandements, quelle que soit l'eslime que Sa Ma-
jesté fait de vos services et des talents militaires
qui vous ont distingué dans ses armées. •
AU NOM DE SA MAJESTÉ l'eMPEHEUU ET ROI.
« Il est ordonné au général de division Van-
damme, commandant le camp de Boulogne, d'éva-
cuer dans les vingt-quatre heures de la réception
du présent ordre, la maison du maire de Boulogne,
— 334 —
qu'il a occupée d*uiie manière illicite et inconve-
nante. Le général Vandamme habitera Tun des
logements qui avaient été désignés pour lui par la
municipalité de Boulogne, avant son arrivée, ou
tout autre auquel il voudrait pourvoir à ses frais.
« Il est également ordonné au général Van*
damme de garder les arrêts pendant vingt-quatre
heures, à cause de la conduite qu'il a tenue en-
vers le maire de la ville de Boulogne. L'officier
général le plus élevé en grade recevra, du général
Vandamme, le commandement du camp de Bou-
logne, qu'il exercera pendant la durée des arrêts
de ce général. Il sera rendu compte au ministre de
la guerre de Texécution du présent oixire. •
Dans l'intervalle, le maire de Boulogne vint à
Paris, obtint une audience de l'Empereur et lui
demanda satisfaction. Après l'avoir écouté quel-
ques instants, Napoléon, qui se promenait de long
eu large dans son salon, s'arrêtant brusquement
devant M. de Menneville, lui dit, moitié sérieuse-
ment, moitié en riant :
— « Écoutez, monsieur le maire, voyez-vous, si
j'avais deux Vandamme, j'en ferais fusiller un,
mais je n'en ai qu'un et je le garde pour moi, parce
que j'en ai besoin et que je ne pourrais pas le
remplacer. Si jamais je suis obligé de faire la
guerre au (hable, c'est lui que j'y enverrai, il est
seul capable de le mettre à la raison. «
Vandamme fut peiné de l'ordre du ministre de U
guerre, il lui répondit le 21 mars :
-338 —
« Monseigneur, j'ai témoigné à Votre Excellence
3ombien il m'avait été douloureux de recevoir
Tordre de quitter Tappartement que j'occupais
dans la maison du sieur Menneville. J'ai Thonneur
de lui rendre compte aujourd'hui de l'exécutioq
de cet ordre : j'ai de suite remis les lieux à la dis-
position de ce propriétaire. M. le général Harty,
chef de l'état-major-général a pris le commande-
ment du camp pendant le délai que Votre Excel-
lence avait fixé, et hier il a dû adresser à Votre
Excellence le rapport de l'armée.
• Je n'ai cherché aucun prétexte pour éluder ce
qui m'était si sévèrement prescrit. J'ai fait preuve
de toute la soumission qu'on pouvait attendre;
mais je dois encore, Monseigneur, réclamer quel-
ques instants d'attention de la part de Votre Ex-
cellence pour lui faire entendre ma justification»
non pour éloigner la cause de l'affliction qui m'ac-
cable, puisque maintenant tout le mal est fait,
mais pour détruire l'opinion défavorable que des
rapports peu exacts ont fait naître, et éclairer la
religion de Votre Excellence qu'on me paraît avoir
surprise.
« J'avais tout lieu d'espérer. Monseigneur,
qu'avant de prononcer, j'aurais été entendu, et que
du moins, d'après l'explication que j'aurais pré-
sentée, on ne m'aurait pas donné, vis-à-vis du sieur
Menneville, un échec aussi avilissant ; mais puis-
qu'il en a été autrement, je dois, le cœur navré,
me résigner à voir le sieur Menneville colporter
— 386 —
la décision qui assure son triomphe, et à Ten-
lendrc, par des propos injurieux, chercher à atté-
nuer le respect et la considération dont je suis
environné et à faire rejaillir sur moi une portion
du souverain mépris qu'il inspire. Ce n'était là
sans doute pas la récompense que mes ser\îces
devaient m'attirer, et j'ai besoin d*étre animé, pour
l'Empereur, de tout l'attachement dont j'ai donné
des preuves, pour supporter le chagrin amer et
le dégoût qui viennent de m'élre suscités.
• Lorsque pour la première fois, Monseigneur,
j'ai été chargé du commandement du camp de
Boulogne, j'ai pris le logement qu'occupait M. le
colonel général Gouvion Saint-Cyr, et c'était chez
M. Menneville. Depuis moi, M. le sénateur Ram-
pe;! a eu cet appartement, et successivement M. le
sénateur Sainte-Suzanne, que j'y ai trouvé établi.
Il m'a donc semblé très-simple de rentrer dans
cette maison que j'avais laissée aux généraux qui
m'ont succédé et qui, par sa position et ses de-
hors, parait destinée à servir de quartier général
aux généraux commandant en chef. Cette maison,
la seule où l'on puisse représenter, est située sur
la place d'Armes, et pour le bien même du ser-
vice il est utile que le général en chef y soit logé.
« Je sais que le sieur Menneville a tiré contre
moi un grand moyen d'accusation, de ce que
j'avais placé des gendarmes dans sa maison. Je
le répète, ces gendarmes n'ont été employés que
pour empêcher qu'on ne détournât aucun des effets
— 337 —
général Sainte-Suzanne après son départ, et
ur assurer mon entrée dans cette maison,
lisque l'on m'avait menacé de fermer les portes
is que le sénateur quitterait son logement ; mais
i n'a mis en usage aucune violence, on n'a point
Lpulsé le sieur Menneville de chez lui. Vis-à-vis
5 qui pouvait-on exercer des moyens coërcitifs,
iisque l'appartement que je faisais occuper se
ouvait entièrement libre. Un motif qui me portait
icore à ne point penser à m'établir ailleurs, c'est
ne je ne pouvais nulle part me loger sans mettre
ans rembarras des premières personnes de l'ar-
lée, dont la maison pouvait me convenir, mais
laquelle je me gardais bien de songer, parce
u'il me répugnait d'occasionner un déplacement
des personnes établies. Et c'est ici, Monsei-
neur, que je dois relever une erreur qui semble-
nt consacrée par l'ordre même de Votre Excel-
mce. On paraîtrait avoir affirmé qu'avant mon
rrivée, la municipalité avait désigné un logement
our moi. Ce fait est de la fausseté la plus insigne.
iOrsque je suis arrivé à Boulogne, on avait re-
3nu, dans une auberge, plusieurs chambres que,
ans l'office de qui que ce fût, je pouvais très-bien
)uer moi-même ; mais on n'a pas pu m'assigner
ne maison puisqu'il n'en existe aucune vacante,
t c'est si vrai que, forcé de quitter l'appartement
ue je tenais, je me trouve obligé d'aller en hôtel
ami,
« En vain, Monseigneur, le sieur Menneville
11. ^
--S38 —
a-t-il fait valoir qu'il ne voulait avoir rentière
jouissance de sa maison que pour représenter,
ainsi que sa place le comportait. Le sieur Men-
neville ne tient pas d'une manière très-ferme à
faire de grands frais de représentation, puisque,
quoique maire, il vendrait demain sa maison si
(|uelqu'un voulait en faire Tacquisilion, et renon-
ceiail facilement aux appartements de réception,
dont il paraît si empressé de jouir; et d'ailleurs,
Monseigneur, ne serais-je pas fortement autorisé
ici à interpeller hautement le sieur Menneville. S'il
est vrai que son projet soit de représenter et d'oc-
cuper entièrement sa propriété, pourquoi, depuis
plus de six mois que les fonctions de maire lui
sont confiées, n'a-t-il pas fait valoir ses droits,
n'a-t-il pas exprimé ses intentions, pourquoi a-l-il
souffert que successivement des généraux occu-
passent sa maison, pourquoi me réserve-t-il, à
moi, l'injure la plus prononcée en me refusant ce
qu'il a accordé à d'autres? Je le demanderai. Mon-
seigneur, m'était- il permis de supporter cette in-
sulte et de ployer scandaleusement aux volontés
<run individu qui se trouve accablé du profond
mépris de toutes les personnes de la ville qui, se
reportant à l'origine de ce fonctionnaire qui a élé
laquais, n'ont qu'îi g(Mnir de devenir les adminis-
trés d'un être aussi pou digne de confiance. »
Rentré à Boulogne, M. Menneville connut la
satisfaction qui lui était donnée, et écrivit, le "2i,
au ministre de la guerre :
— 389 —
Monseigneur, la lettre que vous m'avez fait
mneur de m'écrire en date du 16 présent mois,
1 été remise le 19, par le secrétaire du général
[idamme ; le général étant à Cassel depuis le
u courant.
I Daignez agréer mes très-sincères remerci-
nts pour la prompte et plus que suffisante sa-
nction que j'ai obtenue.
r Qui ne serait glorieux de vivre sous un gou-
nemenl qui veut que les lois soient respectées
•tous, et qu'il y ait un ordre public bien établi?
s torts du général Vandamme sont déjà effacés
ma mémoire. Il m'a été pénible de les dévoiler
j'aurais été vivement affligé si j'avais été trop
igé.
• J'ose vous prier de croire, Monseigneur, que
is aucune circonstance j'e n'oublierai les égards
i sont dus au rang qu'occupe le général Va n
nme, aux services éminents qu'il a rendus à
tat et à la confiance dont Sa Majesté l'honore. »
Cette affaire n'eut pas d'autre suite , et nous
lUrions plus à parler du séjour de Vandamme,
is l'affaire du général Sarrazin, un des deux
nmandanls de division du camp, qui, en pleine
ix, déserta à l'ennemi et passa en Angleterre.
Voici les documents qui se rapportent à cette
gulière trahison, inouïe dans les fastes mili-
pes de la France.
— 340""
VANDAMME AU MINISTRE DE LA GUERRE.
t Boulogne, 14 juin 1810.
« Monseigneur, ce matin, j'ai eu l'honneur de
faire connaître à Votre Excellence, par une dé-
pêche télégraphique, que je venais d'acquérir la
certitude que le général de brigade Sarrazin avait
passé hier à Teuncmi. Je ne puis que confirmer
cette nouvelle, et exposer à Votre Excellence les
circonstances qui appartiennent à cet événemeul
extraordinaire.
• Le 10, au matin, le général Sarrazin, accom-
pagné d'un domestique nègre, s'est embarqué à
la petite Garenne, avec un pécheur du Gamiers,
pour faire la pêche. Arrivé au large, et ayant
aperçu un brick anglais, il a forcé l'équipage de
le conduire à bord de ce bâtiment, sous prétexte
qu'il avait l'ordre d'aller eu parlementaire. Une
fois à bord du brick, il a renvoyé son équipage,
après avoir donné au patron une déclaration con-
statant qu'il avait ordonné à ce bateau de pêche
de le conduire à bord du brick anglais, pour affaire
de service. Ges faits sont établis par les rapports.
Dès que j'ai eu connaissance de cette désertion
à l'ennemi, les mots d'ordre ont été changés dans
tout larrondisscment de l'armée, des rondes et
patrouilles ont été exactement faites, j'ai, sans
délai, ordonné au colonel Vincent, mon premier
aide de camp , et au capitaine de gendarmerie
— 344 —
^lonljovet, commandant la force publique, <ie se
endre en toute hâte au camp de gauche, où était
a baraque occupée par le général Sarràzin. Tous
es papiers ont été saisis, les deux aides de camp
ie ce général et ses domestiques ont été envoyés
levant le commissaire général de police, ainsi que
[es hommes composant l'équipage du bateau le
Saint-Laurent, et toutes les personnes qu'on
soupçonnait avoir eu des relations avec le général
Sarràzin, ou qui pouvaient donner des éclaircis-
sements sur sa conduite.
• Cette détermination de cet officier général a
frappé toute l'armée du plus grand élonnement ot
ne peut être attribuée qu'à une espèce de frénésie.
Les généraux, tous les chefs et même les soldats,
ne peuvent la concevoir; et moi-même j'éprouve
une surprise d'autant plus forte, que je recevais
de la part de ce général les témoignages les plus
certains de son zèle, de son amour pour ses de-
voirs et de son désir d'assurer le bien du service
de Sa Majesté. Personne ne déployait une activité
plus soutenue, ne s'occupait plus que lui des dé-
tails de son commandement, et, par les mesures
qu'il prenait, ne portait plus à faire croire que
tout ce qu'il faisait tendait à procurer une amé-
lioration dans le service. La veille même de sa
fuite, il m'adressa le résultat de la vérification
qu'il avait faite de la comptabilité des troupes qu'il
commandait. Certes, Monseigneur, d'après ces
témoignages parlants, il était de toute impossi-
bîlité de diriger le plus léger soupçon sur cet offi-
cier général.
t J*ai riionneur, etc. •
Extrait d'une lettre écrite au général Hart}\
cbefd'état'major du camp de Boulogne, pér
M. Renaud, capitaine adjoint, commandai
la 2" brigade de la 4* division, datée d'Êlâ-
pies, le iO juin iSlO, i iO heures du soiv.
• Mon général, M. le général Sarrazin s est
embarqué ce matin, 10 juin, sur un bateau de
Gamiers qui l'attendait près du poste de la Petite-
Garenne, en disant qu'il voulait aller à Ëtaples ;
étant vis-à-vis la batterie de Dannes, il passa sur
un autre bateau, dit le Saint-Laurent, de Gamiers;
il commanda alors au patron de cette dernière
embarcation de s'éloigner du rivage pour pouvoir
pêcher en allant à Étaples ; aussitôt que ledit
bateau fut loin des forts, on aperçut un brick en-
nemi au large. M. le général Sarrazin donna
i'ordi'e de le conduire à bord ; les pécheurs refu-
sèrent en alléguant pour raison qu'il leur était
défendu expressément de mener quelqu'un chez
l'ennemi ; alors le général fit voir un poignard et
des pistolets à la main, obligea lesdits pêcheurs à
gouverner sur le brick, en disant qu'il avait oidre
de Son Excellence le général en chef d'aller en par-
lementaire en Angietenie ; 4'équipage, voyant le
nègre, domestique du général, aussi armé, obéit et
— 343 -
aborda le bâtiment anglais, où M. le général Sarrazin
donna lui-même par écrit Tordre que m'a rap-
porté le patron du bateau qui est revenu à terre
après cette expédition. Je garde l'original de cet
ordre, qui est bien écrit de la main de M. le gé-
néral Sarrazin.»
Copie de la déclaration que le général Sar-
razin a remise à l'équipage du bateau pé-
cheur le Saint-Laurent.
• Le général Sarrazin déclare avoir ordonné à
son équipage du bateau de pêche le Saint-Lau-
rent^ de Gamiçrs, de le conduire à bord d'un brick
anglais pour affaires de service. »
ORDRE DU JOUR DU 4 1 JUIN 1810.
« L'armée vient d'être témoin d'un événement
le moins attendu et qui n'a pu que la frapper de
la plus vive indignation.
« Le général Sarrazin s'est rendu traître à sa
patrie et au souverain qui, par ses nombreux bien-
faits, a su commander la reconnaissance et l'amour
de tous les Français. Ce général a abandonné le
poste qui lui était confié pour passer chez Ten-
aemi. Par cet acte abominable, il se couvre du
plus grand opprobre, et se voue au profond mé-
pris de toutes les nations, même de celle dont il
vient d'embrasser la cause. L'armée peut avoir
— a44 —
Tassurancc que toutes les mesures sont prises
pour que ce crime n'ait aucun résultat fâcheux ;
que tous les calculs que le général Sarrazin pour-
rait avoir formés seront aisément renversés, el
que la honte seule restera au coupable qui a pu
fouler aux pieds les devoirs les plus sacrés, pour
adopter des sentiments criminels et dignes de la
punition la plus rigoureuse.
• Le général en chef recommande expressément
a MM. les généraux et à tous les officiers coin-
mandants sur les côtes de prendre toutes les me-
siiies pour que le général Sarrazin, dans le cas
où, sous un prétexte quelconque, il reparaîtrait
ici, soit de suite arrêté partout où il se trouverait
et soit de suite conduit, sous bonne et. sûre es-
corte, au quartier général du général en chef. Celte
disposition trôs-imporlanle doit être ponctuelle-
ment suivie. »
Ce général Sarrazin est le même qui a écrit la
relation des campagnes de 1812 et de 1813 d'une
façon aussi fausse que partiale.
— 345 ^
LIVRE XI
D'Août 1811 à Juin 1815.
V.indamme reçoit, le 24 août iSil, le commandement de la
1 i« division militaire. — En 1812, il est chargé du comman-
dement du contingent westphalien et arrive à Cassel le
8 mars. — Les troupes du roi Jérôme forment le 8« corps et
commencent leur mouvement sur Kalisch à la fin de mars. —
Commencement de la mésintelligence entre le roi Jérôme et
Vandamme. — lettre de ce dernier (28 avril). — Difficulté de
faire vivre les troupes. — Lettres du général Marchand
(mai 1812) . — Lettre de Berthier (!•' juin). — Réponse de
Vandamme (4 juin). — Le roi Jérôme retire à Vandamme
son commandement (3 juillet 1812). — Correspondance rela-
tive à cette affaire. — Vandamme reste sans emploi jusqu'au
commencement de 1813. — Il est envoyé à "Wesel et dans
la 32* division militaire avec un commandement supérieur
(mars 1813). — Situation des choses dans le Nord. — l-ics
Danois. — Vandamme à Wesel, puis à Brome le 1" avril.
— Lettres et documents du 1«' au 23 avril 1813, époque de
l'arrivée du prince d'Eckmûlh à Brome. — Opérations de-
vant Hambourg.-^ Affaire des Danois. — Reprise de la ville.
— Satisfaction de TEmporeur. — Documents.
Vandamme conserva le commandement de la
16*^ division militaire et celui du camp de Boulo-
gne jusqu'à la fin d'août 1811. Le 24 de ce mois,
il reçut l'ordre de prendre le commandement de la
— 846 -^
14® division et du camp que l'on formait à Cher-
bourg. Il devait être remplacé à Boulogne par le
maréchal Ney et être rendu de sa personne, le 1"
septembre, à Cherbourg. Il conserva son traite-
ment de 40,000 francs, attribué aux généraux
commandant en chef un corps d'armée.
Dès que la guerre contre la Russie fut décidée,
dès que l'Empereur s'occupa de la répartition des
troupes françaises et étrangères qui devaient être
employées dans cette campagne pour laquelle des
préparatifs gigantesques étaient faits, Vandamme
fut désigné pour être placé à la tête du contingent
westphalien.
Le général, qui s'était trouvé fort mal récom-
pensé de ses deux commandements des troupes
wurlembergeoises en Silésie et en Autriche; qui,
«n 1807 , avait eu à plusieurs reprises maille à
partir avec le plus jeune des frères de l'Empereur,
ne se souciait nullement d'avoir de nouveau un
commandement de ce genre et encore moins d'être
placé sous un jeune souverain dont Tamour-
propre naturel n'avait fait que s'accroître depuis
qu'il avait monté les marches du trône. 11 n'osa
cependant refuser, et, vers le 2 mars 1812, il
quitta la France, par ordre du major général,
pour se rendre à Mayence où il devait recevoir
ses instructions.
Le 8 mars, il arriva à Cassel. Présenté au roi,
il fut très-bien accueilli, lui remit ses ordres de
service, et rendit compte au prince Berlhier- U
— 347 —
il les Iroùpes westphaKennes , les trouva fort
telles et surtout admirablement bien tenues .
L*aile droite de la grande armée confiée au
Bune roi de Westphalie était composée de quatre
îOrps d'armée : le cinquième (Polonais , 34,000
lommes), commandé par le prince Poniatowski;
— le huitième (Westphaliens, 16,000 hommes),
ommandé par Vandamme; — le septième (Wur-
embergeois et Saxons , 16,000 hommes) , com-
nandé par le général Reynier; — le quatrième
ïorps de réserve de cavalerie , commandé par le
général de Latour-Maubourg (7,000 chevaux), ce
[ui formait, au moment de l'entrée en campagne,
m effectif de 75 à 80,000 combattants , dans la
nain de Jérôme, alors âgé de moins de trente ans.
La composition du huitième corps était la sui-
^atite :
Chef d'état-major, Tadjudant-commandant Re-
r'est (6 officiers français adjoints et 3 à la suite) .
— La 2â* division (général Tharreau, brigades
)amas et Wickemberg), 9,000 hommes et 350
îhevaux. — 24* division (général d'Ochs), bri-
gade Wellingerode et brigade de cavalerie légère
Itli général Hammerstein, plus tard ministre de la
juerre de Westphalie, 5,000 fantassins et 1,400
îhevaux .
Le 8^ corps avait sous les armes 18 bataillons,
\ escadrons, donnant 16,000 hommes, 2,400 che-
fétix montés, 1,000 de trait et 42 bouchés à
en bîett approvisionnées . Le quartier général était
— 348 —
à Dessau, et les Iroupes réparties entre l'Elbe
(rive gauche) , la Mulde et la Saale dans les Etats
du duc d'Anhalt. A propos de ce prince, alors
duc régnant, on peut voir par la lettre suivante,
qu'il écrivit à Vandamme le 16 mars 1812, quelle
était à cette époque Thumilité des princes de la
Confédération vis-à-vis leur Protecteur.
« J*ai éprouvé jusqu'ici sans interruption les
effets bienfaisants de la protection magnanime
dont Sa Majesté TEmpereuretRoia daigné m'ho-
norer, dès l'heureux moment où j'eus le bonheur
de rendre en personne, à cet auguste monarque,
l'hommage de mon admiration et de mon dévoue-
ment respectueux et entier.
• Depuis le 6 de ce mois, une quantité considé-
rable de troupes westphaliennes se trouve can-
tonnée dans mes États, de façon qu'il n'y ail
un seul village qui en soit exempt. La récolte de
l'année dernière ayant été des plus pauvres , et
l'importation des vivres ainsi que des fourrages
étant entièrement arrêtée en suite du cantonne-
ment des troupes à l'entour, nous nous voyons
exposés à une disette générale.
• Dans cette extrémité, je n'hésite pas de con-
fier mes peines à Votre Excellence, comme à l'un
des anciens et des plus chéris généraux de l'au-
guste Protecteur de la Confédération du Rhin, et
d'implorer son assistance pour nous délivrer du
fléau qui nous menace. Qu'il plaise à votre Excel-
lence de faire partir ces troupes de chez nous, au
- 349 —
plus tôt. En nous sauvant de la ruine par cette
marque insigne de sa bienveillance et de son hu-
manité, elle s'acquerra des droits sur la recon-
naissance d'un cœur accoutumé dès longtemps à
révérer ses qualités éminentes et rares. •
Vandamme ne pouvait malheureusement qu'exé-
cuter les ordres qu'il recevait de Paris, et l'ordre
de départ fut donné seulement le 23 mars.
La veille , le général adressa aux troupes du
8® corps un ordre du jour, dans lequel il leur ex-
primait sa satisfaction de les commander. Il leur
parlait aussi de la sollicitude bien connue de leur
souverain , sous les yeux duquel ils allaient com-
battre; des succès qu'ils ne pouvaient manquer
d'obtenir sous la bannière du grand Napoléon. En
un mot, cet ordre, comme ceux adressés auxWui*-'
tembergeois en 1807 et en 1809, était le façtiim
obligé de tout général en chef qui prend son
commandement.
Le 24, le 8® corps passa l'Elbe sur plusieurs
points et Vandamme vint à Wittembreg, d'où il
écrivit au roi et au major général. Tous deux se
trouvaient à Paris.
Le contiïigent westphalien continua son mouve-
ment sur Luckau et Glogau, traversant les pays
allemands situés entre la Bohême et les Etats
prussiens pour se diriger sur la Silésie. Le 15, il
était à Kalisch, sur les confins de la Pologne, où
il séjourna quelque temps.
Bientôt le manque de vivres commença à se
faire sentir dans les cantonnements polonais comme
dans ceux du duché d'Anhalt. Vandamme adressa
aux généraux des recommandations pressantes
pour qu'ils fissent observer la discipline la plus
exacte. « Ménagez avec plus que de réconomie,
leur disait-il, le peu de ressources que ces tristes
contrées produisent encore. Ce ne sera que par
nos soins réunis que nous pourrons parer aux
maux dont nous sommes menacés, etc. »
Le 23 avril, il écrivit également au préfet du dé-
partement de Kalisch pour lui dire de faire con-
naître le dénûment du pays au gouvernement, afin
que Ton pût aviser aux moyens de ne pas laisser
aggraver le mal.
Par une seconde lettre, il prévint le roi de la
famine générale qui menaçait les troupes de des-
truction. « Nos maux vont en augmentant, disait-
il à Jérôme , notre position devient de plus en
plus critique. Le pays entier est dans la disette.
Plus nous ai)prochons de la Vistule et plus notre
situation empire. Déjà des habitants meurent de
faim, d'autres se nourrissent de glands. Votre Ma-
jesté jugera dans quelle anxiété je me trouve.
Le prince de Neufchàlel m'avait assuré qu'il exis-
tait des magasins à Kalisch , Votre Majesté sait
qu'il n'y avait rien à l'arrivée du 8* corps. Je
pense que la sagesse de Votre Mcgesté nous déli-
vrera du fléau qui nous menace. •
Le lendemain, le général mit à l'ordre du 8*
« Westphaliens , c'est à vous tous que je m*a-
resse; c'est à Tarmée entière que je parle et
I pense que ce ne sera pas en vain. Nous sommes
1 Pologne, pays allié et particulièrement affec-
onné du grand Napoléon, peuple soldat et brave
uî partout a mêlé son sang à celui des Français
our vaincre les ennemis de la djniastie napoléo-
ienne. En Italie comme en Allemagne, en Egypte
3mme en Espagne , les légions polonaises ont
larché d'accord avec nous. Ces contrées offrent
n ce moment peu de ressources, nous y souffrons
éjà et nos maux vont augmenter, mais des
ecours nous arriveront. Votre roi connaît notre
osition. Sa Majesté l'exposera à son Auguste
'ère et bientôt nos privations cesseront. Vos gé-
éraux s'occupent de vous; des administrateurs
âges, qui ont la confiance de votre souverain, tra-
aillent à vaincre les difficultés. De votre côté, il
lut une grande patience, de la sobriété, de la con-
ance ; un militaire doit savoir souffrir sans se
ilaindre. La valeur n'est pas la seule vertu qui
istingue le vrai soldat. Vous prouverez aux Pôlo-
lais que vous savez patienter avec vos amis. En
[ion particulier, je vous en témoignerai toute ma
atisfaction. »
Au milieu des embarras où l'on se trouvait à
;ause du manque de vivres, Vandamme était fort
lésireux de voir arriver le roi Jérôme à la tête de
;es troupes ; mais le roi, revenu de Paris et parti
le Cassel, était occupé à un voyage d'exploration
— 352-
sur Cracovie et en Pologne, voyage que l'Empe-
reur Tavait autorisé à faire incognito.
En sou absence, le chef d'état-major général de
Taile droite, le comte Marchand, donna le 27 a\Til
à Vandamme Tordre de cantonner le 8* corps la
droite à Pulawi ; la gauche à Pilica, de façon à
former Textréme droite de l'armée, en se rap-
prochant de Cracovie et en tirant ses vivres de
la Vistule. Ce mouvement devait commencer le
3 mai. Le quartier général du roi était indiqué à
Varsovie.
Vandamme, le jour même, donna les ordres
nécessaires pour opérer le mouvement. Il s'apprê-
tait à le faire commencer le 2 mai , lorsque le
30 avril il reçut du roi des instructions toutes dif-
férentes que voici :
« Vous vous porterez avec le 8® corps le long de
la Vistule, la droite appuyée à Warka sur la
Pilica et la gauche à Villanova près Varsovie.
• Vous commencerez votre mouvement le 2* du
mois de mai.
• Vous ne devez point faire faire de marches for-
cées.
• Les gardes du corps et les chevau-légers lan-
ciers de la Garde devant rester avec moi à Var-
sovie, où je serai le 2, le général Wolf recevra dé-
sormais ses ordres de moi directement ; vous de-
vez l'eu prévenir.
Le général Reynier aura sa droite appuyée à
Pilla wi et sa gauche à Ryczywol.
— 353 --
Vous regarderez comme non avenu l'ordre que
DUS avez reçu de porter votre droite à Pulawi
t votre gauche klaPilica.
« Je ne puis qu'être mécontent de l'accident
ui est arrivé à la brigade de Hammerstein ; c'est
Dujours la faute des officiers. »
Vandamme prit fort mal les instructions nou-
elles qui lui étaient envoyées par le roi de West-
)halie, et qui venaient changer tout ce qu'il avait
prescrit. Il eut le tort de s'en exprimer assez net-
tement par la lettre suivante adressée à Jérôme
et datée de Zlaczew, 28 avril :
« Conformément aux dispositions arrêtées par
Votre Majesté, je renverrai exactement toutes les
ordonnances appartenant au V et au 2° de hus-
sards, dès que les lanciers polonais qui doivent les
remplacer à mon quartier général y seront arrivés.
J'aurai l'honneur de me rendre auprès de Votre
Majesté demain, 30 avril, à Vilbord, pour lui
présenter mes hommages, et recevoir les ordres
qu'elle daignera me donner.
« M. le général comte Marchand, par sa lettre
du 27, dont je joins ici copie, m'a fait connaître
que, d'après les instructions du prince de Wa-
gram, le 8® corps était destiné à former l'extrême
droite de la grande armée et devait être can-
tonné, la droite à Pulawi, la gauche à Pilica. Je
me suis empressé de régler le placement des
troupes pour prendre cette position. Tous les
ordres de mouvement ont été expédiés, toutes les
mesures prises pour assurer les subsistances el
pour\'oir aux besoins des corps, autant que peut
le ixTrnettro la situation pénible de ce pays mal-
heureux. Auj<iurd'hui, les dernières dépêches de
Voire Majesté viennent totalement changer les
instructions que j*ai données, mes précautioos
demeurent inutiles, il me faut contremander tout
ce (juc j'ai pn^scrit. Uu'il me soit permis d'obser-
ver à Votre Majesté, avec tout le respect que je lui
porte, mais aussi avec toute la liberté que doit me
donner la contiance dont elle m*honore, que rien
ne jette le découragement et la négligence parmi
les troupes, comme cette incertitude sur les ordres
qu'elles ont à exécuter, et que rien, plus que les
mouvements continuels el inutiles, ne peut cou-
trarier le sei^vice et s'opposer au bien-être du
soldat. Les séjours cjue les autres corps d'armée
ont employés à leur repos, aux réparations tou-
jours si nécessaires, ont été chez nous continués
en marches et contre-marches et ne nous ont
procuré presrju'aucun des avantages que nous
pouvions on espérer. Je supplie Votre Mfiyostédo
no point porniettre le moindre changement sans
(|u'il ail ét'i miiremont pesé et réiléchi. Dans
Tanxiété ou nous nous trouvons, il est de toute
prudence de ne pas fatiguer les troupes et d'éviter
soigneusement de détruire le résultat des \rAnes
inthiies qu'il faut prendre pour rassembler les
faihies ressources que la prévoyance el Tactivilé
la plus soutenue peuvent encore découvrir.
-355 —
J'oserai ajouter, Sire, que je vois avec extrê-
menl de peine diminuer chaque jour le nombre
; troupes qui restent directement sous mes
ires. Elles vont tout à Tlieure se trouver ré-
les à rien. Nous ne pouvons nous attendre à
evoir de longtemps ni la brigade du général
nlouii-Verlun, ni le régiment de Magdebourg;
i*ai inOme enore aucune nouvelle officielle de
I arriv.'?. Je suis donc presque restreint à la
de division dTJchs, et s'il faut agir, mon inquié-
e seî'a d'autant plus vive, qie je n'aurai qu'une
s-faiMi* jiorlion de cavalerie, et que la totalité
» corp:^ -«.' forme d'officiers et de soldats tous
mes de la meilleurr* volont .•, mais encore jeunes
inexpérimentés.
» J'aurais cru manquer a Votre Majesté, j*au-
s cru manquer aux devoirs que j'ai à remplir,
je n'avais pas soumis c.^s observations à Votre
Jesté: qu'elle daigne être intimement persua-
r qu'elles me soûl dictées par le désir ai-d^nt
î j'ai de contribuer à la gloire de sr-5 anne>.
î pour V'«trv Maje>t'* un attachement aussi
cère qu<' r'-siieclu^ux. Tou-m«^*s soins tendront
ui prouver mon entier dévou^-menl ; mais si
* a dai;nii j «lacer en moi quelque confiance et
?ndre q:elques r-r^ullats satisfaisants du zèle
ï je ir.ets â son s^r\ice, je regarderai tou-
rs comme ma l^obe la plus essentielle de lui
jposcr les me>ui«-s qui devront le mieux lui
»uviT ■•- \A \u\'t'\ T^*: y- prends aux succès
— 356 —
de Tarmée qui fixe constamment toute sa solli-
citude. »
Cette lettre commença à indisposer fortement
le jeune roi contre le commandant en chef du
8® corps. Jérôme n'aimait pas les remontrances,
et encore bien moins, lorsque, comme dans cette
circonstance, il n avait pas tort. Un ordre du ma-
jor général, en effet, était venu modifier brusque-
ment les dispositions prescrites pour les positions
à occuper.
Le 2 mai, le mouvement prescrit fut exécuté, et
le général adressa au roi l'itinéraire des divers
régiments pour se porter sur la Vistule.
Cependant le 8® corps éprouvait toujours de
grandes difficultés pour vivre. Son ordonnateur
Dupleix, un des familiers du roi, amené par lui
de Cassel, était plus souvent au quartier général
de Jérôme qu'avec les troupes en marche. Vau-
damme, fort mécontent de cette conduite, écrivit
le 3 mai une lettre un peu verte à cet ordonna-
teur pour le rappeler à son devoir. — « Je suis
étonné, lui disait-il, de ne point vous voir encore
arriver ici, et je ne puis deviner pour quels motifs
vous tenez constamment à rester en arrière. Ce
n'est cependant point là que vous parviendrez à
assurer les subsistances de l'armée. Vous donnez
des ordres, mais je vous le répète, ce n'est point
par une correspondance qu'il est possible de sortir
aujourd'hui du pas difficile où nous nous trouvons.
C'est en avant que vous devez être, eu Galicie,
— 357 —
ir tous les points qui peuvent présenter quelques
sssources, que vous devez vous transporter et
lire agir par des employés sûrs dont l'intelli-
ence et Tactivité vous soient connues. Toute
administration reste tranquille au moment où
DUS sommes dans les transes les plus cruelles.
e.s généraux et les officiers font le métier des
Iministrateurs, et ce n'est que par des mesures
légales et souvent peu certaines , qu'ils cher-
lent à nourrir leurs troupes, etc. Je serais fâché
3 faire sentir mon autorité à Tadministration,
lais je serai contraint de sévir extrêmement se-
rrement si désormais le service n'est pas mieux
ssuré, etc. » Vandamme terminait en disant que
s autorités locales promettaient et ne tenaient
îs ; quMl ne répondait plus des troupes si on les
issait sans vivres, etc.
Ce manque de subsistances ne tarda pas à en-
mdrer des désordres que Vandamme, malgré sa
îvérité, fut impuissant à réprimer. Le général
5 plaignit au roi, disant que Sa Majesté donnait
ses intentions une interprétation fausse. Jérôme
li fit répondre de Varsovie, le 12 mai, par le
)mte de Furstenstein, un de ses ministres , la
ittre suivante :
« Monsieur le comte, le roi a reçu votre lettre,
•a Majesté me charge de vous dire qu'EUe n'est
oint portée à donner aucune fausse interpréta-
on ni à vos intentions ni à votre conduite, et
ue vous avez la preuve de sa confiance dans la
— 3Î18 —
demande qu'Elle a faite de vous pour commander
ses troupes (1 ) ; mais Elle observe que tout ce
qu'Elle ordomie doit être ponctuellement exécuté,
et que toute négligence à cet égard est sujette à
beaucoup d'inconvénients , puisqu'il faut qu'Ellu
soit assurée que ses ordres trouveront toujours le
commandant de Tarmée sur le point qu'il lui a
été prescrit d'occuper. Ce n'était point là le cas,
lorsque vous vous êtes rendu à Villanova, malgré
la lettre du général Marchand. Quels que soicul
vos sentiments particuliers à l'égard du chef de
rétat-major, Sa Majesté pense qu'ils doivent être
étrangers au service, et que les ordres qu'EUc le
charge de transmettre doivent être exécutés avec
autant d'exactitude que si Elle les adressait direc-
tement. Sa Majesté espère que, comme militaire,
vous sentirez la justesse de ce raisonnement et que
vous n'attribuerez point ses observations à un
mécontentement personnel. »
Vandamme avait le caractère entier et se pliait
diftîcilement à certaines exigences. Déjà il avait
échangé avec le général Marchand, chef d'état-ina-
jor général de l'aile droite, des lettres aigres-
douces à propos des mouvements de troupes or-
donnés, puis modifiés, puis changés lotalemeul, à
propos de la difficulté de faire vivre les hommes et
(1) Non-seulement le roi n'avait pas demamlé VandatnnH*!
mais U avait mémo été très-mécontent de voir que rËmpen'Ui*
avait placé ce général à la tétc du contingent westphalieii'
— 389 —
les chevaux. Après le raouvement sur la Vistule ,
Vandamme ayant écrit directement au roi, sans
prévenir le chef d^état-major du point où il s'était
établi de sa personne, Marchand lui manda le
12 mai :
« Monsieur le général, dans la lettre que j'ai eu
l'honneur de vous écrire le 6 de ce mois, je vous
avais prié de me faire connaître le lieu où vous éta-
bliriez votre quartier général, et, lorsque le roi me
demande où vous êtes, je ne puis que lui répondre
que je l'ignore. Vous pensez bien^ Monsieur le
général, que lorsque je vous écris, c'est toujours
par Tordre du roi , et que je n'ajoute jamais une
phrase, ni un seul mot à ce que Sa Majesté me
prescrit de vous dire. Je n'ai pas besoin de
vous parler de cela, vous le savez tout aussi bien
que moi. Le roi avait également ordonné que vous
établiriez des postes de correspondance entre
Varsovie et la PiUca, pour que la communication
entre le quartier général et le général Reynier fût
prompte et assurée ; vous ne m'avez point répondu
là-dessus, de manière que les ordres de Sa Ma-
jesté restent sans exécution. D'après cela, il est
impossible que le service puisse se faire, et les
inconvénients les plus graves peuvent en résulter.
Je ne connais pas les raisons que vous avez d'en
agir ainsi; mais, si cela doit durer, je vous prie
de me le dire franchement, parce qu'il est juste
que je puisse me justifier, si je suis hors d'état de
rempUr le poste qui m'a été confié.
— 860 —
« Je puis vous faire ma profession de foi et vous
assurer que, n'ayant aucune espèce de prétention,
je ne clierche que le l)ien du service et me ren-
ferme absolument dans les ordres et les volontés
du roi. Jr vous prie dans celte circonstance de
mettre de côte toute prévention, parce que vou>
ne pouvez trouver en moi qu'un bon et franc ca-
marade.
• 11 serait indispensable que vous me fissiez
connaître la dislocation de votre corps d'armée,
en m'indiquant les différents quartiers généraux
«le vos généraux, afin que je puisse répondre aux
questions de Sa Majesté. »
Unnouveau sujet dç mécontentement vint s'ajou-
ter à ceux que nous venons d'exposer. Le roi de
Westphalie voulut passer en revue les deux di\i-
sions d'infanterie et la cavalerie du 8® corps; mais
comme le jeune souverain aimait le faste, la re-
présentation, au lieu de venir seul ou avec ses
aides de camp, il voulut voyager ayec six voitures
de gala, ses chambellans et les personnes de sa
cour. Il fit écrire le 21 mai à Vandamme par le gé-
néral Marchand :
• Monsieur le général, j'ai l'honneur de vous
envoyer ci-joint l'itinéraire que tiendra Sa Ma-
jesté pour une revue qu'elle doit passer d'une
partie des troupes sous ses ordres.
« Le roi devant partir le 30 de Lukow pour se
rendre le même jour à Pulawi, passera par
Kock, où le général Hammerstein devra faire te-
- 361 —
air prêle une escorte de cinquante hommes avec
six chevaux de troupes pour les personnes à la
suite de Sa Majesté qui seront dans le cas d'aller
achevai.
« Le général Hammerstein devra en outre faire
s
rassembler à Kock quarante des meilleurs che-
vaux de Irait des environs, qu'il fera demander
chez les seigneurs, pour être attelés et con-
duire six voitures du roijusques àMiechow, où
il se trouvera un relais de chevaux d'artillerie
fournis par le T corps. Je vous prie de donner
des ordres en conséquence au général Hammer-
stein.
« Sa Majesté voulant passer la revue de votre
première division le l^*" juin, et venir coucher le
môme jour à Varsovie, il sera nécessaire que vous
fassiez former deux relais de trente-six chevaux
d'artillerie chacun, et dans chaque relai il devra y
avoir six chevaux de troupes ou de paysans pour
les courriers ou écuyers de Sa Majesté. Vous de-
manderez aussi au général Hammerstein de vous
envoyer cinquante hussards pour former deux
escortes de vingt-cinq hommes chacune, pour ac-
compagner le roi. Je vous prie de me faire con-
naître les endroits où vous établirez les relais, afin
que Sa Majesté sache où elle devra se diriger en
passant la Pilica.
« Si vous avez un emplacement plus central
que Géra et qui convienne mieux pour votre re-
vue, je vous engage à le faire savoir à Sa Mcyesté
.— mSfZ —
à Kosenicc, d'où je ferai en sorte de vous écrire
le 31 pour vous indiquer l'heure précise où le roi
pourra arriver au lieu de la revue. »
Vandamme clait plus soldat que courtisan el
faisait la guerre pour de bon. Il ne pouvait ad-
mettre que l'on fatiguât inutilement les chevaux du
pays, si nécessaires pour les charrois, et ceux de
rarlillerie, épuisés par le défaut de nourriture, tout
cela pour traîner pompeusement six voilures de
gens de cour. Comme il ne savait pas se taire, ses
observations parvinrent aux oreilles du roi, dont
le mécontentement contre son chef du 8* corps ne
fit qu'augmenter.
A la fin du mois de mai, TEmpereur reçut de
son frère des plaintes sur Vandamme ; et, des au-
torités du pays, des plaintes d'un autre genre sur
les réquisitions faites par les troupes westpha-
liennes. Il fit écrire par Berthier au général, le
l***" juin :
« Monsieur le général Vandamme, l'Empereur
m'ordonne de vous témoigner son extrême mécon-
tentement sur les excès commis pai* les troupes du
contingent de SaMajesté le roi de Westphalie, dans
tous les lieux où elles ont passé. Les plainte?
sont générales à cet égard. L'Empereur vous or-
donne de rétablir Tordre dans le corps que vous
commandez, de faire fusiller ceux qui se rendraient
coupables de délits envers les habitants, de ren-
voyer en Westphalie ceux de leurs officiers qui
se permettraient d'exiger des traitements ou des
fournitures qui ne seraient point autorisés pour
les autres corps d'armées. »
A la réception de celte lettre de reproche qui
n'était nullement fondée, puisque Vandamme pre-
nait tous les moyens possibles pour éviter les
exactions et maintenir la discipline, le comman-
dant du 8® corps répondit au major général, le
4 juin :
« Rien ne pouvait me faire plus de peine que la
lettre que Votre Altesse m'a écrite de la part de
l'Empereur pour me témoigner l'extrême mécon-
tentement de Sa Majesté sur les excès commis par
les troupes weslphaliennes. Il paraît exister un
plan contre le 8^ corps et je vois avec une grande
affliction qu'on est parvenu à faire entendre à
l'Empereur une foule de plaintes qui joignent à la
noirceur la plus complète l'exagération la plus
outrée. J'affirme que jamais des troupes ne se
sont conduites avec plus de réserve, avec plus de
soumission que celles du 8^ corps. Elles sont en-
core jeunes, inexpérimentées , mais elles ont été
continuellement maintenues dans le devoir et ont
montré peu de dispositions à s'en écarter. S'il s'est
commis quelques abus, ils étaient inséparables de
la marche d'une armée et ils doivent être tous
rapportés à des causes qui nous sont étrangères ;
ils n'ont pu être produits que par l'absence des
autorités locales ou l'ignorance de celles à qui
nous pouvions encore nous adresser ; par le défaut
d'administration, le manque de moyens de trans-
— 9U —
pfpti^ f'I r^urUiul parc- qu'on n'a\"ail pris aucune
fne?*ijrc pour nous recevoir el que le soldat n'a eu
qu*â partager la misère de la plupart des habitants.
Le moindre excès a toujours été puni sévèrement.
Justice a été rendue dès qu'on l'a réclamée; mais
le.H énormes t^irts qu'on nous suppose se rédui-
WMit à quelques poules tuées, quelques bœufs em-
menés, et ehaqiie fois les corps ont été contraints
à payer le dommage qu'ils avaient causé. J'ai
accueilli toutes les plaintes qui m'étaient présen-
tées ; je puis dire même que j'en ai mendié. Le
prévôt el les officiers de gendarmerie ont été char-
gés d'examiner scrupuleusement tous les crimes
imputés à nos soldats ; vérification faite, on a sans
cesse reconnu que dans les réclamations on por-
tait un esprit d'exagération ridicule, et constam-
ment on a obtenu une rétractation de la part même
des dénonciateurs. Les archives de l'état-major
el de la prévôté contiennenl des pièces qui attes-
tent ces faits.
• Les autorités de ce pays semblent s'être
tracé une conduite qu'elles suivent fidèlement.
Lorsque nous sommes arrivés, on élevait des
plaintes graves contre le corps saxon, on cher-
chait à nous persuader que tout était dévasté,
qu'il ne restait plus aucune ressource; d'après
les ('»loges que nous avions reçus dans le duché de
DessaU; en Saxe, en Prusse, on se féhcitait même
que nous vinssions remplacer le T corps. Main-
tenant, c'est contre noua qu'on se déchaîne, mais
— 365 —
on se préparc aussi à ne point épargner l'armée
d'Italie , dont on témoigne une peur extravagante,
et à laquelle sans doute on ne manquera pas de
faire supporter les imputations les plus menson*
gères .
« Je puis assurer à Votre Altesse et je la prie
d'en présenter la certitude à TEmpereur, que tous
les généraux du 8^ corps ont été attentifs à pré-
voir et à punir rigoureusement les plus légers
délits ; que la gendarmerie, qui est parfaitement
organisée, a exercé une surveillance très-active,
que des officiers d'état-major porteurs d'instruC'
tions très-sévères ont parcouru les cantonnements
pour y faire régner le bon ordre, donner connais-
sance des intentions de TEmpereur et du roi, et
annoncer une punition exemplaire à ceux qui mon-
treraient une conduite blâmable. Nous n'avons eu
réellement à réprimer que la désertion, plusieurs
exécutions ont eu lieu. La retenue et Iqs bonnes
dispositions du corps westphalien me faisaient
me féliciter d'en avoir le commandement et j'étais
loin de m'attendre qu'il se trouverait en butte à
des accusations aussi perfides. Que Votre Altesse
veuille bien avoir l'assurance que les reproches
faits au 8® corps n'ont aucun fondement, qu'il est
dans des principes et dans un esprit tout autres
que ceux qu'on a voulu lui prêter, et qu'il est
vraiment incapable des excès qu'on lui suppose ;
qu'elle veuille bien aussi se persuader que j'ap-
porte des soins continuels et presque minutieux
— 366-
h conlenir mes Iroupes dans le slricl de-
voir el que c'est au maintien de la discipline la
plus exacte que j'applique une partie des efforts
que je forai t<»ujours pour prouver à TEmpereur
cpiil peut voir en moi le sujet le plus dévoué
el le j)lus respectueusement attaché. •
Le 8'' cor|)s cependant lit un mouvement dans
les i)remiers jours de juin et vint occuper Karc-
zew, Slanislawow, Kamienczik el la gauche de
la Narew, sa cavalerie légère sur la rive gauche
du Bug couvrant le front delà position. Le quar-
tier général s'établit à Varsovie même. Le 15,
un nouveau mouvement porta les troupes vers
le nord sur Pullusk et Sierock, sur la rive droite
du Bug. Le 7*" corps (Saxons de Réynier) eut
ordre de remi)lacer le 8** dans son camp
d'Okoniew el dans ses positions qu'il quittait.
Le roi porta le 16 son quartier général à
Pultusk.
En arrivant à Sierock, Vandamme écrivit au
roi, le 17 juhi :
• J'ai visité et reconnu à fond la position offen-
sive et défensive de Sierock. J'ai tracé le camp
de la 23^ division. Le général Tharreau a les
ordres convenables en cas qu'il ait à se défen-
dre ici, ou à secourir Pultusk. Les ponts et les
têtes de ponts sont peu avancés, et à chaque heure
nous pouvons avoir à les défendre ou à nous en
servir pour déboucher sur le Bug ou sur le Na-
rew. Le général Allix dispose cependant à tort
- 367 -
e tout le monde et ne voH que les ponts. Le
î^'or Phuff, commandant rartillerie du 8® corps
t que je croyais à son parc, est ici, à mon
rand étonnement, à jouer le rôle d'officier de
apeurs ou de pontonniers, tandis que le colonel
[liac est chargé spécialement de cette partie. Le
lajor Phuff abandonne toute Tartillerie du corps
.eslphalien dont il est spécialement responsable,
ar zèle et par reconnaissance envers le général
lUix. Comme ce désordre compromet tout, j*ai
ù m'en fâcher fortement et je prie Votre Majesté
e défendre au général AUix commandant Tar-
lUerie, les ponts et le génie de Taile droite, de
isposer du commandant de mon artillerie, car
n ce moment cette arme est loin d'être a la
auteur de ses besoins, etc. »
Le 20 juin, le 8° corps se mit en marche sur
irodno par Nowogrod et Rozau et s'établit le
l dans celte dernière ville.
Les vivres étaient si mal assurés, les distri-
utions manquaient si souvent que les troupes
Uemandes, assez disposées au pillage par leur
alure, commctlaient mille désordres sur leur
assage. Le roi mit à Tordre de l'aile droite,
5 29, des dispositions sévères pour remédier
u mal. Vandamme prescrivit de lire cet ordre
la tête de chaque compagnie, avertissant que
)ul pillard serait immédiatement traduit devant
ne commission prévôtale et fusillé .dans les
ingt-quatré heures.
— 368-
Le 30, le 8^ corps vint à Lipsk, continuant
sa marche sur Grodno où il entra le 2 juillet.
Le 3 juillet, Vandamme, désespéré de ce que
le 8® corps manquait de tout, ne recevait au-
cune distribution régulière, voyant qu'il ne pou-
vait empêcher des hommes mourant de faim de
prendre ce qu'ils trouvaient pour leur nourriture,
à bout de patience, eut Timprudence d'écrire au
roi la lettre suivante :
« Sire, les maux du 8** corps sont à leur com-
ble, et si Votre Majesté ne daigne pas remédier
à la situation affligeante dans laquelle se trouvent
tous les corps, je serai forcé de la prier de me
permettre de céder à un autre le commande-
ment dont TEmpereur m'a honoré. Il est impos-
sible de supporter plus longtemps ce qui se
passe autour de moi. L'ordre a disparu, la vio-
lence règne partout au nom de Votre Majesté.
L'on viole toutes les formes et les convenances ;
Polonais et Westphaliens s'en plaignent et per-
sonne ne semble en avoir averti Votre Majesté.
J'y suis donc obligé autant par mon devoir que
par mon attachement à votre personne. Je prie
Votre Majesté de se pénétrer de notre situation;
elle y est doublement intéressée et il n'y a plus
de temps à perdre. Les résultats les plus affreux
ne peuvent que naître d'un désordre aussi inouï.
Les rapports ci-joints prouveront en partie à Votre
Majesté ce qui se fait en son nom. »
Vandamme, ignorait lorsqu'il écrivit cette lettre.
— 369 —
que le roi de Westphalie s'était déjà plaint à
différentes reprise, à l'Empereur du caractère diffi-
cile et des exigences du commandant de son
8* corps, et que l'Empereur fatigué avait, dans un
moment de mauvaise humeur, répondu à son frère
d'ôter le commandement des Westphaliens au
général, s'il en était mécontent.
Le jeune roi, profitant delà demande que Van-
damme semblait lui faire de résilier ses fonctions,
lui écrivit le jour même, 3 juillet :
« Je reçois votre lettre d'aujourd'hui. Dans ce que
vous appelez désordre je ne vois au contraire que
rétablissement régulier des mesures que jai pres-
crites, personne n'ayant le droit de se servir soi-
même.
« Les lettres de Tordonnateur du 8° corps que
vous me soumettez comme une preuve du dé-
sordre me font voir au contraire que les chevaux
de votre corps ont reçu un demi-boisseau de sei-
gle, que les hommes ont eu demi-ration de pain
et que la ration sera complétée ce soir. Je ne vois
rien là qui ressemble au désordre; en conséquence, .
d'après votre lettre, comme je ne changerai rien à
l'ordre établi, vous êtes autorisé à vous rendre à
Varsovie où vous attendrez les ordres de S. M.
TEmpereur auquel jenvoie votre lettre en lui ren-
dant compte de ce qui se passe.
« Vous remettrez le commandement du 8*^ corps
au général de division Tharreau auquel je viens
d'expédier l'ordre de le recevoir de vous. »
Vandamme ne 8*attendait pas à une solution
de ce genre, puisque de fait il n était nullement
dans son tort en demandant que Tadministration
veillât à ce que des distributions régulières fussent
faites. Il fut attéré et écrivit immédiatement à TEm-
pereur :
« Votre Majesté aura déjà reçu le rapport du
roi de Westphalie au moment que la présente
pourra lui être remise.
« Sur une représentation aussi fondée que res-
pectueuse que j'ai adressée au roi et dont je joins
ici copie, il a plu à Sa Majesté de me retirer le
commandement du 8® corps et de m'envoyer à
Varsovie attendre les ordres de Votre Majesté
Impériale et Royale. Ne pouvant en ce moment
trouver de chevaux pour me porter sur Varsovie
ni sur Vilna, je me suis vu forcé d'attendre à
Grodno les ordres qu'il plaira à Votre Majesté
de me donner.
« Sire, c'est après avoir fait tous les efforts pos-
sibles pour mériter la confiance du roi de West-
phalie et que je croyais y avoir quelques droils,
qiu; je me trouve tout à coup sans comman-
dement.
• Je supplie Votre Majesté de no pas oublier mes
bons et anciens services et d'être persuadée que je
n'ai eu d'autres torts ici que d'avoir été desservi
auprès du roi qui hier encore me comblait do
ses laveurs.
« Je prie Votre Majesté de ne pas me laisser
— 37i -
plus longtemps dans Tanxiété qui m*accable, au
moment où il y a des Russes à combattre. »
Le 8® corps quitta Grodno, se porta en avant.
Vandamme le suivit de loin et s'avança jusqu'à
Bielitsa, à un jour de Nowogrodeck, De là, il écri-
vit le 11 juillet au roi :
« C'est à Votre Majesté que je m'adresse avec
:ontiance pour la prier de faire cesser mes incer-
Litudes. N'ayant pas encore reçu les ordres de
l'Empereur je n'ai pu rester plus longtemps à
Cirodno, si éloigné des armées où Ton pourrait
avoir à combattre les Russes.
« Le motif qui a déterminé Votre Majesté à m'e-
loigner d'elle n'a rien de coupable ; je pense qu'il
lépendra beaucoup de Votre Majesté que je
reprenne le commandement du 8® corps où je
n'ai cessé de faire tout mon possible pour le bien
de son service et l'avantage de ses troupes.
« Les bontés multipliées dont Votre Majestém'a
lionoré durant cette courte campagne où je n'ai
[)[i rien faire pour prouver toute ma reconnais-
sance et mon attachement à votre personne, me
ionnent l'assurance que Votre Majesté daignera
ne dire ce que je puis espérer, n'ayant commis
aucune action qui ait pu me faire démériter.
« C'est à Bielitsa que je supplie Votre Majesté
le me faire parvenir ou ses ordres ou un mot de
•épouse. >
Vandamme s'était fait trop d'ennemis dans l'en-
ourage du roi, pour que Jérôme revînt sur sa
— 372 —
décision ; il lui fit écrire le 15 de Niesvvisz par son
secrétaire le baron de Sorsum :
« Monsieur le comte, Sa Majesté reçoit la lellrc
que vous lui adressez de Bielitsa, en date du
1 1 courant, et elle m'ordonne de vous informer
que TEmpereur a approuvé que le général de di-
vision Tharreau fût chargé du commandement du
8® corps, et des instructions lui ont été adressées
en conséquence. Le major général annonce qu il
vous fera connaître à Varsovie les ordres de TEm-
pereur.
« Sa Majesté le roi, d'ailleurs, par une nou-
velle disposition, étant appelé de sa personne
sur un autre point, a remis le commandement
des différents corps de Taile di*oite au prince
d'Eckmûhl. •
Comme on le voit, la lettre de Vandamme élait
parvenue au roi de Westphalie , précisément au
moment où ce prince abandonnait l'armée, cho-
qué de la conduite à son égard de l'Empereur
qui le mettait sous les ordres de Davout, et
plus encore de la façon d agir du maréchal qui
lui annonçait brutalement son intention de réunir
les troupes de l'aile droite dans sa main.
Ces nouvelles, la lettre du baron de Sorsum,
firent comprendre au malheureux Vandamme, au
désespoir de quitter l'année lorsqu'elle allait sans
doute aborder lennemi, qu'il ne. pouvait conser-
ver d'illusion, et qu'il n'avait plus qu'un parti à
— 873 —
3rendre, belui de chercher à voir TEmpereur; il
écrivit donc le 18 au .major général :
« D'après les bruits qui se répandent à Grodno
jue les Russes voulaient se battre du côté de Mir,
ît pensant que le 8* corps aurait pu m'étre rendu,
e m'étais empressé de m' avancer vers le quar-
tier général du roi de Westphalie^ en prévenant
3a Majesté que je suivrais la route que ses troupes
ivaient tenue. Hier soir, j'ai appris que l'Empe-
reur avait donné le commandement de ce corps
lu général Tharreau, que le roi ne commandait
plus l'aile droite, et que sous peu je recevrais
une nouvelle destination qu'on me ferait connaître
i Varsovie.
« Je ne puis qu'être extrêmement sensible à ce
^ui m'arrive, n'ayant rien fait pour démériter des
3ontés de Sa Majesté Impériale et Royale. Sans
loute on m'aura chargé des torts des autres, et
'on sera parvenu, à force de mensonges, à aigrir
non souverain contre moi. Quoi qu'il arrive, je
l'ai rien à me reprocher, j'en appelle à tout ce
jui est braves gens à l'armée westphalienne et
îstimable à la cour du roi* J'aurais grand besoin
le voir l'Empereur, afin de n'être pas victime dé
aux rapports, mais je dois encore tout espérer et
ittendre avec confiance que Sa Majesté daigne me
*endre justice.
« J'ose prier Votre Altesse de me faire expédier
îopie des ordres de Sa Majesté, car je pense que
es dépêches qui m'ont été adressées à Varsovie
mettront trop de délai à me parvenir. Ce s^era une
nouvelle obligation à £youter à celles que, depuis
si longtemps, les bontés de Votre Altesse me
font contracter envers elle. »
Cette lettre étant restée sans réponse, le â7 juil-
let Vandamme écrivit de nouveau à Berthier :
■ La situation pénible dans laquelle je me trouve
me force à interrompre encore Votre Altesse. Loi*s-
que le roi de Westphalie a cru devoir m'ôter le
commandement que l'Empereur m'avait confié, j'ai
sollicité les ordres de Sa Majesté Impériale et
Royale, et tenant fortement à ne pas m'éloignerde
Tarmée, je les ai attendus à Grodno, Ne recevant
malheureusement aucune réponse, et pensant que
l'ennemi nous attendrait entre le Dnieper et la
Dwina, je me suis établi à Bielitsa, d'où j'ai expé-
dié à Votre Altesse un aide de camp qui, n'ayant
pas pu outrepasser Vilna, d'après les intentions
de l'Empereur, a été obligé do déposer chez le
gouverneur les dépêches par lesquelles je priaii^
instamment Votre Altesse d'avoir la bonté de nie
donner copie des ordres de l'Empereur, que le roi
m'annonçait avoir été envoyés pour moi à Var-
sovie, Cette lettre reste sans réponse, mon espoir
est toiyours trompé et ma position ne fait qu'em-
pirer. Les armées sont en pleine marche, je reste
en arrière sans aucune destination. Je suis au
milieu d'un pays ruiné où j'épuise l'argent que
j'avais encore, et où il m'est impossible de me
rien procurer des quatre mois d'appointements qui
— 875 —
me sont dus. Je suis enfln réduit à Tétat le plus
complet de privations, de tristesse et de la plus
cinielle inquiétude. Je supplie Votre Altesse de
daigner faire cesser cette anxiété trop accablante,
et de me rappeler au souvenir de l'Empereur. Sa
Majesté ne refusera pas, ce me semble, d'entendre
plaider en ma faveur, lorsqu'Elle voudra bien
examiner que, dans cette occasion, je ne me suis
acquis aucuns torts, que c'est toujours dans la
vue du bien du service que j'ai dirigé toutes mes
actions, et que personne plus que moi n'a mis
d'ambition à lui prouver un véritable attachement.
Il est douloureux qu'en un moment et pour une
cause qui m'est tout à fait inconnue, je perde le
fruit de tous] mes services et me voie retirer la
bienveillance que le souverain daigne souvent me
témoigner. Mon désespoir est à son comble. Mon-
seigneur, et Votre Altesse voudra bien, sans
doute, contribuer de tout son pouvoir à y mettre
un terme. Elle a eu pour moi des bontés si mul-
tipliées, que j'ose espérer un nouveau témoignage
de l'intérêt qu'Elle m'a tant de fois accordé. Je
réclame que mon sort soit fixé ; j'ose surtout ré-
clamer qu'on se rappelle ma conduite passée,
celle que j'ai tenue dans celte circonstance, mon
attachement à mes devoirs, et les sentiments
d'amour que j'ai toujours professés pour Sa Ma-
jesté Impériale et Royale . »
Le 4 août, Vandamme, toujours à Bielitsa où
il attendait une réponse à ses lettres, réponse qui
— 876 —
n'arrivait pas, écrivit pour la troisième fois au
major général :
« Nous sommes au 4 août et ma position n'est
point changée. Je n'ai reçu aucune réponse aux
différentes lettres que j'ai écrites les 3, 18, et 27
juillet. J'ai prié les gouverneurs de Varsovie,
Grodno et Vilna, de me faire parvenir les ordres
qui leur seraient adressés pour moi. J'ai interrogé
tous les courriers qui passaient sur ce point. Toutes
mes démarches ont été infructueuses. Je ne sais
à quoi attribuer un silence aussi accablant et j'en
éprouve un véritable désespoir. Ne pouvant da-
vantage supporter cette situation affligeante, je
suis forcé de prendre le dernier parti d'envoyer
auprès de Votre Altesse le capitaine Pommereul,
mon aide de camp. Je supplie Votre Altesse de
me faire connaître ma destination par le retour de
cet officier. Je sollicite comme grâce particulière
de reprendre le commandement du 8® corps, et
Votre Altesse m'obligera éminemment en m'ob-
tenant cette faveur. Je place toute ma confiance,
Monseigneur, dans la bienveillance que Votre Al-
tesse m'a si souvent témoignée, et dans l'intérêt
qu'elle daignera prendre à ce qu'en un seul ins-
tant, et sans m'étre acquis aucuns torts, je ne
sois pas privé des bontés de mon souverain.
« J'ose renouveler à Votre Altesse les assu-
rances de mon respectueux attachement et les
expressions de la vive gratitude que je ne cesse
de lui conserver. »
— 377 —
Cette lettre était expédiée depuis quelques
;ours, lorsque Vandamme reçut de Berthier celle-
ci, datée de Witebsk, 6 août :
* Monsieur le général comte Vandamme, j'ai
mis sous les yeux [de l'Empereur les lettres que
vous m'avez écrites.
« Sa Majesté ne vous ayant pas autorisé à
quitter votre commandement, ;Elle a dû, à cause
de votre absence, vous remplacer : ce qu'EUe a
fait. En conséquence, vous n'êtes plus employé
dans l'armée, et vous devez rentrer en France, où
vous serez à la disposition du ministre : j'en pré-
viens le ministre de la guerre. »
L'empereur, mécontent de la marche des affaires
à sa droite, mécontent de son frère, mécontent de
Davout, mécontent de tout le monde, s'en pre-
nait à tout le monde et faisait passer sa colère sur
tout le monde. 11 était injuste envers Vandamme,
puisqu'il lui imputait à crime d'avoir quitté son
commandement 53/25 ordres tandis que le malheu-
reux général n'avait fait qu'obéir à un ordre for-
mel de son général en chef autorisé par l'Empereur
lui-même.
Vandamme ne fut pas replacé et rentra en
France. Il se rendit â Gassel, où il resta jusqu'à
la fin de l'année. Il avait été mis par lettre de
Berthier en date du 6 août à la disposition du
ministre delà guerre, mais laissé sans emploi.
Au commencement de 1813, le général vint à
Paris et vit l'Empereur qui, ne voulant pas sepri-
— 878 —
ver pliis longtemps des services d*un tel homme
de guerre, lui promit non-seulement de IVre-
ployer activement, mais de lui donner même m'
position qui lui permit de réparer le temps perdu
et de conquérir de nouveaux droits à l'objet de
sa légitime ambition, la dignité militaire du mar^
chalat.
En effet, Vandamme reçut ses lettres de ser-
vice le 17 mars 1813, pour aller prendre à Wei^cl
le commandement de deux divisions d'infanterie
en organisation dans la 25^ division et d'une autre
<lite de résen'e.
( '.es deux divisions se formaient avec les 4* ba-
taillons des deux premiers corps de la grande
armée, sous les généraux Dufour et Dumonceau,
la division de réserve avec les 3*, 105* et 29* do
ligne, et les bataillons de marche des 30* et Sl^
Elles avaient ordre de se réunir ensuite dans
la 32^ division territoriale en se portant sur
Miinster, Osnabrûck, Brème, Hambourg, où
commandaient les généraux T^oison et Carm-
Saint-Gvr.
Eu envoyant à Vandamme ses instructions, le
ministre de la guerre lui recommandait de partir
en poste, d'être à Wesel le 25 mars au plus tard,
d'annoncer la marche de troupes nombreuse?
destinées à réprimer les mouvements insurrec*
tionnels de la 32® division militaire, de faire grand
bruit de son arrivée et des forces qui le suivaient;
de faire établir à Osnabrûck des commissions
-879 -
pour juger les perturbateurs ; de correspondre
avec le vice-roi commandant alors la grande
armée ; avec le général Lauriston commandant le
corps d'observation sur l'Elbe , avec le major
général Berthier qui avait repris ses fonctions.
En arrivant à Wesel le 26, Vandamme trouva
Tordre de marcher sur Brème avec trois ou qua-
tre bataillons» laissant les autres généraux former
leurs divisions. Le général Loison était averti de
se rendre à Munster avec cinq ou six cents hom-
mes. Ces dispositions étaient faites pour réprimer
les mouvements insurrectionnels qui semblaient
menaçants.
Un fait assez bizarre c'est que le roi Jérôme
en apprenant que Vandamme arrivait à Wesel
lui écrivit le 23 mars : J'ai appris avec plaisir
que Sa Majesté venait de vous donner une des-
tination active et qu'elle vous rapprochait de mes
États. Je prendrai toujours part à ce qui pourra
vous être agréable, etc.
Deux jours après avoir expédié cette lettre, le
roi de WestphaUe écrivit de nouveau au général :
■ Après avoir répondu à votre lettre et avoir
envoyé ma réponse à Wesel, où je vous croyais
encore, je viens d'apprendre par une lettre de
§. M, l'Empereur que vous deviez arriver à Osna-
bruck avec un corps de troupes. Je suis informa
à l'instant de votre arrivée en cette ville et je '
m*empresse de vous envoyer un de mes oHiciers
d'ordonnance afin de connaître à quelle époque
-880 —
vous aurez une ou deux divisions en état d'agir
et de pouvoir combiner mes mouvements avec les
vôtres pour que nos opérations puissent s'accor-
der.
« Je désire que vous me fassiez connaître parie
retour de mon officier d'ordonnance quels sont les
mouvements que vous comptez faire et avec quelles
troupes vous les exécuterez ; de mon côté, j'es-
père, à la fin de la semaine prochaine ou dans les
premiers de la suivante, avoir douze bataillons
d'infanterie, deux mille chevaux et trente pièces
de canon. J'ai indépendamment de cela deux ba-
taillons à Danlzick, quatre à Gustrin et quatre à
Magdebourg.
« Cette lettre n'étant à d'autre fin, je prie Dieu
qu'il vous ait, monsieur le général comte Van-
damme, en sa sainte garde. »
Avant d'aller plus loin nous croyons utile de
faire connaître en quelques mots la situation des
choses dans la 32*^ division militaire et les rapports
avec la France du gouvernement danois, dont les
troupes étaient à Hambourg.
Par le traité de Fontainebleau , l'Empereur s'é-
tait engagé vis-à-vis le Danemark à lui garantir
l'intégrité de son territoire ; aussi pendant l'an-
née 1811, la cour de Suède ayant fait faire 'des
ouvertures à Paris pour qu'on lui prêtât assis-
tance dans l'accomplissement de ses désirs de
réunir la Norwége à son territoire, Napoléon fit
répondre qu'il ne pouvait, en vertu de ses stipn-
— 381 —
lalions avec le cabinet de Copenhague, donner
son consentement au démembrement de son
allié.
La Suède s'éloigna alors de la France et se rap-
procha de TAngleterre. L'année suivante, 1812,
la guerre devenant imminente avec la Russie, le
cabinet de Stockholm revint à la charge, proposant
de faire cause commune avec nous, si nous con-
sentions à lui laisser prendre la Norwége. Le ca-
binet des Tuileries refusa, ayant, disait-il, les
mains liées par le traité avec le Danemark. La
Suède, dès ce moment, ne garda plus de me-
sure ; elle s'entendit avec l'Angleterre et le czar.
Napoléon, cependant, décidé à porter la guerre
au centre de la Russie, rassembla dans sa main
tous les moyens d'action des puissances qu'il
traînait à sa suite, pour les opposer aux arme-
ments de son redoutable adversaire.
Les troupes danoises durent fournir leur con-
tingent, mais elles ne bougèrent pas de .leur pays
et de la 32® division militaire, dont Hambourg
était le chef-lieu. Ces troupes formèrent, sous
les ordres du général de division Ewald et des
généraux de brigade Wegener et Dorrien, une
division de deux brigades composée de onze ba-
taillons, de huit escadrons, avec un matériel de
cinquante bouches à feu, et ayant un effectif réel,
au 1^' juin 1812, de neuf mille quatre cents com-
battants.
Cette belle division se trouva, au commence-
— MM —
mont de l'hiver de 1812 à 1813, ainsi que le goa*
vernement danois, dans une position assez criti-
que. L'armcc française, détruite par les glaces et
la famine, avait évacué une grande partie du pays
que lui avait conquis ses victoires aux embou-
chures des fleuves. Hambourg fut abandonné en
mars; le Danemirk était menacé par la Suède et
par la Russie. Le cabinet de Copenhague montra
do riiésitation. 11 voyait la Norwége lui échapper ;
la France ne lui paraissait pas capable de le dé-
fendre efficacement ; le roi s'adressa à l'Empereur
pour sortir de cette situation critique. Napo-
léon, tout en laissant une sorte de liberté d'action
au Danemark, espérant le retenir encore quelques
jours dans son alliance par de bons procédés, lui
renvoya quatre équipages d'excellents matelots
danois qui montaient quatre bâtiments de la flotte
de l'Escaut. Il savait bien que le moment n'était
l)as loin où, grâce à l'énergique défense du prince
Eugène qui avait réorganisé les débris de la
Grande-Armée sur l'Elbe, grâce à sa prodigieuse
activité pour la formation d'une armée nouvelle
dirigée de la France sur le Nord, grâce à l'ascen-
dant de son génie, il allait pouvoir reparaître en
vainqueur dans la lice et faire probablement chan-
ger les dispositions hostiles de bien des alliés dou-
teux.
En effet, dôslecommencement d'avril 1813, et
tandis que TAugletcrre faisait offrir au Dane-
mark, s'il voulait entrer dans la coalition contre
- 388-
lous, de lui donner les départements de la 32® di-
ision militaire en compensation de la Norwége,
les troupes françaises s'acheminaient, sous le
omnandement du prince d'Eckmûhl et du gêné-
ai Vandamme, deux des hommes les plus vigou-
Bux de l'arméC; vers les embouchures du Weser
t de l'Elbe.
La politique du Danemark, cependant, avait tlé-
hi devant les circonstances, les dangers et l'éloi-
nement des secours. Le roi parut consentir, non
as à la cession de la Norwége, mais à couvrii-
lambourg et à tenir celte ville à l'abri même des
rmées françaises pendant le temps de la guerre,
i on voulait lui garantir l'intégrité de son tern-
aire. Deux plénipotentiaires furent envoyés pour
chever cette négociation, l'un à Londres, l'autre
Saint-Pétersbourg. M. de Berensdorff fut mal
eçu par le prince régent, qui refusa de lire la
îttre du roi de Danemark et déclara qu'il ne pouv-
ait y avoir de traité si, au préalable, la Norwége
l'était cédée à la Suède. M. de MoUke fut écon-
uil à Saint-Pétersbourg, et le prince Dolgorouki
ut désavoué comme ayant outrepassé ses pouvoirs
n consentant à la convention faite avec le cabinet
le Copenhague. Ainsi, au moment où les armées
rançaises s'approchaient du Weser et de l'Elbe,
lu moment où les troupes de Napoléon allaient
itre en présence des troupes danoises, le cabinet
le Copenhague se trouvait sans alliance avec les
)uissanccs coalisées et presque en hostilité avec
nous. La situation politique et militaire de ce
malheureux pays devenait donc de plus en plus
singulière et dangereuse.
Tel était l'état des choses à la fin de mars 1813,
lorsque Vandamme, nommé commandant supé-
rieur de la 32® division militaire et précédant avec
quelques bataillons les deux divisions en formation
dans le nord, lança de Wesel aux habitants de
la Lippe, des Bouches-du-Weser et de TElbe,
une proclamation pour leur annoncer les intentions
de TEmpereur. Le chef-lieu de la 32° division
militaire, la ville de Hambourg, que les Danois
avaient promis de défendre contre nous, était oc-
cupée alors par les troupes russes du général
Tettenborn. En outre, Altona, ville danoise, qui
est, pour ainsi dire, un des faubourgs de la riche
citée anséatique , avait pour garnison une partie
delà division Ewald, alors passée sous les ordres
du général Wegener. Le commandant de la place
d' Altona était le colonel Haffner, jouissant de la
confiance et de l'amitié de son souverain, et ayant
sa pensée tout entière.
Vandamme avait ordre de marcher sur Brème,
de refouler l'ennemi, de mettre en état de siège la
32® division et de pousser sur Hambourg pour s'en
emparer de vive force, si besoin était.
Le 26 mars, en arrivant à Wesel, Vandamme
lança la proclamation suivante :
— 385 —
Aux habitants du département de la Lippe^
des Boucbes-du-Weser et de VElbe, etc.
« Je suis envoyé par S. M. TEmpereur Napo-
léon le Grand, notre auguste souverain, à la tète
d'une armée considérable pour vous défendre et
vous protéger. Les troupes maintiendront partout
la discipline la plus sévère ; elles n'oublieront pas
qu'elles sont en France. Vous leur prouverez,
j'espère, que vous ne leur êtes pas étrangers.
€ Je dois vous prémunir contre les criminelles
suggestions de nos ennemis, qui parcourent le
pays en fomentant des troubles. Déjà des courriers
ont été insultés, des militaires maltraités et même
des voyageurs particuliers dévalisés. De tels at-
tentats ne peuvent avoir pour auteurs que des en-
nemis de la gloire de la France. Ces lâches dis-
paraîtront bientôt : la sûreté publique, et celle des
troupes que l'Empereur a daigné me confier,
lexigent.
Esclave de mon devoir et soumis à mon maître,
les mesures sont prises pour que tout ras-
semblement armé soit dissipé par la force des
armes et que tout individu convaincu d'avoir at-
tenté à la sûreté publique ou particulière soit à
l'instant traduit devant l'une des quatre commis-
sions militaires établies à Wesel, Munster, Os-
nabruck et Brème , et exécuté à l'instant de sa
condamnation.
— 386 —
• Les autorités civiles et judiciaires sont priées
de concourir de tous leurs moyens à faire connai-
tre ceux qui pourraient compromettre les bons
habitants du pays et Tarmée. Le moment est
venu de se montrer tout entier au souverain et
fortement attaché aux devoirs de sa place.
« De toutes parts, des corps nombreux accourent
de Tancienne France pour vous secourir et prou-
ver à nos ennemis, quels qu*ils soient, que Ton
ne touche pas impunément au territoire du grand
Empire. De nouvelles victoires vous rendront
bientôt cette sécurité que de lâches alarmistes
vous ont un instant fait perdre . L^Empereur veille
et pourvoira à tout ; restez-lui ildèles ; ses enne-
mis n'ont jamais été longtemps heureux. >
La mission de Vandamme dans les déparle-
ments du nord devenait de jour en jour plus impor-
tante et plus difTicile. Napoléon lui prescrivait de
prendre des mesures promptes et énergiques pour
réprimer les insurgés, de faire des exemples
très-sévères, de réoccuper les côtes, de rétablir les
batteries de côte abandonnées, de tenir en force la
ligne du Weser, etc.
Le 29 mars, le général manda d*Osnabruck au
major général qu'arrivé la nuit, il avait trouvé son
1^^ bataillon de marche et serait le surlendemain à
Brème ; qu'en traversant Munster il avait vu les
autorités et passé la revue de quatre bataillons;
qu'il apprenait à l'instant que les insurgés de Bre-
merleké avaient été réduits, le fort repris, et qu'on
— 387 -
avait tué cent cinquante révoltés , quarante An-
lais, et que l'un des chefs de l'insurrection, Jean
toucher, avait été fusillé.
Dans les premiers jours d'avril , Vandamme
pprit par une dépêche de Tétat-major général
ue le prince d'Eckmiilh ayant reçu le comman-
ement de toute la ligne de l'Elbe, de Magdebourg
la mer, la 32® division était sous ses ordres, el
ue lui-môme par conséquent se trouvait devoir
béir au maréchal, et correspondre avec lui. Il
estait néanmoins revêtu du titre de commandant
upérieur des trois divisions se réunissant dans
a 32® division territoriale, lesquelles étaient :
;elles des généraux Carra-Saint-Cyr, Dufour et
)umonceau. La mission des troupes qui les for-
naient était de marcher sur les rassemblements,
le désarmer le pays et de faire de sévères exem-
)les. Elles devaient, une fois les côtes et les batte-
ries réoccupées, se porter sur Lunebourg, Haar-
)ourg, Hornebourg, Cuxhaven, se placer sur la
'ive gauche de l'Elbe de façon à reprendre Ham-
jourg lorsque le moment serait venu.
Vandamme avait espéré rester seul commandant
3n chef de la 32® division militaire, il fut médio-
3rement satisfait d'apprendre qu'une fois encore
il était sous les ordres de Davout.
Toutefois, il ne laissa rien percer de sa contra-
riété, et il continua à servir, comme il avait Thabi--
lude do le faire, avec une activité, un dévouement
au service de l'Empereur et de la France, avec
— 388--
une fermeté, une vigueur bien appréciés de Na-
poléon.
Le 15 avril, il écrivit de Brème au major gé-
néral.
• Monseigneur, TEnipereur ayant daigné rae
laisser la plus grande latitude et me dire qu'arrivé
à Brème je serais le maître d'agir d'après les
circonstances, j'ai pensé qu'en ce moment Tobjel
essentiel était de calmer les esprits et de rétablir
l'ordre. Ce résultat est complètement obtenu, je
puis en attester MM. les préfets. Maintenant je
vais faire réoccuper les bords de l'Elbe et obser\er
Hambourg par les troupes que commande le gé-
néral Carra-Saint-Cyr. Mes bataillons se porteront
sur la côte au fur et à mesure qu'ils arriveront.
Les derniers bataillons formeront une résene
sur le Weser. Je crois que ces mesures compléte-
ront mes premières opérations. De nouvelles cir-
constances détermineront de nouvelles disposi-
tions.
« Le roi de Westphalie, Monseigneur, ma
donné connaissance d'une lettre en date du
29 mars , par laquelle le vice-roi annonçait à Sa
Majesté que la colonne qu'il avait dirigée sur
Werben était entrée dans la ville le 27 au soir el
y avait culbuté un millier de Cosaques qui la dé-
fendaient; que cependant il était déjà passé le
général Gzernichen avec un duc d'CEls et un gé-
néral hanovrien, et que leurs troupes, consistaul
dans environ 3,000 chevaux et 3,000 hommes
— 389 -
d'infanterie, s'étaient dirigées à Sahausen et pa-
raissaient vouloir gagner le Hanovre dans l'espé-
rance de l'insurger. Je me suis empressé de faire les
dispositions nécessaires pour arrêter les progrès
de ce corps. Je ne puis encore confier mon rap-
port au papier; mais, dès que je serai sûr des
communications, j'aurai l'honneur de rendre
compte à Votre Excellence des mesures que j'ai
prises et du résultat qu'elles auront produit.
• P.-S. — D'après les nouvelles que je reçois
à l'instant, il paraîtrait certain que ce corps en-
nemi n'a pu continuer sa marche sur le Hanovre
et qu'il a eu un engagement avec le général Mo-
rand, car on a entendu hier une canonnade du
côté de Totstedt. Un officier français, qu'on va
envoyer interroger, est arrivé blessé à Ottersber-
ghée. Les communications avec le général Mo-
rand ont sans doute été interceptées, puisque
jusqu'aujourd'hui on n'a pas reçu de ses nou-
velles.
« Le bruit court que l'ennemi a un fort poste à
Celle, ce qui pourrait aussi faire croire qu'il s'est
porté sur le Hanovre et qu'une partie du corps
seulement a été engagée avec la division du géné-
ral Morand. »
Rien ne pourra mieux faire connaître la situa-
tion des choses à cette époque, dans la 32® divi-
sion militaire, que les lettres suivantes, émanées
de divers personnages :
^890 -^
. LE GÉNÉRAL CARRA-RAINT-GYB AU GÉNÉRAL MOUTOR.
• Brème, i" avril 1813.
« Mon cher général, j'ai reçu la lettre que vous
m'avez fait l'honneur de m'écrire d'Utrecht, le
23 mars.
« Les temps sont changés, si vos instructions
ne le sont pas ; il est prudent pour vous de ne plus
compter sur la division danoise.
« J'ai dû passer sur la rive gauche de l'Elbe
pour y prendre position , je l'ai quittée momenta-
nément pour empêcher l'insurrection dans le dé-
, parlement du Weser de faire de trop grands pro-
grès* Le lieutenant général Vandamme ayant porté
son quartier général à Brème, je pars aujour-
.d'hui pour me joindre avec les troupes à ma dis-
. position au général Morand, et tenir sur la rive
gauche de l'Elbe.
« Voilà, mon cher général, mon histoire en rac-
courci; le sort, sur mes vieux ans, ne m'a pas
destiné à d'heureuses aventures; cependant je
pousserai ma carrière tant que mes forces me per-
.mettront de suivre l'Empereur. »
VANDAMME AU MAJOR GENERAL.
« Brèm«, 3 avril 1819.
« Monseigneur, j'ai reçu la lettre que Votre Ex-
cellence m'a écrite le 30 mars. J'ai de suite fail
— 991 -*
connaître à MM. les préfets d'Osnabruck , Brè-
me et Hambourg, que l*Empereur ordonnait que
les départements composant la 32^ division fus-
sent mis en état de siège.
« J'avais déjà, Monseigneur, fait mes rapports
au prince d'Ëckmùhl ; je les lui continuerai et
m'empresserai d'exécuter les ordres qu'il me don-
nera pour le service de Sa Majesté.
€ Les instructions que Votre Excellence m'a-
dresse par sa dépêche du 30 seront ponctuellement
suivies. Elle voudra bien être persuadée que je ferai
tous mes efforts pour remplir le mieux possible
les intentions du souverain. •
LE PRINCE EUGENE A VANDAMME.
« Magdebourg, {•' avril l8tS.
t Monsieur le général comte Vandamme, Sa
Majesté le roi de Westphalie vient de me faire
passer copie de votre lettre du 28 mars et copie de
sa réponse. Il me tardait de vous voir arriver sur
le Weser et c'est avec satisfaction que je vois que
votre 1^* division sera le 5 à Brème. Il faudra
qu'elle fournisse un poste à Verden, et votre 2* di-
vision qui sera le 10 à Minden détachera des trou-
pes àNieubourg. Vous ferez continuer le travail
que j'ai ordonné à la tète de pont de Minden; il
y a un officier du génie chargé de cette opération.
Je vous recommande de donner des ordres pour
la police des bacs et bateaux en faisant couler
ceux que Ton ne pourrait réunir dans les différentes «'^
villes de Brème, Verden, Minden, Xieubourg.
• Je m*établis demain sur la rive droite de
l 'Elbe avec six divisions et près de â,000 chevaux.
Le prince d'Elckmûhl occupe le bas EUbe avec
17 bataillons, et j'ai formé un corps d'obser-
vation de 12 bataillons et 2,000 chevaux sous les
ordres du général Sébastiani, pour poursui\Te les
partis qui ont passé l'Elbe entre Verden et Ham-
bourg, au nombre de 5 à 6,000 hommes, infanterie
et cavalerie. Le général Sébastiani doit chercher
à rallier le général Morand, qui est entre Brème
et Hambourg. J'ai besoin de faire rentrer dans
mes divisions les troupes qui se trouvent en ce
moment sous les ordres des généraux Morand et
Garra-Saint-Cyr. Il est d'autant plus essentiel que
vous arriviez promptement à Brème que les
Russes et Prussiens jettent des partis sur la rive
gauche de l'Elbe par Hambourg et Boizenbourg,
s'établissent à Lunebourg et se lient aux Anglais
qui, au nombre de 500 hommes, ont débarqué à
Cuxhaven ; en même temps on travaille le pays
pour le porter à se soulever. Il n'y a que la pré-
sence d'une force militaire imposante qui puisse
mettre ordre à tout cela. »
» _ _ *
VANDAMME AU MAJOR GENERAL.
« Brome, 4 avril 1813*
Monseigneur, conformément aux intentions
— 393 —
ie Votre Excellence, M. le général Dumonceau
est allé s'établir à Minden, où se réunira la di-
vision qu'il doit commander. Il communiquera
avec le général Boursier, qui est à Hanovre,
avec le général Hammerstein, qui se trouve main-
tenant à Hildesheim avec un corps westphalien
et avec le corps de partisans français qui est à
Celle.
« Je suis de suite entré en correspondance
avec le général Lemarrois pour le prier de pres-
ser autant que possible l'organisation des batail-
lons et la formation de l'artillerie qui me sont
destinés. Les instructions les plus positives sont
données sur la route pour qu'on hâte la marche
des troupes et qu'on dirige de suite sur Minden
celles qui appartiennent au général Dumon-
ceau.
• Les ordres sont expédiés pour qu'on marche
sur les rassemblements. J'ai prescrit de désar-
mer le pays, de réoccuper les côtes et les bat-
teries dont les insurgés se sont emparés. Des
commissions militaires sont établies ; elles juge-
ront ceux accusés d'avoir été auteurs ou complices
des révoltes.
« J'ai l'honneur d'adresser à Votre Excellence
copie d'une lettre par laquelle le général Carra-
Saint-Cyr me donne la presque certitude que le
général Morand, après avoir été blessé, a été
fait prisonnier. J'ai ordonné au baron Garra-Saint-
Cyr de rester réuni à Ottersberg avec sa division,
t» ^m «Muv k jm^ ^ et m Ifaîr prtt à
tuai ^yTuyrmmL ie ir!f»rj( à <« ^'atrai de mar-
'jit!r !ft?3*3iiiiBa nr risntsnt 3>~ï a|>f>reBUt que
j? ipnnnî S'hiusiiuiii it&airisi£ kt^ tr^Mipe:» du duc
•tL^t^. )»L me e i*?ïift£nL )fr:raBd ae fut pas ré-
•tlXLC.
• Je pr*jt n^sÊamm^iifi VjCr^ Excetteoce de voQ-
i'cr îtei r^!ii:ir^*{er -ïiîs rrires f»>ar que tout
o^ »rLi &:iû :oaic«:s«r 3ie$ •iTLfv-.«as me soit promp-
temi^oc -rçtftLAf J^ a'ai aiansfee artillerie Jes batdil-
k«e^ xa3irwiii T i-âciers. Je n'ai |>:»îiit de généraux
de Lr^pii'?. zi ^a 5e«l oâi«:îer d*étal-iiujor, ni
nec il ^«?ri*x:jKi admimstiatif de mon corp>
d'arcbée.
• Je >ai5 réellement dans une position embar-
rassanle et que Votre Excellence m'obligerait
beauc^'Up de laire cesser le plus promptement po^l-
siMe. Qu'elle veuille bien se persuader que je ne
me plains point et que je ne désire voir changer ma
situation actuelle que pour pouvoir ro*utiliser da-
vantage pour le service de FEmpereur. •
• P.-S. — Au moment de fermer cette dépêche,
arrive à mon quartier général un ofiicier de Fétat-
major du prince vice-roi, et qui m'assure qu étant
a Celle il a appris du major qui y commande un
parti de 500 chevaux, que, le 2 avril, le général
Morand était libre à Lunebourg^ et qu'il se bat-
tait par intervalles en avant de cette ville. •
VANDAMMK AU MAJOR GÉNÉRAL.
a 6 avril 1813.
• Monseigneur, j'ai Thonneur d'adresser à
Votre Altesse Tétat de la situation des bataillons
appartenant aux divisions réunies et qui avaient
passé le Rhin à l'époque du 3 de ce mois. Elle
verra que demain j'aurai à Brème six bataillons ^
que le 9 j'en aurai quinze sur ce point et celui de
Minden, et le 15 dix-sept; ce qui me formera
alors une force de 10,200 hommes environ. Je re-
grette que cet état ne soit pas plus complet dans
ses détails; mais actuellement tout le monde est
en marche ou s'organise, et il est bien difficile
d'obtenir tous les renseignements nécessaires.
« Je reçois à l'instant une lettre du général de
Montbrun, datée du 5 de ce mois, et par laquelle
il m'annonce son arrivée à Lunebourg le 4 avec
l'avant-garde du corps du prince d'Eckmûhl, qiii
de sa personne devait être à Lunebourg le même
jour 5.
« Le général Carra-Saint-Gyr qui , en ce mo-
ment, occupe avec sa division en colonne tous les
villages depuis Otlersberg jusqu'à Brème, re-
jjoit de moi l'ordre de se porter demain jusqu'à
Rottembourg, après demain à Tostedt, afm d'être
sn communication avec le général de Montbrun
]ue j'invite à le faire reconnaître le plus promp
lement possible. J'ai de suite fait part au roi de
-896-
Westphalie et aux préfets de ces départemenls de
l'arrivée de celle avant-garde. Celle nouvelle pro-
duira un bon effet.
« Les commissions militaires s'occupent acti-
vement de juger les habitants qui sont accusés
d'avoir été auteurs ou complices des révoltes ; hier
cinq insurgés de la commune de Blexem ont été
fusillés. Ils avaient été arrêtés par la colonne mo-
bile. Cet exemple maintiendra le calme qui se ré-
tablit d'une manière sensible.
« Ayant appris que des compagnies départe-
mentales des vétérans et des gendarmes de ce
pays avaient déserté, j'ai cru devoir ordonner que
tous les militaires indigènes dont la conduite n'é-
tait pas franche fussent envoyés à Wesel, pour y
attendre qu'il soit prononcé sur leur destina-
tion. »
LE noi JEROME A VANDAMME.
« Cassel, 6 avril 1813.
« Monsieur le général comte Vandamme, j'ai
vu par mes différents rapports (qui, j'espère, ne
se justifieront pas) , que le général Morand avait
été pris avec tout son corps, à Lunebourg. Si cela
est, Hanovre se trouve tout à fait à découvert, car
je suis obligé de me servir de la division que je
comptais envoyer à Hildesheim pour couvrir ma
droite, l'ennemi étant entré à Leipzig et Weimar
avec un corps de 12,000 hommes.
— 397 -
« Je désire savoir combien vous avez de troupes
3unies, et quels sont les mouvements que vous
Dinptez faire.
« Vous savez sans doute que le vice-roi, avec
n corps de 70,000 hommes, dont 8,000 chevaux
t iOO pièces de canon, a passé TEIbe le 3, et a
tabli son quartier général le 4 à Mockern, sur la
3ule de Brandebourg, après avoir culbuté les
vant-postes ennemis. Le vice-roi paraît n'avoir
avant lui que 12 bataillons prussiens et 2,000 co-
aques.
« Le prince de la Moskowa s'est réuni à
Vurtzbourg avec l'armée d'Italie.
« J'attends à chaque instant la nouvelle du départ
e l'Empereur de Paris. »
VANDAMME AU MAJOR GKNEUAL.
« 7 avril 1813.
« Monseigneur, j'ai l'honneur de rendre compte
. Votre Excellence que le général Carra-Saint-
iyr m'a annoncé ce matin l'arrivée du prince
TEckmûhl à Lunebourg. Je me suis empressé de
lemander les ordres de Son Excellence et de lui
aire part des mesures que je venais de prendre et
lont je présente ici le rapport à Votre Excel-
ence.
« J'ai prescrit au général Carra-Saint-Cyr de
narcher sur Staden pour ensuite se porter rapi-
iement sur Cuxhaven. Deux frégates anglaises
paraj«0iant k rcmbouchure dn Weser •iepois avant-
hî'fr h/iir, on croît '{n'eUes ool débanquê du
monde hier ou celle nuit. Je fcti^ renforcer deux
IpHlailUtUH que r:ornma;ide un major et qui sodIb
Kr^flelh et Varel, et je [Xirte le général Duf<)ur
aveequalre |jal;iillons parOslerholz, Hagen, Slotel,
Ij'Uit a liorum, afin d'appuyer la gauche du gé-
néral Carra-Sainl-Cyr dans sa marche sur Cuxlia-
veii, el d'élre à même de secourir au besoin les
troupes que jo dirige sur Blexem par la rive gau-
che (hi Wi'ser. Je recommande au général Sainl-
Cyr de bien se lier par sa droite au général Mor.l-
hnin, el par sa gauche au général Durour, afiu
de régler ses mouvements conjointement avec
ceux de ses voisins. Je vais approcher de Brème
la division du général Dumonceau aussitôt que je
saurai ce (|ui se passe vers le Hanovre.
(^cs dispositions me semblent devoir nous
niellre en mesure de combattre tout ce qui ^t'
|)résentera entre les bouches de TElbe et du ^Ve-
ser et entre le Weser et TEms. J'ai ordonné aux
douaniers et à la gendarmerie d'aller reprendre
les postes qu'ils occupaient au fur et à mesure
(juo les circonstances le permettraient. Cei
ordre est exécuté entre le Weser et TEms^inais
sou exécution commence entre le Weser ei
TEIbc.
• On continue avec activité la recherche Aî^
individus qui ont été auteurs ou complices de !a
rovollc. J'ai fait arrêter les personnages qui wffi-
posaient la commission administrative d'Olden-
bourg, de Papenbourg et de Varel. J'ai fait
mettre aussi en état d'arrestation M. Nyvenheim,
chambellan de l'Empereur et décoré de plusieurs
ordres. Avec un passe-port qu'il avait pris à la
Haye, le 31 mars, pour Garneim, il a couru tour à
tour dans le département de TEms-Oriental, dans
les départements de TEms-Supérieur et du We-
ser. lia parcouru les côtes, a été à Varel, à Ol-
denbourg, à répoque où tout était en combustion.
11 est même venu à Brème où il a évité le préfet
et tous les fonctionnaires français pour ne voir que
ceux qui ont ét-é considérés comme principaux
instigateurs des mouvements insurrectionnels. Je
l'envoie à Paris sous bonne et sure garde pour
être remis à la disposition du duc de Rovigo, à
qui je transmets tous les papiers et renseigne*
ments qui me sont parvenus.
« Différents rapports m'annoncent que Leipzig
et Halle sont occupés par les Russes. Ils m'ap-
prennent aussi que depuis le l**"" jusqu'au 3 avril,
on s'est constamment battu entre Magdebourg et
Burg. Comme cette nouvelle me paraît très-vrai-
semblable, je pense qu'il entrera dans les dispo-
sitions du prince d'Eckmùhl de se porter sur ce
point. Ses forces sont inutiles dans ce pays qui
est maintenant bien tranquillisé et où l'ennemi ne
foi-mera pas de grandes entreprises. Un petit
corps d'observation que laisserait Son Excellence
serait bien plus que suffisant dans la situation où
*-400
nous sommes aujourd'hui, surtout me renforçanl
chaque jour.
• Un bulletin qui m'est remis par la poUce an-
nonce que le corps russe qui était en marche pour
se porter d'Ullzen sur Celle a repris la dii'eclion
de Salzwedel, pour aller à la rencontre du prince
d'Eckmûhl. On dit que le corps russe qui sesl
porté en partie sur Lunebourg et en partie sur
Ullzen était de 15,000 hommes. Je ne pense pas
qu'il soit aussi fort. »
VANDAMME AU MAJOR GÉNÉRAL.
« 8 avril 181G.
« Monseigneur, le préfet des Bouches-du-We-
ser m'a communiqué la lettre par laquelle Vola>
Excellence lui reproche d'avoir appelé à Brème
le général Garra-Saint-Cyr et sa division. Je tar-
dais depuis mon arrivée de rendre compte de ce
que j'ai vu ou appris ; mais je suis enfin forcé de
déclarer la vérité. Le préfet a pu demander du se-
cours au général Saint-Cyr; ce général aurait pu
lui envover un bataillon et un bon oflîcier.
Ces forces suffisaient pour tout ce département.
Le général Garra-Saint-Gyr pouvait et devait
même rester sur l'Elbe, et ne pas quitter le géné-
ral Morand qui, dans toutes ses lettres, le priait
de ne pas s'éloigner. Voici, Monseigneur, des
faits que je désire voir porter à la connaissance
de l'Empereur , afin que Sa Majesté ne soit pas
— 401 —
rompée par des rapports mensongers. Le général
3aint-Gyr est hors d'état de diriger ses troupes
tu moindre danger. Ce général est fini, usé, nul
mfîn et sans caractère. Il était mené par le direc*
eur général de la police de Hambourg, M. Dau-
ngnosc, qui ne connaît rien au métier des armes,
ît pourrait mieux faire le sien s'il s'en occupait
jérieusement. Le général Garra-Saint-Gyr n'a
lonné que des ordres timides et incertains- Son
expédition de Bremerlhé et de Blexem le prouve
issez. Il n'y avait là que des paysans et quelques
/étérans anglais, et on a tout abandonné, forts,
3atteries et canons, après avoir pris ou tué quel-
:jues hommes. A mon arrivée, tout le monde ici
était dans l'inquiétude, et personne n'était moins
rassuré que le général Saint-Cyr. Les troupes
at Oldenbourg, à Brème, Bremerlhé et par-
tout ont commis des excès affreux, parce que
le général est sans énergie et ne peut réelle-
ment plus convenablement commander. J'aurais
voulu l'ignorer, j'ai cru pouvoir le taire, mais je
suis forcé de rempUr mon devoir tout entier, quoi-
qu'il m'en coûte d'avoir à desservir un camarade,
de qui je n'ai jamais eu à me plaindre pour moi
personnellement. Le comte d'Arberg n'a rien à se
reprocher; il est impossible d'avoir montré plus
de force et plus de dévouement.
« La ville de Brème est calme comme Ghâlons
et tout va au mieux ici ; mais je dois le dire à Votre
Excellence, le général Garra-Saint-Gyr ne pourra
— 402 —
plus servir utilement TEmpereur dans ces pays. Itt
C'cptà son manque (le caraclèrè, phiS qu'à toute L
autre cause, que les troubles et révoltes deHam- |^
bourg doivent une grande partie de lenr origine,
et je pense que Votre Excellence sera forcée d'en
faire part à Sa Majesté, à qui je pourrais donner
les détails les plus circonstanciés.
« Je ne puis me permettre aucun ménagement
vis-à-vis de ceux qui ne ser\iraienl pas TEmp?-
reur avec la plus vive ardeur;
« Il ny a que quelques bricks ùnglâis snt la
côte; les frégates ont disparu. La nouvelle que
12,000 hommes qui étaient depuis longtemps em-
bai*qués en Angleterre sont partis pour le Tagc
tranquillise ici beaucoup les personnes dévouées à
la France. •
DAVULT A VANDASIME.
« Lukow, 8 avril 1813.
« Mon cher général, je reçois à Tinstant votre
lettre du 7 de ce mois. Lorsque mon chef d elal-
major a écrit au général Saint-Cyr, je ne crmai^
pas votre arrivée aussi prochaine ; je l'ai ap-»
prise avec beaucoup de satisfaction pour le ser-
vice de notre souverain, à qui des hommes <le
votre tremp? sont bien nécessaires dans les cir-
iH>nstanees où nous nous trouvons.
• Je dois vous donner connaissance de Télal
actuel des choses : j'ai été envoyé le 39 mars du
— 403 -
66të de Stendal |W)nr me rtiètlre â la potitôtïitë dés
ftarli^ russes qui avaient passé l'Elbe el qui inon-
daient le pays. Le !•' avril oti a iiiié à ma dispo-
sition pour cet objet la division Puthod. Quelque
diligence que j'aie faite, il ne m'a pas été possible
de prévenir le malheureux contfe-femps de Lune-
boutg. Je rai appris le 9, a ftion arrivée à Dan-
henbevg. C'est là aussi qtie j'ai reçu une lettre du
major général qui m*annonçait que la 32® division
tnililaire était mise en état de siège , que Sa Ma-
jesté la mettait sous mon commandement, et que
je devais me conformer aux instructions que lé
Tice-^roi devait m'adresser. Non-seiilemérit elles
ne me sont pas encore parvenues, mais je n'ai pas
même reçu une seule réponse aux différentes lel^
très que je lui ai écrites à cet égard. J'ai continué
ma marche sur Lunebourg et j'ai poursuivi les
troupes russes et prussiennes, qui ont repassé
l'Elbe le 3, à Brekede. Toute la rive gauche de
l'Elbe, depuis Magdeboùrg jusqu'à Ollenspicken
était bien nettoyée et. bien observée. J'avais le
projet, en me concertant avec les troupes de Brè-
me, d'achever la prompte occupation de la 32^ di-
vision militaire, située entre l'Elbe et le WesÉfr*
Sur ces entrefaites, j'ai reçu l'ordre du vîce-roi,
qui m'a été réitéré, de me rapprocher de liil, ett
commençant mon mouvement par réunir méâ
troupes à SalzWedel, où je recevrai probable-
ment Tordre de me diriger sur Brunswick.
« Ce qui a donné lieu à ces dispositions, c'est
-404-
que l'ennemi a jeté des ponts à Dessau. Le vice-
roi défendra le terrain pied à pied, et il a Tintentiou
de concentrer ses forces dans les environs de
Brunswick.
« Demain ou après, toutes les forces qui ëlaient
sur la rive droite passeront sur la gauche, avanl
de grands moyens d'embarcation à Domilz et à
Boizenhourg. J'ai chargé le général Monlbruu
de faire connaître à son départ de Lunebourg cel
état de choses à M. le général Saint-Gyr. L'essen-
tiel maintenant est donc de se maintenir sur le
Weser. Les mesures que vous avez prescrites, si
elles sont bien exécutées, rempliront cet objet; ou
ne peut y travailler avec trop de célérité. Il faut
faire occuper les différents ponts que nous avons
sur le Weser, et y faire construire des têtes de
pont pour y mettre vos jeunes troupes à l'abri dos
insultes de remiemi. Quant à la destruction dos
bacs, bateaux et nacelles, il n'y a pas de doute quo
1rs habitants les soustrairont à celte mesure; il
n'y a qu'en envoyant par eau, depuis le point où
le Weser porte bateau, différents détachements
commandés par des officiers intelligents et actifs,
que vous pouvez espérer d'obtenir ce résultat.
Alors il sera impossible à l'ennemi de jeter des
partis sur la rive gauche pour fomenter des trou-
bles. Au commencement de mon séjour dans la
32*" division militaire, j'avais ordonné le désarme-
ment de tous les habitants, ce qui avait produit îî(>
à 40,000 armes qui ont été transportées à Lune-
- 40K *
bourg; elles étaient, il est vrai, de la mauvaise
espèce, mais enfin ce sont des armes qui tuent.
Je ne doute pas que les habitants ne s'en soient
procuré depuis cette époque, et que même les An-
glais n'en aient jeté une grande quantité sur les
côtes. Il faut sommer les habitants d'apporter dans
les chefs-lieux de leurs départements et dans un
temps proportionné aux distances, toutes les ar-
mes, de quelle qu'espèce qu'elles soient. Ce qui
reste du département de TElbe devra envoyer ses
ainmes à Brème.
« Au surplus, mon cher général, toutes les
observations sont oiseuses, puisque personne
mieux que vous n'est en état de prendre de bonnes
mesures pour le service de notre souverain , se-
lon que les circonstances l'exigent; ainsi, le vé-
ritable objet de cette lettre est de vous faire con-
naître l'état des choses, et je continuerai à vous
en instruire.
« J'ai prescrit au général Montbrun de faire
connaître au général Saint-Gyr le contenu d'une
lettre de Tettenborn à T^chernischeff. Je vous
en adresse la copie. Je présume que Tennemi doit
agir du côté de Brème ou de Hanovre. Au sur-
plus, ces derniers jours il y avait très-peu de
Russes à Hambourg. On y organisait des troupes;
mais elles ne seront pas bonnes de longtemps. La
première colonne des troupes suédoises débar-
quées en Poméranie y était annoncée.
€ Il me semble absolument nécessaire que vous
fassiez faire à vos groupes TeioapviGe à fm, ^ ^
vou$ envoyiez à e£^l elfel ehercluBr de U poudre à
WasûL »
MOLITOH A VANDAMME
« Utrecht, 9 a\Til 1813.
« Mon général, en apprenant votre arrivée dans
le voisinage de la Hollande où je me trouve em-
ployé, permettez-moi de me rappeler à votre sou-
venir et de vous offiir mes vœux pour la canjpa-
gne glorieuse que vous allez ajoutera tant d'autres.
« Les soulèvements des Bouchcs-du-Weser
que votre présence va dissiper entièrement n out
pas, je crois, dépassé TEms; j'ai envoyé deux
bataillons à Groningue pour renforcer le général
Janssens.
« La tranquillité a régné jusqu'à présent eu
Hollande. Une conspiration, sur le plan deMallei,
s'était ourdie, il y a deux mois, à Amsterdam;
xî'était Tœuvre de quelques intrigants; je les aidé-
couverts il temps; une commission militaire eu a
faitjustice.
« Nous sommes en mesure ici contrj les Au-
^lais; de bons forts élevés sur la cote, de bonnes
places bien api)r()visionnées, garantissent les
points principaux de débarquement ; six balail-
jions étrangers en font la garde avec une artillerie
suffisante, tiois autres bataillons de garde soldée
et compagnies départementales assurant la ii'an-
(juillité des grandes villes de l'intérieur.
— IW -
« J'ai qinitttf Amsterdam pour établir mon quar-
tier général ù Ulrecht où se rassemble un corps
ie troupes françaises; j'y ai déjà quatre batail-
lons sans comprendre ceux que j'ai envoyés à
Groningue; j'attends 1,200 Suisses sous peu de
jours, et pour le mois prochain des forces beau-
coup plus considérables. MM. les généraux de di-
vision Ledrut et Amey me sont annoncés pour le
Bamp d^Utrecht.
« 'Voilà, mon général, ma position actuelle;
sgoutons-y votre puissant et imposant voisinage,
je pense que nous pouvons raisonnablement dé-
sirer plutôt que craindre l'arrivée des Anglais.
« S'il survenait quelque chose d'important dans'
cette partie , permettez-moi d'avoir l'honneur de
vous en faire part. »
VANDAMME AU MAJOR ORNERAL.
« 9 avril 1813.
t Monseigneur, j'ai l'honneur de rendre compte
à Votre Altesse que Brème et Minden sont main-
tenant à l'abri d'un coup de main. On travaille à
force à perfectionner les travaux et à compléter la
défense.
« Tous les ponts sur le Weser sont rompus,
ainsi que celui de VAIJer à Verden. Le pont en
pierre de Nieubourg est couvert par un ouvrage
offensif dont ion s'occupe avec activité.
€ J'ai donné pour l'instruction des troupes dos
ordres très-positifs , dont autant que possible je
surveille moi-même rexécution. On fait Texercice
régulièrement le matin et le soir. Nous nous dé-
pêchons de former nos jeunes soldats.
« L'organisation de mes divisions s'opère au-
tant qu'il peut dépendre de moi. Je stimule le
zèle de tout le monde.
• M. le comte d'Arberg, préfet du département
des Bouches-du-Weser, m'annonce : 4® que les
perceptions ont peu souffert et que la rentrée des
contributions sera sous peu complète; 2® que tous
les chevaux votés par son département sont prêts
à être livrés. J'en préviens M. le général Bourcier
et l'invite à envoyer chercher ces chevaux.
« Sur mon invitation, MM. les préfets des dé-
parlements de la Lippe, de TEms-Supérieur et des
Bouches-du-Weser onl, par une proclamation,
engagé les gardes-côtes, les gendarmes et doua-
niers à reprendre sans délai le poste que quelques-
uns d'entre eux ont abandonné. II a été accordé àces
déserteurs un délai de douze jours à l'expiration
duquel ils seraient jugés par des commissions mi-
litaires.
« La nouvelle des succès obtenus par le vice-
roi sur les Russes et les Prussiens a été publiée
ici et a produit dans tout le pays le plus heureux
effet.
• Une lettre que je reçois du général Montbrun
m'annonce que le prince d'Eckmûhl a reçu des
ordres du vice-roi pour se rapprocher de Son Al-
-409-
îesse, et qu'en conséquence le maréchal a déjà
commencé son mouvement. Le général Monlbrun
i dû lui-même quitter aujourd'hui Lunebourg
ivec l'arrière-garde et ira coucher demain à
Jltzen. »
VANDAMME AU MAJOR GENERAL.
« 10 avril 1813.
« Monseigneur, M. le général Montbrun m'ayant
innoncé que le prince d'Eckmûhl remontait
'Elbe pour se rapprocher du vice-roi, et que son
irrière-garde devait arriver ce soir à Ultzen, je
i*ai pu faire autrement que de rappeler près de
Brème les divisions Carra-Sainl-Cyr'et Dufour.
L'une est à Ottersberg et l'autre à Osterolz et
Stellebrock, en face d'Elsfeth, où se trouvent des
noyons de passage en cas de besoin. Son Excel-
ence m'a confirmé la nouvelle de son départ seu-
ement aujourd'hui, et c'est la première lettre que
je reçois d'elle parce qu'elle ignorait mon arrivée
• • • >
Cl.
« Le général Dufour, qui avait d'abord l'ordre
le se porter surCuxhavén, a été jusqu'à Bremer-
hé. A son approche, les bricks anglais ont appa-
•eillé et mis à la voile. Ils ont emmené avec eux
environ trente barques ou bateaux chargés de
crains qu'on assure être la propriété de quelques
légociants hambourgeois.
tDes députés de Bremerlhé sont venus deux
lieues att-denol da général : fls mit para effiravé
et nVjnt pas disk^imulë que les habitants, crai-
gDiiOt de voir renoaveier les scèoes qui se sont
passées le mois dernier, voulaient abandonner
leurs foyers. Le pênéral les a rassurés et personne
n'a quitté la ville. Pendant celle marche, le gé-
néral Dufour a été très-satisfeit de ses baUiil-
lons. »
LE GÉNÉRAI. RUSSE TCTTEXRORN A VANDAMME.
• 12 avril ISia
« Monsieur le général, le bruit court ici qufl
VOUS avez fait fusiller deux magistrats d'Olden-
bourg, et que vous avez encore destiné au même
sort plusieurs personnes respectables. Je ne crois
pas que ces atrocités soient vraies ; mais, si elles
Tétaient, j'ai Thonneur de vous prévenir que je
saurai les venger et que tous les militaires et enn
ployés français qui sont dans mon pouvoir et qui
y tomberont encore par la suite seront mis à mort;
les militaires , sans distinction de grade, fusillés,
et les gendarmes , douaniers et employés de toute
autre espèce, pendus. J*ai à disposer de plus de
cent employés français, et dans ce moment on
m'amène vingt-cinq gendarmes , parmi lesquels
deux officiers. Soyez persuadé, monisieur le gé-
néral, que je tiendrai parole, ,et permettez-moi de
vous observer que dans la situation où vous êtes,
wtes VKoe «meenres 4® terreur se dirig^it contre
>iis-4DQéine. f
vV^MMMJkTE AU itfAJOR GÉNÉRAI..
^ 15 avrU 18^3.
« Monseigqeur, j'ûuvre mes dépêches pour
inoncer à Yptre Altesse que^ d'après tous les
pports que je reçois, il paraît certain que Ten-
ini fera demain quelques efforts pour rejeter
ns Brème les troupes que j'ai en avant du fossé
en tête des faubourgs, car de toutes parts il
ivance et se renforce. J'en fais part au prince
Eckmûhl et le prie de faire une pointe sur
ihafstal, tandis que le général Maurin se porle-
it sur Hademsdorf. Il n'y a pas de doute que ce
>uvement forcerait l'ennemi à se retirer vers
lïbe et nous en débarrasserait pour une huitaine
jours, ce qui nous mettrait en étatde compléter
défense du Weser^ de Brème, de Nieubourg et
Minden, et de nous organiser complètement,
.prends du reste toutes mes mesures pour
3n repousser les attaques qui seraient dirigées
atré moi. »
VANDAMME AU MAJOR GÉNÉRAL.
« Brème, i9 avril tôlS.
« Monseigneur, j'ai l'honneur de rendre cpimpte
à Votre Altesse que, hier, un poste placé à Boryfeld
a été attaqué par les paysans qui ont fait feu de
toutes leurs croisées au moment où quelques co-
saques ont paru. Six hommes de ce poste ont été
blessés ; on a remarqué deux cavaliers habillés
en rouge au milieu des paysans. J'ai de suite en-
voyé à Listerdieck, entre Brème et Boryfeld,
assez de troupes pour maintenir l'ennemi s'il se
disposait à faire iin mouvement. Aujourd'hui j'ai
donné des ordres pour qu'on me livrât les auteurs
de cette révolte ouverte; j'en ferai bonne justice.
« Le 14 de ce mois, à onze heures du soir,
GO Anglais ont débarqué à Grosensiel, ont surpris
et enlevé deux préposés des douanes qui étaient
sur ce point du Weser pour porter la correspon-
dance. Un colporteur de faïence, que l'ennemi a
pris pour un douanier, a été également fait pri-
sonnier. Ces 60 Anglais se sont rembarques sans
effectuer aucun versement frauduleux.
« D'après les ordres que je viens de donner, les
troupes sous mon commandement vont être ainsi
réparties :
« La 2® division laisse deux bataillons à Minden
et va prendre position à Nieubourg où sera son
quartier général.
« La 5® division se porte sur Brème, laissant
un bataillon sur la côte à Varel et Elsfleth.
« La division Carra-Saint-Cyr a été renforcée
des V^ et 2® bataillons de marche, et est placée
à Tenôver.
— 4*3 —
• Demain, à moins d'accident extraordinaire,
je ferai occuper la ligne d'Ottersberg. »
DAVOUT A VANDAMME.
a Minden, 19 avril 1813.
« Monsieur le général, depuis ma dernière lettre
lonl je vous envoie le duplicata dans le cas où
îlle ne vous serait pas parvenue, je vous fais con-
laîlre les nouvelles circonstances survenues à
.'état actuel des choses.
« Le jour où je devais me porter sur Ullzen,
j'ai reçu un ordre de TEmpereur qui m'a été trans-
Fnis par le vice-roi, pour me rendre de suite dans
la 32® division militaire qui est mise en état do
^ége, afin d'en prendre le commandement, comme
aiussi des troupes qui y sont et de celles qui doi-
venl y être dirigées. On a joint à cet ordre une
expédition du décret du 10 avril, sur rexéculion
in sénatus-consulte qui suspend le régime cous-
Lilutionnel dans les départements de la 3:2^ divi-
sion militaire.
« Le général Maurin, qui était à Celle, devait
partir le même jour pour faire une forte recon-
naissance soit sur la route de Lunebourg, soit
sur celle d'Ultzen. Au lieu d'exécuter ces or-
1res, il a évacué Celle sur un avis que lui a
lonnc le général Bourcier que des partis ennemis
avaient paru sur sa gauche, et il me prévenait
lu'il se retirait à la hauteur de Meinersein. Je lui
ai donne 1 ordre impératif de partir à la pointe du
jour, le 18, |iOur réoccuper Celte. Le général Se-
bastiulli, le même jour, a dû partir de Gifiiorn
pour se porter sur Ulteen^ aveo 9,500 chevaux,
20 bouches à feu el 2,000 hommes d'infanterie ;
(iifhorn, qui est susceptible de défense, étant for-
tement occupé : 600 chefvaux étaient à Brunsi^ick
BOUS les ordres du général Dubois, en oommuDi-
cation avec le général Sébastiani^ Le générsl
liourcier avait laissé à Hanovre 250 chevaux qui
n'ont (lu en partir qu'à l'arrivée de Tennemi. J'at-
tends à chaque instant des nouvelles du général
Sébastian!. Je compte avoir d'organisé ici sous
quarante-huit heures vingt-quatre bouches à feu;
domain , le général Dumonoeau partira à la
pointe du jour pour Nieubourg, aveo huit
bouches a feu. Il laissera ici trois bataillons;
les sept autres bataillons qui sont avec lui seront
réunis à Nieubourg et Hoya, et je lui enverrai
des ordres selon les nouvelles que Je recevrai do
général Sobastiani. Je ferai porter aussi sur Nieu-
bourg 3 ou 400 chevaux que , d'après les ordrwl
du vice-roi, lo général Bourcier a mis à ma dispo-
sition, et j'espère sous peu de jours en avoir un
milher.
• Je vous donne connaissance, mon cher gé-
néral, des ordres que je Viens de donner dircc-
ment au général Dumonceau, afin d'éviter tonte
perte de temps, pour se procurer des effets de
campement qui, après le fusil, sont ce qu'il y a
de piûÉ tiéééssm^E an âddat en tetrip^ àe ^ùjêtté.
• i Fâiteë-moi connaître où en est rorrgahîsdlrcttl
du persôntiel et du fttalériel de rartillerie déstinëë
au 1^' corps, et que le gériëHal Jôuffroy à dû érgà-
Bîser à Wesfel;
« J'attends ici tneë chevaline qiii tie peuvent ar-
river (^u'aprôs-demàiii; Je {)rofltet*fti de ce temps
pour presser les travaux, afin de mettre Mifldeft
en état de dëfehse; Dennez-moi de vos dotlvelles
par un offidiei* qili, à son retour, passera pai*
Nieubourgi
k Je vous feerdl obligé aussî, mort cher général,
de m'ehVoyer ilii état de sitilatiotl des troupes el
de leur emplacement.
- € Jusqu'à ce que j'aie des nouvelles dii gétiëral
Sébastiani, il faut laisser les choses dans Tétat o\ï
elles sont; demain on sera en état d'agir puisque
le général Dumonceau aura à Nieubourg de Tin-
faiiterie, de ^artillerie et de la cavalerie.
« J'adresse des ordres de haule police au préfet
de Brème, prenez-en connaissance et remettez-
lui la lettre. •
Lfi IlOI JÉRÔME A VAKDAMMBt
« Cassel, 20 avril 1813.
é Mokisieùr le général comte Vandamme, je
reçois votre lettre du 18 avril.
. Vous sàvea sans doute, à l'heure qu*ll est, que
l'Empereur est arrivé à Mayenoe , le 17> à deux
— 416 —
heures du matin; que le prince de la Mosko^ii
occupe Erfurlh depuis le 17 avec 60 mille hommes,
et que le duc de Raguse, avec 50 mille hommes,
occupe Gotha et Lisenach.
« La garde de Tempereur est arrivée à Field,
et le général Bertrand, avec 50 mille hommes,
occupe Bamberg et Gobourg ; dans peu de jours
nous aurons de grands résultats.
« Le général Morin a battu hier Tennemi à Celle;
le général Sébastiani, avec le corps du prince
d'Eckmulli, Ta également battu à Usingen.
« Je ne conçois rien à l'article d'une lettre du
prince d'Eckmûlh, que je reçois à l'instant, par
lequel il m'annonce qu'il se rend dans la 32* di-
vision miti taire pour en prendre le commande-
ment ainsi que des troupes qui s'y trouvent; dites-
moi ce qui en est. »
VANDAMME AU MAJOR «KNKHAL.
« Bi-ème, 23 n\Til 181:).
« Monseigneur, le prince d'Eckmûhl est ar-
rivé cette aprùs-midi à Brème. Je lui ai rendu
compte de la situation politique et militaire de la
32^ division, et j'ai remis à Son Excellence tous
les papiers relatifs à ce commandement que l'Em-
pereur avait daigné me confier et qu'il a plu à Sa
Majesté de me retirer. Je désire ardemment être
encore utile au service de Sa Majesté, mais je
doute que j'y réussisse sous les ordres du prince
— 417 -
d'Eckmulh. J'essaierai cependant par de nou-
veaux efforts à mériter les suffrages de mon sou-
verain. »
Le 23 avril 1813, Davout arriva à Brème. Van-
damme lui remit tous les papiers relatifs au
commandement de la 32® division militaire , et
en rendit compte au major général.
Vandamme, en se rendant dans la 32® division,
avait la promesse d'un commandement en chef,
d'une position égale à celle d'un maréchal, le met-
tant en position d'obtenir, avant la fin de la cam-
pagne et à la première occasion, cette dignité
suprême, objet de son ambition.
Passant sous les ordres de Davout, il craignait
de se trouver dans une position secondaire ; mais
il se trompait ; Tintention bien arrêtée de l'Em-
pereur était alors de couronner la vie mihtaire de
l'intrépide général par une récompense qu'il avait
méritée en mainte circonstance. La malheureuse
affaire de Kulm, dont on ne saurait attribuer les
désastres à Vandamme, empêcha son élévation à
la dignité suprême du maréchalat. En 1815, il
était encore le général le plus en vue pour l'obte-
nir, et celui que désignait l'armée.
Davout rendait justice entière à Vandamme,
car le lendemain de son arrivé à Brème, dans une
lettre à Berthier, par laquelle il annonce qu'il va
se porter sur Rottenbourg afin d'appuyer le mou-
vement du général Sébastiani et de forcer l'ennemi
à repasser l'Elbe sur tous les points, il dit : « Le
n Î7
= 419^
fi no:\;î \'An.ia:nmo marche avec les troupes. Sou
^lîTAiv v\ 5^ 1'^'=^^^^^^^ ^^^ ^"^ ^^^ d'une grande
ui...;;^ •,'.,;: l: SiiAuv lîo l'Empereur; il y aurait
c;a vîo :rî>-^,ai.î> troubles sans cela. »
l.o uu\;î;\4i\">rel.îùons s^établirent au reste bien-
US; cairi i\> viiuv bommes de guerre, ayant eulre
i\A i':;;> .:;;:: jK-m! de ressemblance: grands ta-
lo.U4>, braxvv.iri-^ nvonnue, caractères rudes et
ijuol.y.uj. i> liiiTu/ks, ne s'épargnanl pas et ne
n\ uU\\\ iîov Avii r.ou pour le bien du service.
Vaud^r^r^nie, d:^pui> sou arrivée à Brème, avait
or^rams; Us troupes do fa^ou à ce que Davoulpùt
les r.^.;;;:v i .i inoavement. C'est ce qu'il fit. Le
iTi i\\Vi\. la diM^ivva Diifour se mil en marche sur
lu^ii ui'ouî^:, cii passant parSotlrum, laissanldeux
hiiiaillvais à Oî4ir>beri: et se dirigeant sur TElbe
jur le Ui Viî-est. La division Dumonceau opéra
de n.ênie *e ù> au matin. Les troupes sous les
CàTiins direits de Vandamme présentaient un ef-
fei îii de lo à 1o,lX:M oombaltants.
Le iS avî *K Vandamme arriva à Rottenbourg
et ivn\iî de telle \Uk à rCnii>ereur, la lettre sui-
vante :
• Sire. j\r; l'honneur de remercier \\*lre Ma-
ji>te dt'S hi r^Vi *ii> qu'Elle a la bonlv d-. nie .'. -*
litT par sa iiiii\' ùu -li que je re^^-ùi^ ù":g-.c:ù'-~
li pai'i*î l'iTia.ii ■Va\: *i- ^L'iicn^: ^^•^■:■âsl..■.-. - •■
TAJciiiiîinùiji ôôL ùpcr Lunebour^ n .u.r .rs n.:^^•.'^
l\'iil lAdLue liui. Je \a*S t-àdiiTT d'c^iHj -'
communication ave^^ lui.
• Le pays que nous occupons est entièrement
débarrassé des Cosaques. Avant-liier, ma divi-
sion d'avant-garde, où se trouvaient MM. Revest,
le jeune prince de Reuss et le général baron de
Fezenzac, a eu un engagement entre Sottrum et
Roltenbourg; ils étaient environ 1,500 avec
quelques pièces de canon. Ils ont voulu s'oppo-
ser à notre marche, mais ils ont été complète-
ment culbutés, ont fui de toutes leurs forces el
se sont embarqués en toute hâte à Harbourg,
où ils ont ensuite coulé tous les bateaux. Pour
y arriver plus promptemenl, ils ont requis des voi-
tures pour transporter leurs bagages. Il est mal-
heureux que dans ce moment nous "n'ayons pas
eu de cavalerie à l'avanl-garde. Nous avons main-
tenant 400 lanciers polonais; sous quelques jours
nous en aurons environ 1,500.
« La division d'avant-garde, qui occupait au-
jourd'hui Schessel, va prendre position à Tostedt
et à Harbourg.
« Une brigade de la division Dumonceau va la
remplacer à Schessel.
• Une brigade de la division Dufour va se pla-
cer en avant de Rottenbourg. Il est très- probable
que demain le reste de ces deux divisions suivra
ce mouvement.
« Votre Majesté peut avoir l'assurance que
dès que j'apprendrai quelque chose qui puisse
l'intéresser, je m'empresserai de lui en faire
- 1» —
\y, mar^shal Davout sarvait le mouvement du
rorj/* de VandamiTie. Le i^?, à RoUembourg. il
cnjt prudent d'arrêter la marche oSTensive des
deux division» pour attendre des nouvelles du
général Sébastiani opérant au nord sur ITIte
par Lunebourg. pour donner aux jeunes soldats
fatigués, des deux divisions, quel-ifues moments de
re[/os et pour se rendre compte des intentions de
l'ennemi.
Le 29 au malin, le prince d*Eckmûhl reçut
en effet des nouvelles du général Sébastiani.
Ce dernier était à Lunebourg. Les corps russes
de Czemischeff et de Dômberg avaient repassé
TEIlie à Artlembourg et à Boitzenbourg, points
sur lesquels le général avait porté des forces. Da-
vout, désirant s'entendre avec lui pour les opé-
rations ultérieures, lui donna rendez-vous pour le
3() entre Lunebourg et Tolstedt. Il pria Vandamme
de l'accompagner. La brigade du prince de Reuss
de la division d*avant-garde occupa Harbourg le
même jour 29 avril, en face Hambourg, sur la
rive gauche de l'Elbe, après un combat brillant.
L'ennemi se replia sur la rive droite. Hambourg
était occupé par 7,000 hommes de la légion an-
séatiquc, 1,000 Anglais et 3,000 Cosaques. Une
pallie de ces troupes s'établit dans File de Wil-
h(îmsl)ourg, cl se mit à tirailler avec les avant-
postes des troupes françaises occupant Harbourg
et le fort.
Le corps de Vandamme se trouvait donc enfin en
— 421 —
présence de l'ennemi, sous les murs d'une grande
ville à la possession de laquelle l'Empereur attachait
une importance capitale. C'était encore à l'intré-
pide général qu'allait être réservée la mission dif-
ficile de faire rentrer cette riche cité dans le devoir.
Le 30 avril, Vandamme reçut de son chef im-
médiat, Davout, la lettre suivante, écrite de Tols-
tedt, à deux heures de l'après-midi :
« Monsieur le général, je vous adresse copie
d'une lettre du prince major général, au général
Gara Saint-Cyr, qui annonce l'arrivée successive
à Brème de quatre compagnies de 470 marins
danois chacune.
« La première de ces compagnies devait arri-
ver le 5 mai à Brème, et les autres successive-
ment quarante-huit heures après.
« Il parait que ces compagnies arriveront plus
tôt.
« Il est important que Ton prenne des mesures
avec les autorités danoises, n'ayant pas de moyens
de transport sur la rive gauche, pour qu'à un si-
gnal convenu et au premier avis elles puissent les
envoyer chercher sur la rive gauche. Il me semble
que ce serait entre Altona et Gluckstadt, que
l'on pourrait fixer le point de passage. Il y a or-
dinairement au village danois de Blankenèse
beaucoup de bateaux de pèche que l'on pourrait
utiliser.
« Envoyez un officier intelligent, avec le moins
de bruit possible, se concerter avec les autorités
— 4K-
danoises ; elles doivent être intéressées à garder
le secret.
« Donnez rinstrnrlion verbale h cet officier de
prendre des informations sur la quantité et Tes-
pece de troupes qui sont à Hambourg, sur les
travaux qui s'y font et sur l'armée suédoise dont
on parle depuis si longtemps; en quoi consiste-
t-clle, 011 est-elle? Il faut que cet officier montre la
plus grande confiance aux Danois , mais recom-
mandez-lui d'être tout yeux et tout oreilles ; se bat-
tent-ils, oui ou non, et sérieusement avec les
Anglais, ont-ils des réunions de troupes, et où
sont-elles?
« Je dirigerai les marins danois suivant les ar-
rangements qui auront été pris avec les autorités;
bien entendu que l'officier passera avec son uni-
forme, mais il faut qu'il y mette beaucoup de dis-
crétion. Il faut que cet officier s'adresse à M... Je
ne mets pas son nom, car je ne me le rappelle pas
bien et que je crains de l'estropier, c'était le
commandant militaire d'Altona du temps que
j'étais à Hambourg ; et quMl ne parle absolument
qu'à lui, parce que je pense que c^est lui qui a
toute la confiance de son souverain et qu'il la mé-
rite. S'il ne s'y trouvait pas, il prendrait des infor-
mations sur celui qui est à la tête de la marine
danoise. Cet officier, du reste, parlera de la po-
sition des armées au 2G, de Tarrivée de l'Empe-
reur, des 64 bataillons qui, sous huit jours , se-
ront ici, et des 100 bouches à feu,' et qu'il débite
- 483 —
ioutës ces vérités naturelleifaent et sans jactance;
1 est bon que le Danemark ait de bonnes infot*-
Tiations.
« P, -S, Cet ofRcîer nous rapporterait toutes lèè
lernières gazettes. »
Avant d'aller plu§ loin, faisons connaître la
conduite du gouvernement danois vis-à-vis de là
F'rance à cette épo(Jue , et la singulière position
ians laquelle le cabinet de Copenhague se trou-
vait à l'égard de celui des Tuileries.
En exécution des ordres de DaVôut, Van-
lamme envoya un officier chargé de la mission de
s'entendre avec le colonel Haffner pour la remise
les marins. Cet officier fat mis sous une espèce
ie surveillance et ne put s'aboucher qu'avec le
3olonel, chez lequel venaient chaque jour les gé-
néraux russes Czernischeff, Tettenborn et autres.
Ces généraux, connaissant la mauvaise réception
ïes plénipotentiaires de la cour de Copenhague à
Londres et à Saint-Pétersbourg, craignaient de
v'oir l'espèce de neutralité observée jusqu'alors par
les troupes du Danemark cesser à l'entrée en
ligne des divisions françaises. Or, les alliés te-
naient beaucoup à conserver Hambourg, et ils
savaient bien que la ville ne serait pas en leur
30uvoir du jour ou ils auraient en avant d'eux les
soldats de Vandamme, et en arrière, à Altona,
es soldats de la division danoise. L'arrivée de
.'officier français à Altona causa naturellement
me grande sensation sur la promenade où se
- 424 —
trouvaient réunis beaucoup d'officiers russes et
hambourgeois. Tettenborn craignait que la mis-
sion apparente de la reddition des marins n en
cachât une secrète pour le colonel Haffner et pour
le général Wegener.
Le colonel Haffner adressa beaucoup de remer-
cîments, donna tous les moyens pour le passage
des marins de la rive gauche à la rive droite de
l'Elbe, et Vandamme, feignant de traiter les Da-
nois en alliés, communiqua au commandant d'Al-
tona la position des armées françaises en Alle-
magne. Ce dernier lui répondit :
« Comme des nouvelles aussi authentiques ne
peuvent qu'être d'un très-grand intérêt pour Sa
Majesté le roi mon maître, je me propose de les
lui communiquer. Quant aux nombreuses troupes
françaises rassemblées sur ce point-di, fasse le
ciel qu'elles ne soient pas employées directement
contre la ville de Hambourg, dont les malheurs
auraient une influence absolue sur la ville d'Al-
tona. »
Ainsi, les Danois restaient encore dans une
sorte de neutralité plus hostile cependant à la
France qu'aux puissances alliées. Gel état de
choses des plus bizarres rendait tout fort délicat. •
Le général Wegener, commandant la division
danoise , avait, selon toute apparence, les ordres
secrets de son gouvernement, consistant à ter-
giverser jusqu'au moment où l'on connaîtrait les
premières opérations Tiiiljtçires et les succès de
— 428 —
i'un ou de l'autre parti, de façon à se ranger du
coté qui offrirait le plus de garanties. Pour ne rien
compromettre, il s'éloigna d'Altona, y laissant
un simple colonel, qu'on pouvait désavouer au
besoin.
Davout et Vandamme devaient peser sur le gou-
vernement danois, faire briller à ses yeux le
prisme encore si éclatant de la puissance de Na-
poléon, malgré les désastres de 1812, et opérer
de façon à arriver à l'occupation de Hambourg,
plutôt en obtenant l'évacuation des Russes que
par la force des armes.
Tettenborn comprenait très-bien que le jour où
les Danois se jetteraient franchement dans l'al-
liance française, Toccupation de Hambourg par
les alliés était impossible.
La division danoise devenait donc l'objet des
attentions des chefs russes et français. La victoire
de Lutzen allait trancher ce nœud gordien.
Revenons maintenant à ce qui se passait à Tol-
stedt où s'était arrêté Davout, et à Rottenbourg,
où se trouvait Vandamme. Le premier, ne rece-
vant pas de réponse du général Sébastiani à sa
demande d'entrevue, se décida à se rendre de sa
personne, le 1®*" mai, à Lunebourg pour s'entendre
avec le général. Il n'emmena pas Vandamme et
laissa son aide de camp pour le remplacer. Arrivé
à dix heures du soir à Lunebourg, le prince d'Eck-
mûhl se hâta d'écrire immédiatement au général:
« J'ai poussé jusqu'à Lunebourg, où je viens
— 426 —
d'arriver. J y ai trouve le général Scbasliam, qui
se disposait à en partir demain ; déjà ses avant-
postes ayant été retirés, Tennemi a fait passer un
parti de cavalerie, qui était aujourd'hui à Win*
sen(l).
« Je donne l'ordre au général Dumonceau de se
porter demain, à la petite pointe du jour, sur Win-
een avec deux ou trois bataillons et deux pièces
(Je canon pour en chasser Tennemi et le forcer à
repasser TElbe ; de mon côté, je ferai partir d'ici
demain, à la mémo heure, un parti de cavalerie
que le général Sébastiani nous laisse» pour Win-
sen.
k Le reste de la division du général Dumonceau
se rendra à Luncbourg. Je donne l'ordre à ce
général, lorsqu'il aura forcé Tennemi, dé repasser
l'Elbe, d'établir des postes d'observation sur l'Elbe,
sur sa droite et sur sa gauche, je lui recommande
de communiquer avec ceux de Harbourg.
« Je suppose que demain vous aurez réunî à
Harbourg, avec l'avant-garde du général Ostcn,
la division Dufour. Je vous prie d'y rester de votre
personne jusqu'à ce que vous ayez de mes nou-
velles ; il est bon de pousser une petite avant-
garde dans la direction de Stade.
« Le général Sébastiani ralentira un peu son
mouvement pour nous donner le temps de nous
(1) Entre Harbourg et Lunebourg.
— 427 —
ablîr ; faites-moi passer directement ici vos nou-
îlles jusqu'à dix heures du matin. »
Vandamme se hâta d'exécuter les ordres con-
nus dans cette lettre. La brigade du prince de
euss à Harbourg se porta sur Winsen, où elle
Déra sa jonction avec la division Dumonceau. Lui-
ème se porta à Harbourg, tandis que Davout
îvint à Brème. Le 3 mai, il écrivit au général :
« Monsieur le général, un officier danois, en-
)yé par le commandant du premier transport de
arîns de celte nation, est chargé d'une lettre de
loî pour que vous lui donniez les renseignements
écessaires à son passage, pour qu'il aille annon-
3r l*arrivée de ce transport. Cet officier doit re-
ènir ensuite rejoindre son chef sur la route dé
;rême à Stade. Le convoi de marins qui arrive
emain partira a{)rès-demàîn et sera le 5 à Zeven.
« Il est bien important que nous occupions
romiptement tout ïe pays sur la rive gauche de
Elbe, jusqu'à Cuxhaven, afin que le préfet dès
louches-de-rElbe, qui est parti ce matin pour
leven, puisse organiser les administrations el dis-
oudre celles que Tennemi avait étabhes ; il y a
iiarante-huit heures quMl levait encore des con-
ributions dans la partie du département des ÎBou-
hés-du-Wesèr qui est sur la rive droite de ce
leuve .
• Je sais que vous manquez de généraux. Le
;ênéral Fezensac est sans expérience. Je me pro-
pose de faire parlîr demain le général Beurmann
— 4Î8 —
pour être à votre disposition. Vous pourriez lui
confier le commandement d'une colonne mobile,
que vous composeriez d'un bataillon d'infanterie,
de cinquante chevaux et de deux bouches à feu:
vous le chargeriez particulièrement, après avoir
montré des troupes partout, de faire exécuter les
ordres du préfet, avec qui il entrerait en corres-
pondance.
« Stade est un point fort important à occuper.
L'Empereur y attache une grande importance ; il
faut y avoir une forte garnison. La ville est entou-
rée de remparts et a beaucoup d'eau ; il serait
facile de la mettre de suite à l'abri d'un coup de
main. Donnez des ordres au chef de bataillon Vi-
nache pour qu'il fasse faire sans délai ce qui sera
nécessaire pour remplir ce but.
« Le quartier général du vice-roi était le 30 à
Mersebourg ; on dit que nous avons remporté une
victoire près de Dessau ; les résultats seraient
5,000 prisonniers russes et prussiens et vingt-cinq
bouches à feu, mais il n'y a rien de certain. Je
vous donne cette nouvelle comme un on-dit du
directeur de V Estafette d'Osnabruck. Pressez le
général Dumonceau d'exécuter toutes les dispo-
sitions que je lui ai prescrites, de réunir à Lune-
bourg toutes les embarcations qui existent ; pres-
sez aussi la réunion à Harbourg de toutes les
embarcations qui se trouvent dans les petites ri-
vières qui se jettent dans l'Elbe, surtout dans
rOst, afin que nous puissions être en mesure de
— 429 —
^^bsser prompteraent sur la rive droite, quand la
Brande armée aura passé TElbe, et de profiter- de
Bi terreur que ses succès auront produite. »
Vandamme, d'après les instructions du maré-
9i^al Davout, avait expédié à Altona un officier de
fcon état-major, le capitaine Argout, fort intelli-
S6nt, qui lui rapporta une lettre du colonel danois
r:3[afEner, dans laquelle on remarque ce pas-
« Le Danemark étant en guerre ouverte avec
.^Angleterre, puisqu'il n'existe pas même d'armis-
ice entre les deux puissances, mon dessein est
Rassurer le transport de ces marins sur l'Elbe,
fcu moyen d'une partie des chaloupes canonnières
stationnées devant la ville d' Altona, et dont j'aug-
iienterai le nombre, s'il faut, pour rendre la réus-
site plus complète, etc. »
Vandamme expédia la copie de cette lettre au
ïiajor général, ainsi que le rapport secret de
M[. Argout sur tout ce qu'il avait pu observer à
rjambourg. La lettre du général, en date du 3 mai,
îe terminait ainsi :
« L'ennemi travaille toujours en toute hâte à se
■ortifier et continue à nous tirer fréquemment des
ioups de canon. Les troupes en garnison dans
.'île de Wilhemsbourg ne cessent de crier : Garde
k vous ! et montrent beaucoup d'agitation. »
Les choses en étaient là, lorsque la victoire de
«
Lutzen du 2 mai vint donner une tournure plus
iécidée aux affaires et déterminer la conduite
— 430 —
politique du gouvernement danois, qui se rap-
procha do la France.
Le major général fit connaître à Davout, f-ar
une lettre du 7 mai, les intentions de TEmpereur
relativement à Hambourg. Il lui écrivit :
« Je vous ai annoncé, prince, par ma lettre du
5, la victoire complète que l'Empereur a rem-
portée le 2, dans les plaines de Lutzen, sur les
aimées russe ol prussienne réunies. Nous con-
tinuons à poursuivre Tennemi et probablemeni
nous serons demain à Dresde. Le prince delà
Moskowa va passer l'Elbe et marcher sur Berlin.
« L'Empereur me charge de vous faire con-
naître qu'il est indispensable que vous vous por-
tiez à Hambourg, que vous vous empariez de
cette ville et que vous dirigiez sur-le-champ le
général Vandamme dans le Mecklenbourg. Voici
la conduite que vous avez à tenir : vous ferez ar-
rêter sur-le-champ tous les sujets de Hambourg
qui ont pris du service sous le titre de sénateurs
de Hambourg ; vous les ferez traduire à une com-
mission militaire et vous ferez fusiller les cinqle^
plus coupables. Vous enverrez les autres sous
bonne escorte on France pour être retenus daus
une prison d'Etal. Vous forez mettre le séquestre
sur leurs biens et vous les déclarerez confisques.
Le domaine prendra possession des maisons, fonds
de terre, etc.
« Vous ferez désarmer la ville, vous ferez fu-
siller tous les officiers de la Légion anséatique el
— 431 —
vous enverrez tous ceux qui ont pris de l'emploi
dans cette lé^n en France pour y être mis aux
galères.
« Aussitôt cpie vos troupes seront arrivées à
Bohwerin, vous tâcherez, sans rien dire, de vous
saisir du prince et de sa famille, et vous renver-
rez en France, dans une prison d'État. Ces ducs
ayant trahi la Confédération, vous en agirez de
même à Végard de leurs ministres.
« Vous ne commettrez aucune hostilité contre
les Suédois, s'ils restent dans la Poméranie et
déclarent vouloir demeurer tranquilles.
» Vous ferez une liste de rebelles des 4,600 in-
dividus de la 32^ division militaire les plus ri-
ches et qui se sont le plus mal conduits, vous les
ferez arrêter et vous ferez mettre le séquestre sur
leur^ biens, dont le domaine prendra possession.
Cette mesure est surtout nécessaire dans TOldem-
bourg.
« Vous ferez mettre une contribution de cin-
quante millions sur les villes de Hambourg eè de
Lubeck ; vous prendrez des mesures pour la ré-
partition de cette somme et pour qu'elle soit
promptement payée. Vous ferez partout désarmer
le pays et arrêter les gendarmes, canonnière,
gardes-côtes et officiers et soldats ou employés
qui, étant au service, auraient trahi. Leurs pro-
priétés seront confisquées. N'oubliez pas surtout
toutes les maisons de Hambourg qui se sont mal
comportées et dont les intentions sont mauvaises.
— 432 —
Il faut déplacer les propriétés, sans quoi on ne
serait jamais sûr de ce pays.
« Vous ferez armer la place de Hambourg; vous
ferez faire des ponls-levis aux portes ; vous ferez
mettre des canons sur les remparts, relever les
parapets et vous établirez une citadelle du coté
de Harbourg, de manière que 4, à 5,000 hommes
y soient à Tabri de la population etde toute incur-
sion.
« Vous ferez également armer Lubeck pour que
cette ville soit à l'abri d'un coup de main.
« Vous réorganiserez Guxhaven.
« Toutes ces mesures, prince, seront de rigueur.
L'Empereur ne vous laisse la liberté d'en modi-
fier aucune ; vous devez déclarer que c'est par
ordre exprès de Sa Majesté et agir en temps et
lieu avec la prudence nécessaire. Tous les hom-
mes connus pour être chefs de révolte doivent
être fusillés ou envoyés aux galères.
« Quant aux Mecklembourg, l'instruction géné-
rale est que ces princes sont hors de la protec-
tion do l'Empire ; mais il n'en faut rien laisser
apercevoir et probablement Sa Majesté aura le
temps de donner des ordres. Comme les princes
de Mecklembourg peuvent ignorer nos disposi-
tions, vous pouvez promettre d'abord tout ce qu'on
voudra, en y mettant pour restriction : sauf l'ap-
probation de l'Empereur. L'approbation étant
parvenue, tout se trouverait en règle.
.« Hambourg étant en état de siège, vous y nom-
— 433 —
merez un commandant ferme pour y faire la po-
lice. Vous enverrez le général Vandamme en
avant avec votre quartier général. Il faut avoir
soin, prince, de ménager ce général, les hommes
de guerre devenant rares. »
Les instructions contenues dans cette lettre
toute confidentielle, envoyée par courrier extraor-
dinaire, sont trop nettes, trop précises pour avoir
besoin de commentaires. La dernière phrase in-
dique quel cas l'Empereur faisait de Vandamme
comme homme de guerre.
Le même courrier apporta au général la lettre
suivante de Berthier, lettre datée du 7, de Wald-
heim :
« L'Empereur, monsieur le général Vandamme,
me charge de vous faire connaître qu'il est content
de votre conduite à Brème et qu'il vous destine
un bon commandement. En attendant, secondez
le prince d'Eckmûhl de tous vos moyens. Sa Ma-
jesté vous saura gré et vous tiendra compte de ce
que vous aurez fait pour remplir à cet égard ses
intentions. »
Lorsque les ordres contenus dans la dépêche
confidentielle du 7 mai, du major général, parvin-
rent à Davout, Vandamme avait déjà fait une
tentative audacieuse sur les îles de l'Elbe situées
entre Hambourg et Harbourg, prologue indispen-
sable de l'attaque de la première de ces deux
villes.
A quatre heures du matin, le 9, le général en-
— «• —
voya au pfiïice d*Eckmûhl un prremier rapport sur
celte opération qui avait parfaitement réussi. Da-
vout s'empressa de lui répondre pour le compli-
menter, en ajoutant : ^^ < Allie» avec votre vi-
gueur la prévoyance. Si vous juge» qHe vous
puissiez vous maintenir dans l'Ile de Wilbenls-
bourg, faites-le... » eto.
Le soir, différentes cireonstances rapportées
dans le second rapport ci-dessous, de Vandaihme,
firent connaitte au tnaréohal qte Ton avait dû
évacuer les îles.
« Ce matin, entre minuit et une heure, j'ai atta-
qué à la fois les Iles d'Ochseris^ Werder, Wil-
hemsbourg et Altenwerder. Toutes les trois ônl
été tournées et enlevées de vive force. L'eiihemi a
partout été chargé à la baïonnette et vivcnnaent
poursuivi jus(|ii'à ses eibbareatiôns et ses der-
niers réduits.
« Le vent s'est tout à coup élevé 6i violemment^
que nos communications sont devenues extrême-
ment difficiles. L'ennemi en a pi'ofité pour porter
toutes ses forces de Hambourg sur les trois iles.
Lorsque j'ai reconnu sa résolution,- que j'ai pu
deviner facilement à la marche de ses troupes, je
me suis empressé de prescrire ail prince de Reuss,
qui occupait Ochsenwerderi et au chef de mon
étal-mujor qui était dans Altenwerder de se porter
tous deux, avec toutes leurî^ forces* sur file de
Willicnisboiir»>', où je pensais pouvoir me maiiile-
uir ; mais le vent ayant toiû^^i*^ continué avec
— «as-
violence, j'ai craint de voir mes communications
entièrement interrompues. Il a donc fallu penser
à la retraite. Nous avons été attaqués. Alors s'est
engagée une vive fusillade. Au milieu de la mêlée,
s'est présenté comme parlementaire le comman-
dant danois d'AUona. Il avait ordre de son roi de
me voir, et de prier Sa Majesté Impériale et Royale
de faire déclarer les îles neutres et de demander
en grâce que Hambourg, qui est enclavé entière-
ment avec Altona, ne fût pas pris de vive force.
« Le colonel Haffner est l'ami particulier de son
roi, qui lui permet de correspondre avec lui sans
intermédiaire. Cet officier supérieur semble bien
aimer notre Empereur. Le roi regarderait comme
uiie grâce spéciale, comme un bienfait auquel il
met le plus grand prix, que Sa Majesté Impé-
riale et Royale lui accordât cette faveur.
« Le sénat fera toutes les soumissions que
l'Empereur pourra prétendre, et s'en remettra à
sa clémence et à sa générosité.
« Je vais continuer à en imposer aux Hambour-
geois avec mes jeunes soldats qui, en général, se
sont parfaitement conduits.
« La retraite s'est opérée avec le plus grand
ordre, et nous n'avons absolument laissé per-
sonne, hors les derniers blessés.
« Cette opération a eu pour résultat de nous
rendre maîtres de toute l'artillerie ennemie etd*une
grande quantité d'embarcations. Nous avons dé-
truit celles que nous n'avons pu enlever. Nous
— 436 —
avons fait environ 150 prisonniers, parmi lesquels
plusieurs officiers. Nous avons pris 15 à 20 che-
vaux de Cosaques. On peut évaluer au moins à
800 le nombre des morts et blessés de Tenneini.
Nous en avons eu beaucoup moins, et nos blessés
le sont en général peu dangereusement, n'ayant
pas eu beaucoup d'artillerie contre nous, et l'ayant
prise de suite.
« Il se trouvait dans l'île de Wilhemsbourg
deux petites pièces sur affût marin, une pièce de
24, une de 12 et 2 obusiers de 6 pouces. Toute
cette artillerie provenait des arsenaux de la ma-
rine.
« Nous sommes bien en mesure et prêts à agir
d'après les ordres que je recevrai, n'ayant rien
voulu prendre sur moi dans une circonstance si
délicate. -
Le maréchal approuva l'évacuation de Wil-
hemsbourg. « Celte expédition, écrit-il le 10 mai
à Vandamme, après la réception des rapports de
ce dernier, cette expédition a été fort heureuse.
Elle aura jeté une grande consternation dans Ham-
bourg et dans tout le pays. Il ne faut pas accepter
la neutrahté des îles. Vous pouvez envoyer un
ofticier à Alloua, près de M. Haffner, pour lui
faire connaître qu'on ne peut point adopter la
proposition de la neutralité des îles ; que d'ail-
leurs nous ne demandons pas mieux que de ne pas
enlever Hambourj;' de vive force, et que c'est aux
habitants sages à prévenir cette extrémité en fai-
— 437 —
sant leur soumission. Pour les conditions, ils
doivent s'en rapporter à la clémence bien connue
de l'Empereur. »
Il est probable que si la lettre du 7 mai eût été
connue à Hambourg, au contraire, les habitants
auraient tremblé de se rendre.
Vandamme, cependant, mit le colonel Haffner
en demeure de lui donner par écrit les ouvertures
verbales que, le 9, pendant le combat, il était
venu lui faire. Le colonel répondit une longue
lettre qui se terminait par la menace suivante :
« Hambourg n'étant pas une forteresse ou un
point militaire assuré pour une des parties bel-
ligérantes, j'ose espérer que Votre Excellence se
souviendra de toutes les raisons que j'ai eu l'hon-
neur de lui expliquer, dictées par l'humanité, et
d'accord autant avec l'intérêt de Sa Majesté l'Em-
pereur qu'avec celui de S. M. le roi, qui, bien
que cela ne change en rien le système politique
ou la situation amicale qui existe entre les deux
Etats, verra sans doute avec la plus grande dou-
leur les commandants de ses troupes dans la pé-
nible nécessité d'opposer de la résistance aux
troupes françaises ou à celles d'une nation amie. »
Vandamme, de plus en plus étonné de l'attitude
prise par le colonel Haffner, écrivit au général
Wegener, et soumit l'affaire à l'Empereur qui ap-
prouva la conduite du commandant de la 32*^ divi-
sion militaire, et fort mécontent d'une réponse am-
biguë et toute diplomatique du général Wegener,
— 488 —
réponse qui luifut également communiquée, fitéerire
par le major général au prince d'Eckmûhl i • J'ai
mis sous les yeux de TEmpereur les dépêches
dont était porteur votre aide de camp. 8a Majesté
m'ordonne de vous le réexpédier pour vous faire
connaître qu'elle est indignée de la démarche des
Danois ; qu'elle est contente de la réponse du gé-
néral Vandamme ; que Hambourg fait partie inté-
grante de TEmpire, et que si les Danois Toublient,
l'Empereur est assez puissant pour les en faire
repentir. Faites passer, Monsieur le mapëchal, la
lettre ci-jointe du duc de Vicence à M. Alquier
(alors ministre de France à Copenhague). Sa Ma-
jesté y porte plainte au gouvernement danois.
L'Empereur trouve qu'il y a dans tout cela un
étrange renversement d'idées, et qu'il fout qae
tous ces hommes soient fous. La ville de Ham-
bourg s'est indignement conduite ; les iattres ia-
terceptées , qui nous ont été jcenmuaiquées par
le cabinet de Sa Majesté, prouvent la mauvaise
conduite des sénateurs ; l'Empereur ordonna que
vous les fassiez arrêter et que voue Us envoyiez
en France, etc., etc. »
L'expression du juste mécontentement da Na-
poléon étant parvenue à Copenhague, le roi, qui
avait appris la victoire de Lutzen et l'imprudente
conduite du colonel Haffner à Altona, oommeaç^
à avoir des craintes sérieuses. Il ne vit plus qu'un
moyen de conjurer l'orage, c'était de faire cesser
une neutralité impossible à garder plus longtemps,
- 489 -
fit dp sa panger 4u o^té qui papaissait ptre le plus
fûfL Alqnm, oGtre naiaisîpe, jécrivit à Vandamme,
le 47 «lai :
? Aussitôt que je fuç informé que }A, Haffaer
vpjii$ avaijt notifié qu'il avait Tordre (Je défendre
fiambourg ppntre le§ troupes de* Sa Majesté rEm-
pereur et Roj, je m'pmpressai dje demander au
ministre du roi l'explication d'une conduite si
étrange et si imprévue. M. de Rosencranz me ré-
pondit : qu^ Sa Majesté venait d'expédier de nou-
veaux ordres à M. Haffner, d'après lesquels cet
officiisp gaaépal devait vous déclarer, Monsieur ie
/comte, que la première démarche qu'il avait faite
auprès de voijs devait être regardée comme non
avonue, et qu'il n'entreprendrait rien de contraire
à vos opération^.
;• De nouveaux renseignements m'ont appris
quis Ib contre-ordre dor^né ^ M. Haffper était arrivé
trop tard et que vous avez eu ,à combattre des
li^oupes danoises. Le roi , en chargeant son mi-
nistre de m'exprimer la douleur que cet événemept
lui a €^usée, m'a fait informer aussi de la résolu-
tion qu'il a prise de mettre toutes ses troupes
60U8 V06 ordres et à votre disposition y et enfin de
vous faire offrir tous Les seoours en bateaux et on
bâtiments dont vous pouviez avoir besoin pour un
passage de rivière. Le roi, pour ne manquer, dans
un^ circonstanoe aussi grave, à aucune des mesures
quo lui prescrivent ses intérêts, et que sa sagesse
doit lui /conseiller, Cait partir aujourd'hui même un
— 440 —
ministre extraordinaire qui se rend au quartier gé-
néral de Sa Majesté l'Empereur et Roi. M. de Kaas
(c'est le' nom de cet envoyé), Tun des premiers
personnages de l'État, se propose, Monsieur le
comte, d'avoir Thonneur de vous voir et de confé-
rer avec vous ; il vous remettra une lettre par
laquelle j'ai l'honneur de vous le présenter. J'ose
me flatter que vous voudrez bien accueillir œ
ministre avec les égards qui lui sont dus, et
comme un ami bien déclaré de la France. »
L'instant d'hostilité des troupes danoises contre
nous avait suffi pour donner aux Russes qui for-
maient la garnison de Hambourg l'espérance de
voir la division Wegener prendre parti pour eux;
cela avait, d'un autre côté, retardé les mesures
prises par Vandamme et l'attaque qu'on voulait
faire contre la ville, et enfin il était résulté de cette
perte de temps que quelques bataillons suédois
avaient pu se jeter dans la place. Lorsque les
ordres formels du roi de Danemark parvinrent au
quartier général de Davout , et que les Russes
virent que non-seulement Vandamme ne parais-
sait pas intimidé par le renfort des Suédois, mais
que les troupes danoises échappaient à rarmée
alliée, Tettenborn évacua Hambourg dans la nuit
du 30 au 31 mai. Les Français y entrèrent le len-
demain matin et s'y établirent.
A partir de ce moment, le Danemark sembla
marcher franchement dans notre alliance ; mais à
la fin de 1813, et lorsque l'armée française, à la
— 441 —
saite de Leipzig, dut repasser le Rhin, les Danois
tournèrent définitivement leurs armes contre Da-
vouV.
Nous allons maintenant donner une partie de la
correspondance de Vandamme avec le prince
d'Eckmiihl et avec le major général, du 11 mai
au 3 juin 1813.
Ces documents feront connaître les événements
qui amenèrent la reprise de la ville de Hambourg
par les troupes du général , et le rôle important
que lui-même joua à cette époque.
t)AVOUT A BERTHIER.
« Brome, 11 mai 1813.
« Nous occupons toute la rive gauche, depuis
Tembouchure de l'Elbe.
« L'ennemi a évacué le 8 à notre approche, les
forts près de Guxhawen, dont nous nous sommes
emparés. Ces forts sont détruits en ce qui con-
cerne la défense du côté de la mer et les canons
ont été enlevés. On travaille à remettre ces forts
en état.
« Le 9 au matin, le général Vandamme atta-
qua les îles qui sont entre Harbourg et Ham-
bourg, notamment l'île de Wilhemsbourg, où
nous avons fait 150 prisonniers et pris 8 bou-
ches à feu. L'ennemi a eu 2 à 300 hommes tués
ou blessés.
« Notre perte, en tués et blessés, n'a pas excédé
-442-
tioiidân^ Hambourg.
« Le 9, dans la soirée, rennemi ayant réuni d^
forces fiupéri0ii|Pôg ppuf ?8Pf^o4r§ ç§^\s Uie et
Tayapt foit att^qyef , l^ gépépul Vi^B^aime 4 fait
f^pU^r les troup§§ 4vep ordpd et ^a^^ pisrt^» et
a fait enclouer les pièces qui avaient été prise^.
9 i^ joins à pette lettpe le^ rapport 4v général
Vjand^mffie qui reijd içonipte 4e c§tl^ i^pératioû,
piejidant laq^ellp j^. d# îjgtffpep, cpijaiiv9ftd§ïft p-
litaire danois à A^ppja, §>st prg§gpt^ cpaj^e par-
lementaire, chargé par son souverain de solliciter
la neutralisation Aa cq& 1003 i\»&, si que Hambourg,
qui est enclavé enljèfement avec Altona, ne soit
pas enlevé de vive force.
I J 91 foit /Gpsaaitra m giéaiérA^ Yg^dg^p^e que
nous ne pouvions pas ^go^j^l^v ia f^ii^Uté de
àe ces Hb^, je l'ai prié d'/en mSf>rïï^r M. d» ^aflner,
sa ajoiitant que npus aç /i^p}i»^(iiQns p^§ qi^eux
de ne pas enliser H^mhQWg 4^ yiy§ força, m\^
qu^il fallait qua la& hAl)i(a9ts (is$^ii( i^r ^QH)»is-
fiion, B'en fmfii^l^nt à te clfin^eRcç jc^f^ye (1« TB»'
pereur el qu'ils chassent les étrangers ^ pjj^z
aux, sans attendre à la 4af|i}èr6 iextfémUé. Pn dit
quje le sé^at est diapA^é h îppi/^rer )a (4éifn^9^
de l'Ëmparaur. ?
VANDAMME A DAVOUT.
« Harbourg, 11 mai (4 heures 4g ^çir).
« i'ai l'faonaaur d^adressar à Votr^ [Ëiijcellence
es rapports qui ma «ont parvesu^ 4e JWirô àm^
)i la copie des lettres que j'ai fs^rit^ içe ffifiUA ft^i
çénéral Tettenborn, aux magistrats de Hambourg
ît au général commandant les troupes danoises
lans le Holstein.
« Je QfQÎB popypjr Pôplu§ douter de l'évacuation
les îles et de Hambourg, et il paraît bien certain
iu&si qiia i'efinemi àé^ia devant le géaéFal Du-
BOHceau, depuis trois jours, par D/dmîte ^t L^A-
KQji pour faiFO uoâ courte halte à Oeii^b^g ; »u^i
jâ H^attfinds pas le rot^f d^ {non ch^f .4^4t»t-n)il'-
joF ^t je vais passer ea forœ dans ViU â§ Wilh^epi^-
^Fg, d'oH j ^agirai vigoureu^oient /Q^tre H»mr
i)ourg ear il esj; plus $pm temps à'&f^ Hm- Qufl)|t
ius ÎHtermédigipes danois, j^ n^m S^%i Pi»s
lupe.
« Je donne of^fs au génial Dupionceau de
réaniF toutes les embarcaUQns et de se pFépaF»F ^
passsF le fleuve ou à Beizenbourg ou k LAue^-
bourg ; ne fitrii ipi^un simulaore il piousseFeît \^
retraite de reunemî sur la rive droite qui fera
iiligeax;.e pour gagn^ ferlin.
« iù ferai au reste ùmt ce que les dfpon^tWfU^
ïDM permettront ppi^r utiliser nos nouveljb^s tr^^u^ii^
dt gêner autant que possible la merphe ei^ffemM.
Qaas très-pei^ d'heures, monsieur le merifihAi»
/eus aure^ un nouveau oourpier,
M Les Su^dQis sont avancés et ne S'avenisenMit
dlus.
f Veuillez m'i^v^BV de Ig oavelerie, ^tieli^
— 444 —
qu'elle soit, et tout ce qui peut encore quitter le
Weser en toute arme. ■
VANDAMME A DAVOUT.
tf Ilarbourg, 12 mat (9 h. 15 du soir).
« Monsieur le maréchal, d'après les rapports de
mon chef d'ëtat-major que j'avais envoyé à Ham-
l)Ourg, avec les lettres et sommations dont j'ai
eu l'honneur d'envoyer copie à Votre Excellence,
il paraît que cette ville est dans une complète
anarchie sous l'aventurier Tettenborn et compa-
gnie. Ce général appelle troupes russes les
bandes de rebelles et d'étrangers qu'il a commencé
de former.
• 11 ne parait que trop vrai, d'après la lettre
dont je joins ici copie, que les danois se sont
joints aux ennemis de la France pour défendre
la ville et le territoire de Hambourg.
• Je vais me mettre en mesure d*en imposer
à tout ce monde et sous quelques heures je saurai
à quoi m'en tenir. Je retourne dans l'île de Wil-
hemsbourg. Je vais faire les approches de Ham-
bourg, occuper toutes les îles et conduire cette
affaire avec autant de prudence que de vigueur.
L'annonce des troupes que me fait Votre Excel-
lence me mettra fort à Taise. Si je pouvais rec^î-
voir 4 obusiers, je déciderais tout en peu de jours.
Dans tous les cas, je ne négligerai aucun moyen
— 445 —
militaire ni politique pour réduire cette ville à
l'obéissance.
« Le général Dumonceau a les ordres les plus
précis pour faire son passage à Zollenspiecker
ou Altenbourg, afin d'inquiéter ou de presser
l'ennemi dans sa retraite, que la marche de l'Em-
pereur et du prince de la Moskowa rendra chaque
jour plus difficile.
« J'envoie à Votre Excellence la Gazette de
Hambourg à\x H.
« Je vous prie de croire, Monsieur le maréchal,
que tout sera mis en œuvre pour assurer et hâter
le succès de notre entreprise. »
DAVOUT A BERTHIER.
a Harbourg, 18 mai 18iâ (minuit).
« Monseigneur, j 'ai l'honneur d'adresser à Votre
Altesse Sérénissime les derniers rapports du gé-
néral Vandamme. Son expédition d'hier sur l'île de
Wilhemsbourg est très-belle ; il se loue beaucoup
de la conduite de ses jeunes troupes.
» Il est fort heureux que ce général se soit
trouvé ici : c'est à sa présence et à l'élan qu'il
a su donner aux troupes, qu'on doit ce résultat.
« Ses dispositions pour l'opération de Ham-
bourg sont fort bien entendues. J'ai été les voir
et j'ai trouvé qu'elles ne laissaient rien à désirer.
Sa petite flottille est bien organisée et tous ses
moyens sont bien préparés, mais la tergiversa-
iim dii géhéi^l Dumottceati fefoé a lymmif
l'exécution de l'attaque de Hambourg Jtti^ti'A M
qu'dil &it VU ôlftif à Ôé ^Ui m pa§6ë sur notre
dwltê.
i Je ddtidë l'dfdre positif fitt géflëtâl Dbfnoti->
ceâU dé se pofièt âtéc tôiltes iië§ fofoes suf Dfildli^
bsurg, ôîi Jé mê fëndMi itloi^itidiflê Si les Paffpom
qu'il m'enverra sont dans le méfdë Sen» gii0 Idi
pPéeëdétllS. ai, ce gui est tfai Semblable , ils
sont dénués de fondement, je lé fëfaië Vèfilf ici
pour m'emparef de Hambourg.
« Là OOUdUite des DâUOls 6éi iftéXplidible i U
est présumable que SOUë ddUJc & tfolë jdti» toul
ce qui s'est fait sera désavoué par le roi de Da-
nemark. Ce sera un des réâUltats de la bataille
de Lutaent
• Cependant voulant , sous peu d'heures ,
dOiiiier du pOèitif k Cet égard , J'ai CfU devoir
écrire au général danois là lettre dont copie 6«t
6i-j6ihte. Jé m'empreii^erai dé transmettre M
réponse à Voire Altesse Sérénisslme,
• M. le lieutenant général comte Vandammé
ffl'â prié d'appuyer préa de Sa Majesté la demande
du grade de général dé brigade qu'il forme en la-
veur de Tadjudant-dommandant Revestj «on chef
d'étât-ttiajdr. 11 en fait le plus grand éloge depuis
qu'il èèt avec lui.
• Je prie Votre Altesse Sérénissime d'adresser
à l'Empereur cette demande et d'assurer 8a Ma-
jesté que la meilleure harmonie régnera entre le
-417 —
général Vàndalmne et iftoi ; que noua né pensèraos
Vtm et Fàutre t[u*& la bien éerVir^ et fpie ée fiicrtif
fera diâpâtaitre \bé petites altéroations que noé
aaractèi*es entielF» pearraieht occasiontier: *
) Gette dernière phrase est sans douté une éUà^
I mttU à ufie dltéroatîôn asseft tire efiti*e Darout ôt
H Vandammë^ alterodtion racontée par le génëHil
t duc àë Fesenzao dans son ëharmant rayraf^e
I (Seureniré miUtBitBQ)t
I A la pdge 864, en lit à prepeë de Vanddmme }
et @on àvanoeihenf n'aVait répendu ïà à sed
• tal^ts ni à ëes Services.
« Son caractère indomptable lui nuisait 6upHi6
i de rËtîlt)ereur; Yfaimenti disait Napoléon, je
t ne peui*fais par avoir deux Vtodammes ) ils ae
i battraient Jusqu^à eë qiie l'un eût tué Tautre: t
VANDAMME A DAVOÙT.
« Avant-hier nous étions imparfaitement étabÙs
dans Tild de Wilhemsbourg. La nuit étant venuei
il avait fallu se borner à se garder militairement)
< Hier i% à huit heures du matin^ Tennemi a
commencé par débarquer 1^000 à i^âOO hommes
en face de Hambourg» Une vive fusillade s'est en^
gagée avec la brigade d'infanterie légère comman-*
dée par le général Gengoult. J'ai été examiner
l'affaire ^ et j'ai vu que cette colonne ennemiii
s'attendant à être appuyée^ prétendait nous faire
sortir de l'île.
i L'ennemi pressant d'abord son attaque, avait
— 448 —
gagné quelque avantage et avançait en force avec
l'artillerie qu'il avait débarquée. Je fis à Tinstanl
former en masse les trois bataillons d'infanterie
légère, soutenus par tout le reste de la division
Dufour. J'ordonnai la charge , et en un quart
d'heure, tout fut mis dans la déroute la plus com-
plète. L'ennemi abandonna toute son artillerie, ses
caissons, ses munitions et se rembarqua dans le
plus grand désordre, laissant des prisonniers et
un grand nombre de morts, parmi lesquels se sont
trouvés beaucoup de Danois. Le général Dufour
et le général Gengoult se sont parfaitement con-
duits dans cette affaire.
« J'ai voulu connaître parfaitement l'île , je la
parcourus au galop ; alors je me suis décidé à y
faire passer la brigade de Reuss que je destinais à
occuper Altenwerdcr, Kuttwick et Rossenhof. A
peine avais-je fait débarquer les troupes que
j'appris que l'ennemi tentait un nouveau débarque-
ment sur le point de Reiherstuger Land, d'où il
semblait vouloir se diriger sur le point de mon
passage. Une fusillade s'est engagée, et l'ennemi,
voyant qu'il n'avait pu nous surprendre , s'est
retiré précipitamment avec perte de quelques morts,
blessés et prisonniers.
« J'ai établi le 152® en réserve et en obser\'a-
tion au château même de Wilhemsbourg, afin de
pouvoir se porter partout.
« Prévoyant bien une nouvelle attaque, je lis
marcher le 37% qui était sur la digue. La fusillade
- 449 -
s'engagea sérieusement; je n'hésitai pas à or-
donner au 37® de se retirer lentement en défendant
la digue et à laisser avancer Tennemi de manière
à lui couper sa retraite, ou à le poursuivre vi-
goureusement.
« J'ordonnai de suite à deux bataillons de la
droite de la division Dufour de se rendre directe-
ment au pont où l'ennemi avait passé, tandis que
je prescrivis au prince de Reuss de marcher
précipitamment sur l'ennemi avec les deux ba-
taillons qui se trouvaient au château de Wilhems-
bourg. La fusillade s'est d'abord engagée , et
comme on ne peut cheminer que par des digues
fort élevées, j'ordonnai aux troupes de cesser le
feu et je fis battre la charge de toutes parts.
L'ennemi fut contraint à la retraite et poursuivi
pendant une heure, la baïonnette dans les reins.
Jamais confusion ne fut plus complète. Tout ce qui
s'était jeté dans les barques a été noyé ou tué.
430 hommes environ qui n'ont pas pu s'embarquer
ont mis bas les armes.
« Je ne puis assez me louer de la valeur de nos
troupes ; je ne me rappelle pas d'avoir jamais
trouvé plus d'ardeur dans nos vieilles bandes..
Plusieurs officiers de tout grade se sont par-
ticulièrement distingués. J'aurai l'honneur d'en
adresser l'état à Votre Excellence pour qu'elle
veuille bien le faire parvenir à l'Empereur. *
— 450 —
DAVOUT A VANDAMME.
« Winsen, 18 mai 1813.
• Monsieur le général, je vous ai informé dans
le temps que j'avais transmis à Sa Majesté votre
correspondance avec les Danois ; j'ai pensé qu'il
vous serait agréable de connaître l'approbation
qu'y a donnée notre souverain ; je vous adresse
copie de la lettre du major général qui la contient.
» J'ai reçu la lettre où vous m'annoncez le re-
tour de l'officier de marine qui a accompagné mon
aide de camp d'Houdetot. J'envoie à Sa Majesté
copie de votre lettre et le journal qui y était joint;
il parait que l'ennemi a plusieurs batteries sur la
rive droite de l'Elbe, dans le Billwarder ; je vous
enverrai demain des notes pour vous en faciliter
les reconnaissances.
« Il faut charger le chef de bataillon Vinache
d'employer toute la journée de demain à bien re-
connaître toute la rive droite, depuis l'île de Moor-
warder jusqu'à la hauteur d' Alloua. Je ferai re-
connaître tout le pays qui est entre le Moorwarder
et ZoUempicker.
« Des rapports annoncent que des fourriers
suédois sont arrivés hier à Lauenbourg ; mais,
depuis le temps que cela se débite, on n'y croit
pas. »
-4M —
DAVOUT A VANDAMME.
c Harfoourg, SI mai 1818.
« Monsieur le général, je regrette beaucoup qu«
TOUS n'ayez point voulu vous rendre à Garrburg,
>ù je suis venu sur votre refus de vous rendre à
noîtié chemin de Garrburg à Winsen. Il était
mportant de convenir des mesures à prendre pour
le passage de TEIbe et l'attaque d'Hambourg. Un
bombardement ne nous mettrait pas (d'après les
conséquences qu'on peut tirer de votre première
tentative) en possession de cette ville. Il faut, pour
obtenir ce résultat, faire sauver les étrangers qui
en sont les maîtres, à qui il importe fort peu que
Hambourg soit brûlé : on n'y réussira que lorS'-
qu'on sera sur la rive droite.
« Je vous ai adressé des observations sur les
moyens d'effectuer le passage, en vous priant de
faire faire les reconnaissances nécessaires ; je n'ai
reçu aucune réponse à cet égard. Quoi qu'il en
soit, voici à quoi je m'arrête définitivement : j'en-
voie au général danois un officier français, porteur
d'une réponse à la lettre dont je vous ai fait con-
naître à peu près le contenu. Il est probable que
le gouvernement danois interviendra fortement et
agira pour que nous puissions entrer dans Ham-
bourg, sans y éprouver de résistance, à moins
que des forces majeures ne soient arrivées sur ce
point. Je fais suspendre toute hostilité jusqu'au
— 4M —
retour de l'officier, à qui j'ai recommandé d*étre ici
demain, de bonne heure. Demain, je donnerai
tous les ordres pour le passage et je ferai rappro-
cher une partie des troupes du général Dumon-
€eau, pour le faire avec le plus de forces possibles
et être en mesure contre les forces ennemies que
Ton peut rencontrer, quelles qu'elles soient. •
DAVOUT A VANDAMME.
« Winsen, fi mai 181S.
« Monsieur le général, j'ai reçu vos trois let-
tres du 21 , dont une à six heures et deux à dix
heures du soir. Je ne regrette pas que l'attaque
contre Hambourg ait été différée jusqu'à l'époque
où l'on a eu la certitude que les Danois en avaient
retiré leurs troupes, puisqu'une attaque faite lors-
qu'ils y étaient eût pu décider la guerre avec celte
puissance. Cet incident seul devait apporter des
délais.
« Je vous observerai en outre que l'Empereur,
dans ses instructions, n'avait pas prévu cette cir-
constance ; d'ailleurs, jusqu'à ce jour, cette opé-
ration eût été impraticable, puisqu'une colonne
ennemie de 4 à 5,000 chevaux, 3 à 4,000 hommes
d'infanterie et douze pièces, était près de Dalen-
bourg. Il a été nécessaire de mettre en mouvement
la division Dumonceau pour faire repasser l'Elbe
à l'ennemi.
« L'officier français que j'ai envoyé au général
ointe ; il a ordre, à son retour, de vous commu-
liquer la réponse et ce qu'il aura appris.
« Donnez, Monsieur le général, vos ordres à
outes ces troupes ; faites-moi connaître l'ensemble
le vos opérations et le point où vous serez de
rotre personne ; je me porterai sur un autre point
)our veiller à l'exécution des ordres que vous
lurez donnés et concourir à leur exécution.
• Ne voyez, Monsieur le général, dans tout ce-
â, qu'une preuve de ma haute confiance et nuUe-
nent la vile pensée de rejeter sur vous la plus
)etite responsabilité ; c'est moi qui commande,
linsi c'est moi qui dois la supporter.
« Un de mes principaux motifs en agissant
linsi est un sentiment de justice. Vous avez tout
)réparé, tout reconnu, vous devez recueillir le
ruit de toute votre prévoyance ; aussi, je vous
e répète, je ne serai là qu'un de vos généraux,
[e serai à Harbourg une heure après la réception
le cette lettre. »
VANDAMME A BERTHIER.
« Wilhernsboorg, ft mai 1818.
« Monseigneur, je n'entretiendrai pas Votre
Utesse de la correspondance que j'ai eue avec les
mtorités militaires danoises, puisque le prince
TEckmuhl la lui a soumise et qu'elle a fait con-
laitre que l'Empereur avait daigné témoigner qu'il
— 454 —
approuvait cette correspondance. J'annoncerai
seulement à Votre Altesse que non-seulement les
Danois ont abandonné la cause de Hambourg,
maîô encore que le roi a Tintention de mettre tou-
tes^ses troupeô sous mes ordres et de me procu-
rer tous les secours en bateaux et en bâtiments
dont je pourrais avoir besoin pour un passage
de rivière. Votre Altesse connaîtra les disposi-
tions du cabinet de Copenhague par la lettre que
y ai reçue de M. Alquier, ministre de France
près la cour de Danemark et dont je joins ici co-
pie. Aujourd'hui même, Monseigneur, j'ai envoyé
M. l'adjudant commandant Revest, mon chef
d'état-major, pour connaître les ordres qui peu-
vent déjà être parvenus aux troupes danoises et
savoir précisément ce qu'on peut espérer d'elles.
J^attends pour demain matin la réponse du géné-
ral commandant en chef. Quelle qu'elle soit, je
tenterai, sans délai, de prendre Hambourg de viye
force. Déjà le 19, j'ai, de minuit à deux heures,
lancé sur la ville une centaine d'obus et fait jouer
quatre pièces de 6 et une de 24, prise sur l'ennemi.
Nous avons tué dix à douze personnes, blessé un
grand nombre et causé une émigration considé-
rable. Cette nuit, je recommencerai cette attaque,
mais d'une manière plus vive et avec beaucoup
plus de bouches à feu. Demain, dans l'après-midi,
à moins d^événement extraordinaire, j'entrepren-
drai le passage de l'Elbe, que j'ai bien combiné et
dont je chercherai à assurer le succès par tous les
— 486 —
oins et toutes les mesures de prudence qui pour-
ont dépendre de moi.
« Je dois confirmer ici à Votre Altesse, ce qui
ans doute, lui a déjà été annoncé, qu'il est impos-
îble de trouver plus de courage et d'enthousiasme
éel que dans nos jeunes soldats. Dans toutes leurs
encontres avec l'ennemi, ils ont montré un zèle
a \me ardeiœ admirables. Toutes leurs attaques
aites aux cris de : Vive l'Empereur I ont com-
>létement réussi. Depuis que j'ai sous mes ordres
)es nouveaux bataillons, je ne les ai presque point
pxittés, je me suis constamment occupé de leur
instruction, j*ai été partout avec eux, partout je les
n encouragés. Jusqu'à présent, j'ai tiré d'eux
tout le parti que je pouvais en espérer. Je serai
bien heureux si l'Empereur daigne applaudir à
mes efforts et reconnaître qu'il a en moi un fidèle
et bien dévoué serviteur.
« D'après la nouvelle que je reçois à l'instant
qu'on pourra traiter avec le général Tettenbom^
J'accorde une suspension de vingt-quatre heures,
qui pourra bien être prolongée jusqu'à trente-six.
« Quelques bataillons suédois sont arrivés à
Hambourg, mais ma situation n'en est point chan-
gée, et les Danois prenant parti pour nous, il esl
impossible de craindre que ce renfort pour Ham-*
bourg soit un obstacle à nos entreprises. »
— 456 —
YANDAMME A DAVOUT.
« Wirhemsbourg, 23 mai 1813 (5 h. du soii^.
• L'officier que j'avais envoyé ce malin auprès
de mon chef d'état-magor rentre à Tinstant d' Al-
iéna et me dit en substance que Teltenborn veut
se défendre, ayant reçu des renforts suédois (deux
bataillons avant-hi^ et trois cette après-ini(fi).
Nul doute qu'il n'eût évacué Hambourg, si nous
eussions forcé du 19 au 20.
« L'ambassadeur extraordinaire danois dit que
le roi est dans une position très-embarrassante
envers la Suède et la Russie ; que cependant il
se dévoue tout entier à Sa Majesté Impériale et
Royale ; que si nos troupes passent rElbe et quenous
ayons des succès, les troupes danoises se join-
dront à nous ; que le roi ne peut solder sa troupe
hors de son territoire et qu'il est, pour cette rai-
son, très-gêné en ce moment.
« M. le comte de Kaas dit encore que M. le
baron d'Alquier a parfaitement interprété les in-
tentions du roi dans une lettre que ce ministre
m'a adressée, mais que le Danemark est aujour-
d'hui serré de si près par les Suédois qu'il fau-
drait un grand événement pour le sauver des maux
dont il est menacé et que rien au monde ne ferait
plus de plaisir aux troupes que de servir sous les
drapeaux du Grand Napoléon.
• Le comte de Kaas désire présenter ses hom-
Ynages demain à Votre Excellence en passant par
Harbourg, d'où il pressera sa marche vers le
quartier général impérial.
« On a prétendu prouver au i*oi que nous n'a-
vions ici, sur le bas Elbe, que dix mille hommes,
et que le prince royal de Suède en commandait
trente mille, Suédois, Russes, Prussiens et Alle-
mands.
• Je crois, Monseigneur, que dans la situation
où nous nous trouvons, il faut réunir sur le point
de Stade à Lunebourg toutes nos forces et tenter
le passage de l'Elbe le plus promptement possible
et avant que les Suédois aient le temps de rassem-
bler ici trop de troupes. On assure qu'ils sont en
échelons depuis Hambourg jusqu'à Stralsund.
« Si Votre Excellence croit ne devoir pas faire
prendre Tîle de Ochsen-Werder et tenter le pas-
sage de l'Elbe pour investir Hambourg, il sera
nécessaire de faire retirer plusieurs bataillons de
l'île de Wilhemsbourg et même d'y diminuer l'ar-
tillerie.
• J'attends les ordres de Votre Excellence. Le
chevalier Revest ne sera de retour qu'après-demain
de son voyage près du général danois . »
DAVOUT A VANDAMME.;
« Harbourg, 23 mai 1813 (8 h. du soir).
• Monsieur le général, je reçois à l'instant votre
Utrc de ce jour, à cinc { heures du soir. Nous nous
— 458 —
trouvons dans une position qui n*a pas été prévue
par l'Empereur, puisqu'il n*avaitpas compté qu'on
y trouverait lesDanois comme ennemis, et qu'après
eux on y rencontrerait les Suédois ; nul doute qu'il
ne faille prendre dans les vingt-quatre heures un
parti, ou de passer l'Elbe ou de nous borner à dé-
fendre la rive gauche en gardant fortement Tîle de
Wilhemsbourg. Je désire que vous vous rendiez ici
demain, de bonne heure, de votre personne, pour
raisonner ensemble sur notre situation. Dans le
cas où les circonstances ne vous permettraient
pas devons absenter momentanément de votre
île, j'irai moi-même vous trouver.
« Si nous étions à Berlin ou près d'y entrer, il
n'est pas vraisemblable que les Suédois eussent
osé quitter la Poméranie pour venir à Hambourg :
l'ennemi ne serait pas sur la rive droite, en face
de Magdebourg, et il n'aurait pas des partis à
Salzwedel, qui ont poussé jusque vers Hanovre. •
NAPOLÉON A BERTHIER.
« GœrliU, 24 mai 1813.
« Mon cousin, faites connaître au prince d'Eck-
muhl que je désire qu'aussitôt qu'il sera entré à
Hambourg, il y reste avec la division de Ham-
bourg et la 3® qu'il fera venir de Wesel et qu'il
réunira à Brème et Hambourg, et qu'il fasse partir
de Hambourg le général Vandamme avec les 2* et
5® divisions et l'artillerie nécessaire , dans la di-
— 459 —
ction du Mecklembourg et de Berlin, afin de
uvrir le flanc gauche du corps qui est à
3rlin. »
DAVOUT A VANDAMME.
« Harbourg, 27 mai 1813 (4 h. du soir).
• Monsieur le général, je reçois à l'instant votre
Lire de ce jour, à quatre heures après midi. Vous
mvez donner à M. le général Wegener l'assu-
nce que vous et moi nous nous réunirons pour sol-
dter l'indulgence et le pardon de l'Empereur en
veur des habitants de Hambourg, sous la con-
tion qu'ils feront une soumission prompte et
impiété.
« Il me semble que le traité qui engageait les
anois à nous prêter un secours pour s'opposer
Foccupation du littoral de Hambourg par des
3upes étrangères n'est pas aboli ; alors le géné-
l Wegener pourrait, dans le cas où l'ennemi
»andonnerait la ville avant notre passage sur la
^e droite, occuper Hambourg pour y maintenir
>rdre; mais il serait plus convenable que les
oses s'arrangeassent de manière à ce que les
)upes de notre souverain arrivent à Hambourg
sez à temps pour y maintenir l'ordre.
• Au surplus , l'essentiel est d'y arriver le plus
. possible. »
— 460 —
DAVOUT A VANDAMME.
c Harbourg, 29 mai 1813 (10 h. du matin).
• Monsieur le général, je reçois à l'instant
votre lettre où vous m'annoncez la prise de l'île
de Oschen-Werder. Il faut envoyer à Alloua un
de vos officiers donner l'ordre à votre chef d'état-
major de requérir les Danois de cerner entière-
ment Hambourg, d'occuper le village de Hamm,
qui n'est qu'à une portée de fusil de Vandebeck,
et de se mettre en communication avec vous; ils
devront intercepter tout secours venant de Berg-
dorf ou de toute autre route. Les troupes danoises
qui sont à Altona devront cerner Hambourg entre
les rives droites de l'Alster et de l'Elbe, et se
mettre en communication avec le corps qui a dû
arriver aujourd'hui à Vandebeck et qui cernera
Hambourg entre la rive gauche de l'Alster et la
rive droite de l'Elbe.
• Recommandez à votre chef d'état-major de
marcher avec cette dernière colonne et de faire
promptement jonction avec vous. Votre chef d'é-
tat-major enverra sommer Hambourg et ne don-
nera qu'une demi-heure pour ouvrir les portes.
• Toutes vos mesures étant prises pour assu-
rer la retraite de vos troupes dans le cas où elles
seraient attaquées par des forces supérieures, il
serait oiseux de faire la plus petite recommanda-
lion à cet égard. Prescrivez que l'on se retranche
-4ei -
dans les différentes issues qui aboutissent à Ham-
bourg, Bergdorf et Zolienspiecker. »
DAVOUT A VANDAMME.
« Harbourg, 30 mai 1813 (midi).
« Monsieur le générai, M. de Fayet, mon aide
ie camp, arrive à l'instant ; le compte qu'il me
rend me fait craindre qu'il n'y ait un malentendu
et qu'il vous ait mal rendu ce que je l'avais chargé
de vous dire. Voici les faits : En revenant de Bu-
lenhausen, j'ai rencontré un officier danois qui
m'était envoyé par le commandant d'Altona pour
me faire connaître que ce matin une députation
hambourgeoise était venu annoncer que cette nuit
les Russes avaient évacué la viile ; qu'il était prié
de m'annoncer une députation des habitants pour
implorer la clémence de l'Empereur. J'ai chargé
M. de Fayet, qui était témoin de cette circons-
tance, d'aller vous dire de faire marcher des
troupes pour prendre possession de la ville, car
il n'est plus question de capitulation.
• Je suis rentré à Harbourg avec l'officier da-
nois que j'ai renvoyé à Altona avec mon chef
[l'état-major, lequel a Tinstruction, dans le cas où
vos troupes ne seraient pas encore à Hambourg,
l'en faire prendre possession par les Danois, qui
Dccuperont les portes et ne laisseront sortir per-
sonne : ils occuperont aussi les batteries.
« La magistrature a reçu Tordre de faire dépo-
— 46Î —
ser toutes les armes de la garde nationale et au-
tres, clans la prairie qui se trouve vis-à-vis de
Tîle de Wilhemsbourg. Ces armes seront sous la
garde des troupes danoises, en attendant l'arrivée
des troupes françaises.
• Le général de Laville doit faire expédier à
Wilhemsbourg le plus d'embarcations possibles
pour être à la disposition du commandant de vos
troupes, qui devront, pour passer, attendre vos
ordres.
« Les Danois ont dû envoyer des partis de ca-
valerie par le Bill-Werder pour communiquer avec
vos troupes. Ainsi, c'est à vous à prendre toutes
les mesures. Lorsque les postes danois seront re-
levés par les troupes françaises, ils rentreront
chez eux pour éviter les malentendus.
« L'esgentiel est maintenant d'être prompte-
ment maître des portes de Hambourg. Le général
de Laville, du reste, agit en votre nom.
« Puisque vous êtes maintenant aux batteries
qui tiraient sur Hambourg, envoyez un officier
pour chercher les bâtiments nécessaires au trans-
port de vos troupes, afin de prendre possession
de la ville.
• S'il y avait eu encore des troupes russes à
Hambourg, on aurait pu faire une espèce de capi-
tulation; mais puisqu'ils sont partis, il serait
contre toutes les convenances de faire aucun ar-
rangement avec des sujets de l'Empereur.
« Les transports danois seront arrivés vers les
— 463 —
[ heures dans le port de Harbourg. Cinq balail-
ons du général Dumonceau, y compris le 108^
irrivé hier soir, seront à Harbourg avant cette
leure-là.
« Il faut faire passer avec ces transports le
)lus de troupes et d'artillerie possible.
« Je vais faire venir le reste de la division Du-
nonceau pour que vous puissiez avoir toutes vos
;roupes réunies à Hambourg et entre Hambourg
3t Bergdorf. »
DAVOUT A BERTHIER.
« Harbourg, 80 mai 48iS (4 h. après midi).
»
« Monseigneur, j'ai l'honneur de rendre compte
à Votre Altesse Sérénissime que l'opération d'hier
du général Vandamme sur l'île d'Ochsenwerder
et la réunion des troupes danoises à Altona et
Vandebeck, ont eu leur effet. Les Russes, voyant
qu'ils allaient être tournés, ont évacué Hambourg
cette nuit, en prenant la direction de Bergdorf.
Nous occupons maintenant cette ville .
« Demain j'adresserai les détails à Votre Al-
tesse Sérénissime.
« Je ferai porter des troupes sur le Mecklem-
bourg, et lorsque Lubeck sera occupé, j'exécute-
rai à la rigueur les intentions de l'Empereur, ren-
fermées dans sa lettre chiffrée du 7 mai.
« Je dois vous prier, Monseigneur, de dire à
Sa Majesté que ce résultat est entièrement dû aux
— 4M —
bonnes dispositions du général Vandamme, qui,
tout en agissant avec vigueur, avait pris des me-
sures telles qu'il n'avait pas d'échauffourée à
craindre.
« Je dois ajouter que depuis que le général
Vandamme a été mis sous mes ordres, je n'ai eu
qu'à me louer de son excellent esprit.
« L'Empereur connaît rambition du général
Vandamme. Il a acquis, dans cette circonstance,
de nouveaux droits à la bienveillance de Sa Ma-
jesté.
« Il a su tirer un très-grand parti des marins
français, qu'il aréussi ù bien organiser ; les moyens
de passage et tout a été bien conduit.
« P.-iS. — Nous îivons perdu dans l'affaire d'hier
32 hommes dont 2 tués, les 30 autres ne sont
que blessés.
« On a enterré 25 cadavres de l'ennemi et fait
plus de 200 prisonniers. •
DAVOUT A BERTHIER.
« Flambourg, Ul mai 181â.
• Monseigneur, j'ai Thonneur de rendre compte
à Votre Altesse Sérénissime que l'ennemi n a eu
que le temps de se sauver de Hambourg. Les
travaux qu'on y a faits sont surprenants. La fausse
braye est rétablie tout autour des remparts et
dans le meilleur état possible. Il existe des ouvra-
ges avances très-bien enteudus et achevés.
* On a trouvé, tant dans l'arsenal que sur: les
împarts, toutes les pièces que lamarine française
laissées à Hambourg, et quelques-unes que len-
emi avait amenées.
« Les pièces déjà reconnues se montent a
50 et quelques, de tout calibre, dont le plus petit
îst de 6.
« On a trouvé aussi 800,000 cartouches, dont
>00,0Ô0 anglaises.
« Les munitions d'artillerie ne sont pas pro4
)ortionnées à la quantité de pièces. Il y a aussi de
a poudre en barils. On estime à 10,000 le nombre
le fusils anglais qui ont été distribués à la gardé
bourgeoise que Ton désarme,
t « L'ennemi espérait pouvoir conserver Ham-*
bourg, où' le prince royal de Suède devait, dit-on,
se porter, par des arrangements convenus avec
l'Angleterre. Il s'est refusé à les tenir, parce qu'on
l'avait pas exécuté tout ce qui avait été annoncé.
- On devait mettre à sa disposition un corps
•usse fort de 15,000 hommes, un corps de 10,000
Prussiens, et un autre de pareille force, composé
le la légion germanique attendue d'Angleterre et
le troupes levées dans ce pays. Je ne donne ici
:jue comme des bruits qui circulent en ville.
« Une nouvelle plus positive, c'est qu'un Fran-
jais parti le 2 mai d'Helgoland, voyageant comme
un négociant de Hambourg, déclare y avoir vu Je
comte d'Artois et son iils, arrivant d'Angléterrt;.
Il a été chargé par eux d'un paquet pour le général
II. 30
Tettenborn. Ignorant que nous occupions Ham-
bourg, il a remis ce paquet au consul français à
Tounningue , qui doit me le faire passer ces jours-
ci. Je le transmettrai à Votre Altesse Sérénissimc.
« L'armée suédoise est entre Straisund et
Gadebusch, à ce qu*on dit. Je n'ai pas encore de
données positives. Le corps de Dornberg esl
réuni à la hauteur de Lauenbourg.
« Les troupes françaises n'étaient pas à Berlin
le 28. Des partis ennemis sont toujours aux envi-
rons de Magdebourg, sur les deux rives.
• Le général Vandamme se portera ces jours-ci
dans le Mecklembourg.
« Le corps danois, ainsi que j'ai eu l'honneur
de vous en informer, a des ordres du roi d'êlre à
la disposition du commandant français. »
LIVRE XII
De Juin h la fin d'Août 1815
Vandamme est envoyé dans le Mecklembourg, après la prise
de Hambourg. — Ses négociations avec Bernadotte. — Van-
damme reçoit l'ordre, a la fin de juin, de se rendre i U^'
debourg. — U a le commandement du l**- corps réuni autour
de Dessau. — Composition et forces des armées belligé-
rantes. — Plan de l'Empereur et rôle destiné à Vandamme.
— 467 -
— Le général se rend le IG ù Dresde pour conféi'er avec
Napoléon. — Le 1*' corps est destiné à défendre à outrance
rentrée des défilés de la Bohême (20 août 1813), pendant la
pointe de Napoléon. -— Vandamme reçoit Tordre d'occuper
Pirnn (25 août), de déboucher par Kœnigstein et de se placer
sur les ligues de retraite de Tennemi. — Instructions que lui
<lonne l'Empereur. — Mouvement du 1«' corps le 2q août.
— Journée du 28 ; dispositions prises le matin par l'empe-
reur. — Ordre donné à Vandamme à 4 heures 1/2 du soir.
Combat de Hellendorf. — Marche des maréchaux Marmont,
Sainl-(^yr et de Vandamme. — L*ennemi modifie sa marche.
— Combat du 29 en avant de Kulm. — Bataille du 30 août.
— Récit de Vandamme. — Rdle de Marmont, de Saint-Cyr,
de Mortier. — Leurs dépêches. — Documents sur les affai*
res du 29 et du 30. — Explication de la bataille de Kulm.
— Lettres de M. de Norvins, du duc de Bassano, du général
Haxo. de Vandamme. — Réflexions. — Vandamme pri*
$onnier.
Immédialement après la prise de Hambourg,
Vandamme reçut Tordre de se porter dans le
Meckleml)ourg avec les deux divisions Dufour et
Dumonceau. Il allail se trouver en présence des
troupes suédoises, commandées par un homme
avec lequel il avait été fort lié, Bernadolte, devenu
prince royal de Suède, et bien près d'être un de§
ennemis les plus déclarés de sa patrie.
On espérait encore que la Suède ne prendrait
pas parti contre nous , et on cherchait à ménager
Bernadette. Des instructions avaient été données
dans ce sens à Davout dès le 7 mai. Lorsque Van-
damme fut sur le point de partir, le prince d'Eck-
mùhllui fit connaître par la lettre ci-dessous, datë«
de Hambourg, 3 juin 1813, comment il devait agir
à regard des Sjiédois :
— 468 —
« Monsieur 1(î général , comme vous éles ;iur
lo point (le vous porter dans le Mecklcmbour}; avec
les deux divisions Dufour et Dumonccau, je crois
devoir vous donner communication d'un article de
la lettre du major général, en date du 7 mai, relatif
à la conduite à tenir envers les Suédois.
« Les renseignements que nous avons sur K*>
troupes de cette puissance étant vagues et conlra-
dictoires, puisque les uns disent qu'ils se retireiii
en Poméranie, et les autres qu'ils se portent en
avant , il est bon de savoir promplemeni à quoi
s en tenir.
• Je vous invite à envoyer par Lubeck un oflî-
cier intelligent avec Tordre do s'adresser au pre-
mier général suédois venu, pour lui demander une
cxplicatiou, et de nous faire connaître positivement
si les troupes suédoises sont neutres ou ennemies.
Si elles sont neutres , elles doivent rester dans la
Poméranie suédoise.
- Cet officier aura une instruction basée d'apnV^
cette lettre. »
• Ci-joint l'extrait de celle du major général.
« Vous ne commettrez aucun acte d'hostilili'
contre les Suédois, s'ils restent dans la Poméra-
nie, et déclarent vouloir rester tranquilles. •
Vandamme chargea de la délicate mission auprt'î^
du prince royal de Suède un commissaire (le^
guerres fort intelligent, M.deRichardot. Ccderniei
essaya vainement d'arriver jusqu'à Bernadolf^\ i'
- 469 -
le put y réussir. Voici du reste le rapport fait: pm*
ni au général, et daté de Hambourg 12 jiiin :
« Aussilôt que j'eus reçu les dépêches de Votre
excellence pour Son Altesse le prince royal de
5uède, je partis le 8 juin à 10 heures du soir, diri-r
;eant ma route sur Lubeck et Traremunde ; j'avais
l'abord conçu le projet de me rendre par mer dir
ectement à Stralsund ou à Rugen, mais, con-
aissant toute Timportance de ma inission , et
oulant en accélérer les effets , Tabsence absolue
es vents me fit renoncer à ce premier projet ; les
enseignements que j'avais recueillis que de hom-r
rcux détachements de cosaques rôdaient' dans
)us les environs de Lubeck, sur la route de Des*
au à Gresmiihle, me donnèrent quelques inquié-
ides, mais n'arrêtèrent pas ma volonté. Je mis
Digneusement à couvert mes deux missions se-r
rètes, et ne gardant sur moi que celle qui couvrait
la mission et qui traitait d'un échange de prison-
iers, je partis en côtoyant la mer, toujours me
irigeant sur Gresmûhle, où je savais trouver les
oupes suédoises ; en effet, arrivé dans un village
istant d'une Ueue do Gresmûhle , je trouvai un
osle qui me reconnut et me lit escorter à Gres-r
lûhle, où je trouvai un assez grand nombre de
oupes et plusieurs officiers qui, après une assez
mgue série de questions, me firent conduire chez
î bourgmestre, à qui je donnai connaissance^
insi qu'aux officiers, dé l'objet de ma mission,
les messieurs me signifièrent qu'ils avaiexit ordre
— 470 —
(le ne laisser passer qui que ce fut sans y êla*
aulorisés par le général qui commande en chef les
troupes suédoises dans le Mecklembourg, dont le
quartier général se trouve à Wismar ; je me décidai
(le suite à adresser à ce général la lettre dont j'ai
rhonneur de mettre sous les yeux do Monseigneur
la copie ci-jointe sous le n^ 1.
« J'étais arrivé à Gresniuhlc avant trois heures.
Je ne cessai d être accompagné par des officiers
qui se relevaient successivement jusqu'à onze
heures du soir, heure à laquelle arriva un oflicier
que le général envoya avec ordre de mo conduis
à son quartier général où , malgré la diligence
possible, nous n an ivàmes qu'à deux heures du
malin. Je fus introduit de suite chez M. le généi'al,
qui me reçut de la manière la plus affectueuse ;
l'ayant informé par ma lettre de Tobjet de ma mis-
sion, je mis sous ses yeux la dépêche ostensible
dont j'étais porteur pour Son Altesse Royale le
prince de Suède ; nous eûmes un entretien à la
suite duquel il me signifia qu'il regrettait beau-
coup que ses instructions ne lui pennissent pas de
me laisser aller plus loin. Il me conseilla d écrire
au prince et de lui adresser ma dépêche, assurant
qu'il la lui ferait parvenir de suite ; je cherchai à
vaincre la rigueur de cet ordre en alléguant toutes
les raisons que je crus propres à lui faire sentir le
besoin et les bienfaits d'une libre communication
entre les chefs et représentants des deux gouver-
nements ; ce fut en vain. Le généraV se renferma
— 471 —
dans l'absolu de Tordre qui ne lui laissait pas la
liberté de l'interpréter. Forcé de renoncer à toute
tentative prolongée, je me décidai alors à adresser
(sous enveloppe) à Son Altesse le prince royal de
Suède les trois dépêches dont vous m'avez char-
gé , Monseigneur, expliquant à Son Altesse que
celle relative à l'échange n'était que le prétexte
c}ui devait me favoriser l'accès de sa personne,
que les deux autres lui donneraient facilement à con-
naître de quelle importance il eût été que j'aie été
à même de transmettre à Son Altesse le prince
royal les détails particuliers que j'étais chargé de
lui communiquer de votre part, Monseigneur. Les
difficultés insurmontables pour approcher la per-
sonne du prince royal, différents détails échappés
au général, dans une conversation de près de trois
heures, me confirment, Monseigneur, dans l'opi-
nion que Son Altesse se trouve dans une situation
très-difficile ; continuellement observé par les nom-
breux agents de ses alliés, par ses propres sujets,
j'estime que les succès des armées de Sa Majesté
l'Empereur sont seuls capables de rendre à Son
Altesse une liberté d'exécution dont je ne la crois
plus en possession. »
Bernadette répondit de Stralsund le 18 juin à
Vandamme :
« Monsieur le heutenant général comte Van-
damme, j'ai reçu vos trois lettres du 7 de ce mois.
Jusqu'ici les troupes sous mes ordres n'ont point
fait de prisonniers sur l'armée française et d'après
— 472 —
ies rapports que j'ai reçus, la Suède n'a à récla-
mer que ceux faits par les Français lors de rim*a-
-sion de la Poméranie suédoise. Deux régimenl>
•qui tenaient garnison dans cette province fuienl
désarmés et traités en ennemis au sein de la paix
tst contre la foi des traités les plus solennels. La
Poméranie ayant été réoecupée, les troupes sué-
doises se sont étendues et ont pris des positions
en avant dans des pays amis; jusqu'à ce qu'elles
reçoivent Tordre de faire des mouvements, elles
•ont celui de résister à toute attaque de la part
des troupes ennemies ou étrangères qui vou-
draient franchir la ligne qu'elles occupent. Au reste
l'armistice qui vient d'avoir lieu entre les puis-
sances belligérantes à la suite des propositions
faites par l'empereur Napoléon, a réglé qu'à dater
•du 8, à minuit, les armées respectives garçleraienl
la ligne des avant-postes où elles se trouvaient
•à cette époque, dans le nord de l'Allemagne el
,8ur le bas Elbe.
« Quant aux relations politiques, votre carac-
:tère purement militaire ne me permet pas d'en-
• trer en discussion sur cet objet qui, d'ailleurs, re-
garde exclusivement nos gouvernements. Lo
/Suède a été attaquée et le. roi mon souverain m'a
confié le soin de la défendre.
' « Je me rappelle avec une bien vive satisfaction,
monsieur le comte, le temps où nous combattions
ensemble et les preuves d'attachemeul que voui?
mi'qvèz données seront toujours présentes -h ma
méinoirc. Je vous renouvelle de bien boa cœur;
rassurance de la continuation des sentiments que
vous me connaissez pour vous et pour les vôtres.
Sur ce, je prie Dieu, etc.
• Votre affectionné et ancien frère d'armes.
« Charles- Jean. •
• Post'Scriptum. Je vous prie de faire agréer
à Madame mon hommage et mes civilités. »
Le lendemain du retour de M . de Richardot, la
nouvelle de Tarmislice de Parschwitz fut apportée
à Hambourg et les négociations en restèrent là.
Cet armistice courait à dater du l®'^jnin 1813,
mais de part et d'autre on croyait peu à une paix
définitive... Napoléon, bien renseigné sur Tatti-
lude de plus en plus menaçante de TAutriche ,
voulait renforcer son armée et combiner des opé-
rations nouvelles. Les alliés espéraient profiter du
répit qui leur était accordé pour entraîner dans
leurs rangs les puissances encore hésitantes.
Vers la fin du mois de juin, Vandamme re-
çut Tordre de se porter à Magdebourg. L'Empcr-
renr lui destinait un magnifique commandement,
celui du l'*" corps, appelé à jouer un rôle des plus
importants à la reprise des hostilités.
L'armée tout entière désignait le brave général
comme destiné à recevoir le premier bâton demâ-
inichal, juste et tardive récompense de ses serviceis
do guerre et de ses- hauts faits.
Le l*"*" juillet 1810, Napoléon signa les nouvel-
— 474 —
les lettres de service du général et lîxa de la ma-
nière suivante la composition du V^ corps : T,
2*, 23* divisions, la l'* réunie à Dessau, les 2*61
23' à Magdebourg ; deux batteries légères, six bat-
teries divisionnaires et deux de réserve, deux
compagnies des équipages militaires. Ces troupes
furent passées eu revue le 9 juillet a Dessau et à
Magdebourg par l'Empereur parti de Dresde le 8.
La division à Dessau était sous les ordres du
général Philippon,. celles à Magdebourg sous les
ordres des généraux Dumonceau et Teste. Le 14,
Vandamme reçut l'avis du major général quil
devait : laisser la division Teste à Magdebourg, jus-
qu'à ce que la garnison de cette place importante
fût complétée ; appeler de Dessau à Wittemberg
où elle formerait un camp baraqué, la division
I^hilippon ; partir de sa personne pour se rendre
en trois jours à Dessau avec la division Dumon-
ceau et y établir son quartier général. Vandamme
se trouva en outre chargé de garder toute la ligne
de la vive droite de l'Elbe, depuis Magdebourg
jusqu'à Luckau, où commençait le commandement
du duc de Reggio. Une brigade du 3* corps de
cavalerie (duc de Padoue) lui fut prêtée pour
fournir les postes sur la ligne. En vertu dun
nouvel ordre du major général, ce fut le corps po-
lonais de Dombrowski que l'on envoya à Wit-
temberg. On le mil momentanément sous le
commandement de Vandamme, auquel on donna
ngalenuMit le IK régiment de chevaux-lépers.
Jusqu*à la dénonciation de l'armistice, le général
resta à Dessau, occupé de l'organisation de son
corps d'armée, faisant tirer les hommes à la cible
et ne perdant pas une minute pour que tout soit
prêt le jour où Ton rentrerait en campagne.
A la fin de juillet, il reçut Tavis que le l®"" corps
aurait probablement à opérer par Wittemberg.
On lui recommandait de s'occuper de la formation
du 9® lanciers, du régiment de cavalerie du prince
(le Dessau ; on lui ordonnait de passer une grande
revue le 5 août, et de faire célébrer avec pompe
lu fête de TEnipereur le 10 au lieu du 15. La
division Teste quitta Magdebourg pour se rap-
procher de Dessau et vint h Cothen.
Lorsque les hostilités recommencèrent en août
1813, les armées belligérantes étaient dans la po-
sition suivante, sur les deux théâtres d'opérations.
Au midi : G0,0l)O Autrichiens sous le général
Hill, marchant contre le vice- roi qui se disposait
h défendre l'entrée des provinces illyriennes avec
()0,000 recrues. 20,000 Autrichiens se portant sur
rinn contre l'armée bavaroise, de force égale, et
paraissant vouloir résister.
Au nord : Uarméo autrichienne à Prague,
(120,000 hommes — prince de Schwartzenberg) ;
l'armée russo-prussienne à Schweidnitz (60,000
hommes — Wittgenstein) ; Tannée de Silésie au-
delà de l'Oder (90,000 Russes et Prussiens —
Blncher ) ; Tarméo du nord autour de Berlin
♦ H(),fK)0 Russos, I^russiens, Suédois — Berna-
— 47t5 —
«lollc); la rôservo du bas Elbe m faco île llaii-
bour^ i-20,0lX) Aiij^lais cl Allemands — Waluiu-
(Jen); rannéc russe sur la Vislule (00,000 hom-
mes,— Benuingsen). Total 430,000 combaltaiils
dont 100,000 cavaliers.
A ces masses formidables, Napoléon opposai!
seulement 340,000 hommes dont 40,000 cavalier^.
En première ligne sur la Katzbach le 3^ corp>,
(Ney avec 30,000 hommes) ; le 5® corps, (Lauris-
lon avec 23,000 hommes) ; le 2*^ corps de cavalerie
(Sébasliani avec 40,000 chevaux.)
En seconde Hgne, sur le Bober: le 4*" corps
(Herlrand avec 20,000 hommes); le 6* corps
(Marmont et 45,000 hommes) ; le 44® corps (Mac-
douald avec 20,000 hommes).
En troisième ligne, sur la Neiss, le 7® corps
(Keynier, 45,000 hommes); le 2® de cavalerie (La-
lour-Maubourg, 42,000 cavaliers) ; le 4*'' corps
(Vandammo, 30,000 hommes) ; le 2*^ corps (Victor,
20,000 hommes); le 8® corps, (Poniatowski.
42,000 hommes) ; le 4*^ de cavalerie (Kellermanu,
et 0,000 cavaliers).
(^iCs quatre derniers corps, les 4^^ 2^, 8® et 4'
de cavalerie, 60,000 combattants à peu. près,
étaient groupés autour de Zitlau, sur la fron-
tière de Bohême.
En quatrième ligne, sur TEIbc à Torgau, le i^
corps (Oudinot 20,000 hommes) ; à Dresde, la
garde (35,000 hommes). Dans le camp retranche
.de Pirna s'a[)puyanl, à gauche sur la capitale de
la Saxe mise en état de défense, et à dmile sur la*
forteresse de Ktenigstein, le 44*^ corps (Saint-Cyr,-
15,000 hommes); à Magdebourg (Girard avec un
corps de 15,000 hommes) ; à Hambourg, DavouÉ
avec le 13® corps et les Danois (30,000 hommes).
Enfin, en réserve, par échelons de TElbe 'au
Rhin: le duc de Padoue (3® corps de cavalerie,
G,000 hommes) ; le général Michaud (5® corps de
cavalerie, 5,000 hommes); Augeréau (15^ corps?
avec 18,000 hommes).
L'armée sous les ordres immédiats deNapoléort,
forte de 280,000 hommes, occupait la surface d'un
triangle formé par l'Elbe, de Wittemberg à la
Bohême, et par deux lignes tirées du confluenlrde
roder avec la Katzbach à Wittemberg et à Kœ-^
nigstein.
Le plan adopté par Napoléon était celui-ci :
Battre l'armée de Schwartzenberg, contenir les
■ •
armées de Silésie et du Nord. Pour atteindre ce
double but l'Empereur mit 100,000 hommes aux
mains de Ney avec mission de retenir Blûcher
au delà de l'Oder ; il en donna 70,000 à Oudinot
pour marcher sur Berlin; il chargea Gouvion
Saiiit-Gyr d'arrêter les têtes de colonnes autri-^
chiennes aux débouchés de la Saxe, et se dis-^
posa avec 120,000 hommes et sa garde, à des-
cendre lui-même en Bohême par Lœbau et Zittau:
Napoléon attachait une grande importance- au
mouvement sur Berlin qu6 le duc de Reggio de-
vait opérer, soutenu par le corps détaché de Mag-
— 478 —
ilcLiourg et de Willeinberg, aux ordres de l'iii-
Irépide général Girard charge de se lier avec Tar-
mée de Davout. Voici une lettre du iS août adres-
sée par 1p major géuéral au prince d'Eckmûhl,
qui relate tout le plan de l'Empereur.
« Le duc de Reggio, avec une armée de
80,000 hommes, composée de son corps (le 12*i,
du 4* commandé par le général Bertrand, du 7
commandé par le général Reynier et du iV Je
cavalerie, commandé par le duc de Padoue, part
le 18 de Bayreulh, pour se porter sur Berlin;
il y arrivera le 21, s'il n'est pas retenu par des
forces supérieures.
• Le général Girard avec 10 à 12,000 hommes
débouche par Magdehourg le 18, pour pousser
l'ennemi devant lui, s'il n'y est pas en forces
supérieures, ou le suivre aussitôt qu'il sera af-
faibli. Le général Girard, formant la partie active
du corps de Magdebourg, ne doit point se laisser
couper de la ligne ; son but est d'aider la réunion
du duc de Reggio avec vous.
• L'intention de l'Empereur est qu'aussilôl
(|ue cela sera possible tout votre corps d'année
doit se réunir sur la rive droite de l'Elbe, en avant
de Hambourg, avec les Danois, et après avoir
laissé une garnison dans la place. Vous devez
avoir im corps d'au moins 30,000 combattants.
« Si l'ennemi n'est pas devant vous en forcer
supérieures, attaquez-le, le 18, et le menez bal-
lant; s'il rsl on Tor^'es supérieures^ non-seule-
ï ment par le nombre, mais encore par la cavalerie,
\ faites des mouvements devant lui, inquiétez-le,
[ suivez-le aussitôt qu'il sera affaibli. Votre prin-
; cipal but est de marcher entre la mer et Berlin,
pour vous réunir au duc de Reggio, pousser les
Suédois dans la mer, et enfin débloquer Stet-
tin. Si vous parvenez à débloquer Stettin, il
faut sur le champ en retirer les généraux inu-
tiles, et réapprovisionner la place en prenant
les blés qu'on pourra y trouver, de manière
que la place puisse tenir jusqu'à la fin d'octo-
bre.
« Vous trouverez ci-joint la liste des généraux
qui ont le grand chiffre, et des généraux qui
ont le petit chiffre. Je vous envoie copie du
petit. Gomme il est facile à copier, vous pour-
rez le donner aux généraux qui seraient déta-
chés, en leur faisant sentir l'importance de ne
pas le perdre, et de s'arranger de manière que,
venant à être faits prisonniers, par exemple ^
le chiffre ne tombât pas au pouvoir de l'en-
nemi.
« L'Empereur porte aujourd'hui son quartier
général à Bautzen. Le maréchal Saint-Gyr avec
le 14^ corps est à Pinia, à cheval sur le fleuve.
« Le l®"" corps (celui du général Vandamme)
arrivera le 17 à Dresde.
« La déclaration de guerre de l'Autriche ac-
croît le nombre de nos ennemis. Il est nécessaire
que tous les {généraux détachés fassent tout ce
— 480 —
qu'cxigonl ot leur zole pour le sorvirc de TEni-
porcur cl la gloire <Ips nrnics françaisos.
• L'Empereur vous a envoyé le général de di-
vision Péeheux, qui esl homme de mérite: il
vous envoie un nouveau général de brigade. Le
général Lemoine, avec six bataillons de la
fi* division A/s, a ordre de prendre position à
Donnez-lui des nouvelles par toutes
les occasions.
» Vous recevrez cette lettre le IG. Il importe
(jue vous me fassiez connaître promptement ce
qui se passe devant vous, et ce que vous pour-
rez faire. »
Dans les combinaisons adoptées par Napoléon,
le 1^' corps était destiné à faire partie de Tar-
mée sous son commandement immédiat. Van-
damme reçut donc Tordre le 12 août de se rap-
procher de Dresde. La 1"^ division (Philipponï
y arriva le 17 à midi; la 2* division (DuraonceauK
le 18; la 3° du 1^"^ corps ou 22® de la grande
armée (Teste) le 19. La 21*^ brigade de cavale-
rie légère, le 20 août. Le corps de Dombrowski
resta à Wittemberg.
Le l*^"" corps était bien organisé, avait de Tar-
tillerie, mais il péchait par la cavalerie; sa bri-
gade légère formée du 9^ de lanciers du réginioni
du duc crAnhalt était très-faible, ce dernier régi-
ment n'avait ï)as même ses armes.
Vandammc, sur un ordre pressant de TEuipe-
(•eur, fut rendu de sa personne à Dresde, le Ifin
— 481 -
heures du matin pour conférer avec Napoléon,
e lendemain, il dut faire les dispositions pour
orter son quartier général à Bautzen, de façon à
ouvoir au besoin et en quelques heures marcher
ar Zittau , au débouché des montagnes , sur
Iresde, ou sur Kœnigstein, où il y avait un pont,
u-dessous du camp de Pirna. Le i^^ corps se
•ouva remplacer ainsi, vers le 20 août, le 14® de
îaint-Cyr.
Dans une lettre datée du 17 août, adressée par
lapoléon à Berthier, on trouve le passage sui-
ant qui indique sa pensée :
a Vous leur ferez connaître que les mouve-
nents de l'ennemi ne sont pas encore clairs ; que
non intention est que le général Vandamme soit
)rêt à se porter au camp d'Eckartsberg , à une
lemi-lieue derrière Zittau et où se trouve le prince
^oniatowski, s'il arrivait que l'ennemi se pré-
sentât de Bohème pour entrer en Saxe par le dé-
)Ouché de Zittau qui est le seul vraiment pratica-
)le, qui se trouve sur la rive droite; et que, dans
le cas la 42® division remplacerait celle du général
i^andamme, pour surveiller Neustadt, et le débou-
ché de Rumburg. Mais, si, au contraire, l'ennemi,
ivec de grandes forces, formait son opération sur
a rive gauche pour marcher sur Dresde, le géné-
ral Vandamme devrait se porter, selon l'indication
iu maréchal Gouvion Saint-Cyr, ou sur le camp de
Kœnigstein, ou sur Dresde (ce qu'il peut faire en
lin jour), et la division de Bautzen qui serait la
n. 31
— 481 —
plus cloigiice, en un jour et demi. Le maréchal
Saint-Cyr réunirait ainsi dans le camp de Dresde
plus de 00,000 hommes. Dans ce cas, le maréchal
Saint-Cyr ne doit laisser dans la citadelle de K(b-
nigstcin et dans Lilienslein, pour garder le pont et
les batteries, en tout, que :2 ou 3 bataillons; que
le général Vandamme doit donc placer ses troupes
de manière à pouvoir se porter promptement sur
Zittau et sur Dresde. C'est ce qui me porte à lui
donner la direction d'une division à Bautzen, une à
Neusladt, et une à mi-chemin de Dresde à Baulxen,
et cela jusqu'à ce que les événemeats prennent un
caractère décidé et que les mouvements de l'oû-
nemi soient plus connus. i>
Le :Î0 août, l'Empereur Ut en personne une re-
connaissance en avant des montagnes de la Bo-
hème, vers Gabel , sur le versant sud. Il revint
ensuite le môme jour à Zittau. Voyant que les
Autrichiens, avec la lenteur qui caractérise toutes
leurs opérations militaires, no débouchaient pas,
il pensa qu'il avait le temps de se porter au
nord-est vers l'armée de Ney pour battre celle
de Blûcher. En conséquence, voici les instructions
qu'il expédia au major général et qui sont très-
nettes, très-formelles.
« Faites connaître au duc de Belluue que je
pars pour Lauban, et delà je marcherai surLowen-
l)erg pour attaquer l'ennemi. D*ici à cinq jours
l'ennemi ne peut rien entreprendre du côté de
Gabel, puisque le 18 il était k Schlan. Lç prince
— 488 —
Poniatowski, commandant le 8^, et le comte de
Valmy, commandant le 4^ de cavalerie, sont sous
ses ordres. Dites*lui que mon intention est quMI
engage tout son corps pour se maintenir à Gabel
et rester maitre du défilé et du col, malgré tous les
efforts de Tennemi. 25,000 hommes qu'il a sous
ses ordres sont capables de défendre le défilé plu-
sieurs jours contre 100,000 hommes. Prévenez-le
que le général Vandamme, qui a quatre divisions,
fait fortifier le col de Rumburg. Je lui donne
ordre de le défendre à toute extrémité. Ces trois
corps réunis forment plus de 50,000 hommes. Le
maréchal Saint-Cyr appuyera par sa gauche avec
deux divisions, si le mouvement de Tennemi se
prononçait en force de ce côté. Enfin, j'exige qu'il
n'y ait aucune hésitation. Il faut trois à quatre
jours pour fortifier les hauteurs, les défilés, faire
les abatis et même les redoutes (deux) et un pont
sur le ruisseau. Il faut qu'il organise le terrain
pour une vive résistance. Si on est obligé d'éva-
cuer les défilés, il faut défendre les hauteurs.
J'ai ordonné ainsi ce qu'il fallait; il est à croire
que l'ennemi n'osera pas entreprendre une lutte
qui lui deviendrait funeste. Si cependant le cas
arrivait, je reviendrai rapidement, j'attaquerai à
mon tour l'ennemi. »
Dans la nouvelle combinaison de l'Empereur,
le 1^ corps était donc destiné à fortifier et à dé-
fendre à outrance le col et les passages de Rnm**
burg, eo seconde ligne dn duc de Bellune chargé
— 484-
des premiers défilés. Vandamme concentra ses
troupes autour de Rumburg, de Gorgenthal et
dé Haimbach, sur la route de Gabel à Bautzen,
et fit commencer la construction de deux redoutes
sur deux mamelons dominant le col.
Au moment de quitter Zittau, Napoléon manda
encore au major général (20 août 1813) :
a Mon cousin, écrivez au général Vandamme
que je pars pour Lauban où j'arriverai ce soir;
que j'arriverai demain à Lœvenberg; qu'après
demain 22, j'attaquerai l'armée ennemie, et
qu'avec l'aide de Dieu je compte en avoir bon
compte. Immédiatement après je reviendrai ici
pour entrer en Bohème et marcher sur Prague.
D'après tous mes calculs, Tennemi ne peut être
en forces sur Gabel et Rœhrsdorf, que dans cinq
jours. Vous trouverez ci-joint les ordres que je
donne au duc de Bellune ; je donne les mêmes au
général Vandamme. Aussitôt qu'il saura que l'ar-
mée ennemie se dirige de ce côté-ci, il concentrera
ses trois divisions et défendra les défilés et les
montagnes jusqu'à toute extrémité. Avec la divi-
sion : de la garde il a plus de 35,000 hommes :
avec le duc de Bellune et le 8* corps, il y a plus
de 65,000 hommes. Dans des positions retran-
chées et préparées d'avance, il peut écraser l'en-
nemi et se défendre quatre ou cinq jours.
« Lorsque l'ennemi apprendra que j'ai été à
Gabel, il marchera sur :ce point. avec. toutes ses
forces ; le maréchal Saint-Cyr pourra, avec deux
- 485 -
OU trois divisions, venir au secours du général
Vandamme. L'intention de l'Empereur est qu'on
se batte jusqu'à extinction. Le général Vandamme
devra employer les quatre ou cinq jours qu'il a
devant lui pour bien organiser son champ de ba-
taille, bien fortifier le col et que, dans les endroits
où le défilé s'élargit, il établisse des abatis, re-
doutes, etc., détermine les emplacements de l'ar-
tillerie en bataille en s'attachant à se lier avec le
duc de Bellune. Il verra la position de Gabel et
tout le terrain qu'il doit défendre, et se mettra en
mesure de donner à l'Empereur le temps d'arriver,
après son expédition de Silésie. 11 devra établir
son quartier général au delà du col, dans quel-
ques-unes des maisons qui en sont voisines pour
être de plus près en communication avec le prince
Ponialowski et le duc de Bellune.
« Le maréchal Saint-Gyr prendra part à l'offen-
sive, en se portant sur sa droite.
<c Écrivez au maréchal Saint-Gyr, en lui en-
voyant copie des instructions que j'adresse au
général Vandamme et au duc de Bellune. Pré-
venez-le que je pars pour Lœvenberg, pour en-
gager l'ennemi à une bataille, et s'il n'accepte
pas, le poursuivre à toute extrémité. Il verra le
rôle qu'il doit remplir. Je compte sur son zèle et
ses talents militaires pour agir avec décision et
vigueur. »
Vandamme était trop homme de guerre pour ne
pas comprendre l'importance de la mission con-
- 486 —
fiée au 1" corps, pendant la présence de Napo-
léon au nord. Il s'empressa^ dès son arrivée à
Rumburg, de faire pousser une reconnaissance
par la cavalerie Desnouetles mise à sa disposition
sur la grande roule de Prague jusqu'à Neuchloss.
Ayant acquis la certitude par le rapport du
général Desnouettes que le prince de Schwartzen-
berg menaçait le maréchal Sainl-Gyr, et ce der-
nier lui ayant fait connaître qu'il s'attendait à
être attaqué le 23 août, il se mit à la disposition
du maréchal et écrivit au major général qu'il
était en mesure de faire face à toutes les éventua-
lités. Si quelques jours plus tard, le marédial
Saint - Cyr, mieux inspiré, eût agi à l'égard du
l*^*^ corps comme le commandant de ce corps agis-
sait alors à l'égard du 14*, on eût évité la triste
catastrophe de Kulm et le sort de la campagne
eût été bien différent. Mais n'anticipons pas.
On travaillait sans relâche aux redoutes, bat-
teries et abatis qui devaient défendre le col, et si
l'ennemi s'était présenté du côté de Gabel, il eut
été reçu vigoureusement.
Le maréchal Saint-Gyr ne s'était pas trompé ;
les Autrichiens commencèrent dès le 22 au matin
leur mouvement offensif contre le 14* corps. Us
avaient abandonne le camp de Neuchloss, ils se
portèrent sur Pirna par GuieshubeL
L'ennemi ayant déployé des forces considàra-
blés, la 43® division qui défendait Guie^ubel fut
obligée de l'abandonner. Le 14^ corps battit en re-
-487-
aile en bon ordre sur Dresde et snr le camp de
iliensteîn. Le 23 août, Saint-Gyr replia ses
oupes jusque dans la place et en fit occuper les
lubourgs et les routes par la 43® division (Cla-
arède). La 44® division fut placée en avant et à
auche se prolongeant sur les bords du fleuve.
a division de cavalerie Lhéritier couvrit la route
B Pirna, la division Pajol celle de Freyberg. Le
4 et le 25 Tennemi continua à pousser les avant-
Dstes et les grand'gardes ; le 26, toute rarmée
iitrichienne étant sous les murs de Dresde, le
laréchal prit ses dispositions pour résister à une
ttaque imminente.
Gouvion Saint- Cyr avait prévenu le 21, à
l heures du soir. Napoléon, qu'il allait être alta-
aé. L'Empereur venait de battre devant Bunzlau
armée de Siiésie. Il se hâta d'écrire directement
Vandamme de serrer son corps sur Dresde en
B portant sur Stolpen, après avoir laissé une
rrière-garde pour masquer son mouvement rétro-
rade, jusqu'à ce que le prince Poniatowski l'eût
^mplacé dans sa position.
Le 23 août, Napoléon vint à Lœwenberg. Il fit
ire au maréchal Ney de remettre le commande-
lent de son corps au général Souham et de le
)indre le 24 à GôrlilZ; ayant l'intention d'entrer
n Bohême et voulant le charger de diriger cette
pération. Le jour suivant, 24, il arriva à Baut-
en et écrivit de là à 3 heures de l'après-midi à
r. de Bassano.
€ Monsieur le àac, j ai reçu votre lettre à
11 heures; j'arrive maintenant à S heures aprfe
midi avec la garde. Le général Vandamme esl à
Stolpen et Neustadt. Toute Tannée sera demain à
Stolpen. J'y aurai demain mon quartier général
et plus tôt, si j'apprends des nouvelles de Dresde,
de la journée d'aujourd'hui^ cjui nécessitent ma
présence. Les gardes d'honneur ayant avec eux
un bataillon d'infanterie et une batterie auraient
pu prendre position à Meissen, pour assurer ce
point important contre les cosaques. Toutefois,
si cela n'est pas, on leur ordonnera de se porter
sur Torgau ; et donner le même ordre au général
Margallon; il a de l'infanterie, de la cavalerie
et rie rartillerie. Je ne suppose pas que Fin-
fanterie ennemie soit de sitôt à Leipzig. Il est
probable qu'après demain, 26, j'attaquerai l'en-
nemi; que si le général Margallon est compro-
mis, il doit se retirer à Torgau et commmiiquer
avec moi par la rive droite. Je crois vous avoir
mandé tout cela Jtiier; de sorte que la fausse
direction donnée aux gardes d'honneur aura été
contremandée.
a Vos courriers sont fort mal appris. Ils par-
tent sans ordre. Donnez -leur des instructions
pour qu'ils ne reparlent plus, ni ne remettent
des lettres à personne sans l'ordre du grand
écuyer. Rendez - moi compte des mesures que
j'ai ordonnées de s'emparer des maisons et de
barricader les rues qui donnent sur les brèches.
— 489 —
Si elles sont exécutées, Dresde peut tenir plu-
sieurs jours. Demain , à 2 heures après midi,
40XXX) hommes pourront entrer dans Dresde;
mais si toutes les mesures sont prises, que lés
redoutes soient armées et que les troupes soient
bien disposées, il n'y a rien à craindre, et alors
je préférerai faire déboucher les 40,000 hommes
par Kœnigstein; et je déboucherai sur la rive
ennemie par Kœnigstein. »
Les intentions de l'Empereur paraissent au
grand jour, dans cette lettre. Il est prêt : soit
à concentrer ses forces à Dresde, si Dresde et
Saint -Cyr sont menacés sérieusement; soit à
passer TElbe à Kœnigstein pour se porter en
Bohême sur le flanc de l'armée autrichienne,
si Dresde n'est pas menacé. Afin de tout pré-
voir. Napoléon écrivit au prince Poniatowski
d'avoir à remplacer Vandamme à Gabel et à
Gorgenthal, et lui ordonne de défendre ces deux
défilés avec la dernière vigueur.
a Les Autrichiens n'ont pas là des forces supé-
rieures aux vôtres, dit-il au prince. Comportez-
vous selon les circonstances. Il est nécessaire
que l'ennemi ignore le plus longtemps possible
le mouvement que font nos troupes, parce que
lorsque ses propres mouvements deviendront plus
clairs, si leur armée se trouvait loin, l'Empereur
pourrait opérer sur Prague et rebrousser chemin
sur vous. Si, au contraire, l'armée autrichienne
prête à des combinaisons, l'Empereur tombera
— 180 —
dessus, et s*il a Tavanlage, il entrera en Bohème,
en vous faisant soutenir par un corps d'armée sur
les deux rives. 11 est donc important de garderies
deux cols. Le quartier général de l'Empereur sera
aujourd'hui à Bautzen. Ayez soin de m'écrire tous
les jours. Le duc de Tarante est resté comman-
dant de l'armée qui est sur le Bober, laquelle est
forte de 120,000 hommes. Écrivez-lui tout ce que
vous apprendrez de nouveau. Les officiers que
vous chargerez de vos dépêches passeront par
Lauban. J'ai reçu une lettre du duc de Reggio, il
comptait entrer aujourd'hui à Berlin. »
Vandamme mit en mouvement, le 24 août, le
i®' corps et deux divisions de la jeune garde
placées sous son commandement. La division
Teste occupa Stolpen ; le même jour, la division
Dumonceau vint à Neustadt avec la réserve d'ar-
tillerie ; la division Philippon gagna Schlukenau.
La cavalerie légère, un bataillon et une demi-bal-
teric restèrent en extrême arrière-garde pour
attendre les troupes du 8® corps (Poniatowski) .
Le 25 , le mouvement sur Dresde continua,
Vandamme écrivit à Berthier de Hainsbach, i
4 heures du soir :
« Monseigneur, j'ai l'honneur de rendre compte
à Votre Altesse que je reçois à Tinstant lavis que
me fait donner M. le maréchal Sainl-Cyr, que
Tenuemi s'approche de Dresde avec cent nulle
hommes et de Tartillerie de siège. D'après cet
avis, j*ai donné des ordres pour que le i^ corps
— 491 —
a les 2* et 3* divisions de la garde se rappro-
^ent ce soir autant que possible de Dresde. La
lettre qui m'annonce la marche de Tennemi est
iatée du 23, à 6 heures 1/2 du soir et ne me par-
dent qu'à Tinstant.
« La 23® division avec huit bataillons sera ce
loir entre Stolpen et Dresde. Elle envoie six ba-
taillons au camp de Lilienstein sous Kœnigstein,
raprès les ordres de M. le maréchal Saint-Gyr.
La 2^ division avec treize bataillons (en ayant un
k Bautzen) sera également ce soir en avant de
Stolpen. La 1" division s'avancera sur Neustadt,
pour être demain matin près de Dresde. Enfin, les
deux divisions de la garde , la 2® d'infanterie et
la 3* de cavalerie prendront position ce soir entre
Stolpen et Dresde, pour arriver demain matin aux
portes de cette ville.
« P. jS. — Je reçois à l'instant l'avis de Son
Elxcellence le duc de Bassano que l'ennemi est
iuprès de Dresde et que ses feux couronnent les
hauteurs. Cet avis est également daté du 23 au
soir et me parvient par un courrier autrichien
venant de Bohmisch-Leypa. Je ne puis concevoir
De qui a pu occasionner le retard et la marche de
luette dépêche. >
L'Empereur, dans la journée du 25, et en raison
ies nouvelles qu'il reçut de l'ennemi et de Dresde,
Biodifia ses projets. Il résolut de faire déboucher
Vandamme par Kœnigstein sur Pirna, de le jeter
Holleadorf avec tout son corps d*armée aug-
— 492 —
menlé de la 42® division (Berlhezène), de façon à
le placer sur les communications de Tennemi, qui
se trouverait ainsi coupé de ses lignes de retraite.
Les instructions de l'Empereur sont contenues
dans la dépêche suivante écrite de Stolpen le 25,
à 3 heures 1/2 de l'après-midi, et portée à Van-
damme par Tofficier d'ordonnance Athalin, lequel
quitta Napoléon à 6 heures du soir :
• Une division de votre corps d'armée est à
Neustadt , une à Stolpen et six bataillons sont
déjà rendus au camp de Lilienstein. Vous avez
donc trente-quatre bataillons dans la main. La
42® division doit avoir au moins douze bataillons
si elle n'a pas ses quatorze bataillons. Elle sera
sous vos ordres. Vous aurez donc quarante-six
bataillons réunis sous le fort de Kœnigstein.
• Vous expédierez tous vos ordres pour de-
main. A la petite pointe du jour, tout se mettra en
marche. Si vous pouvez faire arriver vos sapeurs
avant la nuit, faites-les venir. Donnez ordre à la
dernière compagnie, qui est détachée pour le se^
vice du camp, de couper des fascines pour rendre
plus faciles les chemins que la pluie aurait gâtés.
« Cette nuit, vous ordonnerez à la 42* division
et aux six bataillons de la division Teste, ce qui
fera dix-huit bataillons, avec la batterie d'artille-
rie de la 42^ division et la batterie de la brigade
Teste, si cette brigade a amené avec elle sa bat-
terie, de monter sur le plateau et de se ranger en
bataille dans le plus grand silence derrière Kœ«
— 493 —
ûgstein, de manière à pouvoir, au point du jour,
f y trouver en bataille avec leurs canons.
« Si la brigade de la division Teste n'a pas sa
)àtterie, les douze bataillons de la 42® division
l'auront plus qu'une batterie, ce qui ne sera pas
suffisant. Vous aurez soin alors d'ordonner à vos
leux batteries d'artillerie légère, ou à la batterie
jue vous aurez le plus près , de se porter dans la
luit sur le plateau, de manière à y être à la pointe
iu jour. J'estime qu'il faut au général Berthezène
ringt-quatre pièces de canon environ.
• Vous y ferez venir votre cavalerie légère , de
manière qu'elle soit à la pointe du jour au camp
le Kœnigstein et vous aurez ainsi dans la main
une avant-garde de 10 à 12,000 hommes placés
sur. le plateau.
a. 11. serait nécessaire que ce soir vous fissiez
chasser toutes les vedettes ennemies pour qu'elles
ne puissent pas voir les camps ni ce qui se fait.
a Demain , au jour, aussitôt que le brouillard
sera . dissipé , cette avant-garde s'emparera de
tout, le plateau .de Pirna.
« Votre division de Neustadt, qui est la plus
près, arrivera la: première et se formera sur le
plateau de Kœnigstein. Votre seconde division
arrivera, immédiatement après et vous ferez les
dispositions suivantes :
« Vous dirigerez le général Berthezène avec
la 42* division et - la brigade Teste et vingt-
quatre pièces de canon sur Pirna, dont il s'em-
— 494 —
parera en restant sur les hauteurs. Vous, avec
vos deux divisions, aussitôt que vous serez as-
suré que Tennemi n*est pas en mesure de dis-
puter le camp ni la ville de Pirna aux dix-huit
bataillons du général Berthezène, vous vous por-
terez, en prenant une position militaire, sur
Langenh ersdorf.
« Il sera convenable de flaire monter le plus
tôt possible une batterie de 12, afin de renvoyer
au général Berthezène, s*il en a besoin pour
contrebattre les pièces que Tennemi pourrait éta-
blir sur le Kohlberg.
« L*équipago de pont sera arrivé à midi vis-
à-vis Pirna avec les huit autres bataillons de la
division Teste auxquels j'adresse des ordres di-
rectement. En une heure ou deux , nous jette-
rons le pont et je ferai occuper les hauteurs
de Pirna par la division de la jeune garde.
Aussitôt le général Teste, avec les huit ba-
taillons qu'il aura amenés avec lui et les six
bataillons qu'il trouvera avec le général Ber-
thezène réunira sa division, viendra vous joindre
par un mouvement à gauche, de sorte que vous
aurez dans la main vos divisions avant 4 ou 5
heures de Taprèsmidi.
« Le camp de Pirna sera donc dès lors occupé,
la droite à Pirna par 40^000 hommes d'inffinterie
de la garde et 8 à 10,000 hommes de cavalerie ;
la gauche par votre corps d^année. Si alors les
renseignements que Ton aura reçus 4(mnc«t i
— 495 —
penser que vous puissiez vous porter de Bahra
et Hellendorf pour vous emparer des défilés et
tomber sur les derrières de Tennemi , vous le
ferez et je vous ferai soutenir par la Jeune
garde.
« Je donne ordre au général Gorbineau de par-
tir à 5 heures du malin avec sa division de cava-
lerie légère pour venir vous joindre. Il a 4,000
hommes et une batterie d'artillerie. Il sera utile
pour occuper tout le plateau.
« Vous aurez soin de vous informer auprès
des ingénieurs saxons de tous les principaux dé-
bouchés du camp do Pirna qu'il faut garder par
des postes : ces postes seront successivement re-
levés par la jeune garde lorsqu'elle débouchera à
Pirna.
« Il sera nécessaire que vos sapeurs avec leurs
pioches soient à la tête des colonnes pour élargir
le chemin et abattre les bois dans les défilés, de-
puis Babra jusqu'à Hellendorf.
• Demain au soir le reste de l'armée arrive et
débouche, un corps par Kœnigstein, et l'autre
par Pirna.
• Veillez à ce que les bagages, les fourgons
d'équipages militaires et toutes les voilures quel-
conques restent sous la protection des redoutes
de Hohenstoin. Laissez-y la brigade du général
prince de Heuss, qui arrivera de bonne heure
demain à Hohenstein.
$ La 42* division a, je crois, six bataillons entre
-496 —
Dresde et Kœnigstein ; j*ai ordonné au général
Lefebvre-Desnouettes de les faire relever par la
jeune garde ; je suppose que c'est fait et que
ce soir toute la division Berthezène sera réunie
au camp.
« Je vous envoie mon officier d'ordonnance
Âthalin qui connaît ces routes. Je vous envoie
avec lui un ingénieur géographe qui a ser>î la
Saxe et connaît également le pays. Prenez aussi
dans la citadelle des ingénieurs saxons qui con-
naissent parfaitement le pays et prenez des Prus-
siens pour vous conduire. »
Dans la nuit du 25 au 26, Napoléon écrivit
de nouveau à Vandamme :
« Je vous ai fait connaître hier mes instruc-
tions.] Toute l'armée ennemie hier, à la nuit,
s'est présentée sur Dresde, et le maréchal Sainl-
Gyr craignait d'être attaqué aujourd'hui ; je m'y
porte, mais cela est une probabilité de plus pour
penser que les forces qui sont contre vous sont
bien peu considérables. Débouchez donc le plus
tôt possible et emparez-vous du plateau. Maître
de l'extrémité de ce plateau, vous le serez de la
ville de Pirna et alors vous y ferez jeter le pont.
Enfin, si les circonstances sont favorables, dé-
bouchez pour vous porter sur Hellendorf. Celte
opération portera la terreur chez Tennemi et peut
être d'un grand résultat.
< Laissez deux bataillons d'infanterie et une
brigade de cavalerie pour gai:der le^ redoutes
-« 497 —
Holicnslein et tle Liliensteiiu La cavalerie
tra les débouchés de Neusladt pour mettre le
s à Tabri des incursions.
Il est convenable pour faire une diversion sur
îsde, que vous débouchiez le plus tôt possible
'ai Tespoir que, pendant la journée, vous vous
avérez sur les derrières de l'ennemi et que
is aurez écrasé la division qu'on a placée là
ir vous observer. »
Vinsi donc, Vandamme, depuis la reprise des
utilités, s'était porté avec le 1" corps sur
3sde, puis sur les débouchés des défilés. Il
lait ensuite rapproché de la capitale de la Saxe
au moment d'y entrer, il avait été envoyé sur
na pour marcher sur Hellendorf et se placer i
val sur les lignes de retraite de l'armée de
wartzemberg, de façon à couper cette armée
)leine opération sur Dresde. L'Empereur ne
ait pas encore, je 26 août, à une attaque sé-
e sur la ville, car, ce jour-là, il écrivit à Ber-
•
iC général Vandamme sera prévenu que Ten-
s'étant rapproché le soir de Dresde et ayant
e menacer d'une attaque pour aujourd'hui,
w peu probable que cela soit, TEmpe-
jugé convenable de s'y porter. Sa Majesté
3 que conformément à ses intentions d'hier,
rai Vandamme prenne le commandement
'^ et de la 2*" division, de la brigade de la
ion qui est au camp de Kœnisglein (l'au
32
— 498 —
Ire brigade, sous les ordres du général Teste, reçoit
directement de moi Tordre de se rendre à Dresde);
de toute la 42® division ( Berthezène ) ; de la bri-
gade du prince de Reuss, composée de 6 bataillons
du 2*^ corps. Le général Vandamme aura donc
sous ses ordres 52 bataillons d'infanterie, plus la
cavalerie légère, et la division Gorbineau qui e>l
forte de 4,000 chevaux.
• Avec ces troupes, le général Vandamme doil
s'emparer de tout le plateau du camp de Pirna, oc-
cuper Pirna, et couper la route de l'ennemi, au-
jourd'hui, ou au plus tard demain, sur Hellendorf
et Gieçhûbel, dans le temps que l'armée qui dé-
boucherait par Dresde pousserait vivement l'eii-
nemi.
« L'équipage de pont sera aux ordres du géné-
ral Vandamme. Il sera à une heure après midi au
village de Mulhdorf ou à Lohmen, et aussitôt que
le général Vandamme sera maître de Pirna, il
pourra faire jeter le pont.
« Prévenez le général Vandamme que le général
Lefebvre-Desnouelles, avec la colonne de cavale-
rie légère de la garde, garnira tous les postes de-
puis Pirna jusqu'à Dresde. »
Le 26 août, Vandamme commença son mouve-
ment. Pendant qu'il l'effectuait avec sa vigueur
habituelle, le maréchal Saint-Gyr, attaqué molle-
ment dans Dresde, par un temps affreux, résistait
et se préparait à la journée du lendemain, sûr
alors que l'Empereur en personne, avec sa garde.
— 499 -
viendrait au moment décisif le secourir et diriger
les opérations.
Le rôle de Vandamme avait changé. Il n'avait
plus à aider TEmpereur à battre Pennemi à
Dresde, mais à se placer sur les lignes de retraite,
à le couper, et à changer sa retraite en désas-
tre. Ainsi donc, tandis que Napoléon battait com-
plètement devant la capitale de la Saxe, le 27 août,
l'armée de Schwartzemberg, Vandamme s*empa-
rait de vive force du camp de Pirna, malgré la ré-
sistance du général russe Ostermann et du prince
de Wurtemberg et occupait cette position.
Le 28 août, il écrivit à Bérlhier à 10 heures du
matin, de Pirna :
« Monseigneur, il ne s'est rien passé d'extraor-
dinaire, cette nuit, à portée de nos positions.
* Le général Corbineau ne s'était pas encore
rendu maître de Gieshûbel hier au soir. Il marche
avec une partie de sa division pour opérer avec le
général Philippon, à qui j'avais prescrit de s'ap-
procher le plus possible de ce poste important et
de remporter s'il n'était pas trop occupé. Le gé-
néral Philippoi> ne m'a fait aucun rapport hier
dans la journée ni la nuit dernière. Ce matin j'ai
envoyé un officier supérieur pour reconnaître ce
que Ton a fait, et ce que l'on pourrait faire sur ce
point essentiel. J'ai prescrit au général Philippon
do faire tous ses efforts pour intercepter la route
de Bohême qui arrive sur Peteiswalde.
« Gp matin je mets toutes mes troupes en mouvo-
— SMH) —
ment pour prendre les positions qu'il convient
d'occuper sur les bords du plateau de Pirna. J'a[)-
puie ma droite à cette ville, couvrant le ponl sur
l'Elbe et ma gauche à Kritschwitz. Par ce moyen
je serai prêt à me porter partout et a seconder les
mouvements des généraux Philippon et Corbi-
neau. Je vais moi-même me rendre près de ces
généraux pour connaître leur situation et donner
les ordres que je croirai uliles au service de TEm-
pereur.
« J'ai fait passer sur la rive gauche la 2* brigade
de la 42® division afin de la réunir sous les ordres
du général Duvernel.
« J'avais interrompu ce rapport, Monseigneur,
pour aller faire une reconnaissance de ma posilion.
Je rentre actuellement et je vois que l'ennemi fait
filer beaucoup de troupes du côté de la Bohême,
et paraissant venir de devant Dresde. J'ai vu pas-
ser, il y a une heure, 5 à 6,000 hommes et un
convoi considérable que je crois être en partie de
l'artillerie.
• Il parait certain que lennemi occupe en forces
HcUendorf et Gieshûbel. Des masses assez con-
sidérables s'y réunissent depuis que l'ennemi a
connaissance des positions du l^"" corps. J'estime
à 25,000 hommes ce que j'ai devant moi à une
distance rapi^ochée et je vois ces forces s'accroî-
tre à chaque heure par celles qui se retirent devant
l'Empereur. Votre Altesse sait que je n'ai point
de pièces de 12 ; que mon parc de réserve est à
- 501 —
Dresde avec le général Ballus qui commande l'ar-
tillerie et même une compagnie à cheval. Je n'ai
point, par conséquent, les forces qui m'ont été dé-
signées. Il serait bien nécessaire que le général
commandant mon artillerie revînt ici avec une
portion de ma batterie de 12.
« Le général Piréc m'annonce à l'instant que le
général Gorbineau lui a donné l'ordre de se rendre
avec sa brigade vers Dresde, dans la batterie
n^ 4. Quoique ce mouvement dont je n'ai point été
instruit m'affaiblisse, lorsque j'aurais besoin d'être
renforcé, je le fais exécuter. »
L'Empereur ayant remporté la victoire déci-
sive de Dresde le 27 août, donna dès le lende-
main matin 28 les ordres nécessaires pour la
poursuite de l'ennemi. Vandamme, en position, et
occupant les premiers défilés de la Bohême par les-
quels les vaincus se retiraient, devait, selon toute
probabihté, compléter le désastre des aUiés.
Afin de rendre ce désastre plus terrible, Napo-
léon fit écrire le 28, à 4 heures du matin, au gé-
néral Baltus commandant l'artillerie de Vandamme,
de mettre en marche à l'instant les réserves de
douze du 1*'' corps gardées à Dresde, et de les di-
riger sur la position occupée par le général.
A 6 heures du matin, il écrivit à Berthier les
deux lettres suivantes, contenant des instructions
pour Saint-Cyr et pour Mortier:
« Mon cousin, donnez ordre au maréchal Saint-
Cvr, de marcher sur Dohna. Il se mettra sur la
— 502 —
hauteur, et suivra, sur les hauteurs, la retraite de
lennemi, en passant entre Dohna et la plaine.
« Le duc de Trévise suivra sur la grande roule.
« Aussitôt que la jonclion sera faite avec le gé-
néral Vandamme^ le maréchal Saint-Cyr conli-
nuera sa raute pour se porter, avec son corps et
celui du général Vandamme, sur Giesluibel.
« Le duc de Trévise prendra position sur Pirna.
Du reste, je m'y rendrai moi-même aussitôt que
je saurai que le mouvement est commencé. Il esl
nécessaire qu'en marchant sur Dohna, toutes ces
colonnes soient en plaine, alin d'être toujours en
vue du duc de Trévise.
«• Écrivez au général Vandamrae pour l'in-
struire du mouvement et de la retraite de l'ennemi.
- 30,000 hommes , 40 pièces de canon et plu-
sieurs généraux ont été pris ; instruisez-le de la
marche du maréchal Saint-Cyr et do duc de Tré-
vise sur Dohna et Pirna. Aussitôt que la i-éunion
«era faite, il formera tout son corps sur les hau-
teurs de Gieshûbel et de Hellendorf.
• Je vais me rendre sur le chemin de Pirna.
• Écrit devant Dresde, ce 28 août 1813. •
« Mon cousin, donnez ordre au roj de Naples
de se porter sur Frauenstein, et de tomber
sur les flancs et les derrières de l'ennemi, et de
réunir, à cet effet, sa cavalerie, son infanterie et
son artillerie. — Donnez ordre au duc de Raguse
de suivre vivement l'ennemi sur Dippodis\vaklt\
et dans toutes le? directions qu'il aurait prises. —
-^ 503 —
Donnez ordre au maréchal Saint-Gyr de suivre
Tennemi sur Maxen et sur toutes les directions
<iu*il aurait prises. Instruisez ces trois généraux
de la position respective des deux autres, afin qu'ils
sachent qu'ils se soutiennent réciproquement. »
Selon son habitude Berthier, envoya les ordres
de TEmpereur. Ses lettres aux maréchaux, étant
la paraphrase de celles de Napoléon, nous croyons
inutile de les reproduire.
Les dépêches partirent à 8 heures du matin, en
même temps que la suivante écrite par le major
général à Vandamme. Elles sont de la plus haute
importance pour expliquer la suite des événe-
ments.
« Monsieur le général Vandamme, je vous pré-
viens que je donne Tordre à M. le maréchal Saint-
Gyr de marcher sur Dohna. Il se /22e//rastfr /es Aaw-
feurs et suivra sur les hauteurs la retraite de l'en-
nemi en passant par Dohna et la plaine ; le duc de
Trévise suivra la grande route. Aussitôt que la
jonction sera faite avec vous, vous formerez tout
votre corps sur les hauteurs de Gieshûbel et de
Hellendorf et continuerez votre route avec le
14® corps pour vous porter sur Berg-Gieshùbel.
Le duc de Trévise prendra position sur Pirna.
Au reste, Sa Majesté s'y rendra elle-même,
aussitôt qu'elle saura le mouvement com-
mencé. »
Ainsi, voilà qui est positif :
Vandamme avec le 1®^ corps, en position à
— 5M —
Pima, doit atteinlre que Sainl-Cyr. inarehant par
Dohna, ait opéré sa jonction avec lui, et que Mor-
tier Tait remplacé à Pima. Il se mettra alors aux
trousses de rennemi et F Empereur dirigera lui-
même le mouvement général.
Mais à 4 heures du soir, ce même jour ^8 aoùL
les choses sont modifiées. Berthier écril au géné-
ral la lettre suivante :
« A une lieue de Pynia« le iS auùC à 4 h. apn» aidi.
« Monsieur le général Vandamme, TEmpereur
ordomie que vous vous dirigiez sur Peterswalde
avec tout votre corps d'armée, la division Cori)i-
neau, la 42^ division, et enfin avec la brigade dn
^ corps que commande le général prince de
Reuss, ce qui vous fera i8 bataillons d*augnienta-
tion.
• Piriia sera gardé par les troupes du ducd^
Trévise qui arrivent ce soir à Pima. Ce maréchal
a aussi Tordre de relever vos postes du camp de
Lilienstein.
• Le général Baltus, avec votre batterie de
12 et votre parc, arrive ce soir à Pirna, envoyez-
le chercher ; f Empereur désire que vous révt-
Dissiez toutes les forces qu'il met à votre rf/s-
position et qu'avec elles vous pénétriez en Bo-
hème, et culbutiez le prince de Wurtemberg
s'il voulait s'y opposer.
• L'ennemi que nous avons battu parait se reti-
rer sur Altcmberg, Sa Majesté pense que vou>
pourriez arriver avant lui sur la communication
de Teschen, Aussig et Tœplitz et par là prendre
ses équipages, ses ambulances, ses bagages et
enfin tout ce qui marche derrière une armée.
L'Empereur ordonne qu'on lève le pont de bateaux
devant Pirna, alin de pouvoir en jeter un à
Teschen. »
Ce nouvel ordre parvient à Vandamme vers les
5 heures. Il n*est plus question pour le général
d'attendre Saint -Cyr et Mortier, il doit réunir
tout le 1^^ corps et marcher sur Peterswalde, vers
le sud.
Vandamme, en présence d'un ordre aussi for-
mel, aussi positif, n'a qu'à obéir, et nullement à
s'inquiéter de savoir s'il est couvert sur ses
tlancs. C'est l'affaire de l'Empereur qui dirige
lui-même tout le mouvement. Le soir, à 8 heures
et demie, il est déjà à moitié chemin de Pirna à Pe-
terswalde, à Hellendorf, et de là écrit à Berthier :
• Monseigneur, nous sommes arrivés à Hellen-
dorf. L'ennemi a fait de vains efforts contre nos
jeunes braves, il a été partout culbuté et mis en
pleine déroute. Nous avons pris un canon avec
son caisson. Les canonniers ont été tués sur leurs
pièces. J'ai environ quatre à cinq mille hommes
devant moi. Je les attaque demain à la pointe du
jour et je marche sur Tœplitz avec tout le 1^' corps,
si je ne reçois pas d'ordre contraire. Toutes mes
troupes se sont parfaitement conduites et ont ri-
valisé de zèle et d'ardeur. Nous avons un assez
I)on nombre de prisonniers parmi lesquels se Irou-
vent quelques officiers. L'ennemi a eu beaucoup
(le blessés et a laissé une assez grande quantité
de morts sur le champ de bataille. »
Le duc de Raguse fit connaître le soir à Ber-
thier qu'étant arrivé sur les hauteurs de Wen-
dischcarsdorf il avait découvert des masses se
retirant par Dippoldiswalde sur Tœplitz, qui sem-
blait le point de concentration générale.
Les choses en étaient là, tout paraissait en
bonne voie pour rendre désastreuse la retraite de
la grande armée alliée, lorsque deux circonstances
imprévues vinrent tout changer.
Après la bataille de Dresde, le gros des Russes
sous Barclay de Tolly s'était retiré à la suite d'Os-
termann par la route de Péterswalde avec mission
de la rouvrir de vive force, si elle était occupée
par Vandamme. Les Prussiens et une partie des
Autrichiens avaient pris la route d'Altemberg,
Zinnwald et Tœplitz, à Touest de celle de Péters-
walde. Le reste de l'armée autrichienne avait or-
dre de gagner le grand chemin de Leipzig à Pra-
gue, par la chaussée de Freyberg, encore plus à
louest, pour se rabattre ensuite sur Commotan,
au débouché des montagnes.
La retraite des alliés commença en effet à s'ef-
fectuer, comme nous venons de le dire, mais le 28,
Barclay de Tolly, craignant de rencontrer des ob-
stacles trop considérables sur la route de Péters-
walde, changea tout à coup de direction et se porta
I l'ouest sur Allemberg. Il lit dire à Ostermann
le se replier sur lui, et de laisser te prince Eugène
îontinuer seul à marcher par la route de Péters-
.valde. Ces dispositions furent la cause d'une vive
liscussion entre le général russe et le prince
.\'urtembergeois. Ce dernier, aux prises avec Van-
lamme, ne voulait pas se trouver seul en face de
5on redoutable adversaire, disant avec raison que
e commandant du 1®' corps français, s'il parve-
lait à gagner Tœplitz, serait maître des débouchés
5ur la Bohême. Ostermann, de son côté, résistait.
Ilependant il finit par se décider à suivre la même
•outc que le prince et à joindre ses efforts aux
siens, pour devancer 'Vandamme au débouché de
Fœplitz.
Le 28 août, Ostermann et le prince de Wurtem-
berg continuèrent leur retraite. Ils ne furent pour-
suivis que le soir par le l^*" corps, attendu que
'Empereur avait d'abord prescrit à Vandamme
l'attendre à Pirna le double mouvement de Saint-
Cyr et de Mortier, et que ce fut le soir à 5 heures
seulement qu'on écrivit au général de marcher
sur Péterswalde. Ils purent donc s'échapper par la
rampe de Gieshûbel et gagner la route de Péters-
walde.
On ne saurait en conséquence attribuer à Van-
iamme le passage des deux généraux ennemis.
[Is ne gagnèrent la route de Péterswalde que par
suite de Tordre envoyé le 28 au malin à Van-
iamme d'attendre l'arrivée des corps de Saint-
— 808 —
C\T venant île l'ouesl et de Mortier venant dn
nord. Queroii iroublie pas encore une fois que Van
damnîereçulle28, à cinq heures du soir. Tordre.
qu'il exécuta de suite, de se porter avec le l*' corps
sur Péterswalde; qu'on n'oublie pas que cet ordre
fut exécuté si rapidement qu'à 8 heures et demie
le jçénéral écrivait de Hellendorf au major-géné-
ral pour l'informer de son succès. Mais dans la
journée Oslermann et le prince de Wurtem-
berg avaient pu gagner Péterswalde. Ils avaient
donc devancé le 1*' corps sur la route de Kulmet
de Tœplitz (1).
Le 28 août, tandis que le prince de Wurtem-
berg et Oslermann se portaient sur Hellendorf el
Péterswalde, tandis que Barclay de Tolly et la
masse des coalisés se jetaient à Touest sur Altem-
berg, l'Empereur, des hauteurs de Dresde, voyant
le mouvement général transversal et craignant que
Marmont ne fût pas assez fort, ordonna lui-même
de vive voix à Saint-Cvr de se rabattre à l'ouest de
(1) M. Thiers dit que les deux généraux ennemis eurent ce
bonheur parce que Vandamme avait eu de la peine a traîner
bon artillerie, ù cause du mauvais temps» et que le 2H, tn
matin, il avait été surpris par Tapparition des Russes, etc.
(l>ago 3^, volume 16). C'est là une erreur.
Vandamme avait obéi le 28 aux ordres de TEmpereur, comme
il obéit le 29, comme il obéit le 30. Si on ne lui avait pas pres-
crit d'attendre sa jonction avec le 14* corps, si le maréchal
S4iint-Cyr eût été lancé un peu plus tôt a la poursuite des
Allies, ni Ostcrmaan ni le prince de Wurtemberg, selon toute
apparence, n'eussent pu gagner llellendorr, car la i^oule fùl
fté banéc pa»' le 1" corps.
l!
— 509 —
Dohna sur Maxen pour soutenir le duc de Raguse,
modifiant ainsi ses premières instructions, en
vertu desquelles Saint-Gyr devait rallier Van-
damme. Napoléon se porta ensuite vers Pirna.
Arrivé sur ce point, vers les 4 heures et demie du
soir (ainsi que cela résulte de la dépêche du ma-
jor général à Vandamme), il prit un léger repas,
ressentit quelques douleurs d'entrailles et reçut
fies dépêches lui annonçant les revers du duc de
Reggio du côté de Berlin. Ces différents motifs le
décidèrent à rentrer à Dresde. D'ailleurs, il venait
d'apprendre que la colonne prince de Wurtemberg
et Ostérmann était parvenue à gagner la route
de Péterswalde, et dès lors Vandamme n'avait
plus à la couper , mais à la suivre vigoureuse-
ment.
L'abandon de la direction générale du mouve-
ment de poursuite par l'Empereur à ses lieute-
nants fut un grand malheur. Les événements se
pressaient, Napoléon ne pouvait donner des ins-
tructions qu'après avoir reçu les dépêches de ses
lieutenants, et lorsqu'il avait expédié un ordre, il
était la plupart du temps trop taiti, tandis que s'il
eût été sur le terrain, il eut donné ses instructions
en temps opportun.
Le 29 août, dans la journée, Marmont eut une
affaire brillante à Falkenheim, entre Dippodis-
walde et Altemberg, et rendit compte que l'en-
nemi continuant à marcher dans cette dernière
direction/ il se mettrait en mouvemenl le lende-
— 510 —
main, de grand malin, pour le liarceler. Sainl-
CvT de son côté rendit compte également, le 29 au
soir, que l'ennemi avait abandonné dans la nuit du
28 au 29 la position de Maxen, qu'il l'avait fail
poursuivre par la cavalerie du général Pajol, et
que toutes les colonnes des alliés paraissaient se
retirer par la mauvaise roule d'Altemberg, défilé
continuel où il avait laissé le duc de Raguse
passer le premier, deux corps ne pouvant s'y en-
gager ensemble.
Tandis que les 6® et 14® corps poursuivaient les
alliés en retraite par la route d'Altemberg, que
devenait le 1^' corps? 11 continuait à pousser les
colonnes Ostermaun et Wurtemberg, sur Pélers-
walde et Tœplitz, comme il en avait reçu Tordre,
sans s'inquiéter de ses flancs et de ses derrière.«i,
ainsi que cela lui avait été prescrit d'une manière
formelle.
Le 30 au matin de nouveaux ordres furent expé-
diés de rétat-major général à Dresde, pour les
maréchaux Saint-Gyr et Mortier. Le premier
reçut celui de laisser Marmont suivrj l'ennemi
sur Altemberg, et de chercher un chemin pour
venir appuyer le 1^^ corps; le duc de Trévisedul,
avec les divisions Lefebvre-Desnouettes, Roguet
et Decouz, soutenir au b;:?soin Vandamme. La
•dépêche se terminait ainsi : • Envovez un officier
auprès du général Vandamme pour voir ce qui s'y
passe et que cet officier revienne sur le champ. -
i
— 51! —
11 était trop tard, comme on le verra. Voici ce qui
avait motivé ces instructions nouvelles.
. Dans le principe TEmpereur avait espéré que
le 1*' corps réuni au 14®, soutenu par celui du duc
de Trévise, pourrait barrer la route de Péters-
walde par laquelle les alliés battus devant Dresde
semblaient vouloir se retirer en Bohême. Dans ce
cas, le duc de Raguse arrivant sur les derrières
des colonnes russes, prussiennes et autrichiennes,
c'était, comme nous Tavons dit, un désastre pour
l'ennemi.
Le 28, dans la journée, apprenant que les prin-
cipales forces des alliés avaient changé leur ligne
de retraite et marchaient pour gagner la route
d'Altemberg, Napoléon avait prescrit au 14® corps
de laisser le V^ corps et de soutenir le 6®; puis
Vandamme n'ayant plus devant lui que* le corps
d'Ostermann et du duc de Wurtemberg, il l'avait
lancé à leur poursuite.
Le 29, les dépêches ayant fait connaître que les
alliés allaient descendre d'Altemberg eu Bohême
par Tœplitz, Napoléon fut persuadé que Van-
damme, s'il était renforcé, pourrait culbuter les
colonnes en retraite devant lui, occuper Tœplitz et
les défilés avant l'arrivée des troupes venant d'Al-
temberg et qu'alors, de nouveau, les battus de
Dresde seraient maintenus par le 1®^ corps en
tête, harcelé en queue par le 6^ 11 donna donc
l'ordre à Mortier de mettre trois divisions de la
garde à la disposition de Vandamme, et à Saint-
- 514 -
Cyr celui de chorcher un passade pour rejoin-
dre le général.
Convaincu que Vandamme ne courait nul dan-
ger, que Sainl-Cyr et les trois divisions de Mor-
tier arriveraient à temps pour garantir les der-
rières et les flancs du i^^ corps, il prescrivit au
général de marcher droit sur Tœplitz, de
donner tête baissée sur F ennemi , sans se préoc-
cuper en rien de ses flancs et de ses derrières.
Vandamme obéit ponctuellement. Nous allons
voir quelle fut la conséquence de sa trop grande
docilité aux ordres de son souverain, et par quel
singulier hasard, une combinaison très-belle et
des plus rationnelle tourna entièrement au désa-
vantage de l'armée française.
Ainsi que nous l'avons dit, Vandamme, fier à
juste titre du succès obtenu le 28 à Hellendorf,
voyant enfin poindre à l'horizon cette récompense
objet de ses désirs, le bâton de maréchal auquel
il avait tant de droit, ne laisse aucun repos à l'en-
nemi. Le 29 au matin, à la tète de son avant-
garde formée par la brigade prince de Reuss, il
culbute les Russes entre Hellendorf etPéterswaWe
et lui fait2,000 prisonniers. Franchissant les mon-
tagnes à la suite de l'ennemi, et confiant dans les as-
surances qui lui avaient été données que ses flancs
et ses derrières seraient à couvert et parfaite-
ment garantis par Saint-Cyr et par le duc de Tré-
vise, il descend dans la plaine. Des hauteurs il
a vu déboucher les colonnes ennemies arrivant
— 518 —
pourchassés par la roule d' Allemberg et cherchant
^ à gagner Tœplitz. N'importe, il a l'ordre for-
mel de donner tête baissée sur Tœplitz. Il n'hésite
I pas à faire ce qui lui est prescrit.
! Cependant l'Empereur Alexandre avait franchi
^ TErz-Gebirge le 29 au matin ; parvenu sur le re-
vers méridional de la montagne, le souverain dé-
couvrit d'un coté la position de Kulm sur la-
qu'elleVandamme s'était arrêté en face des Russes,
de l'autre Tœplitz et la vallée de l'Eger. Il fut
effrayé de ce qui allait avoir lieu, si on ne parve-
nait à contenir le 1®' corps. Les généraux enne-
mis partagèrent son opinion et l'ordre fut envoyé
à Ostermann et au prince de Wurtemberg de tenir
bon, coûte que coûte, devant Kulm. Les colonnes
de la garde russe, les troupes prussiennes qui
commençaient à déboucher, leur disait-on, par la
route d' Altemberg, leur seraient envoyées aussitôt
qu'elles auraient pu être formées.
Toutefois, il fallait quelques heures aux alliés
pour mettre en ligne des renforts suffisants. Van-
damme, n'osant enfreindre les ordres formels
qu'il avait reçus de l'Empereur et du major général,
et bien qu'il vît les colonnes ennemies s'arrêter
et augmenter en face de lui, se décida après en
avoir conféré avec le général du génie Haxo et ses
généraux de division à brusquer l'attaque. II n'a-
vait encore sous la main que la brigade de Reuss
avec laquelle il avait marché depuis le matin,
néanmoins il chassa les Russes de Kulm et du vil-
II 33
— M4 —
lage de Straden. Ce dernier emporté, fl se trouva
devant une posilion assez forte protégée par un
ravin. L*ennemi occupait par son centre le \iilage
de Prieslen, couronnant un plateau et dominante
route de Kuim à Tœplilz. Sa droite s'appuyait à
des marais et au village de Karbitz, sa gauche aux
montagnes. L*altaque de Priesten eut lieu,
eependanl, mais la brigade de Reuss fut re-
poussée par les gardes russes d'Ismaïlow. Van*
damme n*ayant ni son artillerie ni sa ca>^erie,
attendit l'arrivée de la 42^ division d*infantene.
Dès qu'il eut entre les mains neuf des qualoite
bataillons de cette division (Mouton-Duvemey) il
les porta lui-même sur sa droite vers les bois et
les hauteurs et il rejeta Tennemi sur Priesten.
Quarante escadrons de la garde russe venaient
d'entrer en ligne ; ils se déployèrent dans la plaine
de Karbitzen se prolongeant sur la gauche. Cette
cavalerie chargea avec fureur. Les bataillons du
générai Mouton la continrent, tandis que la divi-
sion Ck)rbinèau qui arrivait sur le terrain, à la
gauche de Vandamme, Tarrèta dans les prairies.
Il fut impossible toutefois d'avancer et l'on dut se
borner à conserver le terrain conquis. Vers deux
heures, parut la l"*^ brigade (Pouchelon) de la di-
vision Philippon. Vandamme se hâta de faire ren-
forcer sa droite par le 12^ de ligne, son centre par
le T léger et de renouveler Tatlaque de Prieslen.
Bientôt, la -2^ brigade (de Fezensac) parut et fut
également engagée. Le 7^^ léger criblé de mitraille
— 815 —
à l'attaque de Priesten, sabréparla cavalerie russe
fut sauvé par cette brigade Fezeusac ralliée par
son chef sous le feu de rennemi.
Vandamme voyant que la résistance devenait
opiniâtre, que Tennemi présentait à chaque ins-
tant de nouvelles forces, se repha sur les hauteurs
de Kulm qu'il occupa fortement. Les alliés vou-
lurent Ty attaquer, les bouches à feu delà rései've
du général Baltus et les charges de cavalerie les
continrent. Us reprirent la position de Priesten, la
droite aux prairies, la gauche aux montagnes cou-
vrant la route de Tœplitz.
Le lendemain 30 août, Vandamme ayant 52 ba«
taillons, une belle division.de cavalerie et 80 bou-
ches à feu, se consulta avec le général Haxo, et
résolut de se maintenir dans sa position de Kulm
jusqu'à l'arrivée des troupes du duc de Trévise qui
avaient eu l'ordre, il le savait, d'occuper Pirna et
de le soutenir. II comptait aussi sur l'arrivée du
14® corps, et sur la diversion faite par le 6® du côté
d'AItemberg (1).
Dans la journée du 29, tandis que Vandamme
était aux prises avec la majeure partie des forces
des alliés, les commandants des divers corps
engagés à la poursuite faisaient connaître à l'Em-
(I) M. Thiers dit que le 29 au soir, Vandamme rendit compte
à Dresde de l'affaire de Kulm et demanda des secours. La chose
est possible, probable môme, toutefois nous n*avons trouvé
trace de cette dépêche ni dans la correspondance de Vandamme
ni au dépôt de la guerre.
— 616 —
pereur leurs succès ; ce dernier qui malheureuse-
ment était à Dresde et ne pouvait plus juger des
choses que sur les rapports qu*on lui faisait et
nullement de visu crut naturellement que Mar-
montet Saint-Gyr forçaient Tennemi à se jeter en
désordre dans les montagnes, tandis que sur
l'autre revers, Vandamme, maitre des défilés,
après avoir poussé le prince de Wurtemberg el
Ostermann, élait prêt à recevoir les fuyards sur
la pointe des baïonnettes du 1^^ corps soutenu par
la garde.
Il envova donc le 30 au matin les nouveaux or-
dres pressants que nous avons fait connaître ; au
duc de Trévise celui d'appuyer Vandamme, à
Vandamme celui de ne s'occuper ni de ses flancs
ni de ses derrières et de pousser en avant.
Tandis que les ordres intempestifs portés
par des officiers d'état-major de Berthier étaient
expédiés, la situation changeait complètement, el
une circonstance fortuite allait encore Taggraver.
Les alliés n'avaient d'autre but que de contenir
Vandamme pour donner le temps aux colonnes eu
retraite de défiler par la route de Tœplitz, mais
ils n'avaient aucune nouvelle du corps prussien,
celui (le Kleitz qui s'étant retiré par Dippodis-
waldc devait se trouver alors entre Vandamme el
Saint-Cyr. Retardés dans leur marche par le mou-
vement de Barclav de Tolly, les Prussiens de
Kleitz se trouvaient le 29 sur le revers nord des
montagnes. Un officier fut envoyé au général
prussien pour le prévenir de la présence à Kulm
du l^*" corps français. On lui laissait le choix de la
route qu'il aurait à prendre pour échapper au
danger et on lui promettait de tenir ferme le
lendemain devant Kulm.
Tel était Tétat des choses le 29 à minuit. Le 30,
les deux armées étaient en présence. La gauche
des coalisés (Russes) aux montagnes ; le centre
(Russes) en avant de Priesten ; la droite (Autri-
chiens et cavalerie) aux prairies de Karbitz. L'en-
nemi résolut de prendre l'offensive contre Van-
damme, afin de favoriser le mouvement de Kleitz,
Ici nous laissons la parole au général Vandamme
lui-même. Voici comment dans des notes écrites
de sa main, il rend compte de la journée du
30 août 1813 :
a Le général Vandamme relut r ordre positif
de l'Empereur, qui lui fut apporté par les colonels
Montesquieu et Stoffel, et les ordres itératifs du
prince de Wagram, de presser les opérations et
de se porter en toute hâte sur TœpUtz sans qu'au-
cune considération ne l'arrête. Les corps d'ar-
mée des maréchaux Saint-Cyr, Victor et Mortier
avaient Tordre de suivre le 1^' corps. L'Empereur
et le major général répétaient au général qu'il ne
devait nullement s'occuper de ses flancs ou de ses
derrières et que le maréchal Mortier était chargé
de la garde et de la conduite de l'équipage du pont
de Pirna. Le général Haxo a vu ces ordres et le
- 518 —
général Vandamme en a donné connaissance à >es
généraux de division ( 1 ).
• Le 30 août, à la pointe du jour, le général
Vandamme, voyant les troupes russes, autri-
chiennes, prussiennes, réunies eu nombre très-
supérieur au rorps d'Ostermann qu'il avait com-
baltu et repoussé la veille, décida de se tenir sur
une stricte défensive.
« Le général Haxo approuva ce parti qui était le
seul à prendre. Tous les détachements rentrèreni
tour à tour, Tartillerie et les munitions retenues
ou retardées par les défilés et les mauvais che-
mins, arrivées au fur et à mesure, furent placées aux
points que le général en chef indiqua. Tout con-
courut à une très-vigoureuse défense qui se pro-
longea au delà de ce que Ton pouvait espérer el
exiger, en présence d'un nombre aussi supérieur
d'ennemis.
« L'empereur Alexandre et le roi de Prusse
étaient présents à cette attaque et les princes de
Schwartzemberg et Barclay de ToUy se montrè-
rent souvent à la vue de nos lignes et de nos bat-
teries.
• Le général Vandamme n'a donc pas à se n^
procher de s'être trop avancé, malgré l'ordre po-
sitif qu'il avait de son souverain et du major
général, mais le général, qui connaissait l'Empe-
(!) Nous expliquerons plus loin pourquoi ces ordres nont
pas été tous retrouvés.
— 519 —
I reur comme il connaissait son étal, avait vu. tout
changer autour de lui, du 29 vers midi, date des
f lettres reçues, à la pointe du jour du 30. Tout
t fuyait devant les colonnçs que Sa Majesté com-r
f mandait, contre les alliés, depuis Dresde jus([u'à
[ Tœplitz; mais l'Empereur ayant appris les succès
I du prince royal de Suède, et se trouvant forcé
d'envoyer le maréchal Ney, au secours du maréw
chai Oudinot, fut obligé de s'arrêter lui-même, et
alors les aUiés profitèrent de ce mouvement pour
tourner par leur gauche la droite du i*"^ corps,
et pour l'attaquer de front avec les forces dis^if
ponibles des trois armées,
« Le général Vandamme n'étant pas secouru
par les corps qui devaient au moins couvrir ses
derrières, et se trouvant tourné par les Prussiens
qui lui coupaient la retraite, fut forcé de rompre
leurs hgaes à différentes reprises, afin de se reti-
rer sur le corps d'armée du maréchal Saint-Cyr. »
Expliquons cette dernière phrase :
Nous avons dit que le corps de Kleist, coupé
de l'armée alliée et placé entre Saint-Cyr et Van-»
damme, sur les derrières de celui-ci, sur la route
de Péterswalde et de Hellendorf, avait été prévenu
qu'on chercherait à iîaire une diversion puissaate
pour le sauver du l^*" corps, et d'avoir à opérer
son mouvement comme il l'eutendrait, Kleist sie
trouvait entre les routes de Péterswalde, occupée
par le l^*" corps, et celle d'Altemberg, que tanMl
le 6^. Il u'hésita pas à se jeter dans ItNS , sepMers
— 580 —
qui menaient sur le revers de la montagne au
risque de se heurter contre les troupes de Yan-
damme. Il croyait d'ailleurs que le 14* corps de
Saint-Cyr le talonnait. .
Les Prussiens, devant le triple danger, gravirent
la montagne qui s'élevait devant eux, résolus à se
faire jour au travers du 1^"^ corps s'il le fallait. Ils
avaient marché toute la nuit du 29 au 30, sans
être attaqués par Saint-Cyr, et avaient découvert
une route de traverse, passant par Furstenwalde
et Streeckenwalde, et les conduisant précisément
sur les derrières de la ligne occupée par Van-
damme. Dès que Kleist put juger de la situation
nouvelle et vit que le 1*' corps avait en tète cent
mille hommes à combattre, il commença lui-même
l'attaque par derrière avec ses trente mille Prus-
siens.
Rendons maintenant la parole à Vandamme.
• Forcé de passer sur le corps des Prussiens
à différentes reprises, et ne pouvant opérer sa re-
traite que par le défilé très-resserré par lequel il
était venu, Vandamme résolut au premier mo-
ment de sa défense de faire le sacrifice de son ar-
tillerie, ne voulant pas s'exposer à voir encombrer
son étroit passage et perdre beaucoup plus de
monde que ne valaient quelques pièces de canon.
Il prolongea le feu de son artillerie le plus tard
possible et le rendit très-funeste à l'ennemi. U
laissa peu de canonniers, fit partir tous les che-
vaux , fit brûler les caissons vides et ordonna de
— 521 —
faire sauter ceux dont les munitions n'étaient pas
complètement épuisées lors de la prise des batteries
« Le général ayant vu, au commencement de
la retraite que ses ordres ne s'exécutaient, pas
avec la célérité, l'exactitude et Tensemble qu'il
avait prescrits, prit la résolution d'aller lui-même
donner ses instructions et les faire exécuter. Il
s'exposa beaucoup et fut contraiftt de diriger lui-
même les principales défenses de front, et les at-
taques sur les derrières pour faire ouvrir le pas-
sage à ses colonnes. C'est après avoir fait passer
la dernière colonne que commandait le jeune gé-
néral Montesquieu de Fezensac, qu'il fut fait pri-
sonnier, étant seul, sans escorte et sans officier
d'état-major, afin d'être moins remarqué de l'en-
nemi et plus prompt à se porter partout. Déjà le
général Haxo était tombé au pouvoir des alliés. •
Afin de ne rien laisser dans le doute sur cette
affaire de Kulm , nous allons faire suivre notre
récit de quelques documents importants, ou de leur
analyse.
Le 30 août, le maréchal Gouvion Saint-Gyr
qui aurait pu avoir rejoint Vandamme ou qui, du
moins, n'aurait pas dû quitter le corps de Kleist,
écrivait de Lauestein à quelques lieues au nord-
ouest de Kulm, la lettre suivante au major gé-
néral :
« Mon prince, conformément à la lettre que Votre
Altesse m'a fait l'honneur de m'écrire ce matin, j'ai
cherché un chemin pour me porter entre le sixième
— 82t —
et lo premier corps, j'ai passé par Glashutle et
Diltersdorf; j'espère que mon artillerie passera le
grand ravin de Giashulle et m'arrivera ce soir.
Mon avant-garde était échelonnée sur la roule
d'Ailemberg, par conséquent n'est arrivée qu'après
mon infanterie. Je suis arrivé avec la tête de cette
infanterie sur les cinq heures du soir au village de
Libeneau au moment où un gros corps de troupes
y arrivait dans le plus grand désordre. Aussitôt
qu'un peloton de cavalerie fut arrivé nous le re-
connûmes ; il s'est trouvé que c'était le 1^' corps
d'armée ; il a arrêté sa marche et s'est rallié sur
nous. L'aide de camp du général Gorbineau vous
donnera les détails de la catastrophe arrivée à ce
corps d'armée. J'ai prévenu ce soir le maréchal
Marmont qui canonnait ce soir en avant d'Altem-
berg; on croit que le premier corps-est suivi, et
que l'ennemi débordera demain matin notre gau-
che. L'avantage qu'il a eu étant assez considéra-
ble pour le déterminer à prendre l'offensive, il me
paraîtrait bien nécessaire que le corps du duc de
Trévise s'avançât sur la route de Péterswalde et
sur la vieille route de Tœplitz, à peu près à notre
hauteur. Sa Majesté jugera mieux que moi ce qu'il
sera convenable de faire, j'attends ses ordres. »
Le même jour, le duc de Trévise qui, avec un
peu d'initiative et d'entente de la guerre, eut pu,
sans attendre les ordres de l'Empereur, soutenir
Vandannne en envoyant de Pirna à Hellendorf
une ou plusieurs de ses divisions, reçut du m^or
— 523 —
;énéral la lettre suivante, et lui en répondit trois
utres dans la journée.
NAPOLÉON A MORTIER.
• Dresde, 30 août 1818. .
« Mon cousin, écrivez au duc de Trévise de
outenir, avec les divisions Lefebvre-Desnouettes,
loguet et Decouz, le général Vandamme, s'il en a
•esoin. Envoyez un officier auprès du général
/'andamme pour savoir ce qui s y passe et que cet
fficier revienne sur-le-champ. »
Première^ lettre de Mortier au major général .
< Pirna, 3 heures de l'après-inidi.
• Monseigneur, en conséquence de Tavis que
/otre Altesse me donne par sa lettre de ce jour,
e fais prendre les armes à la troupe sous mes or-
Ires, pour appuyer si cela est nécessaire le géné-
ral Vandamme à qui j'envoie un officier.
« Dans ce moment, le général Lefebvre-Des-
louettes m'annonce qu'une colonne de 7 à 8,000
i^russiens, avec une nombreuse artillerie, arrive
mr Pirna, par la route de Péterswalde, Je vais
ne porter en avant pour la reconnaître. »
Deuxième lettre,
f 5 heures du soir.
« Monseigneur, j'étais en marche pour me por-
— 544 —
ter sur Pelerswalde et reconnaître la colonne dont
je vous ai parlé cette après-midi, je rencontre le
général du corps du général Vandamme.
D'après son rapport il y aurait eu aujourd'hui à
Kulm près Karbitz, une affaire fâcheuse où le
1^"^ corps aurait été compromis. Je vous envoie
cette lettre par le colonel qui s'est trouvé
à l'affaire et qui pourra vous donner les rensei-
gnements que vous lui demanderez.
• Je pense qu'il conviendrait d'échelonner der-
rière moi les !'• et 2* divisions de la jeune garde
qu'on me dit être rentrées à Dresde. J'ai devant
moi un corps ennemi dont je ne puis trop évaluer
la force ; îl serait considérabte si le rapport d'un
prisonnnier que nous venons de faire est exact. •
Troisième lettre,
c 10 heures du soir. •
« Monseigneur, je me suis porté à deux lieues
d'ici sur la route de Peterswalde, pour avoir des
nouvelles du général Vandamme; des officiers,
des soldats qui s'échappaient m'ont tous confirmé
la nouvelle du désastre qui a eu lieu aujourd'hui à
Kulm près de Karbitz, et que je vous ai annoncé.
« Le directeur du parc du 1^' corps que j'aivn,
m'a assuré que toute l'artillerie, et celle de laré-
sene a été prise ; on dit le général Vandamme
blessé et au pouvoir de T ennemi ; cependant un
fourrier du train m'a assuré qu'il l'avait suivi pen-
— 628 —
danl quelque temps, et qu'il croyait qu'il s'en
était tiré. Il paraîtrait qu'il a combattu contre des
troupes fraîches arrivées de Tœplitz et d'Aussig.
« J'ignore où se trouve le corps du général
Saint- Cyr, mais il est probable que si l'ennemi
profite de l'avantage qu'il a eu dans la journée, il
cherchera à se glisser entre lui et moi, et à gagner
avant moi la tète des défilés qui conduisent à Dresde.
« Dans cet état de choses, je compte me porter
sur Leuben et Dobritz, afin de me rapprocher de
Dresde. Je laisserai au camp retranché de
Lilienstein le régiment qui s'y trouve, et avec
lequel on pourra communiquer par la rive droite.
Je prie Votre Altesse de me faire connaître les
ordres de Sa Majesté par le retour de l'officier
porteur de la présente, »'
Lettre da commissaire ordonnateur du
i^^ corps au major général.
31 août 1813.
« Monseigneur, Votre Excellence doit être déjà
instruite de l'échauffourée qui a eu lieu hier au
\^^ corps. Quelques efforts que j'aie faits pour con-
server le matériel de l'administration ou du moins
une partie, ils ont été vains. A l'exception de
quelques chevaux du 10^ bataillon du train des
équipages, tout le reste a été abandonné sur le
champ de bataille. Il a été impossible de ramener
im seul caisson. Artillerie, trésor, postes, baga-
ges, matériel d'ambulance, tout y est resté. Le
personnel n*a pas élé plus heureux, beaucoup
d'eniployés d'adminislration ont du être tués ou
pris ; je n'ai pas encore retrouvé un seul officier
de santé. Je n'ai auprès de moi que le directeur
principal des hôpitaux, deux directeurs d'ambu-
lance, l'inspecleur des vivres viande, faisant
fonctions de directeur et un commis aux wTes
pain. Je m'occupe de rallier ici tout ce qui aura
pu échnpp»^r au désastre, personnel et matériel,
mais je compte sur peu de chose relativement à
ce dernier objet. Je suis ici avec le noyau de la
^ division commandé par le général Dumonceau,
que, dans notre retraite, protégée par le 25* de li-
gne, nous avons repris d'entre les mains des
Prussiens. On ignore quel a été le sort de Son
Excellence M. le général comte Vandanune, Son
chef d'état-major M. le général Revest s'est,
dit-on, rendu celle nuit à Dresde.
• Lorsque Técliauffourée a eu lieu, j'étais à
rambulance au village de Kulm et mes papiers
étaient au camp, sous le village, à un quart de
lieue avec mes bagages, mes domestiques et mes
chevaux, à l'exception d'un seul qui, une demi-
heure après, a été tué sous moi. Il en résulte que
j'ai tout ])erdu, papiers, domestiques, chevaux,
effets, il n(* me récite absolument rien que ce que
j'ai sur le corps. En outre de cela, j'ai la main
droite foulée et une forte contusion à la jamlje
qui m'enpôche de marcher et qui provient d'une
baHc morte. Je n'ai auprès de moi aucun commis-
— Dr/ —
saire des guerres du corps d'armée ; j'ignore ce
qu'ils sont devenus. Oserai-je supplier Votre Ex-
cellence de me permettre de me rendre à Dresde
pour m'y remonter et m'y rééquiper, ne pouvant
rentrer en campagne dans l'état ou je me trouve. »
Rapport de l'aide de camp du général Van-
damme (M. de Kœnigsegg ).
« Le 30 août, à dix heures du matin, le 1*
corps d'armée fut attaqué près le village de Kulm,
par les armées combinées russe, autrichienne et
prussienne. Une colonne ennemie s'étant présen-
tée sur la route de Peterswalde, le général en chef
ordonna à M. de Kœnigsegg, son aide de camp,
de porter Tordre à M. le général Gobrecht d'atta-
quer celte colonne et de nettoyer la route, afin
que le i^ coips ne fût pas coupé. Cet ordre fut
exécuté par le 9® de lanciers qui, après une charge
brillante, prit les pièces de l'ennemi, et se main-
tint dans sa position. Cependant une colonne
d'infanterie prussienne s'étant présentée avec de
Tartillerie, le général en chef ordonna de nou-
veau à M. de Kœnigsegg de faire marcher six
bataillons d'infanterie et une demi-batterie d'ar-
tillerie légère pour soutenir M. le général Go-
brecht. Ce mouvement ayant été exécuté avec
beaucoup de vigueur, l'ennemi fut forcé de rester
dans sa position sans pouvoir avancer un seul pas.
« Le général en chef de son côté, se voyant
attaqué de front par une force très-considérable
prescrivit à M. le chef de Latailloo d*aitilkrie <k
Coisy de porter l'ordre à M. le général Baitos de
concentrer une partie de rartiiierie sur la hauteur
en avant de Kulm, et de faire feu Jusqu'à la der-
nièrt' extrémité; ce qui fut e3Lccutê. Plusieurs ca-
nonniers furent sabrés sur leurs pièces. Le géné-
ral en chef donna ordre au général Philippc*D 4e
faire venir la ^ brigade, comme étant la plus
faible, pour la placer sur la gauche de notre ar-
tillerie et soutenir le général Gobrecht : cet ordre
fut transmis par M. le chef de bataillon deCoisy
et le mouvement fut exécuté, mais le général en
chef se voyant pressé de toutes parts par rarmée
ennemie, fit donner l'ordre au général Philippoo
par M. le capitaine de Berckeim, officier d'étal-
major, de se retirer avec le reste de sa division
pour gagner la grande route de Peterswalde en
côtoyant les bois afin de protéger la retraite. Ce
mouvement fut commencé, mais au rapport de
M. de Berckeim une partie des équipages qui
cherchait à gagner les bois intercepta tellement la
marche de cette division qu elle fut forcée elle-
méoie de se jeter dans le bois. Un nouvel ordre
ayant été donné à cette division d'exécuter le pre-
mier mouvement ordonné, l'officier chargé de le
porter ne trouvant plus la di\ision fut obligé de le
laisser sans ex(H:nl ion. Depuis ce moment la dé-
roule fut complète.
• Quant à la division Dumonceau qui formait
la gauche du l*' corps, elle fut forcée de se retirer
— 829 —
par la plaine, elle exécuta ce mouvement dans le
meilleur ordre en repoussant toutes les charges
de cavalerie. »
Rapport sur les mouvements et affaires du
1^^ corps, depuis le 24 août jusqu'au 8 sep-
tembre, parle chef d'état-major (Revest).
« Camp de Racknitz, 8 septembre 1813.
« Le i^^ corps reçut Tordre, le 25 août, de se
porter sur Kœnigstein, et de passer l'Elbe pour se
diriger sur le plateau de Pirna.
« Le dernier mouvement se fit le 26; on ren-
contra Tennemi dans la plaine; il fut repoussé
jusque sous Pirna, quoique Tartillerie du V^
corps ne fût pas encore arrivée.
« Le 27, le 1®'' corps, ayant reçu son artillerie,
continua son mouvement, culbuta l'ennemi, en-
leva le plateau de Pirna et s'empara de la ville.
• Le 28, il marcha par la route de gauche sur
Gieshùbel, où l'ennemi perdit une pièce de canon;
Tavant-garde s'établit à Hellendorf.
» Le 29, le corps d'armée continua son mouve-
ment, repoussa l'ennemi par Peterswalde, où il
lui fit 2 à 3,000 prisonniers ; le combat fut conti-
nuel, de position en position, depuis Peterswalde
jusqu'à Kulm. En prenant les hauteurs de Hel-
lendorf, un boulet atteignit le général de brigade
prince de Reuss; cet officier général, distingué par
II. 34
— 530 —
sa bravoure et ses talents militaires, mourut quel-
ques heures après.
« L'ennemi prit position à une lieue en avant de
Kulm, sa gauche du côté de Tœplitz, et sa droite
dans la direction de l'Elbe et d'Aussig,
• Le l*"^ corps prit position immédiatement en
avant de Kulm, sur la hauteur, sa droite aux
montaj^nes, et sa gauche sur les mamelons, dans
la direction d'Aussig..
« Le 30, à 8 heures 1/2 du matin, Tennemi fit
déboucher par Tœplitz deux fortes colonnes d m-
fanterie ; une tourna de suite la gauche du corps
d armée et l'autre vint en attaque sur Kulm; dès
le matin il s'était emparé en force du col de Hel-
lendorf.
« Dans cette situation, on ordonna au 1*' corps
la retraite sur Hellendorf.
• La V^ et la 42* divisions, qui tenaient la droite
de la ligne, ne pouvant arriver sur Kulm, se jetè-
rent dans les montagnes, à droite.
« La 2* division, la brigade Quiot de la 23* di-
vision, deux bataillons du 46* et un batail-
lon du 72®, qui étaient de la brigade Reuss, se
trouvèrent engagés avec toute Tartillerie et les ba-
gages du V^ corps.
« Une partie de la cavalerie avait fait une trouée,
l'autre avait gagné dans les montagnes à droite,
après avoir combattu.
« Les troupes qui étaient au combat firent des
efforts extraordinaires; la colonne ennemie qui
— 531 —
avait pris position, dès le matin, à Hellendorf, et
qui avait descendu le col, éprouva de très-gran-
des pertes. Elle fuyait de toute part, abandonnant
son artillerie ; mais la colonne ennemie qui se
porta sur Kulm, n'ayant trouvé aucune résistance,
vint tomber sur ce qui restait encore de la 2® divi-
sion, de la brigade Quiotet de la brigade Reuss.
La fortune changea de face; le i^^ corps perdit
son artillerie, ses bagages et son général en chef
qui fut fait prisonnier.
« Les autres officiers généraux et d'état-major,
perdus dans l'affaire du 30, $ont indiqués sur l'état
ci-joint au présent rapport.
« Sa Majesté Impériale a ordonné la réunion
du 1^"^ corps en 25 bataillons, conformément à
rétat de situation ci-joint. »
L'Empereur apprit la nouvelle du désastre de
Kulm dans la nuit du 30 au 31 août. Il fît écrire,
à 5 heures du matin, à Saint-Cyr, de couvrir la
route de Peterswalde à Dresde ; à Mortier, de
prendre position en avant de Pirna ; à Marmont,
de s'établir à la droite du 14® corps, ayant le duc
de Bellune sur sa propre droite. Il craignait que
Tennemi ne voulût se porter sur Dresde,
Dans la journée, plusieurs rapports furent faits
à l'Empereur sur l'affaire du V^ corps. Le baron
de Trobriant, dan,s le sien, écrivit : « On ne sait
rien de positif sur le général Vandamme. Un of-
ficier de son état-major a assuré à M. le mare-
— 532 —
chai duc de Trcvise qu'il s'était brûlé la cer-
velle. »
C'est après avoir reçu ce message que TEmpe-
reur écrivit au duc de Raguse, le i^^ septembre:
• Mon cousin, le duc de Tarente est aujour-
d'hui sur Goerlitz. S'il continue à se laisser
pousser, il serait possible que je fusse obligé de
marcher le 3 sur Bautzen. Mon intention est d'y
mener votre corps avec ma garde. Soyez donc à
Dippoldiswalde, de manière à pouvoir, en un
même jour, passer les ponts à Dresde. Ce mal-
heureux Vandamme, qui paraît s'être tue,
n'avait pas laissé une sentinelle sur les hau-
teurs, ni une réserve nulle part ; il s était en-
gouffré dans un fond, sans s'éclairer en au-
cune façon. Cependant il m'arrive beaucoup de
monde de son corps ; presque tous les généraux
sont arrivés, et il est aussi arrivé déjà 15,000
hommes ; de sorte que je pense que ma perte ne
sera que de 4 à 5,000 hommes. »
Le lendemain, l'Empereur manda à Berthier :
« Mon cousin, le secrétaire particulier du gé-
néral Vandamme se trouve à Dresde. Faites
mettre les scellés sur ses portefeuilles. Vous en
retirerez tous les papiers relatifs à l'armée ou
aux affaires d'État ; et les papiers particuliers du
général seront cachetés et envoyés à sa famille. »
Vandamme ne s'était pas tué; nous dirons plus
loin ce qu'il était devenu. L'Empereur l'accusait
injustement de s'être engouffré dans un fond,
— 533 —
ans s'éclairer. Vandamme n'avait agi ainsi que
ur des ordres formels. On n'était pas fâché de
oir disparaître les traces de ces ordres ; on fit
irréter son secrétaire pour saisir les papiers du
général. C'était peine inutile. Vandamme avait
lonné lecture de ces ordres à plusieurs de ses
jénéraux, entre autres au général Haxo, et,
m moment d'être fait prisonnier, il les avait
inéantis.
Ce que nous avançons là ressort, non-seule-
nent de ce que le général a écrit, de ce que nous
ivons exposé plus haut, mais de la correspon-
lance suivante, à laquelle l'affaire de Kulm donna
lieu.
Le 10 février 1826, M. de Norvins, auteur
l'une histoire de l'Empereur Napoléon P', écrivit
m duc de Bassano (père du duc actuel et alors
1 Paris) la lettre suivante :
« Monsieur le duc, on m'a reproché d'avoir
rendu, dans le portefeuille de 1813, M. Vandamme
responsable de la malheureuse affaire de Kulm.
de général était dernièrement à Paris et, chez le
général Bertrand, en présence de plusieurs offî-
ners généraux et notamment à la requête du gè-
lerai Haxo, il déclara avoir reçu deux ordres pour
narcher sur Tœplitz , l'un signé de l'Empereur
lui-même, l'autre du prince de Neufchàtel ; M. le
général Gourgaud, à qui j'allai faire part de cette
iéclaration, me dit qu'elle était d'autant plus fon-
iée, qu'il croyait bien se rappeler avoir écrit lui-
Fonlre de i^Empereor soos sa dictée ; Jenai
pas besoin de toos dire^ MoDsîeiir le duc, combien
Il TéhâcatioQ de ce fail est importante pour mon
ouvrage et combien aassi la rectificaticMi de ceqœ
j'ai cm devoir écrire intéresse mon honneur conane
lionmie et comme écrivain. An moment de pabËer
ane seconde édition^ il est de mon devoir de ré-
parer ce que mon livre peot contenir d'erreurs
et surtoat de celles qui peuvent faire peser un
grand reproche sur un chef d*armée. Ayant a{^ris
que le génial Vandanmie avait llionneur d*étre
omnu de vous» je m'adresse à vous. Monsieur te
duc^pourvous prier dehii faire connaître toute mon
inquiétude et le désir que j'éprouve d^èlre mis par
lui en état de rétablir les Esûts. Or, je ne vois
qu*un seul moyen authentique » ce serait que le
général Vandanmie voulût, sur votre demande di-
recte, vous envoyer, certifiée par lui, la copie de
ces deux ordres et celle de la correspondance da
quartier impérial, par laquelle il aurait dû lui être
donné avis que son mouvement serait soutenu par
le maréchal Saint -Gyr, Mortier et Bellune. Ceci
est la légalisation historique des premiers ordres
pour le mouvement sur Tœplitz ; de cette manière,
je rétablirai les Sauts, et justice serait rendue i
chacun selon ses œuvres. Je dois sgouter que le
général Vandamme a déclaré hautement avoir été
abandonné par eux et n avoir pas à se plaindre
de l'Empereur. Le général Haxo a dit aussi qœ
trois fois le gâiéral Vandanmie lui avait lu Vor-
— 535 —
dre de marcher sur Tœplitz, ordre dont il avait
été porteur, mais que cet ordre ne lui avait pas
été lu tout entier ; vous voyez, Monsieur le duc, que
ee sont ces deux ordres dans leur entier dont il est
important d'avoir une copie bien fidèle, car mon
esprit n'est pas encore bien convaincu de la gra-
vité de mes torts ; je suis prêt à les reconnaître
et à les réparer, si je reçois par votre entremise
les témoignages écrits de Tobligation imposée au
général Vandamme, non de s'arrêter sur les hau-
teurs de Péterswalde pour y couper la retraite des
Prussiens de Kleist, mais d'aller à Tœplitz même
fermer aux Autrichiens la retraite sur la Bohême.
« Veuillez, Monsieur le duc, instruire le général
Vandamme de la démarche que je fais auprès de
vous et le prier de ne mettre aucun retard pour
l'envoi des pièces que je demande. Je réclame
avec confiance et avec instance votre honorable
intervention dans cette affaire, où se trouvent éga-
lement intéressés l'honneur du général Vandamme
et le mien. >
Quelques jours après la réception de cette let-
tre, le 10 février 1826 , le duc de Bassano écrivit
à Vandamme retourné à Gand :
« Monsieur le comte, dans les derniers mo-
ments de votre séjour à Paris, une indisposition
qui dure encore m'a empêché d'exécuter le projet
que j'avais formé d'aller prendre une ou deux
heures de votre temps. Je voulais m'instruira
auprès de vous de quelques circonstances rela-
— 836 —
tives au seul événement contraire que vous ajei
éprouvé dans votre longue et brillante carrière.
« J'écris des mémoires, vous le savez mon géné-
ral et vous pensez bien que, quoique je ne me per-
mette guère d'émettre des opinions sur les faits
militaires, il est difficile qu*ils ne se rattachent
pas quelquefois et par quelque côté aux choses
dont j'ai été le témoin. Ainsi, lorsque la nouvelle
de l'affaire de Kulm fut apportée à l'empereur
par le général Corbineau, j'étais là, je recueillis
toutes les impressions du moment, j'entendis ce
qui fut dit d'honorable pour vous, je remarquai et
retins dans ma mémoire des traits qui donnent la
mesure du caractère du grand homme; mais
je fus aussi spectateur de débats avec le prince
de Neufchâtel et de recherches dans les livres
d'ordre et dans la correspondance, d'où il résul-
terait pour moi que vous auriez marché sur Tœp-
litz ou sans ordres, ou malgré des contre-ordres
qui vous auraient été transmis. J'aurais bien soup-
çonné alors quelque manquement grave du prince
de Neufchâtel, dont il n'aurait pas eu le courage de
faire l'aveu. Ces soupçons suffiraient-ils pour
éclaircir le fait aux dépens d'un homme, qu'à la
vérité j'ai vu trop souvent abandomier par fai-
blesse, ou par jalousie, le courage trompé dans
ses efforts et la gloire malheureuse une fois?
• Je voulais donc vous demander, mon général,
des éclaircissements et même une copie des ordres
qui vous ont été transmis. Je me proposais de
— 537 —
vous les demander pour mon propre compte,
ponr m' éclairer et pour m'éviter de répandre par
mes récits des impressions contraires à la vérité.
Tallais vous écrire à co sujet, lorsque j'ai reçu
3e matin la lettre ci-jointe. Elle est de M. Norvins,
écrivain distingué et ami du vrai. Vous ne pou-
irez désapprouver le sentiment qui la dictée.
Veuillez, en répondant à la demande que je vous
adresse pour moi, me prescrire ce qu'il vous
>onvient que je dise à M. Norvins. Il est réellement
xoublé de son erreur, comme si elle avait été
rolontaire, et il ne désire rien tant que d'avoir la
preuve de son tort pour le réparer dans sa nou-
velle édition. »
Le 20 février, Vandamme répondit de Gand au
iuc de Bassano :
« Monsieur le duc, j'ai l'honneur de répondre
i votre très-flatteuse lettre du 10 courant dans
aquelle se trouve celle de M. Nomns, du 10 cou-
•ant adressée à Votre Excellence ; je n'ai lu ces
ettres qu'hier à mon retour de mes terres de
21uland.
« Je vous détaillerai ici Monsieur le duc, pour
/eus d'abord, et pour M. Norvins, si cela vous
convient, tout ce qui est relatif à l'affaire de
KLulm où je fus victime d'un mauvais voisin.
« L'Empereur, ayant résolu de quitter les deux
Silésies et de> porter ses plus grandes forces sur
Dresde et Kœnigstein, m'appela à son quartier
général impérial à Stolpen, où Sa Msgesté me
— 538 —
confia sa résolution de forcer les ennemis à quit-
ter l'entreprise dirigée contre Dresde, et de faire
tous ses efforts pour battre les alliés et les con-
traindre de rentrer en Bohême.
• L'Empereur me chargea de me rendre de
suite à Kœnigstein, et d'y réunir le plus tôt pos-
sible le 1^' corps d'armée que je commandais pour
attaquer et battre le corps russe, commandé par le
général Ostermann et un duc de Wmtemberg, et
forcer ce corps d'armée de quitter le camp de
Pirna, ce que je fus assez heureux d'exécuter en
36 heures ; après quoi je reçus Tordre itératif et
par duphcata du prince major général de forcer le
passage de Péterswalde, de pénétrer en Bohême,
et de faire tous mes efforts pour arriver à Tœplitz,
où je trouverais Tartillerie, les caissons et les baga-
ges d'une armée en déroute....; que je ne devais
m* inquiéter, ni de mes ttancs, ni de mes der-
rières, ni attendre après les détachements que
J'avais laissés dans les déûlés de F Elbe que je
venais de traverser, que le maréchal Saint-Cyr
me suivrait de très-près avec son corps d'ar-
mée, que le duc de Bel lune, 'appuierait le ma-
réchal Saint'4^yr, que Je ne devais plus m' oc-
cuper des ponts de haquet que f avais laissés
sur FElbe à Pirna ; que le duc de Trévise, com-
mandant la jeune garde, appuierait le mouvement
du corps du duc de Bellune, et se chai^rait de
cet équipage de pont; un ordre particulier de
rBmpenor me répéta tes deux ordres du prinœ:
— 639 —
le premier m'a été apporté par le colonel Stoffel,
suisse de Tétat-major général, et Tordre de l'Em-
pereur et le duplicata par Anatole Montesquieu.
Vousjugerez facilement, Monsieur le duc, que si je
n'avais pas reçu les ordres les plus positifs de Sa
Majesté et du prince de Neufchàtel, de la part de
TEmpereur, je ne me serais pas engagé dans ces
défilés et je n'aurais pas essayé de pénétrer par
Kulm, sur Tœplilz, preuve que j'avais Tordre de
faire tous mes efforts pour y arriver le plus promp-
tement possible, et que les corps d'armée susdits
appuieraient mon mouvement.
• Le maréchal Saint-Gyr, occupait les pre-
mières hauteurs près de Hellendorf, d'où le corps
du général prussien Kleist a débouché pour se
placer sur mes derrières, sans qu'un seul de ses
soldats nous ait donné le moindre secours. Le gé-
néral Haxo, commandant alors Tarme du génie de la
garde, qui était auprès de moi, le général Corbineau
qui fut blessé en avant de Kulm , savent très-bien
que j'avais reçu ces ordres. Et qui, dans le monde,
pourrait croire que j'eusse pris sur moi de tenter
une telle entreprise? A chaque heure des officiers
de l'Empereur suivaient mon mouvement et le
général Haxo, lui-même, en aurait sans doute in-
formé l'Empereur qui m'aurait arrêté ou rappelé*
« Je dois aussi observer à Votre Excellence,
qu'après avoir fait tous mes efforts le premier jour
pour forcer le général Ostermann, qui a eu le bras
emporté dans ce premier combat, je me suis bien
— 840 —
gardé le deuxième jour de m'avancer dans la
plaine, car pas un des soldats du 1^^ corps d'ar-
mée que je commandais n*a dépassé le ruisseau
qui est la défense de Kulm, et qui coulait partout à
portée de mes batteries que j'avais établies défeii-
sivement. Prévoyant que je pouvais être forcé à
me. retirer par le défilé de Péterswalde, avant
d être secouru des corps qui m'avaient été annoncés,
j'avais pris la résolution dès la pointe du jour de
faire le sacriflce de mes canons et de mes bagages
et entre autres les miens propres, pour ne pas en-
combrer le défilé en cas de presse, ayant eu la pré-
caution de renvoyer vers Pirna mes caissons
d'artillerie vides, mes chariots de vivres que les
distributions avaient rendu disponibles, et qui
me servirent à évacuer mes malades et mes blessés;
je me décidai à sacrifier mon artillerie après la plus
vigoureuse défense, et ne laissant que peu de cais-
sons et presque pas de munitions et pas un cheval
des équipages d'artillerie. Je m'étais décidé à cette
mesure, lorsqu'à la pointe du jour j'avais vu et
bien acquis la certitude que non-seulement le
corps d'armée du général Ostermann, mais des
forces très-considérables des gardes russes et
prussiennes, et plusieurs gi*andes divisions des
trois armées marchaient contre moi. La déroutede
la veille, qui, comme un torrent, débouchait par les
vallées de Geising et de Zinnwald, venant de
Dresde sur Tœplitz, avait cessé, ce qui me prou-
vait que les troupes n'étaient plus poursuivies par
— 541 —
Empereur qui, selon moi, avait changé ses ma-
lœuvres, comme cela était effectivement, ce que je
l'ai su que longtemps après ma captivité. J'espé-
ais toujours les secours promis par Sa Majesté et
3 prince major général. Le maréchal Saint-Cyr
f arriva pa,s, et forcé, pour assurer la retraite de
haque régiment, brigade, ou division de percer
a ligne prussienne qui avait débouché à Hellen-
lorf, je finis par être pris par des cosaques de la
farde impériale russe, un instant après que le gè-
lerai Haxo avait été fait prisonnier, et que j'avais
ait passer une colonne que commandait le géné-
al Montesquieu de Fesenzac.
« Comme vous pouvez faire tel usage qu'il vous
)laira de ma longue lettre. Monsieur le duc, je
lois observer à Votre Excellence, que pas un seul
égiment, bataillon ou détachement n'a été enlevé
iabré ou enfoncé par des charges ennemies, cau-
sées par de fausses manœuvres de notre part, et
[u'en tous ces combats, l'ennemi porte lui-même
;es pertes devant le 1®'' corps, depuis Pirna jus-
[u'en avant de Kulm à 14,000 hommes, et les
lôtres à 9,000 hommes : un ordre du jour de
îarclay de Tolly en fait foi. Je n'ai pas voulu faire
mprimer l'historique de ce malheureux événement
)our ma justification parce que j'aurais été forcé
l'accuser des chefs qui ont encore les moyens de
•endre service à la patrie, et que déjà dans maintes
)Ccasions nos ennemis, français ou étrangers, ont
îu à rire de nos débats et de nos divisions. Au
- 644 —
reste, Monsieur le duc, vous savez mieux que beau-
coup d'aulres, combien j*ai toujours aimé ma patrie
que j'ai servie de mon mieux, très-souvent, en expo-
sant ma vie , et que j'ai été en tout temps noblement
dévouéau grand capitaine qui a tant illustré la nation
et l'armée, quoiqu'il ne m'ait pas accordé autant
de grâces qu'à tant d'illustres ingrats. Monsieur le
duc, je dois tous ces détails à votre ancienne amitié,
à voire vieille estime pour moi. Je vous dirai
qu'ayant été pris tout à la fin de cette terrible
journée, au moment que le général Haxo avait
été jeté par la mitraille à bas de son cheval à mes
côtés, exposé à tous les coups, à une mort à la-
quelle je n'ai échappé que par miracle, je n'ai rien
à me reprocher que de n'avoir pas plus songé à
ma propre retraite que j'ai pu opérer dix fois ; mais
il restait encore des Français à sauver.
« Je dois encore vous dire. Monsieur le duc, que
lorsque le 16 janvier dernier, veille de mon départ
deParis,je me suis trouvé chez le général Bertrand,
le général Haxo s'y trouvait; je ne l'avais pas^^l
depuis notre captivité à Tœplitz; ce général me
rappela et déclara, en présence de beaucoup de
généraux, qu'en descendant le défilé de Péters-
walde, bien en arrière de Kulm, je lui avais
observé en passant devant la vallée de Hellendorf,
par laquelle les Prussiens ont débouché : que si
Je n* avais pas f ordre de ne pas m' occuper de
mes flancs et de mes derrières, f aurais laissé
là un corps et que très-certainement le rnavé-
— 543 —
cbalSaint-Cyr y placerait sa prcmièrcdivision,
ce qui était très-naturel.
« Depuis mon retour des prisons de Russie, j'ai
su que le lieutenant général Thûmen, Prussien,
qui avait son quartier général à ma campagne à
Cassel, avait dit à différentes reprises que je n'a-
vais dû mon malheur qu'à l'abandon où m'avaient
réduit la négligence et la lenteur au moins du ma-
réchal Saint-Cyr, et que le roi de Prusse a lui-
même beaucoup craint de perdre le corps du général
Kleist, vivement compromis si le corps du maré-
chal Saint-Cyr m'avait secondé. Si le duc de Bas-
sano désirait des éclaircissements plus étendus sur
sur l'affaire de Kulm, M. Frosté,mon ancien secré-
taire intime, répondrait avec vérité à toutes les
questions qui lui seraient faites. J'ai cru, Monsieur
le duc, de joindre ici la lettre originale de M. Frosté
que je vous prie de conserver devers vous jusqu'à
ce que par bonne occasion vous puissiez me la
renvoyer.
« Je finis, Monsieur le duc, ces longs détails qui
vous fatigueront probablement, mais que je devais
en réponse à votre lettre, à la vérité et à tous mes
sentiments pour vous. »
Le duc de Bagsano , après avoir communiqué
à M. de Norvins la lettre de Vandamme, lui ré-
pondit le 10 avril 1826 :
« Monsieur le comte, j'ai reçu à sa date la ré-
ponse que vous avez bien voulu me faire le 21 fé-
vrier. Je l'ai communiquée aussitôt à M. de Nor-
— M4 —
vins. Nous nous sommes alors occupés, lui, dans
rinlérétde la vérité, et moi dans un double intérêt
puisquMl s'agissait aussi du vôtre, de recherches
qui n ont pas été sans fruit. La complaisance de
M. le général Dumas nous a procuré le moyen de
compulser le livre d'ordres du prince de Neuf-
chàtel, où nous avons trouvé les trois ordres dont
je joins ici la copie textuelle. M. de Norvins rec-
tifiera en conséquence, dans sa nouvelle édition,
l'article qui vous concerne.
« Je n*ai pas eu besoin de consulter M. Frosté,
et quoique j'eusse été charmé de faire sa connais-
sance, j'ai craint de le déranger inutilement. Je
vous renvoie sa lettre du 2 septembie 1813.
« Je vous prie, mon général, de me renvoyer
aussi la lettre de M. de Norvins que j'ai jointe à
la mienne du 11 février. •
Les trois ordres dont lo duc envoyait la copie
au général, sont : celui du 28 août, écrit près de
Pirna et que nous avons donné in extenso:
celui du 30 août, de l'Empereur à Berthier, pour
le duc de Trévise, et une dernière lettre du 30 août
1813, onze heures et demie du matin, adressée par
le major général à Vandamme. La voici :
• Je vous envoie, général, un officier de mon
état-major pour savoir ce qui se passe. J'ai donné
l'ordre au duc de Trévise de vous soutenir avec
une partie de ses troupes, si vous en aviez besoin.
Renvoyez-moi sur-le-champ l'officier que je vous
expédie. »
Des deux dernières lettres il résulte quo TEm-
pereur savait Vandamme en marche sur Tœplitz
et que Tordre était donné à Mortier de le soute-
nir, ce que le maréchal ne fit pas plus que Saint-
Cyr.
Voici maintenant une lettre du 4 mars 1826,
du secrétaire de Vandamme, qui expUque ce
que sont devenus les ordres originaux portés
au commandant du 1" corps par des officiers du
prince de Neufchâtel et de l'Empereur.
« Mon général, j'espère bien que vous ne
pensez pas que je mette de la froideur à vos
intérêts. Je m'en suis occupé et je m'en occupe
encore, avec le zèle que vous m'avez toujours vu
mettre à ce qui vous touche, et sur lequel vous de-
vez toujours compter.
« Il sera bien que vous adressiez au duc de
Bassano ce que vous avez de renseignements sur
l'affaire de Kulm. Mais j'ai en mains et j'ai mon-
tré à M. de Norvins les documents les plus irré-
fragables qui établissent cette affaire dans tout son
jour. M. de Norvins est tout à fait édifié et prépare
depuis plusieurs jours un article qui redresse com-
plètement l'opinion qu'il a émise sur cette affaire.
Je suis armé jusqu'aux dents et je fournirai les
renseignements que je me suis procurés à force
de recherches. /7s sont sans réplique.
« M. de JS'orvms m'avait dit que vous aviez an-
noncé chez le duc de Bassano avoir les ordres qui
vous prescrivaient de marcher sur Tœplitz. Je lui
— 546 —
«i réi>ondu que la communication qu'il en attendait
de vous était impossible, parce que je vous avais mi
dccliirercesordresau moment où vous me renvoyiez
dans Kulm pour y prendre et brûler le grand chiffre
de rarmée. J'ai en effet eu le temps de faire cet
auto-da-fé et d y joindre une lettre que vous écri\iez
à la comtesse. Je ne saurais donc trop vous enga-
ger, mon général, à vous tranquilliser maintenant
sur cette circonstance qui intéresse si vivement
votre gloire. Je sais où sont les documents ofli-
ciolsy et je les ferai lire à qui de droit. Je dois
revoir M. de Norvins, avec qui je suis entré en re-
lations. II est désespéré, ce sont ses expressions,
d'avoir aventuré son opinion sur l'affaire de Kulm,
qu'il no connaissait que d'après les bulletins, et
que par conséquent il ne connaissait pas. >
Enfin, le 3 novembre 1826 et le 3 janvier 1827,
le général Haxo écri\ît de Paris à Vandamme :
« Mon général, il se publie à Berlin une suite
de plans et de relations des combats les plus im-
portants de la dernière guerre. L'auteur, M. le
major Wagner, s'adresse à moi pour obtenir des
renseignements sur l'affaire de Kulm.
« Vous jugerez peut-être convenable de four-
nir à ces Prussiens ce qu'ils demandent, afin que
l'histoire, composée sur leurs documents, ne vous
traite pas comme ont fait quelques écrivai Heurs de
Paris. J'espère d'après cela que vous voudrez bien
me mettre on état de répondre convenablement à
M.Wagner, et je prends la liberté do vous deman-
der communication des notes que vous pouvez avoir
sur laforce des troupes et leurs manœuvres, depuis
la passage de l'Elbe jusqu'à la journée do Kulm.
« Veuillez être persuadé, mon général, que je ne
me mêlerai dans cette affaire que pour aider à ré-
tablir la gloire du corps d'armée que vous com-
mandiez, et pour vous donner une nouvelle preuve
de la haute considération avec laquelle j'ai l'hon*
Dieur d'être, etc.
• Mon général, je prends la liberté de vous rap-
peler la promesse que vous avez bien voulu me
faire par votre lettre du 8 novembre dernier, rela-
tivement aux renseignements qu'on me demande
sur l'affaire de Kulm. Le major prussien est pressé
de publier son ouvrage et méfait sentir que mes
notes pourraient arriver trop tard. Je serais fâché
de voir s'échapper ainsi l'occasion qui se présente
de donner au public une idée exacte d'une affaire
malheureuse sur laquelle on n'a pas encore dit la
vérité jusqu'ici. »
Vandamme, choqué probablement de ce que le
général Haxo n'eût pas pris l'initiative et fourni
lui-même à l'auteur prussien des matériaux qu'il
eût été plus en position que qui que ce fût de lui
adresser, lui répondit le 30 janvier 1827 :
t Monsieur le général, j'ai relu votre dernière
lettre, et après mûre réflexion, je n'écrirai pas à
M. le major Wagner sur l'afiairede Kulm. Leduc
de Dassano, M. le général Duuias et M. de Nor-^
vinsontentre leurs mains les copies desordres que
— 648 —
j'ai reçus dans le temps de Tempereur Napoléon el
du prince de Wagram, major général. J'ai répon-
du à diverses questions qui m'ont été faites par le
général Jomini, aide de camp de l'empereur de
Russie, et je pense iàbornerma correspondanceaa
sujet de cette affaire. S'il vous convient, Monsieur
le générai, de fournir quelques renseignements à ce
major piussien, personne n'est plus à même que
vous de lui faire connaître la véritable situation
de notre position à Kulm, où vous avez tout n
aussi bien que moi. •
En note de la copie de cette lettre, on trouve
écrit de la main du général :
« Cette copie doit être jointe aux lettres du gé-
néral Haxo. Le général commandait dans le temps
de l'affaire de Kulm l'arme du génie de la garde
impériale. Il s'est trouvé près de moi à cette expé-
aition, parce qu'il avait été chargé antérieurement
par l'Empereur d'examiner la partie de la Bohème
le long de l'Elbe, parce que nous étions au dé-
pourvu de bonnes cartes. Ce général, très-ins-
truit, galant homme, etc., etc., m'accompagnail
dans la descente du défilé du haut de Kulm, lors-
que je lui observai que j'aurais laissé une brigade à
Hellendorf,oixle prince de /îe^ss, général de bri-
gade, venait d'expirer, si je n'avais pas F ordre
très-expresse de ne pas m'occuper de mes flancs
et derrières, les corps des maréchaux Saint-Cvr
Bellune et Trévise me suivant dans le grand
défilé de Peterswalde à Kulm ,
— 849 —
« Ce général ne m'a pas quitté durant les diffé-
rents combats. Il a été fait prisonnier presque «en
même temps que moi, après avoir été jeté en bas
de son cheval d'un grain de mitraille qui l'avait
atteint à la poitrine. Nous avons été conduits en-
semble devant l'empereur Alexandre au château
de Kulm, et ensuite à Tœplitz.
« Ce général a rappelé lui-même, enjanvier 1826,
à Paris, chez le général Bertrand, ce que je lui
avais dit à la descente de Peterswalde, en route
pour Kulm, etc., etc. »
Nous croyons avoir donné tous les documents
de nature à bien établir que dans cette affaire il y
a eu beaucoup de coupables, mais que Vandamme
n'eut rien à se reprocher.
Le premier coupable est la fatalité qui ramena
Napoléon à Dresde et l'empêcha de suivre une opé-
ration dont il regardait le succès comme infaillible,
tant elle était bien préparée. Ce retour de l'Empe-
reur dans la capitale de la Saxe perdit tout, car
s'il eût été sur le terrain, s'il eût vu le changement
de route des aUiés, il eût renforcé Vandamme par
le duc de Trévise non pas le 30 août, lorsqu'il était
trop tard, mais dès le 29 au matin. La position de
Hellendorf eût été occupée, et le corps de Kleist
fait prisonnier.
Le second coupable est Saint-Cyr, qui n'a pas
suivi Kleist ; le troisième Mortier, qui manqua
d'initiative.
Cette affaire de Kulm eut les plus désastreuses
• _
COnsétpienoes pour la fin de la campagne. Dans
tous les ouvrages où nous en avons lu la relation
plus ou moins dctaillcc, nous ne l'avons trouvée
appréciée avec vérité, avec impartialité, que dans
VHistoire du Consulat of de l'Empire, de
M. Thiers.
Le Moniteur universel du 10 septembre an-
nonça la mort de Vandamme. Il n'en était rien. On
a raconté de plusieurs manières la réception du
général par rcmpereur Alexandre, sa captivité en
Russie. Personne n'était plus à môme que lui de
faire connaître la façon dont il avait été traité, et
voici ce qu'il a écrit à cet égard :
• Le général Vandamme fut annoncé à Tempe-
reur Alexandre. Sa Majesté Impériale envoya le
grand-duc Constantin au-devant du général pri-
sonnier. Le grand-duc lui adressa son compli-
ment de condoléance sur sa captivité et le félicita
de sa longue et glorieuse défense. Le général fut
conduit près do l'empereur, qui le reçut avec bonté
ot lui adressa également des compliments sur sa
défense. Il fut mené avec le général Haxo à Tœp-
litz. Le lendemain, il fut dirigé sur Moscou, où il
fut traité avec égards par le comte Rostopcliine, et
avec la plus grande bienveillance par beaucoup de
seigneurs russes, dont l'esprit hospitalier et che-
valeresque est bien connu. Le général passa cinq
mois dans cette capitale, sans avoir à se plaindre
de personne, et il fut depuis conduit à Viasma, à
trois cents lieues de Moscou, à l'époque où les
— 55i —
alliés résolurent le passage du Rhin et Tattaque
de la France. »
LIVRE XIII & DERNIER-
De 1814L à 1815.
Vandamme revient en France, en 1814. — l\ est calomnié. —
Réfutation des accusations portées contre lui. — Lettres qui
lui sont écrites. — Il est envoyé en mission extraordinaire
dans le Nord, en avril 1815, après le retour de l'Empereur.
— Il est nomme pair de France et reçoit le commandement
du 3« corps de l'armée du Nord. — Son entrée en campagne
en juin 1815. — Combat contre le général Zicthen (15 juin)
Bataille de Ligny (16 juin). — Rôle de Vandamme. — Marche
sur Wavro (17). — Combat de Wavre (18). — Retraite sur
Namur et sur Paris (du 19 au 30 juin). — Armée de la Loire.
— Vandamme proscrit. — Son séjour à Limoges, Olivet,
Vierzon, Gand, Philadelphie. — Son retour en France (1819).
Dernières années de sa vie. — Sa mort en 1830 (15 juillet). —
• Coup d'œil sur l'ensemble de sa vie militaire.
Vandamme resta en Russie jusqu'à l'époque où
es prisonniers français furent rendus par l'empe-
•eur Alexandre. Voulant alors favoriser le retour
— 552 —
dans leur patrie de bon nombre d'officiers sescom-
paj^nons d'infortune, il fréta à ses frais dans le
port de Riga un navire, la CoffAnna Dorothea,
appartenant à des armateurs de Copenhague, les
sieurs Erick Nisson, et ayant pour capitaine un
nommé Johan Pelerson.
Le général s'embarqua avec ses compagnons
d'armes dans le port de Riga au mois de juillet,
pour revenir en France par Copenhague et Dun-
kerque. A cette même époque, le bruit se répandit
dans sa famille que le grand -duc Constantin ayant
eu une discussion des plus vives avec lui, ayant
même été provoqué, s'était vengé en obtenant qu'on
fit subir à Vandamme d'affreux traitements. On
ajoutait qu'il ne serait pas rendu à sa patrie. La
sœur du général écrivit à la comtesse Vandamme
qu'elle ferait bien de partir immédiatement pour
Paris demander justice au roi, et qu'il fallait faire
prévenir de ce qui se passait le général Maurice et
le colonel Lévêque alors à Saint-Pétersbourg,
chargés de faire rentrer les prisonniers.
Si l'on en croit ce que Vandamme lui-même a
écrit sur sa captivité, il aurait été au contraire Tob-
jet des soins, des attentions et des prévenances
des Russes.
Quoi qu'il en soit, le général, embarqué à Riga,
vint relâcher quelque temps à Copenhague, et re-
mit à la voile pour Dunkerque. En vue du port de
cette ville, le navire ayant touché sur les bancs
éprouva des avaries assez graves. Le capitaine
perdit d'abord la tête, puis se livra à la boisson, et
la Dorothea ne dut son salut qu au sang-froid de
\andamme et des officiers français passagers à
son bord.
Cette circonstance et la mauvaise foi des arma-
teurs donnèrent lieu à une réclamation mal fondée
et injuste des sieurs Nisson. Il s'ensuivit un pro-
cès qui dura plusieurs années et que Vandamme
termina au moyen d'un sacrifice d'argent.
Le général fut reçu à Dunkerque par sa femme,
par sa sœur, par son père, par son lils et par
ses neveux et nièces. Ce fut une scène des plus
touchantes. Toute la famille s'était réunie pour
l'embrasser plus tôt.
Des ennuis d'une nouvelle espèce l'attendaient
sur le sol natal. Des calomnies avaient été répan-
dues sur son compte par des journaux allemands.
On avaît fait circuler en France le fragment d'une
prétendue lettre qui aurait été adressée en 1793
par lui à un de ses compagnons d'armes. Dans
cette lettre il aurait écrit en parlant des émigrés :
« J'ignore si vous connaissez le traitement que
je leur fais quand j'ai le bonheur d'en attraper. Je
ne donne pas à la commission miUtaire la peine de
les juger; leurs procès sont faits sur-le-champ,
mes pistolets et mon sabre font leur affaire. »
Une lettre anonyme, parvenue à Vandamme le
18 juillet 1814; lui fit connaître ce que l'on disait.
Fort ému, il se rendit à Paris et demanda une au-
dience à Louis XVIII. Le roi refusa de le recevoir,
— 864 —
ainsi que cela résulte de la réponse, en date du
22 septembre, du duc d*Aumont, premier gentil-
homme delà chambre.
Vandamme se décida alors à avoir recours,
pour confondre ses calomniateurs, au témoignage
de ses anciens chefs et camarades.
Il écrivit à plusieurs d'entre eux. Nous allons
donner quelques-utiés des réponses qui lui furent
faites. Le maréchal Jourdan, gouverneur delà quin-
zième division militaire , lui manda de Rouen :
« J'ai reçu la lettre que vous m'avez fait l'honneur
de m'écrira le 7 courant, par laquelle vous me pré-
venez qu'on vous accuse d'avoir tué de votre main
des émigrés à Nieuport* en 1793, et vous me priez
de vous accorder un certificat en ma qualité d'an-
cien général en chef de cette armée pour vous aider
à repousser cette imputation calomnieuse. Je pré-
sume que, comme tous les autres chefs militaires,
vous avez fait exécuter les lois qui ordonnaient
de traduire devant des commissions militaires
tous les Français pris les armes à la main dans les
rangs des ennemis de la France, mais je déclare
qu'il n'est jamais parvenu à ma connaissance
qu'aucun d'eux ait péri de votre main. »
A la même époque, Ernouf, ancien chef d'élat-
major des armées républicaines et alors, comme
Jourdan, rallié à la cause des Bourbons, dont il se
montra, en 1815, un des plus zélés partisans, écri-
vit également à Vandamme :
« Monsieur le comte, j'ai l'honneur de vous
accuser réception de votre lettre, par laquelle vous
m'instruisez que de vils calomniateurs vous ont
dénoncé à notre auguste souverain comme ayant
tué de votre main des émigrés à Nieuport en 1793,
et que Son Excellence le ministre de la guerre
vous avait conseillé pour repousser ces imputations
calomnieuses, de recueillir quelques certiflcats des
personnes marquantes qui étaient employées à
cette époque à Tarmée du Nord.
* Je m'empresse de rendre hommage à la vérité,
et je déclare que jamais il n'est parvenu à ma con-
naissance qu'un attentat aussi indigne de la géné-
rosité d'un officier français ait été commis par
vous. J>
Enfin nous ferons connaître encore les deux
lettres suivantes, du 10 octobre 1814, relatives au
même objet. La première est du général Dejean,
la seconde du maréchal Macdonald :
« Monsieur le général, j'apprends avec peine,
par la lettre que vous m'avez fait l'honneur de
m'écrire, que vous êtes accusé auprès du roi
d'avoir tûé de votre propre main des émigrés à
Nieuport en 1793. Étranger à cette époque à l'ar-
mée du Nord, il ne m'est pas possible de vous
disculper de laccusation calomnieuse dirigée con-
tre vous, quelque persuadé que je sois de sa
fausseté.
• Au mois de juillet 1794, la place de Nieuport
fut attaquée pour la deuxième fois, et je fus
chargé de la direction du siège, sous les ordres
— OOD —
de M. le général Moreau, commandant en chef
l'armée du siège. Vous commandiez une des bri-
gades de cette armée, et vous avez concouru, par
votre activité et vos services, à la prompte reddi-
tion de cette place. Je puis, Monsieur le général,
parler de ce qui s'est passé à cette époque avec
connaissance de cause, et affirmer avec vérité que
je n'ai jamais entendu parler de l'accusation diri-
gée aujourd'hui contre vous. Je désire bien sin-
cèrement que cette attestation puisse remplir vos
vues. •
« Monsieur le général, je trouve à mon retour
de la campagne la lettre que vous m'avez fait l'hon-
neur de m'écrire le 6 de ce mois, et je m'empresse
d'y répondre.
« Je me souviens d'avoir lu en 1793, dans une
feuille française ou étrangère, l'accusation dont
vous vous plaignez aujourd'hui; j'ignore si alors
elle fut repoussée; mais pour rendre hommage à
la vérité, je déclare hautement qu'étant à l'armée
du Nord et éloigné du lieu où des émigrés furent
exécutés, je n'ai pas cru et je ne croirai jamais
qu'un général qui avait déjà acquis de la gloire
miUtaire ait trempé ses mains dans leur sang.
« 11 ne doit pas vous être difficile de prouver la
fausseté de telles atrocités par les témoins ocu-
laires tels que les militaires qui servaient sous vos
ordres et les habitants de Nieuport.
« Vous pouvez, Monsieur le générai, rendre
cette déclaration publique; j'apprendrais avec plai-
sir qu'elle eût concouru à faire reconnaître votre
innocence. »
Nous bornerons là cette réfutation et les preu-
ves de la calomnie dont le général était alors la
victime.
Au mois d'octobre 1814, pendant qu'il se trou-
vait encore à Paris, sans emploi, Vandamme
reçut un singulier hommage, celui d'un ouvrage
sur la guerre d'Espagne, écrit par le général Sar-
razin, le même qui, en 1810, avait passé à l'en-
nemi et s'était embarqué sur un navire anglais,
étant au camp de Boulogne (1). L'hommage d'im
traître, comme bien l'on pense, n'était pas de na-
ture à flatter Vandamme.
Le général quitta Paris, le 10 octobre, sur un
ordre du ministre de la guerre qui lui enjoignit
de partir dans les 24 heures pour se rendre à
Gassel. Il vint habiter sa maison occupée, pen-
dant le séjour des alliés dans le nord de la France,
par un général prussien, V. Phûmen. Aucun dégât
n'avait alors été commis dans les propriétés de
Vandamme. La comtesse sa femme, ainsi que son
fils, avaient été respectés par les ennemis de la
France. Le général vécut là de la vie de famille
{\ ) Voici une anecdote assez curieuse sur le général Sarrazin,
auteur de plusieurs ouvrages fort mauvais sur les guerres du
premier Empire. 11 était de très-haute taille, le général Girard
avec lequel il eut une discussion était très-petit. Ce dernier se
trouvant dans le même salon que Sarrazin, monta sur une
chaise, pour lui appliquer un soufflet en présence de tout le
jusqu au âOmars 1815, complotemenl oublié elpa*
raissaut étranger lui-même aux affaires publiques.
Après le retour do IMle d'Elbe, en 1815, le gé-
néral reçut brusquement du ministre de la guerre,
Davout, une mission des plus importantes.
Au commencement d'avril, l'Empereur, informé
que le parti du roi n'était pas éloigné de faire une
tentative sur la ville de Dunkerque, écrivit à ca
sujet, le 9, au prince d'Eckmuhl :
• Mon cousin, faites partir cette nuit un lieute-
nant général ou un maréchal de camp, capable et
ferme, pour commander Dunkerque. Écrivez au
comte d'Erlon et recommandez-lui de veiller sans
cesse sur Dunkerque ; tous les efforts des émigrés
et de l'ennemi se portent sur cette ville, oii ils
voudraient opérer un mouvement pour s'en em-
parer.— Faites partir aussi 50 gendarmes à pied
de Paris, bien connus et bien choisis, ils se ren-
dront par les voitures publiques à Dunkerque. Si
vous avez un bon inspecteur ou colonel, faites-le
partir également. •
Davout avait vu Vandamme à l'œuvre en 1799,
en 1805, en 1809, enfin devant Hambourg en 1813.
Il n'hésita pas à le désigner. C'était bien, en effet,
l'homme de la circonstance. Le jour même, il écri-
vit au général :
« Monsieur le lieutenant général, j'ai rhonnciir
de vous communiquer une lettre que je viens de
recevoir de l'Empereur. Mon intention avait été
(l'abord d'envoyer à Dunkerque un ofiicier gêné-
— 889^
rai ; mais j'ai pensé ensuite que le moyen d'assu-
rer cette place importante contre toute entreprise
des ennemis de l'État était de vous envoyer
isur ce point, chargé d'une mission extraordi-
naire.
a Lorsque vous aurez pourvu à la sûreté de la
place, et déjoué les projets que cherchent à orga-
niser les émigrés et quelques traîtres, vous pour-
rez revenir à Paris, en ayant soin seulement de
me prévenir quelques jours d'avance pour que je
puisse envoyer un général à qui vous remettrez le
commandement.
« Vous correspondrez directement avec moi.
Les commandants d'armes de la 16® division mili-
taire, qui se trouvent sous les ordres du lieutenant
général Drouet, comte d'Erlon, continueront néan-
moins à envoyer à ce général leurs rapports, et
l'avis des ordres que vous serez dans le cas de
leur donner.
« Plus j'y réfléchis, plus je trouve d'avantage
au bien du service de l'Empereur à vous charger
de cette mission. Votre arrivée seule produira tout
le succès qu'on peut en attendre. »
Vandamme partit immédiatement avec des
pleins pouvoirs et les instructions du ministre de
la guerre.
Le 11 avril, il était à Dunkcrque ; il lançait une
proclamation aux liabitants de la ville et adressait
un ordre du jour aux troupes qui se trouvaient
dans les places de la 16^ division militaire. 11 rap-
uuv
pelait à leur devoir les soldats du 51* de ligne,
dont plusieurs avaient quitté les drapeaux, el, avec
sa prodigieuse activité, veillait à tout par lui-
même. Les mesures qu'il prit furent approuvées
par le prince d'Eckmuhl. Au bout de quelques
jours, les craintes qu'on avait eues au sujet de
Dunkerque ayant disparu, Vandamme se rendit à
Mézières pour prendre le commandement du â*
corps d'observation et de la 2^ division militaire,
ainsi qu'il en avait reçu Tordre au commencement
de mai. En le iëlicitaut de sa couduite dans le
nord, Davout écrivit au général le 7 mai : Vous
avez communiqué votre feu dans le pays oà
vous êtes.
Le moment approchait où Vandamme allait
faire sa dernière campagne. Le 19 mai 1815, il
fut prévenu que le 3® corps ferait partie de Tarmée
commandée par l'Empereur en personne; qu'il
devait établir ses troupes entre Rocroy et Philippe-
ville, pour être en mesure, à chaque instant, de
franchir la frontière.
Nous ne ferons pas le récit de la courte et dé-
sastreuse campagne de Belgique inaugurée par la
victoire de Ligny à laquelle Vandamme prit une
belle part et close deux jours plus tard par le dé-
sastre de Waterloo. Nous nous bornerons à faire
connaître son rôle dans ces difficiles circon-
stances.
Au moment d'entrer en campagne, le 2 juin,
le général reçut du duc de Bassano Tavis qu'il
était nommé pair de France. Bientôt Tarmée du
Nord se rapprocha de la Sambre. Elle était formée
du !•' corps (Drouet comte d'Erlon, 20,000 hom-
mes); du 2* (Reille, 23,000); du3« (Vandamme^
16,000); du 6* (Lobau, 13,000); du 4« (Gérard,
15,000) ; de la réserve de cavalerie ( Grouchy;
10,000); de la garde impériale (20,000).
Ces cent quinze à cent vingt mille combattante
furent concentrés, le 14 juin, entre Maubeuge et
Philippeville.
Le lendemain, Taile gauche (1*^ et 2® corps et
cavalerie légère de la garde) partit de Maubeuge .
Le centre (3®, 6® corps, garde et cavalerie), plus
spécialement aux ordres directs de Napoléon, par-
tit de Beaumont. La droite (4® corps) partit de
Philippeville. La Sambre fut franchie à Marchien-
nés, Charleroi et le Chastelel. Vandamme et le
3® corps la passèrent à Charleroi. Trois corps
prussiens essayèrent de retarder la marche du
centre et de Taile gauche de l'armée française.
L'ordre du mouvement donné par TEmpereur
était combiné de façon à ce que ses principales
forces vinssent se masser des Quatre-Bras à Som-
bref, prêtes à se porter sur les Anglais de Wel-
lington (à Bruxelles), ou sur les Prussiens de Blu-
cher (à Namur). Napoléon espérait battre sépa-
rément chacun de ses deux adversaires.
Le mauvais état des routes et la rupture du
pont de Charleroi retardèrent la première opéra-
tion.
H. 36
— 364 —
I^ {çrnéral prussien Zietheo, qui se trouvait le
plus rapproché, replia sa droite par la route de
Bruxelles, son centre et sa gauche par celle de
Gembloux. Ney, avec le ^ et le f corps, pour-
suivit la première colonne, Vandamme et la cava-
lerie de Grouchy la seconde. Vers trois heures
de l'après-midi, le 15, Vandamme et Grouchy se
trouvèrent en face de 25,000 Prussiens couverts
par un ravin et adossés à des bois. L'empereur
arrivant et reconnaissant qu'il n'avait affaire qu'à
une partie de l'armée de Blucher, fit culbuter
Ziethen et le rejeta sur Fleurus.
Le IG, eut lieu la bataille de Ligny.
Blucher avec 80,000 hommes avait pris posi-
tion, la droite au villagcc de Saint-Amand, le centre
à Ligny, la gauche à Sombref. Il n'avait avec
lui que trois coi*ps. Celui de Bulow ne l'avait pas
encore rallié étant en marche de Namur.
L'Empereur aurait pu attaquer dès le matin,
mais il voulut donner le temps à son aile gauche
(Ney) de s'emparer des Qualre-Bras et de déta-
cher une dizaine de mille hommes qui^ tombant
sur l'extrême- droite de Blucher, auraient com-
plété la défaite des Prussiens. Ce ne fut donc
malheureusement pas avant deux heures que le
signal de commencer l'attaque fut donné. L'armée
française était dans l'ordre suivant :
A l'extrême gauche, Vandamme (â*" corps) ren-
forcé de la division Girard, détachée du "2^ corps,
d'abord en réserve et indépendante du 3^ corps.
Au centre, devant Ligny, Gérard (4® corps), la
cavalerie de Grouchy sur Sombref . La garde en
réserve générale, entre la gauche et le centre. Le
6® corps (Lobau) en réserve également un peu en
arrière. Le l^"" et le 2® corps étaient aux Quatre-
Bras avec Ney.
La bataille s'engagea à Saint-Amand. Les deux
hameaux de ce nom furent pris et repris par la di-
vision Girard, qui y perdit son intrépide chef
blessé à mort, et dont les deux généraux de bri-
gade furent mis hors de combat. Vandamme mena
lui-même ses troupes à la charge pour soutenir la
division Girard dont la moitié de l'effectif était
couché sur le terrain. Avec sa bravoure habi-
tuelle, il repoussait sur tous les points la droite
de Blucher, lorsque soudain il aperçut sur sa
gauche une colonne profonde. Ne sachant si cette
colonne était amie ou ennemie, il arrêta son mou-
vement offensif et fit prévenir l'Empereur qui
envoya reconnaître la troupe dont les baïonnettes
se distinguaient sur le flanc gauche. C'était une
des divisions du corps de Drouet d'Erlon qui se
dirigeait sur Ligny, d'après un ordre apporté par
un aide de camp de Napoléon. Malheureusement
cette division reçut à ce moment un autre ordre de
Ney, et elle reprit sa marche sur les Quatré-
Bras, inutile d'un côté comme de l'-autre.
L'Empereur, ne voyant pas paraître les troupes
qu'il attendait de son aile gauche, résolut de
rompre le centre des Prussiens et do gagner seul la
— 564 —
bataille. Vartdamme fut chargé de contenir la
droite de Tennemi. Le 4® corps, la garde, la ca-
valerie s'élancèrent sur le centre de Blucherel
parvinrent à rejeter les Prussiens du champ de ba-
taille.
Malheureusement la bataille finit très-tard, Na-
poléon se retira à Fleurus pour y coucher, sans
donner d'ordres pour la poursuite des Prussiens
auxquels on laissa quatorze heures de répit.
Pendant ces quatorze heures, Blucher battu, mais
non désorganisé, se concentra à Wavre, appela à
lui le corps de Bulow, et, le 17 au soir, il eut
quatre- vingt mille hommes ralliés dans la main.
Personne dans l'armée ne mettait en doute que,
le lendemain, Napoléon donnerait enfin sur le
champ de bataille deLigny, à Vandamme, le bâton
de maréchal dont il avait été frustré par la mal-
heureuse affaire de Kulm pour laquelle beaucoup
d'autres, mais non pas lui, avaient des reproches
à se faire. Il n'eil fut rien, et le général eut encore
le déboire d'apprendre qu'il était mis sous les
ordres du dernier maréchal nommé, le comte de
Grouôhy.
A midi, le 17, l'Empereur, étant sur le terrain
de Ligny où il était venu à neuf heures du matin,
donna le commandement de sa gauche à Grouchy
en lui prescrivant de poursuivre les Prussiens,
de les rejoindre, de ne pas les perdre de vue. Il
était trop tard. Grouchy voulut décliner celte mis-*
sion plus que difficile, Napoléon ne le lui permil
pa3 e( lui indiqua d*abord la fausse direction de
Namur. comme étant celle suivie par l'armée battue
la veille.
Grouchy eut sous ses ordres les 3* et 4® corps,
la division Teste, les corps de cavalerie d'Excel-
mans et dePajol, environ 32 à 33,000 hommes. Le
seul homme auquel une semblable mission pou-»
vait alors convenir était peut-être Vandamme (1).
Grouchy, toutefois, se mit en marche, mais le
mauvais état des routes, les temps affreux ne per-
mirent pas aux 3® et 4® corps de faire, le 17 juin,
plus de trois lieues. Vandamme vint bivouaquer
en avant de Gembloux, Gérard en arrière, sur la
route de Namur à Wavre. On avait abandonné la
poursuite sur Namur. On commençait à penser
enfin que la retraite des Prussiens s'était opérée
sur Wavre.
Le 18, l'aile droite partit de Gembloux. Van-
damme dépassa Sart-à-Valhain, et s'achemina sur
Wavre. Vers midi, une forte canonnade se fit en-
tendre sur la gauche, et le général Gérard, qui ar-
rivait à Sart-à-Valhain, eut une discussion des
plus vives avec son chef, le maréchal de Grouchy,
disant qu'il fallait marcher siu canon. On a pré-
tendu, depuis, que Vandamme avait pris part à
cette discussion et donné raison à Gérard. La
chose est impossible, le général était alors à plus'
(1) Nous ne croyons pas, cependant, que Vandamme ou tout
autre eussent fait mieux que Grouchy, vu les quatorze heures
Jajss'Js il Dluclwr,
de trois lieues en avant du point où se trouvaient \^
le maréchal et le commandant du 4^ corps.
Après sa discussion avec Gérard, Grouchy se
porta en avant, fit attaquer les Prussiens par
Excelmans et par Vandamme, et ordonna de les
poursuivre dans la direction deWavre. Toutefois,
il prescrivit à ce dernier de ne pas trop s'engager
à la poursuite de Tennemi dans la partie de
Wavre située sur la rive droite de la Dvle.
Il
Emporté par son ardeur, Vandamme ne voulut
donner aucun répit aux Prussiens, et il engagea
ses troupes dans le bas Wavre. Lorsque Grouchy
arriva sur le plateau qui couronne la ville, il re-
connut Timpossibilité de retirer le 3« corps. Oq
chercha donc à enlever le passage de la Dyle,
grossie par les orages de la nuit précédente el le
moulin de Bielge.
Une des divisions du 4® corps arrivait alors,
conduite par Gérard en personne. L'attaque du
moulin de Bielge, dont Vandamme s'efforçait de
s'emparer, fut renouvelée inutilement; Gérard y
fut blessé. Grouchy se décida à aborder Li-
male avec les autres divisions du 4® corps, et il
parvint, à onze heures du soir, à effectuer le pas-
sage de la Dyle sur ce point.
On bivouaqua à quelques centaines de mètres
des Prussiens, ou plutôt des 30,000 homme?
laissés par Blucher pour s'opposer à la marche
de Grouchy. Les autres corps ennemis étaient
sur le champ de bataille de Waterloo e'
avaient décidé du gain de la journée parles alliés.
Au lever de l'aurore, l'aile droite de l'armée
française ne connaissait pas encore le résultat de
la bataille livrée par l'Empereur aux Anglais.
Grouchy voulut donc pousser les Prussiens pour
essayer de percer jusqu'à Napoléon. Vandamme
attaqua devant lui, sans trop s'inquiéter des ordres
de son chef immédiat, et voici pourquoi :
Le général, avec de grands et véritables talents
militaires, avec une bravoure sans égale, avait un
caractère entier. Il détestait Grouchy depuis que ce
dernier avait été fait maréchal^ en récompense de
sa campagne politique du Midi contre le duc d'An-
gouléme. Se voyant encore nue fois frustré de ce
bâton, objet de ses plus ardents désirs, et se
croyant comme militaire bien supérieure Grouchy,
il obéissait à regret et difficilement aux ordres de
ce dernier.
C'était une faute de la part de L'Empereur d'a-
voir mis sous le commandement de Grouchy un
homme comme Vandamme
Quoi qu'il ensoit^le 19 au matin, aa moment où
Grouchy allait les attaquer, les Prussiens prirent
Toffensive sur Limale ; mais culbutés par les troupes
de Grouchy de ce côté,, par celles de Vandamme
sur Wavre, ils furent menés l'épée dans les reins,
jusqu'au moment où le maréchal fiit Eeioint par
un officier qui lui apportait la nouvelle da désastre
de Waterloo. La poursuite fut arrêtée.
Une sorte de conseil de guerre fut tenu. Van-
— 668 —
damme voulait qu'on marchât 8ur Bruxelles, qu'on
se jetât sur les derrières de Tennemi, pour faire
une diversion puissante en faveur de l'armée bat-
tue. Ce conseil était celui d*un homme ardent,
audacieux jusqu'à la témérité, et Grouchy un ins-
tant parut être de cet avis ; mais à la réflexion, il
renonça à cette détermination, considérant comme
plus sage de ramener à Paris une petite armée non
désorganisée, non démoralisée de 30,000 braves
soldats, pour reconstituer un noyau à la défense
du pays.
Le maréchal ordonna donc la retraite. Van*
damme dut réunir au commandement du 3^ corps
celui du 4® dont le chef* Gérard était grièvement
blessé. Il se replia sur Namur. Les Prussiens
parvinrent à couper les communications entre les
deux corps, mais, le 20 au matin, la cavalerie lé-
gère de la division Valin rouvrit la communication,
et Vandamme à la tête du 3® corps donna le temps
au 4^ de rentrer dans Namur avec les blessés et
les équipages.
La ville fut occupée toute la journée par la di-
vision Teste. L'arrière-garde et les équipages
que Ton avait fait filer sur Dinan étant arrivés dans
cette place, le général Teste rallia ses autres trou-
pes et battit en retraite en faisant l'arrière garde.
Grouchy continua sa marche sur Givet où Ton
arriva le 21 .
Le 22 juin, le maréchal écrivit de Rocroy qu'il
ramenait une armée intacte et qu'il serait sous
- 869 —
trois jours à Laon, se dirigeant par Aubigny et
par Moncornet. Vandamme, à la tête des 3^ et
4* corps, quitta Rocroy le 23 à 10 heures du ma-
tin, et vint cantonner autour de Maubert-Fontaine
(route de Sedan à Vervins). Il apprit Tabdication
de l'Empereur. Le lendemain 24, l'armée du Nord
i:eçut une nouvelle organisation. Grouchy en fut
nommé le commandant en chef. Elle fut formée de
deux corps : le premier sous le général Reille,
avec les anciens 1®', 2® et 6® , — le second ^ous.
Yandamme avec les 8® et 4®, organisés en plusieurs
divisions, plus la cavalerie sous le comte de.
Valmy. Yandamme eut en outre la division de
cavalerie Yalin.
. Ce même jour, 24 juin 1815, Yandamme se mit
en marche sur Rethel avec les 3® et 4® corps, le
25 il cantonna entre Rethel et Reims sur les bords
de la Suippe.
Le 25, l'armée du Nord, principale force régu-r
lière dont la France pût disposer, se trouvait dans
la position suivante : La l*"® et la 2® division de
cavalerie en avant de Laon, la garde tout entière
en arrière de celte place; le 1*^ corps (Reille)
sous Soissons ; le 2® (Yandamme) sur l'Aisne,
en avant de Reims. Le corps de cavalerie de
Pajol à Béry-au-Bac, celui d'Excelmans à Craone.
Grouchy, ce jour là, fut informé que l'ennemi
marchait en toute hâte sur Paris par Soissons.
Il prescrivit à Yandamme de faire tous ses efforts
pour prévenir les alliés dans cette ville.
— 570 —
Malgré tout ce qtfil put faire, le général ne put
être à Soissons que le 27. L'ennemi manœu\Tant
par sa droite était entre Compiègne et Noyon, à
quelques lieues de Soissons. Le maréchal Davout,
qui avait la direction générale comme ministre de
la guerre, depuis l'abdication de l'Empereur et
depuis l'abandon de l'armée par le maréchal Soult,
prescrivit à Grouchy àe se diriger à marches for-
cées sur Paris. Dans cette marche commencée le
28 sur la capitale, le2*corps (Vandamme) fut chargé
de faire l'arrière-garde. Il se porta, soutenu de la
cavalerie légère, sur Villers-Gotterels, sur Senlis
et sur Domartin. On avait commis la faute de ne
pas occuper Compiègne^ ce qui forçait à un mou-
vement beaucoup plus allongé pour gagner Paris.
Le comte d'Erlon, auquel Grouchy avait laissé le
commandement de son ancien 1*^' corps, sans le
réunir au 2* de Reille, malgré les ordres du gou-
vernement provisoire, le comte d'Erlon, disons-
nous, dirigé tardivement sur Compiègne, y était
aux prises avec l'ennemi. Le 27 au soir, Van-
damme reçut un nouvel ordre, celui de filer droit
sur Paris par la route directe, sans passer par
SenUs.
Le général répondit immédiatement à Grouchy :
a L'ennemi ne peut être en force partout. 6i Votre
Excellence presse son mouvement sur Paris, par
la route qu'elle m'a tracée, nous arriverons peut-
être à temps, si surtout ce qui est en avant de moi
marche avec la même célérité et le même ordre
— Oil —
que je promets d y apporter. Il faut pouvoir coin-'
battre en arrivant, et nous pouvons obtenir des suo
ces qui sauveront la patrie d'une honte éternelle. »
Les alliés, cependant, pressaient leur mouve-
ment. Le 28, à quatre heures du matin, Grouchy
écrivit à Vandamme que Tennemi, ayant débouché
par trois colonnes, de Gompiègne sur Villers-
Gotterets, SenUs et Grépy, il devait prendre par
La Ferté-Milon et Meaux, à grandes marches.
Le maréchal commençait à avoir des craintes
sérieuses pour les troupes de Vandamme. Le 29,
il mandait à Davout qu'il était de sa personne à
Glaye avec 4,000 hommes, 1,800 chevaux de la
garde, et quelques régiments de Pajol; que le 2®
coi-ps s'était reployé surLaferté-Milonet ne pour-
rait pas arriver à Paris avant le lendemain 30.
Dans la nuit, il se produisit un fait qui faillit
avoir une certaine gravité et qui fut alors fausse-
ment interprété dans Tarmée. Le maréchal de
Grouchy reçut Tordre du gouvernement provisoire
de traiter d*un armistice avec Tennemi. Il envoya
son chef d'état-major, le général Le Sénécal, au
quartier général de Blucher, avec une lettre pour
le feld-maréchal prussien. Le Sénécal revint avec
un major que lui donna Blucher et qui était investi
de pouvoirs pour faire suspendre les hostilités.
Tous deux en voiture traversaient les bivouacs
des troupes de Vandamme et d'Excelmans, lors-
qu'ils furent arrêtés par des soldats, qui voyant
un uniforme prussien prirent le général Le Séné-
— 57Î —
cal pour un trailre. Ils les arrachèrent tous deux
avec violence de leur voiture, les maltraitèrent, et
sans le général Excelmans qui calma ses hus-
sards en leur promettant que les tribunaux mili-
taires feraient bonne justice de la trahison, le chef
d*état-major de Grouchy était écharpé.
Beaucoup d'officiers de cette époque se figurè-
rent qu'en ef/et le général Le Sénécal avait trahi,
tandis qu'il remplissait tout simplement une mis^
sion qui lui incombait de droit.
. Enfin, le 30 juin, Grouchy arriva sous la capitale
par Saint -Denis avec toutes les troupes de l'ar-
mée du Nord, c'est-à-dire 40 à 50,000 hommes
et 120 bouches à feu. Lorsque le maréchal vit que
l'on était décidé à traiter de la capitulation de
Paris, il abandonna le commandement au prince
d'Eckmuhl.
Ce fut alors que les chefs de l'armée du Nord
adressèrent au Corps législatif la protestation sui-
vante, dont un des premiers signataires fut Van-
damme :
« Représentants du peuple, nous sommes en
présence de nos ennemis; nous jurons entre vos
mains et à la face du monde de défendre jusqu'au
dernier soupir la cause de notre indépendance et
Thonneur national. On voudrait nous imposer les
Bourbons, et ces princes sont rejetés par l'im-
mense majorité des Français ; si on pouvait sous-
crire à leur rentrée, rappelez-vous, représentants
du peuple, qu'on aurait signé le testament de l'ar-
— 573 —
mée qui pendant vingt années a été le palladium
de rhonneur français.
« Il est à la guerre, surtout lorsqu'on Ta faite
Bussi longuement, des succès et des revers ; dans
nos succès onnous a vus grands et généreux; danà
nos revers, si on veut nous humilier, nous sau-
rons mourir.
a Les Bourbons n'offrent aucune garantie à la
nation ; nous les avions accueillis avec les senti-
ments de la plus généreuse confiance ; nous avioné
oublié tous les maux qu'ils nous avaient causés
par leur acharnement à vouloir nous priver de nos
droits les plus sacrés. Eh bien ! Comment ont-ils
répondu à cette confiance? Ils nous ont traités
comme rebelles et vaincus. Représentants, ces ré-
flexions sont terribles, parce qu'elles sont vraies :
l'inexorable histoire racontera un jour ce qu'ont
fait les Bourbons pour se remettre sur le trône de
France : elle dira aussi la conduite de l'armée, de
cette armée essentiellement nationale, et la posté-
rité jugera qui mérita le mieux l'estime du monde.
• Au camp de la Villelte, le 30 juin 1815, à trois
heures après-midi. Signé : Le prince d'Eckmûhl.
— Le général en chef, comte Vandamme. — Lé
lieutenant général, commandant en chef le 1®' corps
de cavalerie, comte Pajol. — Le lieutenant géné-
ral, baron Fressinet. — Le maréchal de camp,
baron Henrion. — Le Heutenant général, comman-^
(lanl l'aile droite de l'armée, comte d'Erlon. — Le
lieutenant général, commandant des grenadiers de
— 574 —
Ja garde, comte Rogiiel. — L.e maréchal de camp,
commandant le 3® régiment des grenadiers ?e la
garde, comte Harlet. — Le général commandant
près la division des chasseurs, Petit. — Le maré-
chal de camp, commandant le 2* régiment de gre-
nadiers de la garde, baron Christiani. — Le lieu-
tenant général Brunel. — Le major Guillemain.
— Le lieutenant général, baron Lorcet. — Le
lieutenant général Ambert. — Le maréchal de
camp, Marius Clary. — Le maréchal de camp,
Chartrain. — Le maréchal de camp, Cambriel. —
Le maréchal de camp, Jeannet. »
Le 3 juillet, Lanjuinais, président de la Cham-
bre des représentants répondit à Vandamme qui
venait de lui écrire une lettre patriotique :
« J'ai rhonneur de vous adresser un extrait du
procès-verbal de la séance de ce jour, où se trou-
vent consignés les témoignages de profonde satis-
faction avec laquelle la Chambre a entendu la lecture
de votre lettre. Recevez aussi, général, l'expres-
sion des sentiments qu'inspire aux amis de la pa-
trie votre généreux dévouement à la cause qu'ils
défendent. Il m'est doux d'être leur interprète et
de pouvoir vous offrir en particulier les assurances
d'une haute considération.
« Voici l'extrait du procès-verbal :
« La Chambre entend la lecture d'une lettre où
le général en chef comte Vandamme fait connaître
que les troupes qu'il commande ont été constam-
ment victorieuses, et que leur retraite forcée par
les événements a été protégée par de biillants soc*
ces, et a contraint Tennemi même à les respecter.
Il ajoute qu'il s'applaudit d'être rentré avec une
belle armée, et de pouvoir présenter l'assurance
qu'elle est prête à seconder en tout les intentions
du gouvernement, et qu'elle n'agira jamais que
dans l'intérêt de la patrie.
« La Chambre accueille honorablement l'ex-
pression de ces sentiments : elle arrête, sur la pro-
position d'un membre, qu'il sera voté des remercî-
ments à l'armée du général Vandamme, et que
M. le président, en adressant au général l'extrait
du procès-verbal de la séance, y joindra, au nom
de la Chambre, une lettre particulière de félicita*
tion. •
Après la capitulation de Paris, l'armée du Nord
ayant dû quitter cette ville se mit en marche
pour gagner les bords de la Loire. Le 9 juillet,
Davout fit connaître aux généraux en chef les can-
tonnements assignés à leurs troupes. Vandamme,
avec ses sept divisions d'infanterie et ses six de
cavalerie, dut établir son quartier général à Jar-
geau et avoir, le 11, sa droite près Romorantin, sa,
gauche sur Lafer té-Senne terre.
Dès cette époque commencèrent les négocia-
tions avec le roi Louis XVIII pour la soumission
de l'armée de Waterloo. Davout et Guilleminot,
son chef d'état-major, avaient laissé à Paris les
généraux Gérard, Haxo et Maison pour traiter en
leur nom ; le roi était bien disposé, mais le nou-
-.870 —
veau TAinistre Gouvion Saint-Cyr l'était beaucoup
moins bien ; et les alliés, les Autrichiens et les
Prussiens surtout, désiraient attaquer et anéantir
ces restes glorieux de la grande armée française
par laquelle ils avaient été si souvent battus. Us
suivaient doncla retraite des troupes sur la Loire
et parfois se montraient menaçants.
On parvint cependant à s'entendre et à conser-
ver une armée solide à la patrie, grâce à la sou-
mission des chefs qui comprirent qu'on ne devait
pas priver la France de pareils éléments de force
pour résister aux prétentions exorbitantes de Té-
tranger. Le roi lui-même avait déclaré qu'il ne
souffrirait pas l'humiliation du pays, et que si on
l'y forçait il se retirerait en Espagne avec ceux
de ses sujets qui voudraient le suivre.
Voici comment Vandamme raconte ce qui lui
est personnel, à partir de ce pioment jusqu'à son
retour à Cassel :
. « La convention militaire faite sous Paris nous
envoya sur la rive gauche de la Loire; nous étions
è notre seconde journée de marche, lorsque nous
apprenions la rentrée du roi dans sa capitale.
L'armée chargea des commissaires, qu'elle choisit
dans son sein, de se rendre auprès du roi; une
soumission entière fut rédigée et adressée à Paris.
La cocarde blanche fut arborée; comme les autres
généraux, je signai l'acte de soumission, et je
pris la couleur royale; j'engageai les officiers et
les soldats H Tobéissance. Ce langage, qui était
— 577 —
celui de la raison et d*un patriotisme pur, me ren-
dit suspect à quelques généraux et à plusieurs
officiers. On m'accusa- hautement d'avoir reçu
2 millions de francs pour livrer l'armée (1). Vers le
7 août j'étais à Limoges; je reçus Tordre de re-
mettre le commandement des 3® et 4® corps; je me
démis à l'instant même de toute espèce de pou-
voir , et j'allai habiter une petite maison de cam-
pagne que j'avais louée; j'y vécus très-retiré. Ma
femme et mon fils se disposaient à me rejoindre
dans cet ermitage, lorsque le préfet de Limoges
me prescrivit de sortir de son département dans
les vingt-quatre heures; j'ignorais le motif de cette
mesure; mais toujours obéissant, je quittai sans
délai ma nouvelle demeure, et je me dirigeai vers
Orléans; je fus à peine arrivé à Olivet, que le
préfet m'ordonna de partir de suite, et d'aller m'é-
tablir à Vierzon, c'est là que je suis maintenant
avec ma famille, attendant avec calme qu'il soit
prononcé sur mon sort.
« Au moment où je m'appliquais à surcharger
le moins possible les habitants qui recevaient l'ar-
mée de la Loire; au moment où je me montrais
soumis, où j'appelais toutes mes troupes à une
franche soumission; au moment où j'exécutais
(1) Malgré sa soumission au roi, Vandamme apprit bientôt
par la Gazette ot'ticielle du mardi 25 juillet, qu'il était compri&
dans les 38 proscrits delà seconde catégorie, internés dans rin-
térieur, eu attendant la décision des Chambres pour ceux qui
seraient jugés devoir sortir du royaume ou être poursuivis par
les tribunaux.
— 578 -
avec une religieuse exactitude tous les ordres qui
émanaient du gouvernement, les bruits les plus
mensongers, les plus absurdes, ont été répandus
sur mon compte avec une effrayante profusion.
Des journalistes ont prêté leur plume à cette œuvre
de l'iniquité la plus révoltante. Tantôt on annonce
que l'on vient de piller un château, et un instant
après on me fait paraître sur ce point-là même ;
plus tard on me représente comme un chef de parti;
une autre fois, c'est un homme qui, en mon nom,
lève des contributions dans les environs de
Brioude, menace, en cas de refus, de faire mettre
le feu au village, et de passer les habitants au
fil de l'épée; un autre jour on assure que j'étais
en fuite, mais que j'ai été arrêté sur le pont de Gha-
renton; dernièrement j'avais été pris à Paris. Ma
fortune a été souvent le prétexte de misérables dé-
clamations, on n'a cessé de me représenter comme
immensément riche, et Ton n'a pas manqué de
composer mes biens de dilapidations auxquelles
je m'étais livré. Depuis 22 ans je suis général, et
j'ai toujours eu des commandements assez impor-
tants, tout ce que je possède personnellement est
situé à Cassel, département du Nord, et se réduit à
quelques revenus modiques.
« J'aime à croire qu'un examen réfléchi de ma
conduite et les principes de justice détermineront
les Chambres à ne point diriger de poursuite con-
tre moi, et qu'elles me laisseront jouir, au sein de
ma famille, du repos auquel j'aspire; mais si,
contre toute attente, j'étais appelé devant les tri-
bunaux, qu'on ne pense pas que je veuille me
soustraire à leur action; je prouverai facilement
que je n'ai jamais été guidé que par Tamour de ma
patrie. Adonné au métier des armes, j'ai suivi ma
carrière avec loyauté, avec honneur; j'ai coopéré
à la gloire nationale. Mon nom n'est attaché à au-
cune de ces journées qui ont fait triompher ou dé-
choir les partis; je n'ai cessé de joindre au zèle du
citoyen l'obéissance du soldat : il m'a toujours
paru qu'il était de l'homme sage, de l'homme pru-
dent, de ne point fronder le gouvernement sous
lequel il était placé. »
Le 26 août, en effet, le baron de Flavigny, pré-
fet de Limoges , sur les ordres venus de Paris,
avait prescrit à Vandamme de choisir une rési-
dence autre que celle du département de la Haute-
Vienne, et au moins à trente lieues de Paris. Le
général s'était retiré à Olivet. Le 15 septembre le
baron de Talleyrand, préfet du Loiret, écrivit d'Or-
léans au comte Maison, gouverneur de la province,
pour lui faire observer que la présence de Van-
damme sur un point rapproché de la ligne de dé-
marcation fixée pour les cantonnements des trou-
pes alliées pouvait être dangereuse à la tranquil-
litédu département.
Ainsi traqué comme un malfaiteur, le général
partit pour Vierzon avec sa famille.
Un peu plus lard, en janvier 1816, Vandamme
obtint enfin de se retirer à Cassai, puis à Gand,
— S80 —
ville natale de sa femme. Main; il y était à peine éla-
bli que le ministre d'P^tat chargé do la surveillance
générale dans les provinces hollandaises lui fit
écrire par le gouverneur de la Flandre orientale
pour lui annoncer qu'il ne pouvait continuer à ré-
sidcr dans les'Etats du roi de Hollande ; on ajou-
tait que par faveur spéciale et en considération de
ce que la comtesse était née à Gand, on autorisait
le général à y rester jusqu'au 15 mai 1816.
En vain Vandamme fit des démarches pres-
santes pour avoir la faculté de rester à Gand. On
lui objecta la convention que le gouvernement des
Pays-Bas était obligé d'exécuter, qui ne permet-
tait pas la résidence dans le royaume aux 38 pros-
crits du 24 juillet 1815. Nous devons dire cepen-
dant que deux exceptions avaient été faites en
faveurdes généraux Lamarque et Lobau, Tun établi
à Amsterdam, Tautro dans le château de sa belle-
mère.
Fatigué de cette vie errante, Vandamme se dé-
cida alors à se rendre aux Etats-Unis, en atten-
dant que les affaires politiques ou une révolution
nouvelle en France lui permissent de revoir sa
patrie. 11 s'y rendit seul et se trouva bientôt en
relations avec les autres nombreux proscrits de
la grande armée qui s'étaient réfugiés sur le nou-
veau continent. Il retrouva là le frère aîné de
l'Empereur, le i*oi Joseph, avec lequel il ayait élc
fort lié et qui devint pour lui une ressource des
plus agréables.
Vaiidamme, d'un caractère généi^eux, ayant en-
core un peu d'aisance, quoique son château et ses
propriétés eussent été dévastés par les Cosaques en
1815, rendit beaucoup de services pécuniaires à
nombre de proscrits français pendant son séjour
en Amérique. Ce fut également en Amérique qu'il
revit son ancien chef le maréchal de Grouchy.
En juin 1819, il put quitter Philadelphie; il dé-
barqua au Havre, gagna Gand,mais sans passer
par Paris. En décembre, il obtint enfin de se rendre
dans cette ville, le roi ayant autorisé les personnes
dénommées dans l'article 2 de l'ordonnance du 24
juillet 1815 à rentrer en France, sous la seule con-
dition de prêter serment de fidélité au roi, à la
Charte et aux lois du royaume.
Voici une particularité assez curieuse du séjour
(le Vandamme aux Etats-Unis. Beaucoup d'offi-
ciers français réfugiés dans ce pays, n'ayant au-
cune ressource, avaient imaginé, pour subvenir
à leur existence, de fabriquer tant bien que mal
des meubles.
Le général acheta beaucoup de leurs produits au
poids de l'or pour avoir le moyen de faire du bien
à ses anciens frères d'armes en évitant de les hu-
milier par une aumône.
Il rapporta en France ces souvenirs de l'exil, et
aujourd'hui ils sont encore dans un pavillon que
la famille conserve en Zélande comme dépendance
de la concession faite à Vandamme par la généro-
sitdde l'Empereur.
- 5Hâ —
De IHiy à 1830, le général habita laiilot CasseK
laiilot Gand oii il était fort lié avec le prince de
Saxc-Weimar.
En 1815, Cassel avait été envahi par les Cosa-
ques. La comtesse, sontîls, et toute la famille de la
sœur du gtinéral, les Deswarte, aujourd'hui des-
cendants et héritiers du beau nom de Vandamme,
n'eurent que le temps de quitter la ville pour se
réfugier à Saint-Omer.
Une compagnie du 28^ de li.^ne protégea même
leur fuite et tua plusieurs cavaliers ennemis, mais
elle ne put empêcher la dévastation du château
et son pillage. Les glaces, les tapis, les meubles,
les tableaux furent enlevés ou brisés. L'habitation
fut occupée militairement.
Lorsqu'après 1820, Vandamme habitait Cassel,
il avait un grand plaisir à faire travailler les ou-
vriers et à les payer très-généreusement. Le géné-
ral avait conservé un peu de fortune de son an-
cienne splendeur et il en faisait le plus noble
usage, aussi était-il fort aimé dans le pays. L'hiver
il distribuait du pain, du bois, de l'argent. La
vieillesse était l'objet de toutes ses attentions. Les
travaux de son parc, la culture étaient les occu-
pations principales et favorites de celui qui, pen-
dant trente ans, n'avait connu que le fracas des
batailles. 11 avait conservé de sa vie militaire une
grande exactitude, une prodigieuse activité et une
certaine piédilection pour les discussions sur la
guerre et sur la politique. Il voyait un grand
nombre de ses anciens compagnons de gloire,
entre autres le général Gobrecht, son ancien et
fidèle aide de camp, enfant de Cassel, qui habitait
près de lui une campagne à proximité de la ville.
Les généraux Thevenet, Guilleminot étaient éga-
lement dans les environs.
C'est au milieu de sa famille et de ses amis,
occupé à Tagriculture, à Tamélioration de sa pro-
priété et en cherchant à faire le bien, à soulager
l'infortune que le bouillant Vandamme passa les
dernières années de sa vie. Il fut rétabli sur
les cadres de l'élat-major général, comme dis-
ponible, le 1^' avril 1820, prit sa retraite le
1®*" janvier 1825 et mourut à Gassel le 15 juil-
let 1830.
11 est enterré à Cassel. Son fils et sa femme re-
posent dans un caveau à Gand.
Le nom de Vandamme est inscrit sur le côté
nord de Tare de triomphe de l'Étoile et a été donné
récemment à une des grandes voies de Paris.
La vie du général Vandamme, considérée au
point de vue purement militaire, est une de celles
([ui méritent le plus d'être mises en relief.
Il n'est aucun des compagnons d'armes de cet
homme créé, on peut le dire, pour les combats
que l'on puisse lui préférer en raison des services
rendus, de l'intrépidité, de l'entente de la guerre
et des talents spéciaux au noble métier des ar-
mes.
Général au sortir de l'enfance, on ne saurait le
voir sans é Oiuu^ment.dès ses premiers pas dans la
carrière, i)rendre rallilude de rhomme vieilli son>
le harnais et habitué depuis longues années à
comniandcT, à guider des soldats et à obtenir de
leur part la jdus entière soumission.
Los premiers chefs des armées républicaines,
élevés subitement au faîte des grandeurs miUlaires
l)ar les hasards et les chances d'une révolution so-
ciale sans précédent dans Thistoire, avaient au
njoins presque tous fait leurs premières armes
dans des régiments, soit comme sous-oftîciers ,
soit comme officiers. Vandamme, lui, de simple
soldat passe sans transition au commandenienl
d'une compagnie franche qu'il organise, puis
d'un bataillon de volontaires qu'il électrise par son
exemple, auquel il communique le feu sacré. Il dc-
vitMit brusquement général de brigade, obtient des
commandements bien supérieurs à ceux d'un ofli-
cier (le ce grade. Il rend à la patrie des services mi-
litaires qu'on n'était pas en droit d'attendre d'un
homme si jeune , qu'on pouvait croire encore
inexpérimenté. Puis, comme si la fortune se las-
sant de le guider voulait lui faire payer ses pre-
mières faveurs, elle semble l'abandonner pendant
plusieurs années. En vain le général de brigade
Vandamme accumule services, actions d'éclats,
succès, rien ne peut lui faire obtenir ce grade
de divisionnaire qu'il voit donner, souvent sans
nul discernement, à des camarades bien loin d'à-
voir ses talents, son courage, bien loin surtout de
pouvoir montrer d'aussi belles actions de guerre
inscrites sur leurs états de service. II est ac-
cusé, calomnié, rejeté de Tarmée et ne par-
vient qu'avec peiae, au moyen de preuves irrécu-
sables, à prouver la fausseté de ce qu'on lui re-
proche.
C'est que Vandamrae a le caractère ardent,
loyal du soldat. Nul danger ne Tétonne et il ne
recule devant aucune vérité. Or, toute vérité n'est
pas toujours bonne à dire. Il l'éprouve souvent à
ses dépens, pendant le cours de son existence.
Vandamme a encore la mauvaise chance de ne
pas se trouver immédiatement sous les ordres du
jeune héros qui, à partir de 1796, prend en main
les destinées de la France, de l'homme auquel il'
voue par la suite une sorte de culte qui ne se dé-
ment jamais et qu'il a d'autant plus de mérite à
aimer qu'il a pour lui un respect mêlé de crainte.
• Mon cher, disait, en 1815, Vandamme à un
de ses compagnons de gloire, le général depuis
maréchal d'Ornano, un jour qu'ils montaient en-
semble l'escalier des Tuileries; — mon cher, ce
diable d'homme (et il parlait de l'Empereur) exerce
sur moi une fascination dont je ne puis me rendre
compte. C'est au point que moi qui ne crains ni
dieu ni diable, quand je l'approche je suis prêt à
trembler comme un enfant, il me ferait passer
— 5K6 —
par le trou d'une aiguille pour aller rae jeler au
feu. »
Or donc, Vandamme était aux armées d'Alle-
magne, lorsque Bonaparte combattait en Italie;
mais le jeune vainqueur de Lodi, devenu premier
consul, ne fut pas longtemps à connaître de répu-
tation et à apprécier un homme de guerre comme
Vandamme. En 1803 il rappelait au camp de Bou-
logne; en 1805, faveur insigne, il le nommait
grand-aigle sur le champ de bataille d*Austerlitz,
où la belle division du général et son chef s'é-
taient couverts de gloire.
Y avait-il un commandement difficile, une mis-
sion délicate pour laquelle il fallait l'homme le
plus énergique et le plus dévoué de Tarmée fran-
çaise? Aussitôt l'Empereur désignait son Van-
damme.
Il était nécessaire de prendre Magdebourg, eu
1806. « Faites marcher Vandamme, «dit Napoléon.
Unjeune prince abesoin d'un homme de guerre qui
puisse le seconder de ses talents et maintenir la
discipline dans un corps allié, enclin au pillage, on
envoie Vandamme avec ses talents pour l'un et sa
main de fer pour les autres. En 1809, il y a un
contingent dont on pourm tirer bon parti si un
général intrépide et habile sait le maintenir et le
faire marcher : Vandamme, toujours Vandamme.
Enfin, c'est lui à qui Napoléon destine encore en
1813, à deux reprises différentes, les deux plus
difficiles missions, la reprise de Hambourl^ Ta-
néanlissement des armées alliées baltues à
Dresde. Il reprend Hambourg, et s'il échoue à
Kulm, nous croyons l'avoir prouvé jusqu'à la der-
nière évidence, la faute en est à tout le monde,
excepté à lui.
En 1815, c'est encore Vandamme que Ton ex-
pédie à Dunkerqueoù Tona des craintes sérieuses
et où il faut un général énergique.
Il reçoit ensuite le . commandement d'un des
corps destinés à agir sous Napoléon, et malheu-
reusement ce dernier mal inspiré ne sait pas ré-
compenser ses services comme ils devaient l'être
après Ligny. Vandamme aide puissamment à ra-
mener Taile droite à Paris, par une marche hardie
et habile. Il dépose son épée parce qu'il le faut
pour le bien de la patrie, mais il conserve reli-
gieusement dans son cœur le souvenir et le culte
de l'homme auquel, comme nous l'avons dit, il a
voué son existence.
Vandamme est mort quelques mois trop tôt.
Peut-être, après juillet 1830, eût-il enfin obtenu
cette dignité suprême, ce bâton de maréchal, qui
toujours paraissant à portée de sa main, toujours
lui échappait au dernier instant.
Nous avons retracé l'existence de cet homme
qui brille du plus vif éclat dans l'histoire des
guerres de la Révolution et de TEmpire, nous n'a-
vons pas cherché à dissimuler ses défauts, nous
n'avons pas voulu exalter ses mérites. Nos ef-
forts ont tendu à ajouter une page vraie à nos
— 888 --
annales militaires ; c'est à son petit-neveu, officier
dans la garde du second empire, qu'incombe au-
jourd'hui la noble tâche de continuer les traditions
de gloire du grand nom de Vandamme.
TABLE DES MATIERES
DU DEUXI˻fE VOLUME.
Page
Livre vu. — De la On de 1799 au 24 mai 1800. — Vandamme replacé
à l'armée de Batavie. — Force et emplacement de^ cette armée.
— Combat du 27 août. — Rôle de Vandamme à la bataille du
10 septembre. — Bataille de Bergen (19 septembre). — Vigueur et
talent déployés par Vandamme. — On lui doit le succès de cette
journée. — Cent fusils donnés par Brune à Vandamme. — Bataille
du 2 octobre. — Bataille de Kastricum le 6. — Convention du 18.
— Congé de convalescence donné au général. — Il est appelé
en février 1800, à l'armée du Rhin, sous Lecourbe. — Com-
mencement des opérations le 25 avril. — Passage du fleuve
(le»" mai). — Batailles de Stockah, de Engen, de Moskirch
(13 mai). — Le général reçoit l'ordre de se rendre en Belgique
(23 mai 1800)
Livre viii. — 1800 à août 1806. — Affaire de Vandamme avec
Brime. — Macdonald demande le général à l'armée du Grisons,
où il est rappelé le 8 septembre 1800. — Son retour en France.
— Il prend le commandement de la 16* division. — Le premier
Consul à Lille, en 1803. — Vandamme au camp du Nord. —
Cixmp d'Outreau. — Séjour au camp. — La grande armée marche
vers l'Allemagne. — Passage du Rhin (27 septembre 1805). —
Marche sur le Danube. — Vandamme s'empare du pont deDona-
werth. — Passage du Lech. — Capitulation d'Ulm. — La divi-
«îion Vandamme entre à Munich, à Vienne. — Bataille d*Aus-
terlitz le 2 décembre. — Rôle brillant de la division Vandamme.
— Elle revient à Vienne. — Congé accordé au général (On de
juillet 1806)
Livre ix. — D'octobre 1806 à 1809. — Vandamme reçoit le com-
mandement d'une division du 6« corps. — Il investit Magde-
bourg (octobre 1806). — Il est envoyé au prince Jérôme, en
Silésie. — Siège de Ologau. ~~ Vandamme à la tête des Wur-
tcrnbopgeoiïî. — Siège de Breslau. — Vandamme et le prince
Jérôme. — Opérations du 9' corps «ulour de S-hweidnitz. — •
— 590 —
lJ«'lle eoiuluite de Vandamme devant celte place. — Dénions'.ra-
litui sur Glatz et Silbelberg. — Opérations devant Neiss. —
Siéj^e et bombardement. — Reddition. — Vandamme devant le
camp retranché de Glatz. — Vandamme reçoit le commande-
ment do la 16« division militaire. — Il est fait comte de l'em-
pire par décret du 19 mars 1808. — Il reçoit le commandement
du camp de Boulogne (IG août 180S) 16^
Livre x. — De mars 1809 à août 1811. — Vandamme est nommé
commandant en chef du contingent wurtembergeois formant
le 8« corps (mars 1800). — Morche de ce corps sur Donawerth
(avril). — Affaires dos 10 et âO à Abesberg. — Combat et ba-
taille d'Eckmiihl (âl et 2â avril). — Marche sur Braunau et
Lintz. — Corresponditnce de Vandamme avec Davoul et Ber-
nadotte. — Attaqu* du port de Lintz (17 mai). — Rapport df
Bernadotte à l'Empereur. —Vandamme à Ens {'iO mai). — Les
Wurtembergeoit let leur général en chef. — Le 8» corps chargé
de couvrir Vienne. — Affaire du 31 mai. — Le général cou\Te
le pont d'Ebersdorf, lo soir do Wagram. — Il est dirigé sur
(iraiz (15 juillet). — Affaire des généraux Wurtembcrgeoiiî
lluguel et de Woolwarth. — Vandamme quitte Iç commande-
ment du 8« corps, à Lintz (19 novembre).— Au camp de Bou-
logne (9 février 1810). — Affaires Mennevillc el tfarrazin
(mars et juin 1810) 258
Livre xi. — D'août 1811 à juin 1813. — Vandamme reçoit, le
ai août 1811, le commandement de la 14* division. — En 1812,
il est chargé du commandement du contingent westphalien
et arrive à Cassel le 8 mars. — * Les troupes du roi Jérôme
|8« corps) sont sous ses ordres. — Mésintelligence entre le roi
et Vandamme. — Jérôme retire au général son commandement
(8 juillet 1812). -~ Correspondance relative à cette affaire. —
Vandamme envoyé à Wcsel , et dans la 32* division militaire,
en mars 1813. — Les Danois. — Vandamme à Brème le l*' avril.
— Opérations devant Hambourg. — Réoccupalion de la ville.
— Documents 843
Livre xii. — De juin à la fin d'août 1813. — Vandamme est envoyé
dans le Mecklembourg, après la prise de Hambourg. — Ses
négociations avec Bernadotte. — Il a le commandement du
1er corps réuni autour de Dessau. — Composition et force des
armées belligérantes. — Plan de l'empereur et rt*)le destiné à
Vandamme. — Le général se rend, le 16, à Dresde, pour con-
férer avec Napoléon. — Le. l'» corps destiné à défendre à
outrance l'entrée des défllés de la Bohême (âO août 1813.i, pen-
dant la pointe de Napoléon. — Vandamme reçoit l'ordre d'oc-
cuper Pirna (25 août), de déboucher par Kœnigstein et de se
placer sur les lignes de retraite de l'ennemi. — Instruction que
lui donne l'Empereur. — Mouvement du l***" corps, le 26 août.
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Pages
— 'Journée duâ8: disposilions prises le malin par l'Empereur. —
Ordre donné à Vandammo à 4 1/â du soir. — Combat de Hel-
londorf. — Marche des maréchaux Marmont, Sainl-Cyr et de
Vandamme. — L'ennemi modifle sa retraite. — Combat du 29,
en avant de Kûlm.— Bataille du 30 août. — Récit de Vandamme.
— Rôle de Marmont, de Sainl-Cyr, de Mortier. — Leurs dé-
pêches. — Documents sur les affaires du 29 et du 80. —
Explications de la bataille de Kûlm. — Lettres de M. de Nor-
vins, du duc de Bassano, du général Haxo, de Vandamme. —
Réflexions. — Vandamme prisonnier 46C
Livre xiii et dernier. — De 1814 à 1815. — Vandamme revient
en France, en 1814. — 11 est calomnié. — Réfutation des accu-
sations portées contre lui. — Lettres qui lui sont écrites. —
11 est envoyé en mission extraordinaire dans le Nord, en
avril 1815, après le retour de l'Empereur. — Il est nommé pair
de France et reçoit le commandement du 3« corps de l'armée
du Nord. — Son entrée en campagne en juin 1815. — Combat
contre le général Ziethen (15 juin). — Bataille de Ligny (16 juin).
— Rôle de VanÛamme. — Marche sur WavTe (17). — Combat
de Wavre (18). — Retraite sur Namur et sur Paris (du 19 au
30 juin). — Armée de la Loire. — Vandamme proscrit. — Son
séjour à Limoges, Olivet, Vierzon, Gand, Philadelphie. — Son
retour en France (1819). — Dernières année% de sa vie. — Sa
mort en 1830 (15 juillet). — Coup d'oeil sur l'ensemble de sa
vit' militaire oM
FIN DU DEUXIÈME ET DKHNIER VOLUME.
Paris, iMpr. l'aul DUIH)XT, rue J.-J.-KouMeau, 41.